A/3271/2007

DCSO/511/2007 du 08.11.2007 ( PLAINT ) , IRRECEVABLE

Normes : LP.49
Résumé : Poursuite dirigée contre une succession.
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En fait
En droit

 

DÉCISION

DE LA COMMISSION DE SURVEILLANCE

DES OFFICES DES POURSUITES ET DES FAILLITES

SIÉGEANT EN SECTION

DU JEUDI 8 NOVEMBRE 2007

Cause A/3271/2007, plainte 17 LP formée le 28 août 2007 par la succession de feu M. G. O______, élisant domicile en l'étude de Me Daniel PERREN, avocat, à Genève.

 

Décision communiquée à :

- Succession de feu M. G. O______

domicile élu : Etude de Me Daniel PERREN, avocat
14, rue des Cordiers

1207 Genève

 

- M. et Mme L______

domicile élu : Etude de Me Philippe GOBET, avocat

14, rue de l’Arquebuse

1204 Genève

 

- Office des poursuites


 

EN FAIT

A. Le 23 septembre 2003, G. O______ a conclu un contrat de bail à loyer avec M. et Mme L______, portant sur un appartement de 5 pièces sis chemin de Saule 116 à Bernex, ainsi qu’une cave et un box, pour un loyer mensuel de 2'650 fr. charges comprises.

Par jugement n° 552/2005 du 20 avril 2005, le Tribunal de baux et loyers, statuant sur la requête formée par M. et Mme L______ en contestation du loyer initial, a fixé le loyer initial à 22'200 fr. par an dès le 1er novembre 2003.

Le 23 mai 2005, G. O______ a formé appel de ce jugement.

Il est décédé 1er octobre 2005 et l’instance a été suspendue par la Chambre d’appel en matière de baux et loyers par arrêt ACJC/1216/2005 du 26 octobre 2005.

M. et Mme L______ ayant sollicité la reprise de l’instance, le 30 juin 2006, la Chambre d’appel en matière de baux et loyers a, par arrêt ACJC/514/2007 du 7 mai 2007, rejeté l’appel. Cet arrêt a fait l’objet d’un recours en matière civile formé le 8 juin 2007 auprès du Tribunal fédéral et assorti d’une demande d’effet suspensif. Le 2 juillet 2007, la juridiction précitée a rejeté la demande d’effet suspensif.

B. Le 6 août 2007, l’Office des poursuites (ci-après : l’Office) a enregistré une réquisition de poursuite déposée par M. et Mme L______ contre la succession de feu M. G. O______, représentée par M. Ch. O______, en paiement de la somme de 22'750 fr. plus intérêts à 5% dès le 15 juillet 2005 « en exécution du jugement du Tribunal des baux et loyers du 20 avril 2005, confirmé par l’arrêt de la Chambre d’appel en matière de baux et loyers du 7 mai 2007 devenu exécutoire nonobstant recours, par suite du rejet de l’effet suspensif par décision du Tribunal fédéral du 2 juillet 2007. Différence entre le loyer mensuel effectivement versé et le loyer mensuel initial net corrigé pendant la période du bail du 1er novembre 2003 au 31 juillet 2007 (fr. 36'000), sous déduction des montants opposés en compensation aux loyers de mars à juillet 2007 (fr. 13'250) ».

Le même jour, M. et Mme L______ ont également requis des poursuites à l’encontre de M. Ch. O______ et de Mme S______ en paiement de la somme de 22'750 fr. plus intérêts à 5% dès le 15 juillet 2005. Le titre de la créance était le même que celui mentionné dans la réquisition dirigée contre la succession de feu M. G. O______.

Un commandement de payer poursuite n° 07 xxxx93 D a été notifié le 23 août 2007 à la succession de feu M. G. O______, en mains de M. Ch. O______, qui a formé opposition. Il ressort des éditions de poursuite que le commandement de payer, poursuite n° 07 xxxx92 E, dirigé contre M. Ch. O______ a été notifié en ses mains le 4 septembre 2007 et que le commandement de payer, poursuite n° 07 xxxx91 F, dirigé contre Mme S______ a fait l’objet d’un non-lieu de notification le 9 octobre 2007.

C. Par acte du 28 août 2007, la succession de feu M. G. O______ a porté plainte à la Commission de surveillance contre la notification du commandement de payer, poursuite n° 07 xxxx93 D.

La plaignante déclare que seules les dettes du défunt peuvent être réclamées par le biais d’une poursuite fondée sur l’art. 49 LP, qu’en l’espèce les loyers encaissés après le décès de G. O______ ne font pas partie de son patrimoine et que donc le montant des loyers payés en trop par M. et Mme L______ pour la période postérieure au décès, soit après le 1er octobre 2005, n’est pas une dette de la succession.

Par ailleurs, la plaignante relève que le défunt avait trois héritiers mais que seuls Mme S______ et M. Ch. O______ ont repris le bail conclu avec M. et Mme L______, ce dont ces derniers avaient connaissance. Partant, dès la reprise du bail, ils ne peuvent plus considérer les droits et obligations qui en découlent, pour la période postérieure au décès, comme des dettes successorales mais doivent agir par le biais de poursuites distinctes contre Mme S______ et M. Ch. O______ en leur qualité de bailleurs.

La plaignante constate que la créance réclamée par le biais de la poursuite est pour une partie non spécifiée une dette successorale et pour une autre partie non spécifiée une dette qui oblige Mme S______ et M. Ch. O______. Elle conclut que c’est en violation de la loi que l’Office a fait notifier à la succession un commandement de payer pour le montant global de 22'750 fr. et qu’il convient d’annuler la poursuite n° 07 xxxx93 D.

D. Dans son rapport du 28 septembre 2007, l’Office relève que, sous réserve d’un abus de droit, il ne lui appartient pas d’examiner si les créanciers sont légitimés à réclamer le paiement d’une créance à une succession ou aux héritiers individuellement. De tels griefs étant irrecevables.

Il indique que, dans le cas d’espèce, il a établi le commandement de payer en se fondant sur les indications contenues dans la réquisition de poursuite. Il souligne que la plaignante n’a ni allégué ni prouvé que la succession aurait été partagée ou liquidée et que l’Office n’aurait ainsi pas dû donner suite à la réquisition de poursuite.

L’Office conclut à l’irrecevabilité de la plainte.

E. Invités à se déterminer sur la plainte, M. et Mme L______ constatent que la succession de feu M. G. O______ admet expressément qu’une partie de la créance réclamée par la voie de la poursuite est une dette successorale et que, partant, elle ne saurait reprocher à l’Office d’avoir violé la loi en notifiant le commandement de payer. S’agissant de la partie non spécifiée de la créance, qui ne serait pas une dette successorale, les intimés relèvent que ni l’Office ni la Commission de céans ne sont compétents pour se prononcer sur le montant ou le bien-fondé de cette créance. Ils concluent au rejet de la plainte.

A titre subsidiaire, ils font valoir que les dettes découlant du contrat de bail sont des dettes de dévolution qui peuvent faire l’objet d’une poursuite fondée sur l’art. 49 LP. Ils affirment que Mme S______ et M. Ch. O______ ont repris le bail en leur qualité d’héritiers et non à un autre titre, qu’ils ne les ont d’ailleurs jamais informés qu’ils agiraient en une autre qualité  et qu’il n’ont jamais contesté leur qualité d’héritiers succédant à G. O______ dans la procédure en fixation du loyer. Ils déclarent que l’existence d’un troisième héritier n’a pas d’incidence sur la validité de la poursuite dirigée contre la succession.

Enfin, ils indiquent qu’ils pouvaient poursuivre en parallèle la succession et chaque héritier individuellement afin d’obtenir la réalisation des biens successoraux et la réalisation des biens personnels des héritiers.

EN DROIT

1. Sauf dans les cas où la loi prescrit la voie judiciaire, il peut être porté plainte à l’autorité de surveillance lorsqu’une mesure de l’office est contraire à la loi ou ne paraît pas justifiée en fait. La plainte doit être formée dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 1 et 2 LP ; art. 10 al. 1 et 13 LaLP ; art. 56R al. 3 LOJ).

La présente plainte a été déposée en temps utile dans les formes prescrites auprès de l’autorité compétente. Un commandement de payer est un acte sujet à plainte et la succession du défunt, en tant que débitrice poursuivie, a qualité pour agir par cette voie (ATF 102 II 385, JdT 1978 I 34).

2. La plaignante déclare, qu’en violation de la loi, l’Office lui a notifié un commandement de payer pour 22'750 fr. alors qu’une partie de cette somme n’est pas une dette de la succession mais oblige deux des héritiers en leur qualité de bailleur.

3. Sous réserve d’un abus de droit manifeste, il n’appartient ni aux offices des poursuites ni aux autorités de surveillance de décider si une prétention est exigée à bon droit ou non (ATF 115 III 21, SJ 1989 p. 400 consid. 3b ; ATF 113 III 2, JdT 1989 II 120-121 consid. 2b ; ATF 112 III 48, JdT 1988 II 145). Le débiteur qui entend contester la créance en poursuite doit agir par le biais de l’opposition et faire valoir ses griefs dans le cadre de la procédure de mainlevée, et le cas échéant dans le cadre d’une action en libération de dette, de l’annulation ou de la suspension de la poursuite (art. 85 et 85a LP), voire, en dernier ressort, de l’action en répétition de l’indu (art. 86 LP), domaines qui relèvent tous de la compétence exclusive du juge ou des tribunaux ordinaires.

En l’espèce, la Commission de céans n’a pas la compétence de se prononcer sur le montant et le bien-fondé de la créance objet de la poursuite n° 07 xxxx93 D. Le commandement de payer ayant été frappé d’opposition, la plaignante aura la possibilité de faire valoir ses moyens dans le cadre de le procédure de mainlevée, voire même dans celui d’une action en libération de dette.

La présente plainte sera donc déclarée irrecevable pour défaut de compétence ratione materiae de la Commission de céans.

4.a. Au surplus, la Commission relève qu’une réquisition de poursuite doit énoncer notamment le nom et le domicile du débiteur et, le cas échéant, de son représentant; dans les réquisitions de poursuite contre une succession, il y a lieu de désigner les héritiers auxquels la notification doit être faite (art. 67 al. 1 ch. 2 LP) ; ces mentions sont reprises dans le commandement de payer (art. 69 al. 2 ch. 1 LP).

4.b. Lors même qu’elle n’a pas la personnalité juridique et qu’elle repose sur la communauté des héritiers en main commune, une poursuite contre une succession en tant que telle est possible. Par l’art. 49 LP, le législateur a, en effet, conféré à la succession la capacité d’être poursuivie aussi longtemps que le partage n’a pas eu lieu, qu’une indivision contractuelle n’a pas été constituée ou qu’une liquidation officielle n’a pas été ordonnée, étant précisé que la liquidation officielle au sens de l’art. 49 LP s’entend non seulement de celle qui est prévue par les art. 593 ss CC, mais aussi à celle qui est ordonnée en application de l’art. 573 CC. Le for de cette poursuite est le lieu où le défunt pouvait être lui-même poursuivi et le mode de poursuite, celui qui lui était applicable à l'époque du décès. Le poursuivant doit énoncer le nom de la succession lorsqu’il entend poursuivre la communauté des ayants causes à une succession non partagée et indiquer le représentant ou, à défaut d’un représentant connu du poursuivant, le nom d’un des héritiers auquel les actes de poursuite doivent être notifiés (art. 65 al. 3 LP) (Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire, ad art. 49 n° 29 ss et art. 67 n° 44 ; Roland Ruedin, in CR-LP, ad art. 67 n° 21; Circ. N° 16 du 3 avril 1925 « communautés héréditaires et indivisions » ; ATF 113 III 79, JdT 1990 II 8 ; ATF 116 III 4, JdT 1992 II 86).

4.c. En l’espèce, les poursuivants ont dirigé leur poursuite contre la succession de feu M. G. O______ et indiqué, dans leur réquisition, comme représentant de la succession l’un des héritiers, soit M. Ch. O______. L’Office a repris les mentions figurant sur la réquisition pour établir le commandement de payer qu’il a ensuite notifié au représentant désigné.

Force est donc de constater que l’Office a agit en conformité avec les dispositions légales susmentionnées. La plaignante n’a par ailleurs ni allégué ni prouvé que la succession aurait été partagée ou que les conditions d’application de l’art. 49 LP n’étaient pas remplies.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,

LA COMMISSION DE SURVEILLANCE

SIÉGEANT EN SECTION :

 

Déclare irrecevable la plainte A/3271/2007 formée le 28 août 2007 par la succession de feu M. G. O______ contre le commandement de payer, poursuite n° 07 xxxx93 D.

 

 

Siégeant : Mme Ariane WEYENETH, présidente ; Mme Florence CASTELLA et M. Philipp GANZONI, juges assesseur(e)s.

 

 

Au nom de la Commission de surveillance :

 

Paulette DORMAN Ariane WEYENETH
Greffière : Présidente :

 

 

 

La présente décision est communiquée par courrier A à l’Office concerné et par courrier recommandé aux autres parties par la greffière le