C/9385/2014

ACJC/595/2015 du 22.05.2015 sur JTPI/16478/2014 ( SML ) , JUGE

Descripteurs : MAINLEVÉE PROVISOIRE; TITRE DE MAINLEVÉE; CHOSE JUGÉE
Normes : LP.82
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/9385/2014 ACJC/595/2015

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du vendredi 22 mai 2015

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, Genève, recourant et intimé contre un jugement rendu par la 14ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 23 décembre 2014, comparant par Me Gérald Page, avocat, Grand'Rue 23, 1204 Genève, en l'étude duquel il fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, en sa qualité de successeur universel de feu C______, domicilié ______, Paris (France), intimé et recourant au susdit jugement, comparant par Me Benoît Dayer, avocat, quai Gustave-Ador 38, case postale 6293, 1207 Genève, en l'étude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. a. Par jugement du 23 décembre 2014, reçu par les parties le 6 janvier 2015, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer poursuite n° 1______ à concurrence de 944'450 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er septembre 2008 (chiffre 1 du dispositif), arrêté à 1'500 fr. les frais judiciaires, compensés avec l'avance effectuée par A______, les a mis à la charge de B______ à hauteur du quart et a condamné celui-ci à verser 750 fr. à A______ à ce titre (ch. 2), ainsi que 3'875 fr. TTC à titre de dépens (ch. 3).

b. Le 16 janvier 2015, tant A______ que B______ ont formé recours contre ce jugement.

A______ a conclu à ce que la Cour de justice (ci-après : la Cour) l'annule partiellement, prononce la mainlevée provisoire de l'opposition à hauteur de 2'536'316 fr. 85 avec intérêts à 5% dès le 1er septembre 2008, de 94'219 fr. 80 et de 400 fr. et dise que la poursuite ira sa voie, avec suite de frais et dépens.

B______ a pour sa part conclu, à titre préalable, à ce que la Cour accorde l'effet suspensif à son recours, suspende la cause comme dépendant de la procédure pénale opposant D______ à A______ et ordonne à ce dernier de produire les contrats de prêt originaux versés à la procédure sous pièces 5 à 7. Sur le fond, il a conclu principalement à l'annulation du jugement et au déboutement de A______ de toutes ses conclusions. Subsidiairement, il a conclu à la confirmation du jugement rendu par le Tribunal le 25 mars 2014 dans la cause C/2______ opposant les mêmes parties.

c. Par arrêt du 30 janvier 2015, la Cour a rejeté la requête de B______ tendant à la suspension de l'effet exécutoire du jugement entrepris.

d. Le 2 février 2015, chacune des parties a conclu au déboutement de l'autre partie de toutes ses conclusions. A______ a en outre requis le prononcé d'une amende disciplinaire à l'égard de B______ et/ou de son conseil.

Les parties ont déposé des répliques le 16 février 2015. B______ a renoncé à dupliquer et A______ a dupliqué le 2 mars 2015.

Le 9 mars 2015, la Cour a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger.

B. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. La société A______, sise à Genève, dont A______ est administrateur, a notamment pour but social l'acquisition, la gestion et l'administration de participations dans des sociétés ainsi que le conseil en investissement et gestion de fortune.

C______, ressortissant des Etats-Unis, domicilié à ______ (VD), était titulaire, depuis la fin des années 1980, de plusieurs comptes bancaires auprès de E______, lesquels étaient gérés par A______.

C______ est décédé le ______ 2008 en laissant comme héritier institué B______, son notaire. Son compagnon, D______ a pour sa part bénéficié du legs des parts de deux sociétés civiles immobilières de droit français appelées F______ I et F______ II appartenant au défunt.

b. Le 9 août 2006, A______ et C______ ont signé un document intitulé "Prêt" selon lequel C______, désigné comme l'emprunteur, reconnaissait "devoir à Monsieur A______, prêteur, la somme de cinq cent mille euros (…) pour prêt de pareille somme qui lui a été fait dès avant ce jour".

Sous la mention "Remboursement - Intérêts", il était précisé que l'emprunteur s'obligeait "à rembourser ladite somme au prêteur dans un délai maximum de cinq (…) années et au plus tard dans le mois qui suivra la vente du château G______ (…). Le tout productif d'intérêts payables en même temps que le principal au taux Euribor (…) à un an (dernier indice connu Mai 2006 à un an : 3,31%)".

Ce prêt était garanti par le nantissement en faveur du prêteur de l'entier du mobilier du château estimé à 2'596'000 USD.

Le 18 décembre 2007 un document ayant la même teneur, mais portant sur un montant de 500'000 USD, a été signé entre les mêmes parties.

Celles-ci ont encore signé, les 9 janvier 2008 pour A______ et 22 mai 2008 pour C______, un troisième document comportant les mêmes clauses, mais portant sur le montant de 1'210'998 EUR 55.

c. B______ conteste que les montants prévus par ces documents aient été réellement versés par A______.

Ce dernier a produit à l'appui de ses allégations, les pièces suivantes :

Concernant le versement du prêt du 9 août 2006 en 500'000 EUR :

- un avis de débit de H______ en 500'000 fr. adressé à E______ le 8 août 2006, portant sur un compte courant personnel n° 3______ rubrique ______ sans indication du nom du donneur d'ordre ni de celui du bénéficiaire du paiement, avec la mention "prêt".

- Un avis de crédit de H______ du même jour pour le même montant adressé également à E______, concernant un compte courant personnel n° 4______ rubrique ______ sans indication du nom du donneur d'ordre ni de celui du bénéficiaire, avec la mention "prêt".

- Un fax du 16 octobre 2006 de A______ à H______ requérant le versement de 275'000 fr. du compte n° 3______ sur le
compte 4______ avec la mention "prêt".

- Un avis de débit du même jour pour le même montant adressé à E______ avec la mention "prêt" sans indication du nom du bénéficiaire.

- Un avis de crédit du 17 octobre 2006 pour le même montant adressé à E______ concernant le compte 4______ avec la mention "prêt", toujours sans indication du nom du bénéficiaire.

Concernant le versement du prêt du 18 décembre 2007 portant sur 500'000 USD :

- un avis de débit du 15 décembre 2007 de H______ en 500'000 USD, portant sur un compte courant personnel n° 5______ indiquant comme bénéficiaire "O/A______", avec la mention "prêt de A______". Il est précisé que le débit a été fait sous forme de chèque bancaire.

Concernant le versement du prêt des 9 janvier/ 22 mai 2008 portant sur
1'210'998 EUR 55 :

- Un extrait du compte bancaire de la société I______ auprès de J______ indiquant un solde négatif de 1'210'998 EUR 55 suite à l'échéance d'un prêt en 1'244'236 EUR 67 le 20 décembre 2007.

d. Le château G______ était la propriété de la société F______ II. Cet immeuble a été vendu le 31 juillet 2008 pour le prix de 7'906'000 EUR à la suite d'une promesse de vente conclue le 17 juin 2008. La vente a été instrumentée par B______ et la société venderesse était représentée par A______.

Le mobilier garnissant le château, qui avait été gagé en faveur de A______, a été vendu à l'acquéreur de l'immeuble pour le montant de 1'332'000 EUR, lequel a été versé sur le compte Me K______, avocat de B______. Cette vente, ainsi que le versement des fonds en mains de Me K______, ont fait l'objet d'une quittance signée le 31 juillet 2008 par A______.

e. Par courrier du 30 décembre 2008 adressé à Me K______, A______ a mis la succession de C______ en demeure de lui verser le montant de 2'746'819 EUR 90 au titre du remboursement des prêts.

f. Par la suite, un litige a surgi entre D______ et B______ concernant le partage de la succession de C______.

En octobre 2011, D______ a notamment assigné B______ par devant la Chambre patrimoniale du canton de Vaud en paiement d'un montant supérieur à 11'100'000 fr. en capital, faisant valoir que le produit de la vente du château et de ses meubles n'avait pas été versé à la propriétaire de ceux-ci, la société F______ II, mais comptabilisé indûment comme bien de la succession de C______. B______ a fait valoir pour sa part que les sociétés F______ I et II avaient des dettes envers la succession.

Selon D______, les prêts octroyés par A______ à C______ étaient fictifs, en ce sens qu'il s'agissait uniquement de justifier fiscalement le remboursement d'un prêt hypothécaire de EUR 2'343'141 effectué en 2007 par C______ au nom de la société F______ I. Entendu comme témoin par le Tribunal d'arrondissement de La Côte sur ce point, A______ a affirmé avoir personnellement accordé plusieurs prêts à C______.

Suite à cette audience, D______ a déposé contre A______ une plainte pour faux témoignage, laquelle a été classée par le Ministère public de l'arrondissement de la Côte. Ce classement a été annulé par la Chambre pénale des recours du canton de Vaud par arrêt du 9 septembre 2014.

La Chambre des recours a notamment retenu qu'il ne ressortait pas des pièces produites que ces prêts avaient été faits à titre personnel par A______; il était en outre difficile de déterminer à qui les sommes mentionnées avaient été versées. De plus, le château, propriété de la société F______ II, avait été vendu le 31 juillet 2008 sans son mobilier, ce que A______ savait puisqu'il représentait cette société lors de la vente. Dans la mesure où les contrats de prêt prévoyaient un remboursement au plus tard dans le mois suivant la vente du château, l'on comprenait mal pourquoi l'intéressé avait laissé vendre le mobilier et attendu plusieurs années avant de demander le remboursement des prêts.

La Chambre des recours a par conséquent invité le Ministère public à requérir de la part de A______ ses déclarations fiscales pour les années 2006 à 2008, à se renseigner sur le remboursement du prêt hypothécaire de 2'343'141 EUR et à examiner la commission par A______ d'éventuelles infractions fiscales ou à la Loi sur le blanchiment d'argent (LBA) en sa qualité d'intermédiaire financier.

g. Le 27 août 2013, A______ a obtenu le séquestre des biens de B______ en mains de H______, de L______ et de M______ à concurrence de 3'413'297 EUR pour sa créance résultant des contrats de prêt précités.

Ce séquestre, qui porte le n° 6______, a été validé par la notification à B______, le 24 octobre 2013, d'un commandement de payer portant sur les sommes de 4'209'590 fr. au titre des contrats de prêt, de 8'000 fr. à titre de dépens et de 2'535 fr. au titre de coût du procès-verbal de séquestre.

L'opposition formée à ce commandement de payer poursuite n° 7______ a été levée à hauteur de 876'867 fr. 40 par jugement du Tribunal de première instance du 25 mars 2014 (cause n° C/2______). Aucun recours n'a été formé contre ce jugement.

h. Le 11 décembre 2013, le Tribunal a ordonné, sur requête de A______, un second séquestre, pour les mêmes créances, portant cette fois-ci sur les biens de B______ en mains de Me K______, à concurrence de 3'455'963,59 EUR (séquestre n° 8______).

Le 28 février 2014, Me K______ a confirmé à l'Office des poursuites de Genève qu'il détenait EUR 1'332'000 pour le compte de B______ en sa qualité d'héritier de feu C______. Un séquestre de l'administration fiscale vaudoise visait déjà l'entier des actifs successoraux.

i. Le 10 avril 2014, A______ a fait notifier à B______ un commandement de payer poursuite n° 1______ portant sur la somme de 4'237'529 fr. 75 au titre des contrats de prêt, de 1'988 fr. au titre du coût du procès-verbal de séquestre n° 8______ et de 8'000 fr. au titre de dépens de l'ordonnance de séquestre. Il a été fait opposition à ce commandement de payer.

C. a. Le 9 mai 2014, A______ a requis du Tribunal la mainlevée provisoire de cette opposition à concurrence de 3'314'0910 fr. 35 avec intérêts à 5% dès le 1er septembre 2008, de 148'474 fr. 70 (intérêts conventionnels Euribor) et de 400 fr. (frais de poursuite), avec suite de frais et dépens.

b. Le 8 septembre 2014, B______ a conclu à ce que le Tribunal ordonne la production des originaux des contrats de prêt au motif que leur authenticité était douteuse.

Par ordonnance du 15 septembre 2014, le Tribunal a rejeté cette requête.

c. Dans sa réponse du 3 décembre 2014, B______ a conclu, à titre préalable, à la suspension de la procédure comme dépendant de la procédure pénale ouverte contre A______ sur plainte de D______ devant le Ministère public de l'arrondissement de la Côte et, à titre principal, au déboutement de A______ de toutes ses conclusions, avec suite de frais et dépens.

B______ a fait valoir que les pièces visant à établir le versement des montants prétendument prêtés n'étaient pas probantes et qu'une enquête pénale portant sur le caractère fictif des prêts en question était en cours. En outre, la même question avait déjà été tranchée par jugement de mainlevée du 25 mars 2014, lequel n'avait pas fait l'objet d'un recours, de sorte que la requête se heurtait à l'autorité de chose jugée.

d. Dans son jugement du 23 décembre 2014, le Tribunal a retenu que la suspension de la cause ne se justifiait pas au regard du principe de célérité applicable en procédure sommaire et du fait que le juge statuait sur la base de la seule vraisemblance des faits. L'existence d'un précédent jugement de mainlevée ne faisait pas obstacle au prononcé d'un jugement postérieur dans le cadre d'une autre poursuite validant un autre séquestre. A______ n'avait rendu vraisemblable que le versement de 500'000 fr. en exécution du prêt du 9 août 2006 et de 500'000 USD en exécution du prêt du 18 décembre 2007. La mainlevée ne pouvait pas être prononcée pour le montant dû au titre des intérêts conventionnels, leur taux n'étant pas rendu vraisemblable, seuls devant être retenus les intérêts moratoires à 5% dès la date d'exigibilité du prêt.

e. Les arguments des parties devant la Cour seront examinés ci-après dans la mesure utile à la résolution du litige.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. b et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire.

1.2 En l'espèce les deux recours ont été interjetés dans le délai et selon les formes prévus par la loi, de sorte qu'ils sont recevables.

1.3 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits
(art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par la partie recourante (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème édition, Berne, 2010, n° 2307).

Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 lit. a a contrario et 58 al. 1 CPC).

1.4 Les conclusions, allégations de faits et preuves nouvelles sont irrecevables, sauf exception prévue par la loi (art. 326 CPC).

Aucune exception légale n'étant réalisée en l'espèce, les pièces nouvelles produites par les parties sont dès lors irrecevables, de même que les allégations de fait y relatives.

2. B______ fait valoir que le jugement entrepris se heurte à l'autorité de chose jugée attachée au jugement rendu le 25 mars 2014 dans une autre poursuite mais concernant les mêmes créances.

2.1 Selon la jurisprudence, la procédure de mainlevée est un incident de la poursuite; il s'agit d'une procédure sur pièces qui n'a pas pour objet de statuer sur la réalité de la prétention en poursuite mais uniquement sur la force exécutoire du titre produit par le poursuivant. Le jugement de mainlevée provisoire ne sortit que des effets de droit des poursuites et ne fonde pas l'exception de chose jugée quant à l'existence de la créance (ATF 136 III 583 consid. 2.3).

Ainsi, la jurisprudence reconnaît la possibilité pour un poursuivant débouté de solliciter une nouvelle fois la mainlevée, y compris dans la même poursuite (ATF 140 II 456 consid. 2.5).

2.2 Compte tenu de ce qui précède, c'est à juste titre que le Tribunal a considéré qu'il n'était pas lié par le jugement du 25 mars 2014 prononçant la mainlevée provisoire de l'opposition formée par B______ dans le cadre d'une autre poursuite. Le grief de ce dernier sur ce point est par conséquent infondé.

3. A______ fait valoir dans son recours que les pièces produites suffisent à rendre vraisemblable le fait que les sommes correspondant aux prêts litigieux ont effectivement été versées à C______. B______ le conteste, relevant qu'une enquête pénale portant sur le caractère fictif des prêts en question est en cours.

3.1 Le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer (art. 82 al. 1 LP). Le juge prononce la mainlevée si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblable sa libération (art. 82 al. 2 LP).

Constitue une reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 LP, l'acte signé par le poursuivi - ou son représentant - duquel il ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée ou aisément déterminable et exigible au moment de la réquisition de poursuite (ATF 130 III 87 consid. 3.1 et les références citées; Jaeger/Walder/Kull/Kottmann, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, 4ème édition, 1997, n. 10
ad art. 82 LP).

La reconnaissance de dette peut découler du rapprochement de plusieurs pièces, pour autant que les éléments nécessaires en résultent (ATF 122 II 126 consid. 2; SJ 2004 I 209 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5P.290/2006 du 12 octobre 2006 consid. 3.1.2).

La procédure de mainlevée provisoire est une procédure sur pièces (Urkundenprozess), dont le but n'est pas de constater la réalité de la créance en poursuite, mais l'existence d'un titre exécutoire : le créancier ne peut motiver sa requête qu'en produisant le titre et la production de cette pièce, considérée en vertu de son contenu, de son origine et des caractéristiques extérieures comme un tel titre, suffit pour que la mainlevée soit prononcée si le débiteur n'oppose pas et ne rend pas immédiatement vraisemblable des exceptions. Le juge de la mainlevée provisoire examine donc seulement la force probante du titre produit par le créancier, sa nature formelle - et non la validité de la créance - et lui attribue force exécutoire (ATF 132 III 140 consid. 4.1).

Le juge de la mainlevée doit vérifier d'office notamment l'existence matérielle d'une reconnaissance de dette, l'identité entre le poursuivant et le créancier désigné dans ce titre, l'identité entre le poursuivi et le débiteur désigné et l'identité entre la prétention déduite en poursuite et la dette reconnue (arrêt du Tribunal fédéral 5A_236/2013 du 12 août 2013, consid. 4.1.1).

Le contrat de prêt d'une somme déterminée constitue une reconnaissance de dette pour le remboursement du prêt, pour autant que le débiteur ne conteste pas avoir reçu la somme prêtée et que le remboursement soit exigible (ATF 136 III 627 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_326/2011 du 6 septembre 2011 consid. 3.2).

Conformément à l'art. 82 al. 2 LP, le poursuivi peut faire échec à la mainlevée en rendant immédiatement vraisemblable ses moyens libératoires (ATF 132 III 140 consid. 4.1.1 et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 5A_878/2011 du 5 mars 2012 consid. 2.1), ce que celui-ci doit établir en principe par titre (cf. art. 254 al. 1 CPC). Il n'a pas à apporter la preuve absolue (ou stricte) de ses moyens libératoires, mais seulement à les rendre vraisemblables (arrêt du Tribunal fédéral 5A_878/2011 du 5 mars 2012 consid. 2.2). Le juge n'a pas à être persuadé de l'existence des faits allégués; il doit, en se fondant sur des éléments objectifs, avoir l'impression qu'ils se sont produits, sans exclure pour autant la possibilité qu'ils se soient déroulés autrement (ATF 132 III 140 consid. 4.1.2). Le poursuivi peut se prévaloir de tous les moyens de droit civil - exceptions ou objections - qui infirment la reconnaissance de dette (ATF 131 III 268 consid. 3.2).

3.2 En l'espèce, les pièces produites par A______ ne suffisent pas à rendre vraisemblable que les sommes figurant dans les contrats de prêt des 9 août 2006, 18 décembre 2007 et 9 janvier/22 mai 2008 ont été effectivement versées.

En effet, pour le contrat du 9 août 2006, les montants résultant de ces pièces, en 500'000 fr. et 275'000 fr., soit 489'948 EUR à l'époque (taux moyen au 10 septembre 2006), ne correspondent pas au montant prévu contractuellement de 500'000 EUR. En outre le second versement a été effectué postérieurement au 9 août 2006, alors que le contrat précise que la remise des fonds avait déjà eu lieu à cette date. A cela s'ajoute le fait que l'on ignore qui sont les titulaires ou les ayant droit économiques des comptes débités et crédités, étant souligné que les avis bancaires ont été adressés par H______ à E______ et non à A______.

En ce qui concerne le contrat du 18 décembre 2007, A______ ne produit qu'un avis de débit d'un compte dont la référence est différente de celui duquel le montant du précédent prêt aurait été débité et dont on ignore le titulaire ou l'ayant droit économique. Un tel document ne suffit pas à rendre vraisemblable la remise du montant concerné à C______.

Enfin, s'agissant du prêt de 2008, l'on ne saurait conclure du seul extrait de compte débiteur de la société I______ auprès de J______ que A______ a bien versé à C______ le montant contractuellement prévu.

Par ailleurs, au regard de l'ensemble des circonstances, les allégations de D______ selon lesquelles les prêts en question étaient fictifs et avaient pour seul but de justifier fiscalement le remboursement d'un prêt hypothécaire contracté pour le compte d'une société immobilière française détenue par C______, ressortissant américain domicilié en Suisse, revêtent une certaine vraisemblance.

Tout d'abord, il est inhabituel qu'un gestionnaire de fortune octroie des prêts à titre personnel à un client, qui plus est pour un montant aussi important, à savoir plus de 2'000'000 EUR au taux de change de l'époque. Le fait que C______ et A______ aient, comme l'allègue ce dernier, noué des relations amicales ne suffit pas à expliquer une transaction d'une telle ampleur.

En outre, comme l'a relevé la Chambre pénale des recours vaudoise, l'on comprend mal pour quel motif A______ a attendu 2013 pour poursuivre le recouvrement des sommes concernées qui étaient exigibles depuis 2008.

Au regard de ce qui précède, il convient de retenir que les contrats de prêt produits par A______ ne valent pas titre de mainlevée, dans la mesure où le versement effectif des fonds par le prêteur n'a pas été rendu vraisemblable.

Le jugement litigieux doit par conséquent être annulé et A______ débouté de toutes ses conclusions.

Il n'est dès lors pas nécessaire d'examiner la question de la suspension de la procédure requise par B______ ni les autres griefs soulevés par les parties. Il n'y a par ailleurs pas lieu d'infliger une amende disciplinaire à ce dernier ou à son conseil, contrairement à ce que soutient A______.

4. Au regard de l'issue du recours, les frais de première instance et ceux des deux recours doivent être mis à charge de A______ qui succombe (art. 106 al. 1 CPC).

Les frais judiciaires seront fixés à 1'500 fr. pour la procédure de première instance et à 4'500 fr. pour celle de recours, soit 6'000 fr. au total (art. 48 et 61 al. 1 OELP). Ils seront compensés avec les avances fournies, en 3'750 fr. par A______ et en 2'250 fr. par B______, A______ étant condamné à verser ce dernier montant à celui-ci (art. 111 CPC).

Au vu de la valeur litigieuse de 3'463'786 fr., A______ sera en outre condamné à verser à B______ 10'000 fr. au titre des dépens de première instance et 12'000 fr. au titre de ceux des deux recours, soit 22'000 fr. au total, débours et TVA compris (art. 85, 89 et 90 RTFMC), à savoir un montant réduit en application de l'art. 23 al. 1 LaCC pour tenir compte du travail effectif de l'avocat.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevables les recours interjetés par A______ et B______ contre le jugement JTPI/16478/2014 rendu le 23 décembre 2014 par le Tribunal de première instance dans la cause C/9385/2014-14 SML.

Au fond :

Rejette le recours formé par A______.

Admet le recours formé par B______ et, cela fait, statuant à nouveau :

Annule le jugement précité.

Déboute A______ des fins de sa requête de mainlevée de l'opposition formée au commandement de payer poursuite n° 1______.

Déboute les parties de toute autre conclusion.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de première instance et de recours à 6'000 fr.

Les met à charge de A______ et dit qu'ils sont compensés avec les avances de frais fournies par les parties, lesquelles restent acquises à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser 2'250 fr. à B______ au titre des frais judiciaires.

Condamne A______ à verser 22'000 fr. à B______ au titre des dépens de première instance et de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Pauline ERARD et Madame Fabienne GEISINGER-MARIÉTHOZ, juges; Madame Céline FERREIRA, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Céline FERREIRA

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.