C/7496/2015

ACJC/579/2015 du 19.05.2015 sur SQ/141/2015 ( SQP ) , CONFIRME

Descripteurs : SÉQUESTRE(LP); DEGRÉ DE LA PREUVE; GAGE; DROIT DE RÉTENTION
Normes : LP.271.1.4; LP.82.1; LP.272.1; CC.895.1; LRA.1.1; LRA.4
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/7496/2015 ACJC/579/2015

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du MARDI 19 MAI 2015

 

A______, sise ______ (Lucerne), recourante contre une ordonnance de refus de séquestre rendue par la 4ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 15 avril 2015, comparant par Me Olivier Carrard, avocat, CMS von Erlach Poncet SA, rue Bovy-Lysberg 2, case postale 5824, 1211 Genève 11, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A.            a. Par requête déposée le 15 avril 2015 au Tribunal de première instance
(ci-après : le Tribunal), A______ a requis le séquestre, à concurrence de 1'105'534 fr. 50, plus intérêts à 5% dès le 11 mars 2015, de l'aéronef B______, numéro de série 1______, immatriculé en D______ sous la référence 2______, se trouvant sur le tarmac de l'aéroport international de Genève sis 21, route de l'Aéroport, 1218 Grand-Saconnex, et la dispense de fournir des sûretés.![endif]>![if>

A l'appui de sa requête, A______ a indiqué avoir effectué, à la demande de C______, société ayant son siège dans le pays E______, de nombreux travaux de maintenance sur l'aéronef précité pour lesquels elle avait établi trois factures, pour un montant total de 818'624 fr. Celles-ci n'ayant pas été réglées par C______, elle avait arrêté les travaux de maintenance et placé l'aéronef à l'extérieur de son propre hangar, situé à l'aéroport de Genève. Aucun paiement n'était intervenu par la suite, de sorte que C______ était redevable de la somme de 1'105'534 fr. 50.

Elle a produit des pièces.

b. Par ordonnance du 15 avril 2015 (SQ/141/2015), reçue le 17 avril 2015 par A______, le Tribunal a refusé le séquestre requis, motif pris du droit de rétention de A______ sur l'aéronef, celle-ci étant possesseur légitime de celui-ci.

B. a. Par acte déposé le 27 avril 2015 au greffe de la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______ a formé recours contre cette ordonnance, sollicitant son annulation. Elle a conclu au prononcé du séquestre requis et à la dispense de fournir des sûretés.

Elle a précisé que l'avion était toujours stationné devant son hangar situé sur le tarmac de l'aéroport de Genève.

b. Par avis du 8 mai 2015, A______ a été avisée de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 En matière de séquestre, la procédure sommaire est applicable (art. 251
let. a CPC).

Contre une décision refusant un séquestre, qui est une décision finale en tant qu'elle met fin à l'instance d'un point de vue procédural (cf., à tout le moins par analogie et en application de la LTF, ATF 133 III 589 consid. 1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_279/2010 du 24 juin 2010 consid. 1), seul le recours est ouvert (art. 309 let. b ch. 6 et 319 let. a CPC; Hohl, Procédure civile, tome II, 2010, n. 1646).

1.2 Le recours, écrit et motivé, doit être formé dans un délai de dix jours à compter de la notification de la décision (art. 321 al. 1 et 2 CPC).

Déposé selon la forme et le délai prescrits, le présent recours est recevable.

2. 2.1 La procédure de séquestre est soumise dans toutes ses phases à la maxime de disposition et à la maxime des débats (art. 58 al. 2 CPC; art. 255 CPC a contrario).

2.2 Au stade de la requête et de l'ordonnance de séquestre, la procédure est unilatérale et le débiteur n'est pas entendu (art. 272 LP; ATF 133 III 589 consid. 1; Hohl, op. cit., n. 1637 p. 299).

Dans le cadre du recours contre l'ordonnance de refus de séquestre, la procédure conserve ce caractère unilatéral, car, pour assurer son efficacité, le séquestre doit être exécuté à l'improviste; partant, il n'y a pas lieu d'inviter C______ à présenter ses observations, ce qui ne constitue pas une violation de son droit d'être entendu (ATF 107 III 29 consid. 2 et 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_344/2010 du 8 juin 2010 consid. 5, in RSPC 2010 p. 400, et 5A_279/2010 du 24 juin 2010 consid. 4).

L'art. 322 CPC est par conséquent inapplicable dans un tel cas.

2.3 Le degré de preuve est limité à la vraisemblance (art. 272 LP; Stoffel/Chabloz, Commentaire romand, Poursuite et faillite, 2005, n. 7 et 11 ad art. 278 LP). Il suffit ainsi que l'autorité, se fondant sur des éléments objectifs, acquière l'impression que les faits pertinents se sont produits, mais sans qu'elle doive exclure pour autant la possibilité qu'ils se soient déroulés autrement (ATF 130 III 321 consid. 3.3; arrêts du Tribunal fédéral 4A_312/2009 du 23 septembre 2009 consid. 3.6.1, 5A_34/2007 du 11 septembre 2007 consid. 2.1 et 5P.374/2006 du 13 octobre 2006 consid. 4.1; Stoffel/Chabloz, op. cit., n. 3 ad art. 272 LP). Une simple allégation ou contestation ne suffisent pas, mais doivent reposer sur des indices concrets ou être matérialisées par des documents (Willi, Glaubhaftmachung und Glaubhaftmachungslast, in Sic ! 2011, p. 215 ss, p. 216).

3. La juridiction de recours doit statuer sur un état de fait identique à celui soumis au Tribunal (Chaix, L'apport des faits au procès, in SJ 2009 II 267; Hofmann/Luscher, Le code de procédure civile, 2ème ed. 2015, p. 202). Partant, pour examiner si la loi a été violée, la Cour de justice doit se placer dans la situation où se trouvait le premier juge lorsque celui-ci a rendu la décision attaquée.

Le recours est recevable pour violation du droit ou constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

En d'autres termes, l'autorité de recours n'examine que les constatations de fait critiquées par le recourant et dont celui-ci démontre qu'elles sont manifestement inexactes, c'est-à-dire arbitraires (Hohl, op. cit., n. 2307 p. 422, n. 2510 p. 452 et n. 2515 p. 453). A défaut de ces précisions, l'autorité de recours n'examine la violation du droit qu'à partir des faits constatés par le premier juge (Tappy, Les voies de droit du nouveau Code de procédure civile, in JdT 2010 III p. 115 ss, p. 158).

4. 4.1 Aux termes de l'art. 271 al. 1 ch. 4 LP, le créancier d'une dette échue et non garantie par gage peut requérir le séquestre des biens du débiteur qui se trouvent en Suisse lorsque le débiteur n'habite pas en Suisse et qu'il n'y a pas d'autre cas de séquestre, pour autant que la créance ait un lien suffisant avec la Suisse ou qu'elle se fonde sur une reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 al. 1 LP.

La notion de gage englobe tous les droits préférentiels du droit civil au sens large et inclut aussi bien les gages immobiliers que les gages mobiliers, y compris les droits de rétention (art. 895 CC) et la réserve de propriété (Stoffel/Chabloz, op. cit., n. 28 ad art. 271 LP).

Le requérant au séquestre peut, pour obtenir l'autorisation de séquestre, renoncer expressément à son droit de gage (Gilliéron, Poursuite pour dettes, faillite et concordat, 5è éd., 2012, n. 2235), même s'il n'y a, en pratique, aucun intérêt, car le séquestre ne lui confère aucun droit de préférence, sinon celui relatif aux frais de l'ordonnance et de l'exécution du séquestre (Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, 2003, n. 28 ad art. 271 LP).

En vertu de l'art. 272 al. 1 LP, le séquestre est autorisé par le juge du for de la poursuite ou par le juge du lieu où se trouvent les biens, à condition que le créancier rende vraisemblable que sa créance existe (ch. 1), qu'on est en présence d'un cas de séquestre (ch. 2) et qu'il existe des biens appartenant au débiteur (ch. 3). A teneur de l'al. 2, lorsque le créancier est domicilié à l'étranger et qu'il n'a pas élu domicile en Suisse, il est réputé domicilié à l'Office des poursuites.

4.2 Il y a lieu de vérifier en premier lieu si le séquestre sur le bien visé n'est pas exclu de par la loi.

4.2.1 A teneur de l'art. 895 al. 1 CC, le créancier qui, du consentement du débiteur, se trouve en possession de choses mobilières ou de papiers-valeurs appartenant à ce dernier, a le droit de les retenir jusqu'au paiement, à la condition que sa créance soit exigible et qu'il y a ait un rapport naturel de connexité entre elle et l'objet retenu.

Le droit de rétention permet au créancier qui est en possession d'un bien appartenant au débiteur, de retenir ce bien et de le faire réaliser en cas d'inexécution de la créance (Steinauer, Les droits réels, Tome I, 5ème éd., 2012, n. 44).

Le rapport de connexité est notamment réalisé lorsque la créance et la possession de la chose ont leur origine dans un même rapport de droit (Steinauer, op. cit., Tome III, 4ème éd. 2012, n. 3191d).

Le droit de rétention ne peut s'exercer sur des choses qui, de leur nature, ne sont pas réalisables (art. 896 al. 1 CC). Il ne naît point, s'il est incompatible soit avec une obligation assumée par le créancier, soit avec les instructions données par le débiteur lors de la remise de la chose ou auparavant, soit avec l'ordre public (art. 896 al. 2 CC).

A teneur de l'art. 1 al. 1 de la Loi fédérale sur le registre des aéronefs
(LRA - RS 748.217.1), celle-ci est applicable à tous les aéronefs suisses inscrits au registre des aéronefs.

Ladite loi est applicable par analogie aux aéronefs étrangers, compte tenu des accords internationaux (art. 2 al. 1 LRA).

Le registre est public et quiconque peut demander à en prendre connaissance ou à s'en faire délivrer des extraits légalisés (art. 13 al. 1 et 2 LRA).

Selon la Convention relative à la reconnaissance internationale des droits sur aéronefs conclue à Genève le 19 juin 1948 (RS 0.748.217.1), les Etats contractants s'engagement à reconnaître l'hypothèque, le "mortgage" et tout droit similaire sur un aéronef créé conventionnellement en garantie du paiement d'une dette, à condition que de tels soient constitués conformément à la loi de l'Etat contractant où l'aéronef est immatriculé lors de leur constitution, et régulièrement inscrits sur le registre publique de l'Etat contractant où l'aéronef est immatriculé (art. 1 al. 1 let. d de la Convention). La Roumaine et la Suisse sont parties à la Convention.

Pour les aéronefs étrangers, les inscriptions opérées dans un registre public d'un autre Etat contractant sont traitées de la même manière que celles inscrites en Suisse, et la loi suisse s'applique par analogie aux aéronefs portés sur un tel registre (Circulaire n° 35 du Tribunal fédéral aux autorités cantonales supérieures de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite, pour elles-mêmes, les autorités inférieures de surveillance, les offices de poursuites et faillite, ainsi que les administrations spéciales de la faillite et les liquidateurs chargés de l'exécution d'un concordat par abandon d'actif, du 16 octobre 1961, FF 1961,
p. 968).

La propriété et les droits de gage sur les aéronefs sont inscrits au registre des aéronefs (art. 4 LRA). La demande d'inscription d'un aéronef au registre doit être présentée par écrit (art. 8 al. 1 LRA). L'inscription est facultative (Oftinger/Bär, Zürcher Kommentar, Das Sachenrecht, Das Fahrnispfand, 1981, n. 64
ad art. 884 CC).

Un droit de rétention, un nantissement ou un droit de gage légal autres que ceux prévus dans la LRA ne peuvent être constitués sur des aéronefs et des pièces de rechange (art. 51 LRA). Ainsi, un droit de rétention ne peut être exercé sur un aéronef immatriculé au registre des aéronefs (Steinauer, op. cit., Tome III, n. 3193e). Un droit de rétention est en revanche possible pour les aéronefs non inscrits (Oftinger/Bär, op. cit., n. 32 ad art. 896 CC), ou dont l'inscription a été radiée, lesquels suivent le régime applicable aux choses mobilières ordinaires (Foëx, Droit aérien et maritime, in Rapports suisses présentés au XIXe Congrès international de droit comparé, 2014, p. 272; Circulaire n° 35 du Tribunal fédéral, op. cit., p. 967 et 968).

En définitive, la LRA est applicable uniquement aux aéronefs suisses inscrits au registre des aéronefs, respectivement aux aéronefs étrangers qui sont immatriculés dans un Etat étranger signataire de la Convention (et inscrits au registre de ce pays), ou dans un autre Etat étranger, pour autant que le droit de gage y ait été inscrit dans un registre ad hoc (Garbarski/Lembo, Saisie conservatoire ou séquestre LP d'un aéronef ?, in PJA 2010 p. 1578).

4.2.2 Dans le cas d'espèce, lors du dépôt de la requête de séquestre, l'aéronef se trouvait devant le hangar de la recourante, soit en sa possession, selon les allégations de celle-ci. Il apparaît vraisemblable que la créance de la recourante était exigible et se trouvait dans un rapport de connexité naturel avec l'objet retenu, basé sur un contrat conclu entre la recourante et la propriétaire de l'avion.

Cela étant, la recourante n'a ni allégué ni rendu vraisemblable que l'avion litigieux serait inscrit au registre des aéronefs, que ce soit en Suisse ou dans son pays d'immatriculation, soit la D______. La LRA n'est ainsi, en l'état et en l'absence d'élément contraire, pas applicable au présent cas. Il s'ensuit que l'interdiction relative au droit de rétention d'un avion inscrit au registre ne trouve pas application. Le droit de rétention n'est de plus pas contraire à l'ordre public.

La recourante n'a pas allégué, ni d'ailleurs rendu vraisemblable, qu'elle ait expressément ou tacitement renoncé à son droit de rétention sur l'avion. Le séquestre n'était dès lors pas possible, ce que le premier juge a retenu à bon droit.

Compte tenu des éléments qui précèdent, la Cour se dispensera d'examiner les autres conditions du séquestre prévues aux art. 271 al. 1 ch. 4 et 272 LP.

4.3 Infondé, le recours sera rejeté.

5. Les frais judiciaires du recours seront arrêtés à 2'250 fr. (art. 48 et 61 al. 1 OELP) et mis à la charge de la recourante qui succombe dans ses conclusions (art. 105 al. 1 et 106 al. 1 CPC). Ils seront entièrement compensés avec l'avance de frais, d'un montant correspondant, fournie par cette dernière, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

6. La présente décision constitue une décision finale et est susceptible d'un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral; seule peut être invoquée la violation de droits constitutionnels (art. 98 LTF) (arrêt du Tribunal fédéral 5A_866/2012 du 1er février 2013 consid. 1 et 2).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 27 avril 2015 par A______ contre l'ordonnance SQ/141/2015 rendue le 15 avril 2015 par le Tribunal de première instance dans la cause C/7496/2015-4 SQP.

Au fond :

Le rejette.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 2'250 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance de frais du même montant fournie par celle-ci, acquise à l'Etat.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Nathalie LANDRY-BARTHE et Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Céline FERREIRA, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Céline FERREIRA













Indication des voies de recours
:

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.