C/6984/2018

ACJC/912/2018 du 06.07.2018 sur SQ/556/2018 ( SQP ) , CONFIRME

Descripteurs : SÉQUESTRE(LP) ; APPRÉCIATION DES PREUVES
Normes : LP.271.al1.ch4; LP.272
Relations : sequestre (LP)
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/6984/2018 ACJC/912/2018

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREDI 6 JUILLET 2018

 

 

A______, c/o B______, [sise] ______, recourant contre une ordonnance de refus partiel de séquestre rendue par la 9ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 4 juin 2018, comparant en personne.

 


EN FAIT

A. a. Par requête déposée le 28 mars 2018 au greffe du Tribunal de première instance, A______, représenté par B______, a requis le séquestre de la créance en salaire, y compris 13ème salaire et gratifications, de C______, domiciliée en France, auprès de son employeur, "D______", [à l'adresse] ______ [GE].

Il a fait valoir neuf créances qui totalisent plus de 342'000 fr., se fondant pour trois d'entre elles sur une ordonnance d'injonction de payer rendue par le Tribunal d'Instance de ______ (France) le 6 juin 2012 et pour le reste sur trois contrats de prêt nos 1______, 2______ et 3______. A cet égard, A______ a allégué que C______ et son époux, E______, avaient conclu ces prêts pour l'acquisition d'un bien immobilier. Après la vente de celui-ci, il avait mis en demeure les époux C______/E______ de rembourser le solde des trois prêts, plus intérêts, soit
269'332.68 euros.

A l'appui de sa requête, A______ a notamment produit les pièces suivantes :

-          l'ordonnance d'injonction de payer du Tribunal d'Instance de ______ [France] du 6 juin 2012 portant sur les sommes dues en vertu du contrat de prêt
n° 4______ (2'417.30 euros, plus intérêts au taux légal dès le 31 mars 2012), celui n° 5______ (1'882.78 euros, plus intérêts au taux légal dès le 31 mars 2012) et celui n° 6______ (15'060.25 euros, plus intérêts au taux légal dès le 31 mars 2012) et l'acte de notification de cette ordonnance à C______, dont le coût était de 82.51 euros;![endif]>![if>

-          les trois contrats de prêt nos 1______, 2______ et 3______ conclus le 31 mars 2006 entre C______ et E______, d'une part, et A______, d'autre part. Celui
n° 1______ portait sur une somme de 221'278.79 euros, celui n° 2______ sur un montant de 73'523.74 euros et celui n° 3______ sur une somme de 88'254.21 euros, soit un total de 383'056.74 euros; ![endif]>![if>

-          deux courriers du 25 septembre 2014, l'un adressé à C______ et l'autre à E______, par lesquels A______ les informait que suite à la vente judiciaire de leur bien immobilier, il avait perçu un montant de 250'056.42 euros. Il leur réclamait donc le remboursement de la somme de 269'332.68 euros, correspondant au solde des trois prêts, plus intérêts, après déduction de la somme perçue de ladite vente; ![endif]>![if>

-          les annexes de ce courrier, soit les décomptes des sommes dues (solde et intérêts) au 15 octobre 2014 établis par A______;![endif]>![if>

-          une ordonnance de séquestre rendue le 1er mars 2017 par le Tribunal de première instance et un procès-verbal du même jour d'exécution dudit séquestre, lesquels mentionnent que l'employeur de C______ lui versait un revenu mensuel net de 5'930 fr. 85, et que la retenue imposée correspondait à 1'004 fr. par mois, ainsi qu'à l'intégralité du 13ème salaire, des commissions et des gratifications.![endif]>![if>

b. Par ordonnance SQ/339/2018 du 12 avril 2018, le Tribunal a rejeté la requête de séquestre, au motif que A______ n'avait pas rendu vraisemblable l'existence de biens appartenant à C______ à l'adresse indiquée.

c. Par arrêt ACJC/639/2018 du 22 mai 2018, la Cour de justice a annulé l'ordonnance précitée et renvoyé la cause au Tribunal pour nouvelle décision, admettant le grief de formalisme excessif invoqué par A______ dans son recours.

d. Par ordonnance SQ/556/2018 du 4 juin 2018, reçue le 7 juin 2018 par A______, le Tribunal a ordonné au bénéfice de ce dernier le séquestre à l'encontre de C______ de la part saisissable de son salaire (y compris le 13ème salaire et toutes gratifications) auprès de son employeur, soit « D______, [à l'adresse] ______ [GE] », à concurrence de 6'135 fr. (chiffre 1 du dispositif), rejeté la requête de séquestre pour le surplus (ch. 2), mis les frais judiciaires à charge de C______ à raison de 1/20ème (ch. 3), arrêté ceux-ci à 750 fr., en les compensant avec l'avance de frais fournie (ch. 4), condamné en conséquence C______ à verser au A______ la somme de 37 fr. 50 à titre de restitution partielle de l'avance de frais fournie (ch. 5), arrêté les dépens à 5'000 fr. (ch. 6) et condamné C______ à payer la somme de 250 fr. à titre de dépens (ch. 7).

Le Tribunal a notamment considéré que le recourant n'avait pas rendu vraisemblable le montant des créances issues des prêts nos 1______, 2______ et 3______, ainsi que les intérêts afférents. Le recourant n'ayant pas produit le décompte de la vente judiciaire du bien immobilier, le montant recouvré grâce à cette vente n'était pas rendu vraisemblable et, partant, le solde des prêts. Le courrier de mise en demeure du 25 septembre 2014 n'avait pas plus de portée qu'un allégué.

B. Par acte expédié le 8 juin 2018 au greffe de la Cour, A______ recourt contre cette ordonnance, dont il sollicite la modification, en ce sens que la vraisemblance des montants dus en vertu des prêts nos 1______, 2______ et 3______, soit admise. Il conclut ainsi à ce que la Cour statue sur le fond ou renvoie la cause au Tribunal pour nouvelle décision, avec suite de dépens.

Il produit des pièces nouvelles, soit sa requête en séquestre du 16 novembre 2015 à l'encontre de E______ (pièce n° 3) et son bordereau de pièces (n° 4), un courrier du Tribunal du 22 janvier 2016 (n° 5), l'ordonnance de séquestre n° 7______ du 21 janvier 2016 rendue à l'encontre de E______ et le procès-verbal de non-lieu de séquestre afférent (n° 6).

EN DROIT

1. 1.1 En matière de séquestre, la procédure sommaire est applicable
(art. 251 let. a CPC).

Contre une décision refusant un séquestre, qui est une décision finale en tant qu'elle met fin à l'instance d'un point de vue procédural, seul le recours est ouvert (art. 309 let. b ch. 6 et 319 let. a CPC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_508/2012 du 28 août 2012 consid. 3.2; Hohl, Procédure civile, tome II, 2010, n. 1646).

1.2 Le recours, écrit et motivé, doit être formé dans un délai de dix jours à compter de la notification de la décision (art. 321 al. 1 et 2 CPC).

Déposé selon la forme et le délai prescrits, le recours est recevable.

2. 2.1 La cognition de la Cour est limitée à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

Ainsi, l'autorité de recours n'examine que les constatations de fait critiquées par le recourant et dont celui-ci démontre qu'elles sont manifestement inexactes, c'est-à-dire arbitraires (Hohl, op. cit., n° 2307 p. 422, n° 2510 p. 452 et n° 2515 p. 453). A défaut de ces précisions, l'autorité de recours n'examine la violation du droit qu'à partir des faits constatés par le premier juge (Tappy, Les voies de droit du nouveau Code de procédure civile, in JdT 2010 III p. 115 ss, p. 158).

2.2 La procédure de séquestre est soumise dans toutes ses phases à la maxime de disposition et à la maxime des débats (art. 58 al. 2 CPC; art. 255 CPC a contrario).

2.3 Au stade de la requête et de l'ordonnance de séquestre, la procédure est unilatérale et le débiteur n'est pas entendu (art. 272 LP; ATF 133 III 589 consid.1; Hohl, op. cit., n° 1637 p. 299).

Dans le cadre du recours contre l'ordonnance de refus de séquestre, la procédure conserve ce caractère unilatéral, car, pour assurer son efficacité, le séquestre doit être exécuté à l'improviste; partant, il n'y a pas lieu d'inviter C______ à présenter ses observations (ATF 107 III 29 consid. 2 et 3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_344/2010 du 8 juin 2010 consid. 5, in RSPC 2010 p. 400, et 5A_279/2010 du 24 juin 2010 consid. 4).

3. Dans le cadre du recours, les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC).

Les dispositions spéciales réservées par la loi (art. 326 al. 2 CPC) n'entrent pas en ligne de compte, dès lors qu'elles concernent essentiellement les recours contre les jugements de faillite (art. 174 LP) ainsi que les recours sur opposition au séquestre (art. 278 al. 3 LP; Message du Conseil fédéral relatif au Code de procédure civile (CPC), FF 2006 6841, p. 6986; Freiburghaus/Afheldt, in Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung (ZPO), 2013, n° 4 ad art. 326 CPC; Brunner, in Kurzkommentar ZPO, 2013, n° 4 ad art. 326 CPC; ACJC/11/2016 du 6 janvier 2016 consid. 3).

Il s'ensuit que les pièces nouvelles produites par le recourant, ainsi que les faits qui s'y rapportent, sont irrecevables.

4. Le recourant reproche au premier juge d'avoir fait preuve de formalisme excessif en considérant qu'il n'avait pas rendu vraisemblable le montant des créances issues des prêts nos 1______, 2______ et 3______.

4.1.1 Aux termes de l'art. 271 al. 1 ch. 4 LP, le créancier d'une dette échue et non garantie par gage peut requérir le séquestre des biens du débiteur qui se trouvent en Suisse lorsque le débiteur n'habite pas en Suisse et qu'il n'y a pas d'autre cas de séquestre, pour autant que la créance ait un lien suffisant avec la Suisse ou qu'elle se fonde sur une reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 al. 1 LP.

En vertu de l'art. 272 al. 1 LP, le séquestre est autorisé par le juge du for de la poursuite ou par le juge du lieu où se trouvent les biens, à condition que le créancier rende vraisemblable que sa créance existe (ch. 1), qu'on est en présence d'un cas de séquestre (ch. 2) et qu'il existe des biens appartenant au débiteur (ch. 3).

4.1.2 Les faits à l'origine du séquestre doivent être rendus simplement vraisemblables (art. 272 LP; Stoffel/Chabloz, Commentaire romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 7 et 11 ad art. 278 LP). Tel est le cas lorsque, se fondant sur des éléments objectifs, le juge acquiert l'impression que les faits pertinents se sont produits, mais sans qu'il doive exclure pour autant la possibilité qu'ils se soient déroulés autrement (ATF 138 III 232 consid. 4.1.1; en général: cf. ATF 130 III 321 consid. 3.3; Stoffel/Chabloz, op. cit., n° 3 ad art. 272 LP).

A cet effet, le créancier séquestrant doit alléguer les faits et produire un titre (art. 254 al. 1 CPC) qui permette au juge du séquestre d'acquérir, au degré de la simple vraisemblance, la conviction que la prétention existe pour le montant énoncé et qu'elle est exigible (ATF 138 III 636 consid. 4.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_877/2011 du 5 mars 2012 consid. 2.1).

Compte tenu des effets rigoureux du séquestre, il n'est pas arbitraire d'user d'une appréciation sévère pour l'examen de la vraisemblance (Chaix, Jurisprudences genevoises en matière de séquestre, in SJ 2005 II 363; Gillieron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, 2003, n° 27
ad art. 278 LP).

Les documents librement confectionnés par l'une des parties au procès sont sujets à caution et n'ont a priori pas plus de valeur que de simples allégations de cette partie (arrêt du Tribunal fédéral 4A_578/2011 du 12 janvier 2012 consid. 4).

En particulier, la simple production d'une facture, d'un relevé de prestations ou d'un autre document produit unilatéralement par le créancier n'est pas suffisante pour rendre vraisemblable la créance (Bauer, BSK SchKG BE, 2017, n° 8b ad art. 272 LP).

4.2 En l'espèce, le recourant a fondé sa requête de séquestre, s'agissant des prêts nos 1______, 2______ et 3______, sur les contrats y afférents, son courrier de mise en demeure du 25 septembre 2014 et les pièces jointes à celui-ci, soit les décomptes des sommes établies par lui au 15 octobre 2014.

Ce courrier, ainsi que ces annexes, font état d'un recouvrement de créance à hauteur de 250'056.42 euros, provenant de la vente judiciaire du bien immobilier de la débitrice. Ce montant ne ressort toutefois d'aucune autre pièce du dossier. Comme retenu par le premier juge, le courrier de mise en demeure du recourant, et ses décomptes, ne valent qu'allégation de partie. Ces pièces, seules, ne peuvent donc pas suffire à rendre plausible le solde des prêts encore dû et les intérêts afférents. Le recourant pouvait aisément produire d'autres pièces pour rendre vraisemblable le montant perçu de la vente judiciaire du bien immobilier, soit le décompte de celle-ci ou encore une attestation du virement perçu à ce titre, ce qu'il n'a pas fait.

Conformément aux principes rappelés supra, le premier juge a, à raison, fait preuve de rigueur dans l'examen de la vraisemblance du montant de la créance alléguée compte tenu des effets sévères du séquestre, qui plus est sur le salaire de la débitrice. Le grief invoqué de formalisme excessif est donc infondé.

Partant, le recours sera rejeté.

5. Les frais judiciaires du recours seront arrêtés à 1'125 fr. (art. 48 et 61 al. 1 OELP). Ils seront mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront entièrement compensés avec l'avance de frais, d'un montant correspondant, fournie par celui-ci, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 8 juin 2018 par A______ contre l'ordonnance SQ/556/2018 rendue le 4 juin 2018 par le Tribunal de première instance dans la cause C/6984/2018-9 SQP.

Au fond :

Rejette ce recours.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 1'125 fr., les met à la charge de A______, et les compense entièrement avec l'avance de frais, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Fatina SCHAERER, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Fatina SCHAERER

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.