C/8060/2014

ACJC/114/2015 du 06.02.2015 sur OSQ/47/2014 ( SQP ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 13.03.2015, 5A_216/2015
Descripteurs : OPPOSITION(PROCÉDURE); ORDONNANCE DE SÉQUESTRE; NOVA; ABUS DE DROIT; CAS DE SÉQUESTRE; PERSONNE MORALE; FUITE
Normes : LP.278; LP.271
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/8060/2014 ACJC/114/2015

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREDI 6 FEVRIER 2015

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ Monaco, recourante contre un jugement rendu par la 1ère Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 20 octobre 2014, comparant par Me Philippe Ciocca, avocat, avenue C.-F. Ramuz 80, 1009 Pully, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______, c/o C______, ______ Genève, intimée, comparant par Me Alexandre Böhler, avocat, rue des Battoirs 7, case postale 284, 1211 Genève 4, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. a. La société B______, inscrite au Registre du commerce de Genève le ______ 2009, a pour but social la "gestion et administration de patrimoines (…) en particulier celui du Domaine D______, regroupés dans le cadre des structures formant un domaine familial, gestion, administration et organisation du personnel de maison nécessaire à ces structures, ainsi que tous services liés à ces activités".

Son capital social, entièrement libéré, est de 100'000 fr. Jusqu'au 19 juin 2013, ses administrateurs ont été E______ et F______, lesquels ont été remplacés par G______. Dès le 6 janvier 2014, H______ est devenu administrateur unique de la société.

Jusqu'au 3 novembre 2014, B______ a eu son siège social à Genève, "c/o C______". Dès cette date, ce siège a été transféré à ______, "c/o I______".

B______ a été fondée par J______, propriétaire des parcelles n° 1______ et 2______ de la commune de K______, à Genève, situées au lieu-dit "L______". Ces parcelles comportent notamment une maison de maître et un bâtiment annexe habitable.

J______ était actionnaire unique de la société.

b. J______ est décédé le ______ 2013 à Monaco où il était domicilié depuis 2009 avec sa compagne, A______.

Il a laissé deux testaments, datés du 29 décembre 2012, numérotés I et II. A teneur du testament I, lequel a vocation de régler le sort de l'entier de sa succession à l'exception de celui de la propriété "L______", il a institué comme seuls héritiers, à parts égales, ses enfants M______ et N______.

A teneur du testament II, il a également institué à parts égales ses deux enfants comme héritiers de sa propriété de K______. Ce document précise en outre ce qui suit : "Mes héritiers auront la charge de vendre l'immeuble susmentionné, s'ils le désirent, dans un délai et des conditions qui seront déterminées par ma compagne Mme A______ qui pourra résider à O______ le temps qu'il lui plaira. J'institue Mme A______ exécutrice testamentaire du présent testament, qualité qui sera mentionnée au Registre Foncier. Mme A______ qui s'est occupée de toute la restauration, mise en valeur et décoration de l'immeuble, aura notamment le pouvoir de gérer et administrer l'immeuble, y compris de procéder au paiement des frais et dépenses y relatives, à l'aide du compte bancaire utilisé à cet effet jusqu'à présent et sur lequel elle aura un pouvoir de signature individuelle. Mme A______ aura aussi le pouvoir de procéder à la vente de l'immeuble et au partage du produit de la vente entre mes héritiers, ainsi que de représenter l'Hoirie à l'égard des banques et des autorités administratives".

c. Jusqu'au décès de J______, B______ employait huit personnes à plein temps chargées de l'entretien du domaine, à savoir une femme de ménage, une lingère, un majordome, trois employés de maison, un jardinier et une femme de chambre et supportait les charges du domaine. Le montant total de ces frais s'élevait à environ 800'000 fr. par an, auquel s'ajoutait les frais de sécurité.

La société n'avait aucune activité génératrice de revenus et était entièrement financée par les versements opérés par son actionnaire unique.

d. Le 23 mai 2013, M______ et N______ ont conclu une convention de partage partiel de la succession prévoyant que les frais d'entretien indispensables à la conservation du domaine D______ seraient à l'avenir directement pris en charge par leurs soins, à raison d'une moitié chacun. Ces frais comprenaient, outre les charges de l'immeuble telles qu'assurances, chauffage, impôts, etc., le salaire de trois employés logés sur place.

B______ licencié tous ses employés pour le 31 août 2013. Entre décembre 2013 et mars 2014, elle a signé avec les employés en question des conventions d'indemnisation relatives notamment au paiement de leurs arriérés de salaire.

Certains employés ont par ailleurs formé des prétentions en paiement d'heures supplémentaires, que B______ a contestées, ce qui a donné lieu à l'engagement de procédures prud'homales. Des accords ont été conclus en août 2014 avec trois anciens employés par devant l'Autorité de conciliation de la Juridiction des prud'hommes.

e. Depuis le décès de J______, un intense litige oppose A______ à M______ et N______.

Les parties se sont opposées, et s'opposent toujours, dans le cadre de plusieurs procédures de nature civile et pénale.

f. Par courrier du 29 août 2013, A______ a fait savoir à B______ qu'elle avait pris en charge certaines factures et frais concernant le domaine D______ pour la période d'avril à juillet 2013. Elle la mettait en demeure de lui rembourser le montant de 405'718 fr. 45 dans les cinq jours.

g. Le 9 octobre 2013, A______ a fait notifier à B______ un commandement de payer poursuite n° 3______ portant sur la somme de 405'718 fr. 45 avec intérêt à 5% l'an dès le 5 septembre 2013 au titre de "Remboursement de prêts et de factures et frais relatifs au domaine D______ (…) jusqu'au 31 août 2013 (…)". Il a été formé opposition à ce commandement de payer.

h. Le 24 janvier 2014, B______ a mis en demeure A______ de lui restituer trois voitures immatriculées à son nom, à savoir une Q______, une R______ et une S______, lesquelles se trouvaient dans l'enceinte de la propriété D______. L'intéressée s'est opposée à cette demande.

Dans la nuit du 23 au 24 avril 2014, le véhicule S______ a été volé.

En juillet 2014, B______ a rendu au service compétent les plaques de la Q______ et de la R______, les permis de circulation de ces véhicules étant ainsi annulés.

B. a. Par acte déposé au Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) le 25 avril 2014, A______ a requis le séquestre des véhicules Q______ et R______.

Elle a allégué être créancière de B______, laquelle avait cessé toute activité et entendait se soustraire à ses obligations financières, projetant de vendre les véhicules susmentionnés qui constituaient ses seuls actifs, ce qui était l'ultime étape avant la liquidation de la société par voie de faillite.

b. Par ordonnance du 25 avril 2014, le Tribunal a fait droit à cette requête, les frais et dépens étant mis à charge de B______, sans sûretés.

Le procès-verbal de séquestre, daté du 8 mai 2014, ainsi que l'ordonnance du 25 avril 2014, ont été expédiés par l'Office des poursuites pour notification à B______ le 8 mai 2014. Celle-ci l'a reçu le 13 mai 2014, étant précisé que son courrier faisait l'objet d'une demande de réexpédition de son ancienne adresse à Genève à son adresse actuelle à ______.

c. Le 5 mai 2014, A______ a déposé aux fins de conciliation à l'encontre de B______ une action en validation de séquestre portant sur le paiement de 865'460 fr. 90. L'autorisation de procéder a été délivrée le 1er septembre 2014.

d. Le 22 mai 2014, B______ a formé une opposition à séquestre concluant, à titre principal, à l'annulation de l'ordonnance de séquestre du 25 avril 2014 et, subsidiairement, à ce que A______ soit condamnée à fournir des sûretés en 50'000 fr. et à ce que l'ordonnance de séquestre soit modifiée en ce sens que les véhicules devaient être placés sous la garde de l'Office des poursuites, le tout avec suite de frais et dépens.

B______ conteste la créance alléguée par A______, faisant valoir que c'est au contraire elle qui est créancière de cette dernière. Elle n'avait pas l'intention de se soustraire à ses obligations. Son activité était réduite en ce sens que M______ et N______ entendaient à l'avenir assumer eux-mêmes les charges d'entretien du domaine, mais cela ne constituait pas un cas de séquestre. Elle n'était en outre pas propriétaire des véhicules séquestrés, lesquels appartenaient en réalité à M______ et N______ qui les avaient hérités de leur père. L'immatriculation au nom de B______ n'avait été faite qu'à titre fiduciaire.

e. Par écriture du 8 juillet 2014, A______ a conclu principalement à l'irrecevabilité de l'opposition à séquestre et, subsidiairement, au déboutement de B______ de ses conclusions et à la confirmation de l'ordonnance de séquestre, le tout avec suite de frais et dépens.

La cause a été gardée à juger par le Tribunal à l'issue de l'audience du 15 juillet 2014.

f. Par jugement du 20 octobre 2014, reçu par les parties le 21 octobre 2014, le Tribunal a déclaré recevable l'opposition à séquestre (ch. 1 du dispositif), l'a admise (ch. 2), a révoqué en conséquence l'ordonnance de séquestre du 25 avril 2014 (ch. 3), a mis les frais à charge de A______ (ch. 4), arrêté à 750 fr. les frais judiciaires, compensés avec l'avance fournie, A______ étant condamnée à rembourser ce montant à B______ (ch. 5), a condamné A______ à verser à B______ 4'800 fr. à titre de dépens (ch. 6) et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 7).

Le Tribunal a retenu que B______ n'avait commis aucun abus de droit en omettant de prévenir les autorités que son courrier était réexpédié à une nouvelle adresse. Le délai pour former opposition au séquestre avait commencé à courir le jour de la réception effective du procès-verbal de séquestre par B______ de sorte que l'opposition était recevable. Sur le fond, le cas de séquestre allégué n'était pas réalisé. En effet, aucun élément du dossier n'étayait une intention frauduleuse de B______ de se soustraire à ses obligations. Elle avait en particulier pris soin de régler les litiges qui l'opposaient à ses employés, ce qui n'était pas compatible avec les intentions que lui prêtait A______.

C. a. Par acte expédié à la Cour de justice (ci-après : la Cour) le 31 octobre 2014, A______ a formé recours contre ce jugement dont elle a sollicité l'annulation. Elle a conclu à ce que l'opposition à séquestre soit déclarée irrecevable, à ce que l'ordonnance de séquestre soit confirmée et à être dispensée de fournir des sûretés, le tout avec suite de frais et dépens. Elle a produit des pièces nouvelles.

b. Le 1er décembre 2014, B______ a conclu, à titre préalable, à ce que les pièces 34 et 35 produites par la recourante soient écartées du dossier. A titre principal, elle a conclu à ce que la Cour rejette le recours et confirme le jugement. Subsidiairement, elle a requis la condamnation de A______ à fournir des sûretés à hauteur de 50'000 fr., le tout avec suite de frais et dépens. Elle a produit des pièces nouvelles.

c. Les 15 et 22 décembre 2014, les parties ont déposé une réplique et une duplique, persistant dans leurs précédentes conclusions.

d. Elles ont été avisées le 23 décembre 2014 de ce que la cause était gardée à juger.

e. Les arguments des parties devant la Cour seront examinés ci-après dans la mesure utile à la résolution du litige.

EN DROIT

1. 1.1 Le jugement entrepris étant une décision statuant sur opposition à séquestre, seule la voie du recours est ouverte (art. 278 al. 3 LP; art. 309 let. b ch. 6 et 319 let. a CPC).

Le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 278 al. 1 LP et 321 al. 2 CPC).

Déposé dans le délai et selon les formes requis par la loi, le recours est recevable en l'espèce.

1.2 Le recours peut être formé pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

1.3 En matière d'opposition au séquestre, l'art. 278 al. 3 2ème phrase LP dispose que les parties peuvent alléguer des faits nouveaux dans la procédure de recours contre la décision rendue sur opposition. Cette disposition instaure une exception (cf. art. 326 al. 2 CPC) à l'art. 326 al. 1 CPC qui prohibe les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles dans le cadre d'un recours.

Le Tribunal fédéral a jugé qu'en application de cette disposition, les vrais nova étaient recevables dans le cadre du recours, se référant en particulier au Message, selon lequel il s'agissait en tous les cas des faits nouveaux "proprement dits", soit ceux intervenus après la décision de première instance (Message concernant la révision de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite du 8 mai 1991, FF 1991, p. 200; cf. aussi arrêt 5P.296/2005 du 17 novembre 2005 consid. 4.2.1, selon lequel il n'est pas arbitraire de considérer que seuls les vrais nova sont recevables). Il n'a en revanche pas tranché, respectivement, n'a pas abordé, la question de la recevabilité des pseudo-nova (ATF 140 III 466 consid. 4.2.4; arrêts du Tribunal fédéral 5A_328/2013 consid. 4.3.2; 5A_364/2008 du 12 août 2008 consid. 4.1.2).

En l'espèce les pièces déposées par la recourante devant la Cour sont toutes postérieures ou ont été portées à sa connaissance postérieurement au 15 juillet 2014, date à laquelle la cause a été gardée à juger par le Tribunal, de sorte qu'elles sont recevables.

Les pièces déposées en seconde instance par l'intimée sont également recevables pour les mêmes motifs, à l'exception des commandements de payer notifiés à M______ et N______ le 10 juillet 2014 (pièces 71 et 72) et des factures relatives aux véhicules séquestrés, émises entre 2008 et 2013 (pièce 81).

1.4 L'intimée fait par ailleurs valoir que les pièces 34 et 35 produites par la recourante devant le Tribunal sont irrecevables car elles font état de discussions transactionnelles confidentielles entre les parties. Cette question peut cependant rester ouverte car ces pièces sont dénuées de pertinence pour trancher le litige.

2. La recourante fait valoir que l'opposition au séquestre est tardive dans la mesure où l'intimée a formé abusivement une demande de réexpédition de son courir afin de profiter d'un délai supplémentaire pour rédiger son opposition.

2.1 Selon l'art. 278 al. 1 LP, celui dont les droits sont touchés par un séquestre peut former opposition auprès du juge dans les dix jours à compter de celui où il en a eu connaissance.

Le délai pour former opposition court à l'égard du débiteur du séquestre dès la notification, par lettre recommandée ou par remise directe contre reçu (art. 34 LP) du procès-verbal de séquestre. Il convient en effet de s'assurer que l'intéressé a été informé du contenu de l'ordonnance de séquestre, de la portée exacte de la mesure et de la voie de droit existante (ATF 135 II 232 consid. 2.4, SJ 2009 I p. 279).

2.2 Selon l'art. 2 al. 2 CC, l'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi.

2.3 En l'espèce, le procès-verbal de séquestre a été adressé par l'Office des poursuites le 9 mai 2014 à l'adresse de l'intimée figurant à l'époque au Registre du commerce, à savoir "c/o C______" à Genève. Dans la mesure où l'intimée avait requis la réexpédition de son courrier auprès de I______ à ______, soit son siège social actuel, le pli a été réexpédié par la poste trois jours plus tard et effectivement distribué à l'intimée le 13 mai 2014.

Le délai d'opposition a par conséquent commencé à courir le lendemain, soit le 14 mai 2014. L'opposition déposée le 22 mai 2014 a ainsi été formée en temps utile.

Contrairement à ce qu'allègue la recourante aucun élément du dossier ne permet de penser que c'est de manière abusive que l'intimée aurait requis de la poste la réexpédition de son courrier à l'adresse de son nouveau siège social de ______. Cette manière de procéder paraît au contraire adéquate afin de permettre aux organes de l'intimée de prendre effectivement connaissance des communications adressées à celle-ci.

C'est par conséquent à juste titre que le Tribunal a déclaré l'opposition recevable.

3. La recourante fait grief au Tribunal d'avoir considéré qu'elle n'avait pas rendu vraisemblable l'existence d'un cas de séquestre.

3.1 A teneur de l'art. 272 al. 1 LP, le séquestre est autorisé par le juge du for de la poursuite ou par le juge du lieu où se trouvent les biens, à condition que le créancier rende vraisemblable que sa créance existe (ch. 1), qu'on est en présence d'un cas de séquestre (ch. 2), et qu'il existe des biens appartenant au débiteur (ch. 3).

Selon l'art. 271 al. 1 ch. 2 LP, le créancier peut requérir le séquestre des biens du débiteur qui se trouvent en Suisse lorsque ce dernier, dans l'intention de se soustraire à ses obligations, fait disparaître ses biens, s'enfuit ou prépare sa fuite.

Ce cas de séquestre repose uniquement sur l'idée de la mise en danger des intérêts du créancier et peut de ce fait être comparé à l'action paulienne pour dol
(art. 288 LP; Stoffel/Chabloz, Commentaire romand LP, 2005, n. 53 ad art. 271 LP; Stoffel, in Basler Kommentar, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs II, 2010, n° 68 ad art. 271 LP). Il s'agit de protéger le soi-disant créancier contre les machinations de son prétendu débiteur qui visent à faire échec à une procédure d'exécution forcée au for suisse de la poursuite (ATF 71 III 188 consid. 1 = JdT 1946 II 113; Gillieron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, n. 43 ad art. 271 LP). La réalisation de ce cas repose sur un élément objectif et un élément subjectif.

L'élément objectif consiste, en premier lieu, à faire disparaître des biens. Il recouvre ainsi, notamment, le fait de vendre des biens à un prix dérisoire (ATF 119 III 92 consid. 3b = JdT 1995 II 84; arrêt du Tribunal fédéral 5P.95/2004 du 20 août 2004, consid. 2.2). La loi vise le résultat du comportement : le débiteur soustrait des biens auxquels son créancier aurait accès dans une procédure d'exécution forcée (Stoffel/Chabloz, op. cit., n. 54 ad art. 271 LP). Des actes préparatoires suffisent (arrêt du Tribunal fédéral 5P.403/1999 du 13 janvier 2000 consid. 2c). L'élément subjectif consiste dans l'intention de se soustraire à ses obligations. Les éléments objectifs - la disparition des biens, la fuite et la préparation de la fuite - constituent des indices d'une telle intention. D'autres circonstances suspectes peuvent la corroborer également. A ce titre, entrent notamment en ligne de compte l'existence d'un nombre considérable d'obligations non exécutées, une relation disproportionnée entre les obligations et les moyens à disposition et d'autres poursuites en cours (Stoffel/Chabloz, op. cit., n. 56 ad art. 271 LP).

Pour les personnes morales la fuite ou la préparation de la fuite se concrétise par le transfert à l'étranger, ou ses préparatifs, d'une raison de commerce (Gillieron, op. cit., n. 43, ad art. 271).

Pour retenir l'existence d'un cas de séquestre, il suffit que le juge, se fondant sur des éléments concrets, acquière l'impression que les faits pertinents se sont produits, mais sans qu'il doive exclure pour autant la possibilité qu'ils aient pu se dérouler autrement (ATF 132 III 715 consid. 3.1; 130 III 321 consid. 3.3).

3.2 En l'espèce, c'est à juste titre que le Tribunal a retenu qu'aucun élément figurant au dossier ne permettait de considérer que B______, dans l'intention de se soustraire à ses obligation, ferait disparaître ses biens, s'enfuirait ou préparerait sa fuite, étant précisé que, comme relevé ci-dessus, s'agissant d'une personne morale, cette dernière hypothèse vise le transfert à l'étranger d'une raison de commerce ou les préparatifs en ce sens.

Contrairement à ce que fait valoir la recourante, le fait que l'intimée ait licencié tous ses employés n'est pas un indice de ce qu'elle entend se soustraire à ses obligations. Au contraire, cette décision apparaît, au stade de la vraisemblance, justifiée économiquement puisqu'il n'est pas contesté que l'intimée n'a aucune source de revenus et que les salaires des employés en question représentaient une charge importante. A cet égard, il convient de souligner que, selon le droit de la société anonyme, les actionnaires n'ont pas d'autre obligation financière envers la société que celle de libérer le capital social, ce qui a été fait in casu.

Par ailleurs, les allégations de la recourante selon lesquelles l'intimée n'assumerait pas ses obligations financières ne sont pas rendues vraisemblables. Les quelques factures produites par A______ ne sont pas adressées à B______, mais à J______; seuls les héritiers de celui-ci doivent répondre, cas échéant, des obligations en question.

Selon la jurisprudence précitée, l'existence de poursuites pendantes contre la débitrice est un indice de réalisation du cas de séquestre visé à l'art. 271 al. 1
ch. 2 LP. Or in casu la recourante n'a produit aucun extrait du Registre des poursuites attestant du fait que l'intimée ferait l'objet de poursuites autres que celle engagée par ses soins. L'absence d'intention de l'intimée de se soustraire à ses engagements est qui plus est corroborée par le fait qu'elle a pris soin d'indemniser ses anciens employés.

Aucun argument ne peut être tiré par la recourante du fait que l'intimée a décidé de rendre les plaques des deux véhicules dont elle n'a plus l'usage; au regard du fait que cette société n'a pas de revenu, cette décision paraît au contraire raisonnable.

Contrairement à ce que semble soutenir la recourante, l'intimée n'a aucune obligation de poursuivre son activité sociale. Si ses actionnaires décident de liquider la société, la loi leur permet de le faire, à condition que cette liquidation se fasse dans le respect des règles légales et sans intention frauduleuse. Or, en l'espèce une telle intention n'est pas rendue vraisemblable.

Enfin, rien ne permet de penser que l'intimée prépare le transfert de son siège social à l'étranger. Loin d'agir de manière "anormalement discrète" comme l'exige la jurisprudence, elle vient de faire inscrire au Registre du commerce une nouvelle adresse pour son siège genevois. Les communications des autorités lui ont au demeurant été notifiées sans difficulté jusqu'ici.

Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal était fondé à considérer qu'aucun cas de séquestre n'était réalisé. Il n'y a dès lors pas lieu d'examiner la question de savoir si la créance alléguée par la recourante est vraisemblable.

Le recours doit par conséquent être rejeté.

4. La recourante, qui succombe, supportera les frais de recours (art. 106 al. 1 CPC).

Les frais judiciaires seront fixés à 1'125 fr. (art. 48 et 61 OELP) et seront compensés avec l'avance effectuée par la recourante (art. 111 al. 1 CPC), qui reste acquise à l'Etat de Genève.

La recourante sera en outre condamnée à verser 2'500 fr., TVA et débours compris, à l'intimée à titre de dépens (art. 85, 89 et 90 RTFMC; 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 31 octobre 2014 par A______ contre le jugement OSQ/47/2014 rendu le 20 octobre 2014 par le Tribunal de première instance dans la cause C/8060/2014-1 SQP.

Au fond :

Le rejette.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires à 1'125 fr. et les compense avec l'avance versée par A______, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève.

Met les frais judiciaires à charge de A______.

Condamne A______ à verser à B______ 2'500 fr. à titre de dépens.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Nathalie LANDRY-BARTHE et Madame Fabienne GEISINGER-MARIÉTHOZ, juges; Madame Céline FERREIRA, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Céline FERREIRA



Indication des voies de recours
:

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 1.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.