C/9175/2017

ACJC/1534/2017 du 20.11.2017 sur OTPI/459/2017 ( SP ) , CONFIRME

Descripteurs : DÉCLARATION D'ABSENCE ; DANGER DE MORT
Normes : CC.36; CC.35;
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/9175/2017 ACJC/1534/2017

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du lundi 20 novembre 2017

 

A______, domiciliée ______ (GE), appelante d'une ordonnance rendue par la
4ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 1er septembre 2017, comparant par Me Liza Sant'Ana Lima, avocate, rue de Lausanne 69, 1202 Genève, en l'étude de laquelle elle fait élection de domicile.

 

 

 


EN FAIT

A. a. A______, née en 1953, de nationalité philippine, et B______, né en 1943, de nationalité britannique, se sont mariés aux Etats-Unis en 2011. Ils sont domiciliés à Genève.

b. Les époux possèdent un appartement à ______ (France).

c. Selon A______, le couple se trouvait aux Philippines, où il avait l'habitude de séjourner, du début de l'année 2016 au 23 mars 2016, date à laquelle B______ était rentré, s'installant dans l'appartement de ______ (France). Quant à elle, elle était partie rendre visite à sa famille aux Etats-Unis.

d. Les époux avaient régulièrement communiqué par téléphone entre le 24 mars et le 14 avril 2016. A partir de cette date, A______ n'avait plus réussi à atteindre son époux.

e. Après plusieurs recherches infructueuses effectuées par des amis de A______ auprès de la police et des hôpitaux de la région, ceux-ci étaient entrés, le 22 avril 2016, dans l'appartement de ______ (France) où ils avaient trouvé le passeport et le porte-monnaie de B______, et constaté que la dernière connexion de ce dernier sur son ordinateur remontait au 14 avril 2016.

f. Rentrée des Etats-Unis le 25 avril 2016, A______ a informé la police locale de la disparition de son époux, laquelle a constaté, dans l'appartement, que l'ordinateur fonctionnait et que le lit n'avait pas été fait.

g. La voiture de B______ a été retrouvée à ______ (France), où le précité avait l'habitude de se rendre afin de se baigner dans le lac ______, d'après A______. La police a également retrouvé, sur des rochers au bord du lac, des vêtements de jogging appartenant à B______; il manquait son pantalon, ses chaussures de course ainsi que son téléphone portable.

h. Malgré les recherches effectuées par les polices française et genevoise, notamment dans le lac ______, le corps de B______ n'a pas été retrouvé.

i. Par acte expédié le 20 mars 2017 au Tribunal de première instance, A______ a formé une requête tendant à ce que l'Officier d'état civil procède à l'inscription du décès de B______ au 15 avril 2016 dans le registre d'état civil.

j. Par ordonnance OTPI/177/2017 du 4 avril 2017, le Tribunal a rejeté la requête dès lors que, si le décès de B______ paraissait hautement vraisemblable, les circonstances de sa disparition ne permettaient pas d'exclure toute autre éventualité.

k. Le 25 avril 2017, A______ a saisi le Tribunal d'une requête tendant à déclarer l'absence de B______.

Elle estimait vraisemblable que ce dernier s'était noyé dans le lac le 15 avril 2016. La baignade de son époux, laquelle avait vraisemblablement eu lieu ledit jour, constituait le danger de mort.

l. A l'audience du 12 juin 2017 du Tribunal, A______ a indiqué au Tribunal qu'aucun élément nouveau n'était apparu depuis le dépôt de la requête s'agissant de la certitude du décès de son époux. Par ailleurs, elle était confrontée à des soucis financiers alors qu'elle disposait d'un bien immobilier dans la succession.

A l'issue de l'audience, la cause a été gardée à juger.

B. a. Par ordonnance OTPI/459/2017 du 1er septembre 2017, notifiée à A______ le 5 septembre 2017, le Tribunal a rejeté la requête (ch. 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 300 fr. et compensé ceux-ci avec l'avance fournie (ch. 2).

Selon le Tribunal, les circonstances de la disparition de B______ ne permettaient pas de considérer que ce dernier s'était retrouvé en situation de danger de mort. En effet, quand bien même certaines de ses affaires avaient été retrouvées sur un rocher au bord d'un lac, cela ne signifiait pas que celui-ci s'y était baigné et noyé. D'autres hypothèses étaient possibles, dès lors que son pantalon, ses chaussures et son téléphone n'avaient pas été retrouvés sur place. En outre, l'hypothèse d'une baignade à cette période de l'année dans une eau ne dépassant généralement pas 10° n'était pas convaincante.

b. Par acte envoyé le 11 septembre 2017 au greffe de la Cour de justice, A______ appelle de ce jugement, sollicitant son annulation. Elle conclut, sous suite de frais et dépens, à ce que la Cour invite, par sommation publiée deux fois dans la Feuille d'avis officielle (ci-après : FAO), les personnes qui pourraient donner des nouvelles de B______ à se faire connaître dans un délai d'un an dès la première publication, prononce la déclaration d'absence de celui-ci avec effet au 15 avril 2016, jour du danger de mort, avise l'Officier de l'état civil de Genève aux fins d'inscription de la déclaration d'absence dans le registre d'état civil, et déboute tout intervenant ou tout tiers opposant de toutes autres ou contraires conclusions.

c. Le 19 septembre 2017, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est dirigé contre une décision finale de première instance dans le cadre d'une requête gracieuse en déclaration d'absence, droit de nature non pécuniaire (art. 308 al. 1 let. a CPC).

L'appel a été introduit dans les dix jours à compter de la notification de l'ordonnance querellée, selon la forme prescrite (art. 130, 131 et 311 al. 1 CPC) et devant l'autorité compétente (art. 120 al. 1 LOJ), la présente cause étant soumise à la procédure sommaire (art. 249 let. a ch. 3 CPC). Il est ainsi recevable.

1.2 L'appelante étant de nationalité philippine et la personne disparue de nationalité britannique, la présente cause présente un élément d'extranéité (art. 1 al. 1 LDIP).

Le Tribunal a admis, à bon droit, sa compétence pour connaître de la requête en déclaration d'absence, formée par l'appelante, vu le dernier domicile connu genevois du porté disparu (art. 41 LDIP, art. 23 CC, art. 10 et 11 CPC) et l'application du droit suisse (art. 41 al. 3 LDIP).

1.3 S'agissant d'un appel, la Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

2. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir constaté les faits de manière erronée en retenant que B______ n'était pas en danger de mort lors de sa disparition. Elle reproche également au premier juge d'avoir violé l'art. 36 al. 2 CC en omettant d'inviter les personnes susceptibles de fournir des renseignements sur la personne disparue à se faire connaître.

2.1 Selon l'art. 35 al. 1 CC, si le décès d'une personne disparue en danger de mort ou dont on n'a pas eu de nouvelles depuis longtemps paraît très probable, le juge peut déclarer l'absence à la requête de ceux qui ont des droits subordonnés au décès.

La disparition en danger de mort n'exige pas que celle-ci soit liée à un événement particulièrement dangereux. Il suffit que le disparu se soit trouvé dans une situation qui entraîne en soi un danger de mort, car d'autres éventualités que la mort ne sont pas absolument écartées. La question de savoir si une personne a disparu en danger de mort dépend des circonstances du cas d'espèce. Le danger de mort n'a pas besoin d'être concret : il suffit que le disparu se soit trouvé dans une situation qui en elle-même laisse déduire un grand danger de mort (Manaï in Commentaire romand du Code civil, Pichonnaz/Foëx [éd.], n° 5 ad art. 35 CC). Selon le Tribunal fédéral, une femme naviguant en mer et disparue pendant la nuit, alors même qu'au matin suivant la porte de sa cabine était verrouillée mais sa fenêtre ouverte, pouvait être considérée comme encore vivante, dans l'hypothèse où elle serait tombée par-dessus bord et aurait été sauvée par un bateau (ATF 75 I 328). Selon le Tribunal supérieur du canton d'Appenzell Rhodes-Extérieures, il en va de même pour une personne suicidaire ayant disparu dans des circonstances inconnues (SJZ 63/1967 S. 29). Par ailleurs, aucun danger de mort ne peut être constaté lorsqu'une personne ne revient pas d'une randonnée anodine, de vacances ou d'un voyage à l'étranger qui ne serait pas particulièrement périlleux
(SJZ 97/2001 S. 232).

2.2 Aux termes de l'art. 36 CC, la déclaration d'absence peut être requise un an au moins après le danger de mort ou cinq ans après les dernières nouvelles (al. 1). Le juge invite, par sommation dûment publiée, les personnes qui pourraient donner des nouvelles de l'absent à se faire connaître dans un délai déterminé, d'un an au moins à partir de la première sommation (al. 2 et 3).

2.3 Le tribunal établit sa conviction par une libre appréciation des preuves administrées (art. 157 CPC). Ce faisant, le tribunal décide d'après sa conviction subjective personnelle si les faits se sont produits ou non, c'est-à-dire s'ils sont prouvés ou non (Hohl, Procédure civile, Tome I, 2001, n. 1105). Le juge forge sa conviction sur la base de sa seule appréciation de toutes les preuves qui auront été réunies au cours de la phase probatoire (Jeandin, L'administration des preuves, in Le Code de procédure civile, aspects choisis, 2011, p. 93).

2.4 En l'espèce, bien qu'il paraisse hautement vraisemblable que B______ se soit rendu au bord du lac le 14 ou le 15 avril 2016, l'hypothèse de la noyade suite à une baignade n'apparait pas être la seule envisageable, comme l'a retenu à juste titre le Tribunal. En tout état, il n'a pas été démontré, au vu des principes rappelés ci-dessus, que B______ aurait été en danger de mort dans le cas où il se serait baigné, dès lors que la situation en l'espèce paraît non périlleuse. En effet, l'appelante n'a pas prouvé, ni même allégué, qu'à cette date, de mauvaises conditions météorologiques ou une température du lac particulièrement glaciale, par exemple, auraient pu créer un danger de mort en cas de baignade dans le lac, ou encore que le disparu souffrait à ce moment là d'une quelconque maladie ou d'une mauvaise santé pouvant entraîner le danger de mort.

Ainsi, c'est à bon droit que le Tribunal a considéré que la situation du cas d'espèce ne présentait pas un danger de mort.

Enfin, dès lors qu'à défaut de danger de mort, la requête en déclaration d'absence a été jugée prématurée, le premier juge n'était pas tenu d'effectuer de sommation au sens de l'art. 36 al. 2 CC, celle-ci n'intervenant que dans le cas où, à l'inverse, le Tribunal retient que le danger de mort est avéré.

Partant, l'ordonnance querellée sera confirmée.

3. L'appelante, qui succombe, sera condamnée aux frais judiciaires d'appel, arrêtés à 300 fr. (art. 106 al. 1 CPC, art. 17 et 35 RTFMC) et entièrement compensés par l'avance versée, acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 11 septembre 2017 par A______ contre l'ordonnance OTPI/459/2017 rendue le 1er septembre 2017 par le Tribunal de première instance dans la cause C/9175/2017-4 SP.

Au fond :

Confirme cette ordonnance.

Déboute A______ de toutes ses conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 300 fr., les met à la charge de A______, compensés avec l'avance de frais fournie, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Monsieur David VAZQUEZ, commis-greffier.

 

La présidente :

Pauline ERARD

 

Le commis-greffier :

David VAZQUEZ

 

Indication des voies de recours :

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.