A/3211/2007

DCSO/500/2007 du 25.10.2007 ( PLAINT ) , REJETE

Recours TF déposé le 30.10.2007, rendu le 11.03.2008, DROIT PUBLIC
Descripteurs : Insaisisssabilité. Saisissabilité relative. Rente
Normes : LP.20a.2.ch.3; LP.92.1.ch.9 et 9a; LP.93
Résumé : La rente d'invalidité versée par l'assurance accident obligatoire est relativement saisissable. Recours au Tribunal fédéral formé le 31 octobre 2007. Recours rejeté par arrêt du 18 décembre 2007, 5A_631/2007.
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En fait
En droit

 

DÉCISION

DE LA COMMISSION DE SURVEILLANCE

DES OFFICES DES POURSUITES ET DES FAILLITES

SIÉGEANT EN SECTION

DU JEUDI 25 OCTOBRE 2007

 

Cause A/3211/2007, plainte 17 LP formée le 21 août 2007 par M. S______.

 

 

Décision communiquée à :

 

- M. S______

- Confédération suisse

 

- Etat de Genève

Administration fiscale cantonale

Case postale 3937

1211 Genève 3

 

- Office des poursuites


 

EN FAIT

A. Dans le cadre de deux poursuites formant la série n° 06 xxxx87 W et dirigées contre M. S______, l'Office des poursuites (ci-après : l'Office) a exécuté, en date du 19 juillet 2007, une saisie de rente en mains de W______à hauteur de 480 fr. par mois.

De la feuille de calcul (form. 6a) établie par l'Office il ressort que les revenus de M. S______ s'élèvent à 5'204 fr., que son épouse a un salaire de 700 fr. net en moyenne par mois et que le fils de cette dernière, né le 4 avril 1988 d'un précédent mariage, Pawel S______, est bénéficiaire d'une rente complémentaire pour enfant de l'AVS en 570 fr. Le total des charges du ménage a été fixé à 4'814 fr. 60 (entretien de base : 1'550 fr. ; assurances maladie du débiteur, de son conjoint et de Pawel : 1'176 fr. 60 ; frais de repas pour Pawel : 220 fr. ; frais de transport pour le conjoint et Pawel : 115 fr. ; frais médicaux non remboursés : 125 fr. ; loyer : 1'698 fr.).

B. Par acte posté le 21 août 2007, M. S______ a formé plainte contre la saisie exécutée par l'Office dont il déclare avoir eu connaissance le 17 août 2007. Le prénommé conteste le caractère saisissable de la rente qui lui est versée par W______et critique la méthode de calcul et le montant des charges, qui selon lui, n'ont pas toutes été prises en considération par l'Office, en particulier la base d'entretien (500 fr.), les frais scolaires de Pawel (120 fr. par mois en moyenne) ainsi que les frais d'essence pour se déplacer avec son véhicule chez ses médecins. Il produit notamment copie d'un courriel de la W______adressé à l'Office dans lequel cet établissement confirme qu'il verse une rente invalidité mensuelle de 3'778 fr. à M. S______ suite à un accident dont il a été victime le 28 juillet 1996 et précise qu'il intervient en tant qu'assurance-accidents obligatoire selon les art. 18 al. 1 et 2, 19 al. 1 et 20 al. 1 et 2 LAA.

Par courrier daté du 30 août 2007, M. S______ a transmis à la Commission de céans un acte de défaut de biens, daté du 3 janvier 2007, qui lui a été communiqué par l'Office dans le cadre d'une poursuite antérieure (n° 06 xxxx03 H) et à teneur duquel l'Office a notamment retenu que la rente servie par W______était insaisissable. Il déclare ne pas comprendre les raisons pour lesquelles son revenu est aujourd'hui saisissable alors qu'il ne l'était pas quelques mois auparavant.

Le 13 septembre 2007, M. S______ a envoyé à la Commission de céans un certificat de salaire pour l'année 2005 concernant son épouse -qui précise-t-il, travaille en qualité de patrouilleuse scolaire, est payée à l'heure et ne perçoit aucun revenu durant les vacances scolaires, notamment les mois de juillet et août- attestant d'un revenu net de 8'338 fr. (694 fr. 80 en moyenne par mois), ainsi qu'un relevé de l'employeur de cette dernière relatif aux salaires versés de janvier à juin 2006 (7'280 fr. 20, soit 1'213 fr. 40 en moyenne par mois). Pour le surplus, M. S______ expose que Pawel est totalement à sa charge et que les dépenses du ménage -qu'il assume seul, son épouse ne prenant à sa charge que les frais d'entretien de son fils aîné, Christopher né d'un précédent mariage le 17 septembre 1986, qui vit et poursuit ses études en Pologne- absorbent la totalité de ses rentes.

C. Dans son rapport du 17 septembre 2007, l'Office indique que M. S______ perçoit deux revenus, une rente AVS de 1'426 fr. et une rente d'une assurance 2ème pilier Winterthur de 3'778 fr., laquelle est relativement saisissable selon l'art. 93 LP. Il explique que la rente complémentaire AVS (570 fr.) pour Pawel a été déduite de la base d'entretien (500 fr.), que, s'agissant d'un enfant majeur, il n'a pas tenu compte des frais liés aux études et que la somme de 600 fr., que l'épouse de M. S______ verse à Christopher, a été déduite de son salaire. L'Office produit notamment un extrait du compte de la précitée attestant de virements en faveur de Christopher pour les mois de janvier à mai 2007 de, respectivement, 550 fr., 650 fr., 700 fr., 700 fr. et 600 fr.

D. Invités à se déterminer, les deux poursuivants ont déclaré s'en rapporter à justice.

E. Par courrier du 5 octobre 2007, la Commission de céans a imparti à M. S______, auquel elle avait notamment communiqué le rapport de l’Office, un délai au 17 octobre 2007 pour justifier du revenu de son épouse pour les années 2006 et 2007 et lui indiquer quelles charges Christopher devait assumer, respectivement s'il percevait des subsides et/ou un revenu provenant d'une activité lucrative.

Le prénommé a répondu par courriers des 4 et 8 octobre 2007, à réception desquels la Commission de céans l'a interpellé à nouveau. Elle relevait qu'à teneur de sa plainte, il apparaissait qu'il contestait la saisissabilité de la rente versée par W______ainsi que le calcul du minimum vital et de la quotité saisissable effectué par l'Office, alors que dans les courriers précités, il affirmait que sa plainte ne portait que sur le caractère saisissable de la rente. Un délai lui était imparti pour confirmer l'objet de sa plainte, le cas échéant, pour produire les pièces qui lui avait été réclamées en date du 5 octobre 2007.

Dans sa lettre datée du 11 octobre 2007, M. S______ a répondu que sa plainte portait uniquement sur le caractère saisissable de sa "rente d'invalidité complémentaire à (sa) rente AVS elle-même insaisissable".


 

EN DROIT

1. La Commission de céans est compétente, en tant qu’autorité cantonale de surveillance (art. 13 LP ; art. 10 al. 1 et art. 11 al. 2 LaLP ; art. 56R al. 3 LOJ), pour connaître des plaintes dirigées contre des mesures des organes de l’exécution forcée ne pouvant être contestées par la voie judiciaire ou formées pour déni de justice ou retard injustifié (art. 17 al. 1 et 3 LP).

1.b. La saisie considérée est une mesure sujette à plainte, que le débiteur poursuivi a qualité pour attaquer par cette voie, dans le délai de dix jours à compter de celui où il a eu connaissance de cette mesure (art. 17 al. 2 LP) ou en tout temps s’il invoque un motif de nullité (art. 22 LP).

En l’espèce, le plaignant a agi dans les dix jours dès la connaissance de la saisie exécutée par l'Office et invoque l’insaisissabilité de la rente qui lui est versée par Winterthur Assurances, soit un motif de nullité (cf. consid.2.).

Sa plainte satisfait, par ailleurs, aux exigences de forme et de contenu prescrites par la loi (art. 13 al. 1 et 2 LaLP).

Elle sera donc déclarée recevable.

2. Selon l'art. 20a al. 2 ch. 3 LP, l'autorité de surveillance apprécie librement les preuves ; sous réserve de l'art. 22 LP, elle ne peut aller au-delà des conclusions des parties (cf. également l'art. 69 LPA applicable par renvoi de l'art. 13 al. 5 LaLP) (Pauline Erard, CR-LP, ad art. 20a n° 7 et n° 20 ; Franco Lorandi, Betreibungsrechtliche Beschwerde une Nichtigkeit, Kommentar zu dem Artikeln 13-30 SchKG, ad art. 17 n°321).

Le principe ne eat judex ultra petitum partium consacré par cette disposition interdit aux autorités cantonales de surveillance de statuer ultra petita, soit d'allouer au plaignant davantage que ce qu'il réclame, et de statuer extra petita, c'est-à-dire de lui allouer autre chose que ce qu'il demande (Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire, ad art. 20a, ch. 70 ss).

En l'occurrence, le plaignant dûment interpellé par la Commission de céans, a expressément déclaré que sa plainte portait uniquement sur le caractère saisissable de la rente susmentionnée.

2.a. A teneur de l’art. 93 al. 1 LP, tous les revenus du travail, les usufruits et leurs produits, les rentes viagères, de même que les contributions d’entretien, les pensions et prestations de toutes sortes qui sont destinés à couvrir une perte de gains ou une prétention découlant du droit d’entretien, en particulier les rentes et les indemnités en capital qui ne sont pas insaisissables en vertu de l’art. 92 LP, peuvent être saisis, déduction faite de ce que le préposé estime indispensable pour l’entretien du débiteur et de sa famille.

L'art. 92 al. 1 ch. 9 LP prescrit que sont insaisissables les rentes, indemnités en capital et autres prestations allouées à la victime ou à ses proches pour lésions corporelles, atteinte à la santé ou mort d'hommes, en tant qu'elles constituent une indemnité à titre de réparation morale, sont destinées à couvrir les frais de soins ou l'acquisition de moyens auxiliaires.

Selon l'art. 92 al. 1 ch. 9a LP sont également insaisissables les rentes au sens de l'art. 20 de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, ou de l'art. 50 de la loi fédérale sur l'assurance invalidité, ainsi que les prestations au sens de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité et les prestations des caisses de compensation pour allocations familiales.

2.b. Ainsi, à l'exception des rentes servies sur la base des dispositions légales précitées, toutes les prestations qui sont destinées à combler une perte de revenus, c'est-à-dire à couvrir un préjudice découlant d'une incapacité de travail, qu'elle soit passagère ou définitive, totale ou partielle, sont relativement saisissables au sens de l'art. 93 al. 1 LP. En revanche, les prestations versées à titre de réparation morale ou pour couvrir les frais médicaux et l'acquisition de moyens auxiliaires, entrent dans le champ d'application de l'art. 92 al. 1 ch. 9 LP (Michel Oschner, CR-LP, ad art. 92, n° 147 ss).

S'agissant des prestations versées par l'assurance-accidents obligatoire, le Conseil fédéral a, dans son Message du 8 mai 1991 concernant la révision de la LP, précisé que, demeurent absolument insaisissables (art. 92 al. 1 ch. 9 LP) les prestations pour traitement médical et remboursement de frais (art. 10 à 14 LAA), l'indemnité pour atteinte à l'intégrité (art. 24 LAA) et l'allocation pour impotent (art. 26 LAA). En revanche, sont désormais relativement saisissables en vertu de l'art. 93 al. 1 LP, l'indemnité journalière (art. 16 ss LAA), la rente d'invalidité (art. 18 ss LAA) ou l'indemnité en capital qui la remplace (art. 23 LAA) ainsi que les rentes de survivants ou les indemnités en capital qui les remplacent (art. 28 ss LAA) (Message du Conseil fédéral, FF 1991 p. 93).

3.a. En l'espèce, le plaignant perçoit une rente AVS de 1'460 fr. ainsi qu'une rente versée par son assurance-accidents à hauteur de 3'778 fr., en vertu de l'art. 18 LAA.

Si le première est insaisissable (art. 92 al. 1 ch. 9a LP), la seconde est, en revanche, au vu des considérants rappelés ci-dessus, relativement saisissable (art. 93 al. 1 LP).

4. Par ailleurs, selon la jurisprudence constante, le revenu d’un débiteur qui touche une rente insaisissable est saisissable dans la mesure où ce revenu excède la part du minimum vital qui n’est pas couvert par la rente. Pour évaluer le revenu saisissable, il faut donc tenir compte du fait que le débiteur peut subvenir à une partie de son entretien au moyen de la rente insaisissable, de sorte que pour couvrir la part restante du minimum vital il n’a plus besoin dans certains cas de la totalité de son gain. Ce qui lui reste ainsi de son salaire, et non de la rente, et qui ne sert pas à couvrir les frais minimum d’entretien est saisissable en vertu de l’art. 93 LP (ATF non publié 5A_14/2007 du 14 mai 2007 consid, 3.1 ; ATF 104 III 38, JdT 1980 II 16 ; ATF 97 III 16, JdT 1971 II 101 ; DCSO/734/2005 du 30 novembre 2005 ; Jean-Claude Mathey, La saisie de salaire et de revenu, § 372).

En l'espèce, il appert que l'Office, qui a retenu un minimum vital de 4'814 fr. 60 et des revenus de 5'204 fr. pour le poursuivi et de 100 fr. pour son épouse -montants dont la Commission de céans n'examinera pas le bien-fondé (cf. consid. 2.)- a correctement fixé la quotité saisissable, étant rappelé que si le conjoint du poursuivi dispose d'un propre revenu, le minimum d'existence commun des époux doit être réparti en proportion du revenu net de chacun, le minimum vital du débiteur étant en conséquence diminué de manière correspondante (Norme d'insaisissabilité IV.1. (RS/GE E 3 60.04) ; Walter A. Stoffel, Voies d’exécution, § 5 n° 39 ; Kurt Amonn / Fridolin Walther, Grundriss, 7ème éd. 2003, § 23 n° 66 ; Michel Ochsner, in CR-LP, ad art. 93 n° 179 s. ; Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire, ad art. 93 n° 114 ; ATF 114 III 12, JdT 1990 II 118).

5. La plainte sera en conséquence rejetée.

La Commission de céans constatera que la rente d'invalidité servie par W______au plaignant est relativement saisissable au sens de l'art. 93 al. 1 LP et confirmera en tant que de besoin la saisie exécutée par l'Office.

6. Pour le surplus, la Commission de céans relèvera, s'agissant de l'acte de défaut de biens daté du 3 janvier 2007 qui a été communiqué au plaignant dans le cadre d'une poursuite antérieure (n° 06 685103 H) (cf. consid. B. § 2), qu'en droit de la poursuite et des faillites, l'autorité de la chose jugée ne vaut que pour la procédure d'exécution en cause et pour autant que l'état de fait reste le même (arrêt du Tribunal fédéral du 17 août 2007, 5A_35/2007 et les références citées).

 

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,

LA COMMISSION DE SURVEILLANCE

SIÉGEANT EN SECTION :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 21 août 2007 par M. S______ contre la saisie exécutée à son encontre dans le cadre des poursuites formant la série n° 06 xxxx87 W.

Au fond :

1. La rejette.

2. Constate que la rente d'invalidité servie par W______à M. S______ est relativement saisissable au sens de l'art. 93 al. 1 LP.

3. Confirme en tant que de besoin la saisie exécutée par l'Office des poursuites en mains de W______à hauteur de 480 fr.

4. Déboute les parties de toutes autres conclusions.

 

Siégeant : Mme Ariane WEYENETH, présidente ; Mme Magali ORSINI, juge assesseure et M. Manuel BOLIVAR, juge assesseur suppléant.

 

 

Au nom de la Commission de surveillance :

 

Paulette DORMAN Ariane WEYENETH
Greffière : Présidente :

 

 

 

 

La présente décision est communiquée par courrier A à l’Office concerné et par courrier recommandé aux autres parties par la greffière le