C/15176/2004

CAPH/7/2006 (2) du 10.01.2006 sur TRPH/207/2005 ( CA ) , REFORME

Recours TF déposé le 13.02.2006, rendu le 24.05.2006, REJETE, 4C.61/2006
Descripteurs : CONTRAT INDIVIDUEL DE TRAVAIL; CONTRAT DE DURÉE DÉTERMINÉE; AUTORISATION DE TRAVAIL; DURÉE; HEURES DE TRAVAIL SUPPLÉMENTAIRES; INDEMNITÉ DE VACANCES
Normes : CO.334; CO.321c
Résumé : T, ressortissante italienne, est engagée en tant qu'employée de maison appelée à cuisiner par E1 et E2, personnes âgées, pour une période de dix-huit mois et à la condition qu'elle obtienne une autorisation de travail. Après une année, E1 et E2 résilient le contrat. Le fait que T ait obtenu une autorisation de travail limitée à un an n'a pas d'effet sur le contrat de travail et ne réduit pas à une année la durée du contrat; l'autorisation était renouvelable et a d'ailleurs effectivement été renouvelée. Par ailleurs, le contrat de travail a été signé le jour de l'octroi de l'autorisation, mais T n'a commencé son emploi qu'un mois plus tard. Les employeurs sont ainsi tenus de payer à T son salaire jusqu'au terme du contrat. Dès lors que, de ce fait, T est indemnisée pendant six mois sans avoir à travailler, la Cour retient qu'elle avait le temps de prendre son solde de vacances. Elle n'a par contre pas établi avoir effectué des heures supplémentaires et est déboutée de cette prétention.
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En droit
Par ces motifs

 

 

Madame T________

Dom. élu :

Monsieur _____

Rue ______

12________

 

 

 

 

 

 

 

 

Partie appelante

 

 

 

 

 

 

 

 

D’une part

 

Madame E1_______

Dom. élu : Me Odile ROULLET

Rue du Rhône 57

Case postale 3587

1211 Genève 3

 

Madame E2_____

Dom. élu : Me Odile ROULLET

Rue du Rhône 57

Case postale 3587

1211 Genève 3

 

 

Partie intimée

 

 

 

 

 

 

 

 

D’autre part

 

 

 

 

 

ARRET

 

du 10 janvier 2006

 

 

M. Louis PEILA, président

 

 

M. Peter MEDILANSKI et Mme Jacqueline ROBERT, juges employeurs

 

Mme Claire DE BATTISTA TRELLES et M. Jean-David URFER, juges salariés

 

 

M. Olivier SIGG, greffier d’audience

 

 

 

A. Par demande déposée au greffe de la juridiction des prud'hommes le 9 juillet 2004, T________ a assigné ses employeurs E1_______ et E2______ en paiement de fr. 44’041.50, somme qui se décompose comme suit :

- fr. 23’400.- à titre de salaire ;

- fr. 19'191.50 à titre d’heures supplémentaires sur 12 mois ;

- fr. 1'450.- à titre de vacances.

 

E1_______ et E2______ont d’emblée conclu au rejet de ces prétentions, avec suite de dépens.

 

B. Par jugement du 30 mars 2005, notifié par pli recommandé du lendemain, le Tribunal des prud’hommes a condamné E1_______ et E2______à verser à T______ fr. 19'348.- net, avec intérêts à 5% l’an dès le 9 juillet 2004.

 

Le Tribunal a considéré que le licenciement de T______ à fin juillet 2004 était injustifié et qu’elle avait droit à son salaire jusqu’au 11 janvier 2005. Il lui restait dû à ce titre fr. 16'523.70. Par ailleurs, il ressortait des témoignages que l’employée avait accompli un horaire hebdomadaire de 49 heures, soit une de plus que l’horaire spécifié à l’art. 12 al. 1 du contrat type I, correspondant à un montant de fr. 1'102.40. T_______ avait également droit au paiement des vacances non prises pour la période s’écoulant du 1er août 2004 au 11 janvier 2005, soit fr. 1'722.45.

 

C. Par acte déposé le 3 mai 2005, E1______ et E2______appellent de cette décision et concluent au déboutement intégral de leur ancienne employée, avec suite de dépens.

 

T_______ conclut à la confirmation de la décision entreprise.

 

D. Il ressort de la procédure les éléments suivants :

 

a. E1______ et E2_____, personnes âgées dont l’une est de santé précaire, occupent un appartement de 6 pièces (deux chambres à coucher, un bureau, un salon, une salle à manger, une cuisine et deux salles d’eau) sis _______ à Genève.

 

Elles ont de longue date eu du personnel de maison à leur service.

 

b. En avril 2003, E1______ et E2______sont entrées en contact avec T_______, ressortissante italienne domiciliée en Italie, née le 3 mai 1949, afin de l’engager en qualité d’employée de maison appelée à faire la cuisine. Elles ont sollicité pour elle une autorisation de séjour avec activité lucrative par courrier du 25 avril 2003. Selon le formulaire rédigé à cette occasion, le salaire de l’employée était fixé à fr. 3'000.- par mois, nourrie et logée, pour une durée souhaitée de 18 mois, renouvelable pour une longue durée en cas de convenance. L’Office de la main-d’œuvre étrangère a rendu une décision favorable le 3 juillet 2003, à condition que le salaire mensuel se compose de fr. 3'000.- en espèces et de fr. 900.- représentés par la nourriture et le logement. Il a, pour autant que cette condition soit respectée, rendu une décision d’autorisation de séjour CE/AELE de courte durée pour T______, employée de maison, valable 364 jours, renouvelable.

 

Le contrat de travail signé par les parties le même jour respecte la condition salariale posée et mentionne qu’il est conclu pour une période de 18 mois, renouvelable (cf. pce 5 app.), et que son entrée en vigueur est subordonnée à autorisation. Il était encore stipulé que l’employée entrerait en fonction selon accord des parties dès réception de ladite autorisation.

 

L’Office cantonal de la population a en conséquence délivré le 11 juillet 2003 une assurance d’entrée en Suisse et T_____ a été tenue informée du résultat des démarches entreprises, en recevant copie des décisions la concernant.

 

c. T______ a effectivement pris ses fonctions le 4 août 2003. Le salaire convenu lui a toujours été versé net, E1______ et E2_____assumant la totalité des charges sociales, y compris l’impôt à la source. Il leur en a coûté fr. 19'690.30.

 

d. Il ressort des témoignages que T______ assurait un horaire quotidien débutant entre 7h30 et 8h00 et se poursuivant jusqu’à 14h00, voire 14h30 ou exceptionnellement 15h00, s’il y avait des invités. Elle reprenait son service vers 18h00 et le terminait généralement vers 20h30, voire 21h00, sauf le jeudi où elle travaillait à la mi-journée ; son congé hebdomadaire était fixé le dimanche.

 

Le travail de T______ consistait essentiellement à préparer les repas, y compris le petit-déjeuner, et à faire quelques menues courses. Ceci incluait naturellement le service de table, la vaisselle et le nettoyage de la cuisine. La procédure ne démontre pas qu’elle accomplissait des tâches de femme de ménage, celles-ci étant effectuées par une autre personne, à l’exception de la remise en place matinale des lits. Elle aidait à l’occasion à changer les lits (cf. témoins A_____ et B______).

 

Pendant la durée de son engagement, T______ n’a jamais sollicité le paiement d’heures supplémentaires ni attiré l’attention de ses employeurs sur le fait qu’elle en accomplirait. E2______a déclaré qu’elle avait demandé à trois ou quatre reprises à son employée d’effectuer quelques heures supplémentaires.

 

e. T______ a été absente pour cause de maladie entre le 16 février et le 7 mars 2004, ce qu’elle ne conteste pas. Elle a par ailleurs admis devant la Cour l’allégation de E1______ et de E2______selon laquelle, pendant trois mois durant l’automne 2003, elle avait suivi des cours de français à C______ le mardi de 20h00 à 22h00, assurant en conséquence un service du soir réduit ces jours-là.

 

f. Le 29 mai 2004, E1______ et E2_____ ont avisé T______ qu’elles ne souhaitaient pas renouveler son contrat. Aucun élément du dossier n’indique que cette décision a fait l’objet d’une explication adressée à T_______. Le même jour, E1______ et E2_______lui ont également remis un certificat de travail mentionnant une activité s’étendant du 3 juillet 2003 au 3 juillet 2004.

 

g. Le 30 juin 2004, E2______ a payé à T_______ son salaire du mois de juin 2004, ainsi que fr. 3'900.- à titre de vacances, soit fr. 3'000.- à titre de salaire en espèces et fr. 900.- à titre de compensation pour le logement et la nourriture. T_______ a quitté le studio mis à sa disposition par ses employeurs le 12 juillet 2004.

 

h. Par courrier du 1er juillet 2004, l’OCP a adressé à T_______ une facture de fr. 65.- pour le renouvellement de son autorisation.

 

i. En date du 8 juillet 2004, le Conseil de E1_______ et de E2_____ a informé l’Office cantonal de la population que ses clientes n’entendaient pas renouveler le contrat de T_______.

 

j. T______ n’a pas travaillé en juillet 2004. Devant la Cour, elle a précisé que ce mois était consacré aux vacances, ajoutant qu’elle n’en avait pas pris jusque-là.

 

Elle s’est inscrite au chômage le 18 juin 2004 et a trouvé un emploi partiel aux ______ dès le 1er octobre 2004 et pendant 8 mois, pour un salaire mensuel de fr. 1'250.-.

EN DROIT

 

1. Interjeté dans la forme et les délais prévus par la loi (art. 59 de la loi sur la juridiction des prud'hommes, ci-après: LJP), l’appel est recevable.

 

2. Il est établi et non contesté que les parties ont été liées par un contrat de travail soumis au droit suisse et que la juridiction des prud’hommes est compétente.

 

3. Le statut des travailleurs de l’économie domestique est régi à Genève par un Contrat-type (ci-après : CTT ; GE/J/1/50.03).

 

Le CTT en vigueur à Genève a été élaboré en application de l'art. 359 al. 2 CO, selon lequel les cantons sont tenus d'édicter des contrats-types pour le service de maison notamment (arrêt du Tribunal fédéral non publié 4C.261/1999 du 28 janvier 2000, consid. 2a). Sauf accord contraire, le contrat-type de travail s'applique directement aux rapports de travail qu'il régit (art. 360 al. 1 CO), peu importe que les parties en aient ou non eu connaissance (arrêt du Tribunal fédéral du 30 novembre 1998, in SJ 1999 I p. 161, consid. 1b). Sous réserve du cas, non réalisé en l'espèce, où les parties à un contrat individuel de travail déclarent renvoyer à tout ou partie d'un contrat-type de travail et où l'on peut se demander si les rapports contractuels ne relèvent alors pas du droit fédéral (cf. arrêt du Tribunal fédéral du 29 août 1990 in SJ 1993 p. 372, consid. 1), les contrats-types édictés par les cantons dans le cadre de l'art. 359 al. 2 CO constituent du droit privé cantonal (arrêt du 28 janvier 2000 précité consid. 2b).

 

Il s’ensuit que le CTT est applicable au cas d’espèce, dans sa globalité. En effet, rien ne démontre que les parties auraient, de manière concordante, exprimé la volonté d’y déroger, notamment en convenant d’un salaire supérieur aux normes prévues par ce contrat-type. D’ailleurs, les prétentions de l’employée se réclament de ces normes.

 

4. Les appelantes se déclarent convaincues que l’autorisation administrative délivrée pour l’engagement de l’intimée a modifié la nature du contrat de travail en réduisant de 18 à 12 mois la durée du contrat de travail de durée déterminée qui liait les parties. Il convient en conséquence d’examiner la portée d’une autorisation administrative sur un contrat de droit privé.

 

4.1 La décision d’autorisation de séjour de courte durée en faveur de l’intimée a été rendue, notamment, en application de la Loi fédérale sur le séjour et l’établissement des étrangers (art. 18 al. 2 et 4 LSEE) et du règlement genevois d’application de l’ordonnance du Conseil fédéral sur l’introduction progressive de la libre circulation entre la Suisse et la Communauté européenne et les Etats membres de l’AELE (RS GE J 2 09.02). Le règlement genevois appliqué fait par ailleurs clairement référence à l’OLE (RS 823.21) qui, par son article 9, vise à maintenir la paix sociale en préservant les travailleurs suisses d'une sous enchère salariale induite par la main-d'oeuvre étrangère et en protégeant les travailleurs étrangers eux-mêmes (ATF 122 III 110 consid. 4d p. 114). L’autorisation délivrée poursuit mutatis mutandis les mêmes buts que l’art. 9 OLE. On conçoit mal dès lors que les dispositions applicables, compte tenu des objectifs poursuivis, puissent restreindre la liberté contractuelle des parties de modifier leur contrat de travail, dans la mesure où elles ne font qu'en limiter la durée à celle couverte par l'autorisation de séjour et de travail octroyée.

En conséquence, et cela ressort tant des textes applicables que des discussions qui ont eu lieu en l’espèce, le souci principal des autorités est de préserver la valeur du travail en Suisse en interdisant la sous enchère, sans nécessairement interférer dans la durée du contrat liant les parties. Par ailleurs, dans la mesure où un contrat de durée déterminée offre une meilleure protection au travailleur, on ne voit pas que l’administration trouve à redire à un engagement de droit privé allant au-delà de la durée initiale de l’autorisation administrative, ce d’autant que, d’emblée, ladite autorisation envisageait une telle solution, stipulant qu’elle était renouvelable. Certes, si le renouvellement sollicité n’avait pas été confirmé, le contrat n’aurait pu se poursuivre au-delà d’une année. Toutefois, tel n’est pas le cas en l’occurrence. En effet, d’une part personne n’a, à juste titre, émis l’hypothèse que la portée dans le temps de l’autorisation administrative affectait les termes du contrat de travail et, d’autre part, cette autorisation a précisément été renouvelée. En conséquence, le contrat conclu entre les parties était un contrat de durée déterminée, plus précisément d’une durée minimale de 18 mois, durée librement consentie que ne modifiait en rien l’autorisation administrative. Au surplus, on relèvera que les appelantes n’ont pas démontré qu’elles entendaient, comme elles l’écrivent, subordonner toutes les conditions du contrat à l’obtention de l’autorisation sollicitée. Les faits attestent même du contraire, puisque le contrat de travail, qui prévoit spécifiquement une durée de 18 mois, est signé le jour même de la délivrance de l’autorisation, que le début des rapports de travail est différé pratiquement d’un mois et que la fin de ceux-ci a été fixée au 31 juillet 2004, date qui ne correspond pas à 364 jours après la délivrance de l’autorisation. La thèse des appelantes n’a de surcroît pas de sens au regard du fait que l’autorisation était d’emblée décrite comme renouvelable.

 

4.2 Selon l'art. 334 al. 1 CO, le contrat de travail de durée déterminée se définit comme celui qui prend fin sans qu'il soit nécessaire de donner le congé. La durée déterminée du contrat résulte de la loi, de la nature du contrat ou de la convention des parties. Lorsque les parties concluent un contrat de travail d'une durée minimale pendant laquelle le contrat ne peut être résilié, suivi d'une période où le contrat peut faire l'objet d'une résiliation ordinaire, on considère que, pendant cette durée minimale, le contrat déploie les effets propres au contrat de durée déterminée (cf. ATF 110 II 167). La caractéristique principale d'un tel contrat est que les parties ne peuvent pas mettre fin aux rapports de travail, sauf si celle qui en prend l'initiative possède un juste motif de résiliation immédiate, cas de figure qui n’est pas allégué en l’espèce (STAEHELIN, Commentaire zurichois, N 17 ad art. 334 CO; BRUNNER/BÜHLER/WAEBER/ BRUCHEZ, Commentaire du contrat de travail, 3e éd. Lausanne 2004, N 4 ad art. 334 CO; WYLER, Droit du travail, Berne 2002, p. 323).

 

4.3 En l’espèce, et contrairement à ce qu’à retenu le Tribunal,les relations de travail n’ont pas commencé le jour de la délivrance de l’autorisation, mais à la date à laquelle les parties ont convenu que l’intimée débuterait son activité. Compte tenu des dépositions concordantes des parties et des jours fériés, il y a lieu de considérer que les rapports de travail ont pris naissance en août 2003 et que la durée déterminée du contrat liait en conséquence les parties jusqu’à fin janvier 2005.

 

4.4 Lorsque la résiliation du contrat est injustifiée, la partie congédiée a droit à ce qu'elle aurait gagné si les rapports de travail avaient pris fin à l'expiration du délai de congé ou à la cessation du contrat conclu pour une durée déterminée. Les mêmes principes valent évidemment lorsque l’employeur considère à tort être délié des obligations découlant du contrat de travail à une date déterminée, et signifie comme en l’occurrence à l’employé la fin des relations de travail pour cette date erronée, alors que le contrat l’oblige pendant toute la durée convenue, soit in casu jusqu’à fin janvier 2005.

 

4.5 L’intimée a été payée jusqu’à fin juillet 2004. Elle avait droit à son salaire intégral jusqu’en janvier 2005, calculé conformément à ce qui avait été convenu entre les parties, soit fr. 3'900.- net par mois (fr. 3'000.- en espèces et fr. 900.- à titre de logement et de nourriture), montant qui sera versé entièrement en espèces, le travailleur ne pouvant plus être ni logé ni nourri. En conclusion, il sera alloué à l’intimée fr. 23'400.- à titre de salaire jusqu’à la fin du contrat de travail (6 x 3'900.-), sous déduction de fr. 5'000.- correspondant au montant qu’elle a gagné en exécutant un autre emploi (4 x 1'250.-), soit fr. 18'400.- Cette somme s’entend nette, c’est-à-dire sous déduction des prestations sociales obligatoires, mais à l’exclusion des prestations volontaires, telles que le paiement de l’impôt à la source, qui n’ont plus lieu d’être après la rupture des relations de travail. Les intérêts ne sauraient courir avant le 1er août 2004, les obligations des employeurs étant à jour à cette date.

5. L’intimée a obtenu devant les premiers juges le paiement des vacances non prises. Elle a toutefois admis devant la Cour qu’elle avait consacré le mois de juillet 2004 à ses vacances. Cet aveu judiciaire emporte qu’elle n’a pas droit à une compensation pour les vacances durant la première année de service. Pour la durée de 6 mois qui s’ensuit, entièrement indemnisée, il y a lieu de considérer que, compte tenu de la brève durée de l’engagement et de la longue durée, proportionnellement, de l’indemnisation, l’intimée pouvait organiser ses vacances nonobstant ses recherches d’emploi, au demeurant non étayées, et n’a aucun droit de ce chef. Le jugement entrepris sera modifié en conséquence.

6. L’intimée a finalement obtenu le paiement d’heures supplémentaires que les appelantes contestent.

 

6.1 Le fardeau de la preuve des heures de travail supplémentaires accomplies incombe au travailleur (Staehelin/Schönenberger, Commentaire zurichois, n. 16 ad art. 321c CO; consid. 4a non publié de l'ATF 123 III 84). S'il n'est plus possible de prouver le nombre exact d'heures effectuées par le travailleur, le juge peut faire application de l'art. 42 al. 2 CO pour en estimer la quotité (ATF 128 III 271 consid. 2b/aa). Afin toutefois de ne pas détourner la règle de preuve résultant de l'art. 321c CO, le travailleur est tenu, en tant que cela peut être raisonnablement exigé de lui, d'alléguer et prouver toutes les circonstances propres à évaluer le nombre desdites heures supplémentaires. La conclusion que les heures supplémentaires ont été réellement effectuées dans la mesure alléguée doit s'imposer au juge avec une certaine force (consid. 4a non publié de l'ATF 123 III 84).

 

6.2 L’intimée a sollicité le paiement d’heures supplémentaires, sans en démontrer la réalité autrement qu’en exposant avoir suivi un horaire régulier, excédant ses obligations, et en estimant qu’il était conforme à la réalité. Cela étant, il y a lieu de constater qu’elle n’a jamais attiré l’attention de ses employeurs sur le fait qu’elle accomplirait des heures supplémentaires et, a fortiori, n’en a jamais sollicité le paiement. Elle n’a pas non plus prouvé qu’elle était affectée à d’autres tâches que la cuisine, à quelques menus détails près, et que la préparation du petit déjeuner et de deux repas par jour, en principe pour deux personnes, prendrait plus de 9 heures quotidiennement. De plus, elle a dû admettre devant la Cour que la régularité des horaires dont elle se prévalait n’était pas établie, puisque, notamment, pendant 13 semaines en automne 2003, elle avait suivi des cours de français le mardi soir, cette activité réduisant naturellement son temps de travail. Enfin, les témoignages recueillis ne permettent pas d’établir avec précision l’horaire de l’intimée, en ce sens qu’ils font état de « fourchettes » horaires. La moyenne de celles-ci laisse apparaître une durée de l’ordre de 9 heures par jour (8h00-14h30 ; 18h00 – 20h30), desquelles il convient de retirer la pause d’une demi-heure quotidienne pour les repas de midi et du soir, soit environ 8 heures par jour ou 46 heures par semaine en tenant compte du dimanche et du jeudi après-midi de congé, soit moins que ce que spécifie le CTT. Voulût-on considérer un horaire plus large que la démonstration des heures supplémentaires ne serait toutefois pas établie, au regard des périodes durant lesquelles l’intimée à moins, voire pas travaillé, soit 13 semaines en automne et 3 semaines en février. En conséquence, l’intimée n’a pas apporté la démonstration qu’elle aurait accompli les heures supplémentaire qu’elle alléguait et ses prétentions doivent être écartées.

 

7. La valeur litigieuse étant inférieure à fr. 30'000.-, aucun émolument ne sera perçu. Les particularités du cas d’espèce n’impliquent pas de déroger à la règle selon laquelle chaque partie prend en charge ses dépens devant les prud’hommes.

 

 

 

PAR CES MOTIFS

 

La Cour d’appel des prud'hommes, groupe 5,

 

A la forme :

 

Déclare recevable l’appel interjeté par E1______ et E2______ contre le jugement du Tribunal des prud'hommes du 30 mars 2005 dans la cause C/15176/2004 – 5 ;

 

Au fond :

 

Annule ce jugement;

 

Et statuant à nouveau :

 

Condamne E1_______ et E2______à payer à T______ fr. 18'400.-, plus intérêts à 5% dès le 1er août 2004, nette des charges obligatoires.

 

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

 

 

 

 

 

La greffière de juridiction Le président