A/3837/2007

DCSO/580/2007 du 06.12.2007 ( PLAINT ) , REJETE

Descripteurs : Cession des droits de la masse. Distribution.
Normes : LP.260.2; OAOF.80
Résumé : Dans l'hypothèse où il y a plusieurs créanciers cessionnaires, le rang visé par l'art. 260 al. 2 LP et en fonction duquel se fait la répartition est déterminé par l'art. 219 LP, soit par l'état de collocation primitif dans lequel figurent les créanciers cessionnaires. Il convient toutefois d'attribuer le produit du procès, après déduction des frais, par préférence au(x) créancier(s) qui, de par leur activité, avaient effectivement coopéré au procès gagné et que ce n'est ainsi que le solde éventuel qui devait être réparti entre les autres créanciers d'après leur rang dans l'état de collocation. Tel n'est pas le cas en l'espèce.
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En fait
En droit

 

DÉCISION

DE LA COMMISSION DE SURVEILLANCE

DES OFFICES DES POURSUITES ET DES FAILLITES

SIÉGEANT EN SECTION

DU JEUDI 6 DECEMBRE 2007

Cause A/3837/2007, plainte 17 LP formée le 13 septembre 2007 par M. S______.

 

Décision communiquée à :

- M. S______

- Masse en faillite de la société S______

p.a. Office des faillites
13, chemin de la Marbrerie
Case postale 1856
1227 Carouge

- Atelier J______

domicile élu : Etude de Me Aba NEEMAN, avocat
2, rue de l’Eglise
Case postale 1224
1870 Monthey 2


- B______, avocats

- B______ Inc.

- M. B______

- la société E______

- X______ SA

G______ SA

H______ SA

K______ & Associés

domicile élu : Etude de Me Nicolas DINICHERT, avocat
Gillioz Dorsaz & Associés
11, rue du Général Dufour
Case postale 5840
1211 Genève 11

M. L______

domicile élu : Etude de Me P______, avocat
6, rue de Rive
1204 Genève

- M. M______

- S______ AG

- M. P______

- M. D______

domicile élu : Etude de Me Pierre SCHIFFERLI, avocat
8, avenue Jules-Crosnier
1206 Genève


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/8193/2002 du 4 juillet 2002, le Tribunal de première instance a prononcé la faillite de la société S______ dont M. S______ était administrateur-président, avec signature individuelle.

Le Tribunal de première instance a ordonné la liquidation sommaire de cette faillite par jugement JTPI/2563/2003 du 25 février 2003.

L’inventaire dans cette faillite (n° 2002 xxxx45 H) a été établi le 24 juillet 2002 et l’état de collocation déposé, une première fois, le 17 septembre 2003, puis, à nouveau, les 15 octobre 2003, 14 janvier et 21 avril 2004.

B. Par décision du 16 janvier 2004, prise à la suite d’une proposition par voie de circulaire du 22 décembre 2003, la majorité des créanciers a renoncé à faire valoir elle-même les droits portés sous n° 33xx de l’inventaire, soit « un lot de 77 débiteurs pour un montant de CHF 7'846'979,60 selon la liste remise par le service comptable de la faillie ». Au nombre de ces débiteurs figure notamment la société A______ en Allemagne, dont la dette est inventoriée à concurrence de 72'420 fr. 30.

Par acte du 22 mars 2004, l’Office a cédé les droits de la masse susmentionnés à quinze créanciers, à savoir :

M. M______, admis à l’état de collocation pour les sommes de 29'125 fr. 50, 49'365 fr. 55 et 15'988 fr. 60 en 1ère classe et de 6'660 fr. 10 en 3ème classe ;

M. B______, admis à l’état de collocation en 1ère classe pour les sommes de 24'753 fr. 75 brut et 33'997 fr. 20 nets selon jugement JTPI/3332/2005 du Tribunal de première instance du 10 mars 2005 (qui mentionne, à tort, la société S______ SA, laquelle a été déclarée en faillite par jugement JTPI/1347/2005 du 26 octobre 2005) ;

M. P______, admis à l’état de collocation en 3ème classe pour une somme de 91'260 fr. 24 ;

K______ & Associés, admis à l’état de collocation en 3ème classe pour une somme de 64'850 fr. 15 ;

M. S______, admis à l’état de collocation pour les sommes de 218'346 fr. 78 en 3ème classe et de 708'532 fr. 50 en gage immobilier ;

M. D______, admis à l’état de collocation en 3ème classe pour les sommes de 17'631 fr. 95 et de 265'174 fr. 71 ;

G______ SA, admise à l’état de collocation en gage mobilier pour les sommes de 12'216'286 fr. 30, 1'075'155 fr. 10, 1'818'958 fr. 90 et 1'811'397 fr. 25 ;

Atelier J______, admis à l’état de collocation en 3ème classe pour les sommes de 20'143 fr. 40 et de 1'208 fr. 60 ;

E______ SA – admise à l’état de collocation en 3ème classe pour la somme de 236'989 fr. 86 ;

M. L______, admise à l’état de collocation en 3ème classe pour la somme de 361'324 fr. 38 ;

S______ AG, admise à l’état de collocation en 3ème classe pour la somme de 29'521 fr. 42 ;

B______, avocats, admis à l’état de collocation en 3ème classe pour la somme de 137'691 fr.95 ;

la société E______, admis à l’état de collocation en 3ème classe pour la somme de 17'200 fr. ;

H______ SA, admise à l’état de collocation en 3ème classe pour les sommes de 26'541 fr. 30 et 1'316 fr. 15 ; et

B______ Inc., admis à l’état de collocation en 3ème classe pour la somme de 4'569 fr. 65.

L’acte de cession, soit la formule obligatoire n° 7 F, précise, notamment, ce qui suit :

« La somme d’argent obtenue judiciairement ou à l’amiable peut être employée par le créancier cessionnaire, après paiement des frais, à couvrir sa créance ; l’excédent éventuel sera remis à la masse. Si le résultat du procès n’est pas représenté par une somme d’argent, le créancier devra restituer ce qu’il aura obtenu à l’administration, qui procédera elle-même à la réalisation » (ch. 3) ;

« Lorsqu’il y a eu cession des mêmes droits à plusieurs créanciers, ceux-ci devront ester en justice comme consorts ; le résultat éventuel du litige, après avoir été communiqué à l’administration, sera réparti entre eux par celle-ci au moyen d’un tableau spécial de distribution » (ch. 5).

C. Par courrier recommandé du 4 septembre 2007, l’Office a informé les créanciers cessionnaires qu’un débiteur avait payé en ses mains la somme de 54'613 fr. 30, suite aux démarches entreprises par l’intermédiaire de Me P______, mandataire des créanciers cessionnaires, et que ce montant serait versé à M. M______, « unique cessionnaire colloqué en 1ère classe ». Le courrier destiné à M. S______ a été adressé à Me Pierre SCHIFFERLI, qui l’a reçu le 5 septembre 2007.

Par courrier du 13 septembre 2007 adressé à l’Office, M. S______ s’est opposé au transfert de la somme de 54'613 fr. 30 à M. M______ au motif qu’il avait fait toutes les démarches afin de récupérer cette somme et qu’il avait avancé et payé les frais d’avocat. Il a ajouté que M. M______ n’était, à sa connaissance, pas le seul créancier colloqué en 1ère classe. M. S______ a indiqué transmettre « à toute fin utile » copie de son courrier à Me Pierre SCHIFFERLI « afin de prendre les dispositions qui s’imposent ».

Par courrier recommandé du 27 septembre 2007, que M. S______ a reçu le 28 septembre 2007, l’Office lui a confirmé qu’après déduction de la somme de 1'108 fr. 30 versée à Me P______ en sa qualité de représentant des créanciers cessionnaires, le solde serait attribué à M. M______, seul créancier cessionnaire colloqué en 1ère classe, comme indiqué dans sa décision du 4 septembre 2007 qui n’avait pas fait l’objet d’une plainte. Une copie de ce courrier a été adressée, le même jour, en recommandé, à Me Pierre SCHIFFERLI.

D. Le 9 octobre 2007, M. S______ a, en personne, formé plainte devant la Commission de céans, concluant à l’annulation de la décision de l’Office de verser la somme de 54'613 fr. 30 à M. M______ et à ce que cette somme lui soit versée. M. S______ a assorti sa plainte d’une demande d’effet suspensif.

Il déclare qu’après plusieurs mois de pression sur la société A______, débitrice de la société S______, et avec l’aide de Me P______, il a réussi à récupérer ladite somme de 54'613 fr. 30 qui, conformément à la cession du 24 (recte : 22) mars 2004, doit lui revenir. Il relève par ailleurs que M. M______ n’est pas le seul créancier cessionnaire colloqué en 1ère classe.

A l’appui de sa plainte, il produit la copie d’un téléfax en anglais que la société A______ (Allemagne) a adressée à l’Office le 12 septembre 2005 et par lequel cette société indique qu’après diverses discussions avec M. S______, elle a constaté qu’elle devait un montant de 54'620 fr. 30 à la société S______ et s’est engagée à le verser sur le compte de l’Office.

E. La Commission de céans a accordé l’effet suspensif à la plainte par ordonnance du 17 octobre 2007.

F. Dans son rapport, s’agissant des faits, l’Office a notamment indiqué que parmi les créanciers cessionnaires, seuls M. B______ – non mentionné dans les décisions querellées – et M. M______ figurent en 1ère classe à l’état de collocation.

L’Office considère que la plainte est irrecevable au motif qu’elle a été déposée contre une décision de confirmation, soit une mesure non susceptible de plainte. S’il n’a pas transmis le courrier du plaignant du 13 septembre 2007 à la Commission de céans, c’est en raison du fait qu’il est parti de l’idée que le conseil du plaignant, à qui une copie du courrier considéré avait été transmise, allait saisir la Commission de céans d’une plainte. Il estime, quoi qu’il en soit, qu’il pouvait, à tout le moins, raisonnablement attendre dudit conseil qu’il lui confirme que le courrier de M. S______ du 13 septembre 2007 devait être considéré comme une plainte.

Sur le fond, l’Office conclut au rejet de la plainte, invoquant le texte de l’art. 260 al. 2 LP. En application de cette disposition, l’Office considère que la répartition de la somme recouvrée par les créanciers cessionnaires devrait avoir lieu exclusivement entre M. B______ et M. M______ au pro rata de leurs créances de 1ère classe, après déduction des frais et émoluments, en particulier de la note d’honoraires du mandataire des créanciers cessionnaires, qui s’élève non pas à 1'108 fr. 30 comme indiqué dans sa décision querellée, mais à 9'506 fr. 46.

G. M. L______ a conclu à l’admission de la plainte de M. S______ et à ce que la cause soit renvoyée à l’Office pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

A l’appui de ses conclusions, M. L______ considère que s’agissant du mode de partage des fruits d’un recouvrement obtenu par voie de cession, il sied de se référer aux conditions type de cession des droits de la masse (formulaire obligatoire n° 7 F), en particulier aux chiffres 3 et 5 desdites conditions. La consorité postulée par le chiffre 5 ferait apparaître les créanciers cessionnaires sur un pied d’égalité incompatible avec des privilèges de classe dans la cession. De plus, il découlerait du chiffre 3 que le créancier cessionnaire qui a agi de manière active et dont les efforts personnels ont conduit au recouvrement devrait être privilégié, comme s’il avait agi seul. M. L______ estime ainsi que le produit recouvré devrait soit être réparti entre tous les créanciers cessionnaires de manière égale, soit faire l’objet d’une distribution en fonction du rôle de chaque créancier dans le recouvrement.

H. B______, avocats, a renoncé à déposer des observations, relevant toutefois « la singularité de la démarche de Monsieur M. S______, certes créancier admis à l’état de collocation, mais néanmoins principal animateur de la faillie au moment où celle-ci a contracté les dettes ayant conduit à sa faillite ».

K______ & Associés, G______ SA et H______ SA ont également renoncé à déposer des observations et ont déclaré s’en rapporter à justice.

Les autres créanciers cessionnaires n’ont pas répondu dans le délai qui leur avait été imparti à cet effet.

I. Interpellé par la Commission de céans, Me P______ a, par courrier du 26 novembre 2007, confirmé avoir été mandaté pour rechercher les débiteurs de la société S______ par quinze créanciers cessionnaires de la masse en faillite de ladite société.

Me P______ a exposé qu’aux fins de recouvrer les créances de la société S______, une réunion s’était tenue en son Etude le 5 avril 2004 avec les créanciers cessionnaires afin de faire le point de la situation et de définir la procédure à suivre. Il a encore indiqué que par la suite, plusieurs entretiens s’étaient déroulés avec M. S______ afin d’analyser les dossiers relatifs aux débiteurs de la société S______ et de la stratégie à adopter en vue de déterminer les débiteurs susceptibles de s’acquitter de leur dette et que la consultation des pièces comptables de la société S______ a été nécessaire afin d’évaluer dans quelle mesure les créances étaient recouvrables et à moindre coût. S’agissant plus particulièrement de la dette de la société A______, Me P______ a exposé que le recouvrement du montant de 54'613 fr. 30 n’avait été possible qu’après de longs mois de travail et avec le concours de M. S______. Une pression, pour l’essentiel téléphonique, a été exercée sur la société en question pendant plusieurs mois. Grâce à leurs efforts communs, A______ a accepté de procéder au paiement de la somme précitée.

A l’appui de son courrier, Me P______ a produit les pièces suivantes :

copie de l’acte de cession des droits de la masse du 22 mars 2004 ;

copie d’un courrier de l’Office du 24 mars 2004 indiquant que l’acte de cession des droits de la masse du 22 mars 2004 annule et remplace celui du 4 mars 2004 ;

copie d’un courrier du 25 mars 2004 par lequel il convoque les créanciers cessionnaires à une séance le 5 avril 2004 ;

copie d’un courrier du 6 avril 2004 qu’il a adressé aux créanciers cessionnaires « suite à la réunion du 5 avril à laquelle était présente ou représentée la majorité des créanciers cessionnaires » et confirmant que les investigations décidées lors de ladite séance seraient menées par l’Etude M______ ;

copie d’un courrier du 7 décembre 2004 par lequel il informe les créanciers cessionnaires du coût des frais de stockage et de consultation des archives de la société S______ et demande si l’un d’entre eux souhaite prendre ces frais à sa charge ;

copie du téléfax en anglais de la société A______ à l’Office du 12 septembre 2005 ; et

copie d’un courrier du 11 janvier 2006 par lequel il informe les créanciers cessionnaires du fait que la société A______ avait accepté de payer sa dette envers la société S______ à concurrence de 54'613 fr. 30, que ce montant se trouvait en mains de l’Office, que les frais encourus par l’Eude M______ s’élevaient à 9'506 fr. 46 TVA comprise, que le solde à partager s’élèvait ainsi à 45'106 fr. 84 et que des démarches semblables étaient en cours avec d’autres débiteurs de la société S______, démarches au sujet desquelles les créanciers cessionnaires seraient tenus informés.

EN DROIT

1. Sauf dans les cas où la loi prescrit la voie judiciaire, il peut être porté plainte à l’autorité de surveillance lorsqu’une mesure de l’Office est contraire à la loi ou ne paraît pas justifiée en fait (art. 17 al. 1 LP). La plainte doit être formée dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP).

La plainte dirigée contre une mesure de l’Office et adressée à ce dernier doit être transmise à l’autorité de surveillance compétente, le délai de plainte étant réputé observé lorsque la plainte est adressée en temps utile à l’Office (ATF 100 III 8, JdT 1975 II 69 ; Francis Nordmann, in SchKG I, ad art. 32 n° 7). En effet, celui qui demande justice ne doit pas être privé sans nécessité de sa faculté de soumettre ses conclusions à la juridiction compétente (ATF 100 III 8 précité).

En l’espèce, il appert que par courrier du 13 septembre 2007, adressé à l’Office dans le délai de plainte contre la décision de ce dernier du 4 septembre 2007, M. S______ s’est opposé au transfert de la somme de 54'613 fr. 30 à M. M______.

L’Office considère qu’il pouvait raisonnablement inférer du fait que le plaignant avait indiqué réserver une copie de son courrier à un avocat que ce dernier allait soit directement déposer plainte devant la Commission de céans contre sa décision du 4 septembre 2007, soit, à tout le moins, lui confirmer que le courrier de M. S______ du 13 septembre 2007 valait plainte. Ce point de vue n’est, certes, pas insoutenable. La Commission de céans estime, toutefois, qu’au vu de l’absence de réaction de l’avocat à qui le plaignant avait prétendument transmis son courrier du 13 septembre 2007, l’Office aurait dû, à l’échéance du délai de plainte au plus tard, lui transmettre ledit courrier pour raison de compétence et non rendre une décision de confirmation privant M. S______ de son droit de voir ses conclusions prises le 13 septembre 2007 examinées par l’autorité compétente.

Dès lors que, conformément à la jurisprudence précitée, la date du dépôt de la plainte à l’Office est déterminante, l’on doit considérer que la plainte du plaignant a été déposée en temps utile.

Dirigée par un créancier cessionnaire contre une mesure sujette à plainte et respectant, pour le surplus, les exigences de forme et de contenu prescrites par la loi (art. 13 al. 1 LaLP et 65 al. 1 et 2 LPA par renvoi de l’art. 13 al. 5 LaLP), la plainte est recevable.

2.a. Selon l’art. 260 al. 1 LP, si l’ensemble des créanciers renonce à faire valoir une prétention, chacun d’eux peut en demander la cession à la masse. La cession est opérée par l’administration de la faillite au moyen de la formule obligatoire 7 F et aux conditions qui y sont énoncées (art. 80 al. 1 OAOF).

La cession permet au créancier de faire valoir la prétention litigieuse en lieu et place de la masse, en son propre nom, pour son propre compte et à ses risques et périls. Peuvent être cédées des prétentions qui ne sont pas encore l’objet d’un procès. Dans ce cas, le créancier cessionnaire des droits de la masse n’est pas obligé d’intenter le procès, ni de le conduire jusqu’au jugement. Au contraire, il peut renoncer totalement à ouvrir action, conclure une transaction extrajudiciaire ou judiciaire ou bien, inversement, retirer une action introduite (ATF 105 III 135 consid. 3, JdT 1981 II 66 ; cf. ég. ATF 121 III 291 consid. 3a in fine, JdT 1998 II 10 ; ATF 102 III 30, JdT 1977 II 75).

2.b. Aux termes de l’art. 260 al. 2 LP, le produit, déduction faite des frais, sert à couvrir les créances des cessionnaires dans l’ordre de leur rang et l’excédent est versé à la masse (cf. ATF 7B.110/2001 du 11 mai 2001 consid. 3).

L’art. 260 al.2 LP accorde ainsi aux créanciers cessionnaires un privilège consistant dans le droit d’être payé par préférence sur le résultat du procès. Ce privilège est une compensation du risque qu’entraîne l’ouverture d’une action. Il n’appartient donc pas à tous les créanciers cessionnaires mais à ceux-là seulement qui ont effectivement fait valoir la prétention cédée en ouvrant action. Est donc exclu du droit de préférence le créancier qui n’a pas participé au procès qu’un autre créancier a seul soutenu (ATF 41 III 335, JdT 1915 II 181, 184 s. ; ATF 43 III 160, JdT 1917 II 166, 170 s. ; cf. ég. Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire, ad art. 260 n° 82 et la jurisprudence citée ; RJN 1998, p. 339 consid. 3a, p. 341).

De l’avis de la Commission de céans, le produit visé par l’art. 260 al. 2 LP doit s’entendre comme le gain obtenu par le ou le(s) cessionnaire(s) au terme non seulement d’un procès, mais aussi, le cas échéant, de pourparlers extrajudiciaires (cf. ch. 3 de la formule obligatoire n° 7 F ; Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire, ad art. 260 n° 78 et 82).

2.c. Dans l’hypothèse où il y a plusieurs créanciers cessionnaires, le rang visé par l’art. 260 al. 2 LP et en fonction duquel se fait la répartition est déterminé par l’art. 219 LP, soit par l’état de collocation primitif dans lequel figurent les créanciers cessionnaires (Carl Jaeger, Commentaire de la LP (édition française par Robert Petitmermet et Henry Bovay), t. 2, ad art. 260 n° 10, p. 387 ; Antoine Favre, Droit des poursuites, 3ème éd., p. 350 ; Vincent Jeanneret / Vincent Carron, in CR-LP, ad art. 260 n° 51 ; Jean-Luc Tschumy, Quelques réflexions à propos de la cession des droits de la masse au sens de l’art. 260 LP, in JdT 1999 II 34 ss, 53).

Le Tribunal fédéral a toutefois jugé, nonobstant le texte de l’art. 260 al. 2 LP, qu’il convenait d’attribuer le produit du procès, après déduction des frais, par préférence au(x) créancier(s) cessionnaire(s) qui, de par leur activité, avaient effectivement coopéré au procès gagné et que ce n’était ainsi que le solde éventuel qui devait être réparti entre les autres créanciers d’après leur rang dans l’état de collocation (ATF 43 III 160, JdT 1917 II 170 s.).

3.a. En l’espèce, la somme recouvrée de la société A______ ne l’a pas été au terme d’une procédure judiciaire, mais de ce qu’il convient de qualifier de transaction extrajudiciaire. Il n’en demeure pas moins que ce gain doit être réparti entre les créanciers cessionnaires conformément à l’art. 260 al. 2 LP et à la jurisprudence y relative.

3.b. Il ressort des termes de la plainte que M. S______ prétend être celui grâce à qui la somme de 54'613 fr. 30 a pu être recouvrée. Il conteste dès lors que cette somme puisse, sans distinction, être distribuée selon le rang des créanciers cessionnaires admis à l’état de collocation ; il invoque donc, sans expressément le dire, le privilège accordé par la jurisprudence du Tribunal fédéral précitée au créancier cessionnaire qui, dans les faits, a été l’artisan – unique – du produit recouvré.

Il n’est, en l’espèce, pas possible de considérer que M. S______ aurait seul droit à la somme recouvrée de la société A______. Les autres créanciers cessionnaires ne sont, en effet, aucunement restés inactifs et ne sont donc pas privés de leur droit de prétendre à une participation au résultat des pourparlers transactionnels considérés.

Il est constant que tous les créanciers cessionnaires ont mandaté Me P______ aux fins de recouvrer ce qui pouvait l’être des débiteurs de la société S______. Une fois le mandat confié à l’avocat précité et ses contours dûment précisés, lesdits créanciers cessionnaires n’avaient pas à se préoccuper plus avant de la manière dont les démarches décidées d’un commun accord allaient se concrétiser. Le fait que Me P______ ait, semble-t-il, été aidé par M. S______ dans le cadre de son activité de mandataire des créanciers cessionnaires apparaît parfaitement logique, dans la mesure où le précité était l’administrateur-président de la faillie et, partant, la personne la mieux à même d’indiquer quels étaient les débiteurs les plus susceptibles de payer leurs dettes. C’est le lieu de relever que les courriers par lesquels Me P______ a informé les créanciers cessionnaires de l’évolution de ses démarches ne font aucune mention d’une quelconque intervention de M. S______. Il n’en ressort pas non plus que ce dernier aurait, comme il l’affirme dans son écriture du 13 septembre 2007, payé les frais de Me P______. Les seules affirmations de M. S______, certes appuyées par l’avocat précité dans son courrier à la Commission de céans du 26 novembre 2007, ne sont donc pas de nature à priver les autres créanciers cessionnaires du privilège ancré à l’art. 260 al. 2 LP.

C’est encore le lieu de préciser qu’un seul cessionnaire peut agir à l’égard des tiers en tant que mandataire des autres cessionnaires, ces derniers continuant nonobstant à supporter ensemble le risque du procès ou des pourparlers transactionnels. Certes, pour éviter de ne pas pouvoir participer à la répartition du résultat du procès, les cessionnaires qui n’agissent pas eux-mêmes doivent en principe établir clairement, au moins à l’égard de l’administration de la faillite, que le cessionnaire qui agit le fait aussi en qualité de représentant des autres (cf. RJN 1998, p. 339 consid. 3a, p. 342 et la référence à Ralf C. Schlaepfer, Abtretung streitiger Rechtsansprüche im Konkurs, thèse Zurich, 1990, p. 280 s.). L’on ne saurait toutefois reprocher en l’espèce aux autres créanciers cessionnaires de ne pas avoir clairement établi que M. S______ agissait comme leur représentant, dans la mesure où ceux-ci n’ont tout simplement pas été informés des interventions directes du précité auprès de la société A______.

3.c. Compte tenu de ce qui précède, force est d’admettre que la somme recouvrée de la société précitée doit être répartie entre les créanciers cessionnaires conformément au rang résultant de l’état de collocation. Or, il ressort de cet acte que parmi les créanciers cessionnaires, seuls M. B______ et M. M______ sont admis en 1ère classe, pour des montants supérieurs à la somme recouvrée.

La décision de l’Office du 4 septembre 2007, telle qu’amendée dans son rapport s’agissant de M. B______, apparaît donc conforme au droit et doit être confirmée. La plainte sera donc rejetée.

4. Il est statué sans frais ni dépens (art. 20a al. 2 ch. 5 LP ; art. 61 al. 2 let. a et 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,

LA COMMISSION DE SURVEILLANCE

SIÉGEANT EN SECTION :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 13 septembre 2007 par M. S______ contre la décision de l’Office des faillites rendue le 4 septembre 2007 dans le cadre de la liquidation de la faillite de la société S______(2002 000645 H / OFAD).

Au fond :

1. La rejette.

2. Déboute les parties de toutes autres conclusions.

 

Siégeant : M. Grégory BOVEY, président ; M. Etienne KISS-BORLASE, juge assesseur ; M. Yves de COULON, juge assesseur suppléant.

Au nom de la Commission de surveillance :

 

Marisa BATISTA Grégory BOVEY

Greffière : Président :

 

 

 

 

 

La présente décision est communiquée par courrier A à l’Office concerné et par courrier recommandé aux autres parties par la greffière le