P/9685/2002

ACJP/362/2006 (1) du 13.12.2006 sur JTP/418/2006 ( CHOIX )

Recours TF déposé le 16.01.2007, rendu le 04.05.2007, NULLITE
Recours TF déposé le 17.01.2007, rendu le 04.05.2007, REJETE
Recours TF déposé le 17.01.2007, rendu le 04.05.2007, REJETE
Recours TF déposé le 16.01.2007, rendu le 04.05.2007, IRRECEVABLE
Recours TF déposé le 16.01.2007, rendu le 04.05.2007, IRRECEVABLE
Recours TF déposé le 16.01.2007, rendu le 04.05.2007, IRRECEVABLE
Descripteurs : FAUX INTELLECTUEL DANS LES TITRES ; INTENTION ; MÉDICAMENT ; PRÉSOMPTION D'INNOCENCE
Normes : CPP.245; LStup.20.1.3; CPP.5; LGS.11f; LStup.20.1.4; CP.20; CP.251.1; CP.146; CP.25; CP.22
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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/9685/2002 ACJP/362/2006

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre pénale

Audience du mercredi 13 décembre 2006

Entre

B______, domicilié______ (VD), comparant par Me Karine FRACHEBOUD, avocate, rue Marignac 9, case postale, 1211 Genève 12, avec élection de domicile en son étude,

P______, domicilié______, à Genève, comparant par Me Mauro POGGIA, avocat, rue de Beaumont 11, 1206 Genève, avec élection de domicile en son étude,

C______, domicilié______, à Genève, comparant par Me Daniela LINHARES, avocate-stagiaire, Etude TAMISIER, MATHEY & Associés, rue Saint-Léger 8, 1205 Genève, avec élection de domicile en son étude, parties appelantes d'un jugement rendu par le Tribunal de police le 17 mars 2006,

et

PHARMACIE A______, comparant par Me Cédric AGUET, avocat, rue Eynard 6, 1204 Genève, avec élection de domicile en son étude, partie civile,

LE PROCUREUR GéNéRAL de la République et canton de Genève, en son Parquet, Palais de justice, place du Bourg-de-Four à Genève, partie intimée.


EN FAIT

A. Par jugement du 17 mars 2006, notifié à toutes les parties le 20 du même mois, le Tribunal de police a reconnu B______ coupable d'infractions graves à la LStup (art. 20 ch. 1 al. 3 et 4), d'infraction à l'art. 87 al. 1 lit. f de la Loi fédérale sur les produits thérapeutiques (RS 812.21; ci-après : LPTh), d'infraction à l'art. 11f al. 1 de la Loi fédérale encourageant la gymnastique et les sports (RS 415.0; ci-après : LGS), de faux dans les titres (art. 251 CP), de délit manqué d'escroquerie et d'escroquerie par métier (art. 22 et 146 al. 1 et 2 CP).

Il est reproché à B______, alors qu'il était directeur et pharmacien responsable de la Pharmacie A______ à Genève, d'avoir vendu ou remis, de 2000 à 2003, sans ordonnance ou sur présentation d'ordonnances dont il savait ou ne pouvait ignorer qu'elles étaient de complaisance, plus de 300'000 comprimés de Dormicum 15 mg à des toxicomanes; d'avoir, en 2002 et 2003, en agissant soit seul, soit de concert avec P______ et C______ et d'autres clients, acquis, vendu ou remis sans droit à des fins de culturisme, des quantités importantes de produits thérapeutiques dépourvus d'autorisation de mise sur le marché suisse et qualifiés de dopants par l'Annexe à l'Ordonnance du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (ci-après : DDPS) concernant les produits et méthodes de dopage du 31 octobre 2001 (RS 415.052.1), pour une valeur totale avoisinant les 200'000 fr.; d'avoir, de 2001 à 2003, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, en agissant soit seul, soit de concert avec P______ et d'autres clients, notamment C______, demandé et obtenu du premier nommé qu'il établisse de nombreuses ordonnances au contenu contraire à la réalité, de s'être fait remettre de telles ordonnances et de les avoir utilisées pour obtenir sans droit d'assureurs maladie le remboursement de produits effectivement vendus; enfin d'avoir, de 2001 à 2003, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, en agissant soit seul, soit de concert avec P______ et C______ et un nombre indéterminé d'autres clients, adressé à différentes assurances maladie de nombreuses factures de médicaments assorties de fausses ordonnances, faisant ainsi astucieusement croire à ces dernières qu'elles finançaient de vrais traitements prescrits à de vrais patients et les incitant à payer les factures.

B______ a été condamné à la peine de deux ans et demi de réclusion, sous déduction de seize jours de détention préventive.

Dans le même jugement, le Tribunal de police a reconnu P______ coupable d'infractions graves à la LStup (art. 20 ch. 1 al. 3), d'infraction à l'art. 11f al. 1 LGS, de faux dans les titres (art. 251 CP), de délit manqué d'escroquerie et d'escroquerie (art. 22 art. 146 CP).

Il est reproché à P______ d'avoir, alors qu'il exerçait à Genève la profession de médecin indépendant dans son propre cabinet rue______, prescrit, de 2001 à 2003, à plusieurs de ses patients dont il savait qu'ils étaient toxicomanes, des benzodiazépines dans des concentrations, dans des quantités et à une fréquence incompatibles avec une prescription thérapeutique (12'860 comprimés de Dormicum 15 mg en 2001 et 29'730 en 2002); d'avoir, en 2002 et 2003, en agissant soit seul, soit de concert avec B______ et C______, prescrit à des fins de culturisme des quantités importantes de produits qualifiés de dopants par l'Annexe à l'Ordonnance du DDPS concernant les produits et méthodes de dopage, pour une valeur totale avoisinant les 200'000 fr.; d'avoir, de 2001 à 2003, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, en agissant soit seul, soit de concert avec B______ et certains patients, dont C______, établi des ordonnances au contenu contraire à la réalité et de les avoir remises à B______ afin qu'il obtienne sans droit d'assureurs maladie le remboursement de produits effectivement vendus; enfin d'avoir, de 2001 à 2003, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, en agissant soit seul, soit de concert avec B______ et C______ et d'autres patients, établi de nombreuses fausses ordonnances, faisant ainsi astucieusement croire aux assurances maladie qu'elles finançaient de vrais traitements prescrits à de vrais patients et les incitant à payer les factures.

P______ a été condamné à la peine de huit mois d'emprisonnement, cette peine étant déclarée partiellement complémentaire à celle prononcée le 22 octobre 2003 par le Procureur général à quatorze jours d'emprisonnement pour détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice.

Les premiers juges ont également reconnu C______ coupable d'infraction à l'art. 11f al. 1 LGS, de faux dans les titres (art. 251 CP), de délit manqué d'escroquerie et d'escroquerie par métier (art. 22 et 146 al. 1 et 2 CP).

Il est reproché à C______, alors qu'il pratiquait le culturisme et consommait à cet effet des produits stéroïdes, anabolisants et dopants depuis plusieurs années, de 2001 à 2003, en agissant soit seul, soit de concert avec P______ et B______, de s'être fait prescrire par P______, puis remettre par B______, avant de les remettre en grande partie à des tiers, à des fins de culturisme, des quantités importantes de produits thérapeutiques dépourvus d'autorisation de mise sur le marché suisse et qualifiés de dopants par l'Annexe à l'Ordonnance du DDPS concernant les produits et méthodes de dopage, pour une valeur totale de 250'000 fr.; d'avoir, de 2001 à 2003, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, en agissant soit seul soit de concert avec P______ et B______, demandé au premier nommé d'établir de nombreuses ordonnances au contenu contraire à la réalité, d'avoir utilisé ces ordonnances pour obtenir sans droit d'assureurs maladie le remboursement de produits effectivement vendus; d'avoir, de 2001 à 2003, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, en agissant soit seul, soit de concert avec P______ et B______, adressé à l'assurance maladie de nombreuses factures de médicaments assorties de fausses ordonnances établies par P______, en faisant ainsi astucieusement croire à l'assurance maladie qu'elle finançait de vrais traitements prescrits à de vrais patients et les incitant à payer les factures.

C______ a été condamné à la peine de huit mois d'emprisonnement, cette peine étant déclarée complémentaire à celle prononcée le 30 mai 2005 par le Procureur général à quatre mois d'emprisonnement, sursis trois ans, pour escroquerie et délit contre la LStup.

Les droits de la Pharmacie A______, partie civile, ont été réservés. B______, P______ et C______ ont été condamnés, conjointement et solidairement, aux dépens de la partie civile, lesquels comprennent une indemnité de procédure de 1'000 fr. valant participation aux honoraires d'avocat, ainsi qu'aux frais de la procédure, soit 2'210 fr., y compris un émolument de jugement de 1'500 fr. Le Tribunal de police a enfin ordonné la communication du jugement au Ministère public de la Confédération.

B. Par appels formés respectivement les 21, 29 mars et 3 avril 2006, B______, P______ et C______ sollicitent l'annulation de ce jugement.

A l'audience du 27 juin 2006 devant la Cour de céans, B______ a conclu à son acquittement du chef d'infractions à l'art. 20 LStup, l'art. 11f LGS, l'art. 251 CP et l'art. 146 CP, invoquant le principe in dubio pro reo et, s'agissant de l'art. 11f LGS, l'erreur de droit. Ne contestant pas avoir contrevenu à l'art. 87 LPTh, il a demandé à être exempté de toute peine.

P______ a préalablement souhaité déposer des notes de plaidoirie, qui ont été écartées. Principalement, il a conclu à son acquittement du chef d'infractions à l'art. 20 ch. 1 al. 3 LStup et à l'art. 146 CP, estimant que les quantités de benzodiazépines qu'il a prescrites n'excèdent pas la mesure admise par la science, s'agissant de toxicomanes. Quant à l'infraction réprimée par l'art. 11f LGS, il a demandé à être mis au bénéfice de l'art. 20 CP. En ce qui concerne les faux dans les titres, il a admis sa culpabilité, mais uniquement pour une seule ordonnance. Enfin, il a demandé à être condamné à une peine mesurée.

C______ a conclu à son acquittement du chef de faux dans les titres et d'escroquerie en relation avec W______, ces infractions se rapportant à des faits non mentionnés dans la feuille d'envoi. Pour le surplus, il a sollicité une réduction de peine, insistant sur sa bonne collaboration à l'instruction, ainsi que l'octroi du sursis avec délai d'épreuve de cinq ans.

Le Ministère public et la partie civile ont conclu à la confirmation du jugement, avec suite de dépens.

C. Il ressort du dossier les faits pertinents suivants :

a) La Pharmacie A______ a pour but l'exploitation de pharmacies, l'importation, l'exportation, la commercialisation et le conditionnement de produits chimiques, pharmaceutiques ou cosmétiques. Elle est administrée par F______ et G______, qui sont également actionnaires de la société à raison de 40 % chacun.

Elle a engagé B______ en qualité de pharmacien responsable dès le 1er juillet 2000 pour un salaire mensuel brut de 8'500 fr. versé douze fois l'an. Ce dernier détenait en outre 20 % du capital actions de la société.

P______, médecin spécialisé en médecine interne, exploitait un cabinet médical, à la rue______.

b) En mars 2002, le Médecin cantonal a adressé à tous les médecins prenant en charge des personnes dépendantes les nouvelles directives concernant la prescription, la dispensation et l'administration de stupéfiants destinés au traitement des personnes dépendantes. A teneur de ces directives, le traitement des dépendances aux opiacés, benzodiazépines et amphétamines est soumis à autorisation, le praticien est seul responsable du traitement et la transgression des règles précitées constitue une grave faute professionnelle ainsi qu'un délit pénal. En outre, les dépresseurs centraux ayant des effets de type barbiturique ou benzodiazépinique sont assimilés à des stupéfiants; leur emploi, leur distribution ou leur prescription ne peuvent se faire que dans la mesure admise par la science. En conséquence, le traitement des personnes dépendantes par des substances psychotropes est soumis à une autorisation cantonale spéciale si les doses du Compendium suisse des médicaments (ci-après : Compendium) sont dépassées. La lettre accompagnant ces directives insiste sur ce dernier point.

Le 10 juin 2002, le Pharmacien cantonal a adressé une circulaire aux pharmacies du canton de Genève pour leur rappeler les disposions légales applicables à la délivrance de certains stupéfiants. Certains stupéfiants, tels le Stilnox, le Lexotanil, le Dormicum, le Xanax et le Somnium, ne peuvent être remis que sur présentation d'une ordonnance. La quantité prescrite par le médecin ne doit pas dépasser le besoin nécessaire à un traitement d'une durée d'un mois. Cette durée peut être portée à six mois au maximum, mais le médecin doit clairement l'indiquer sur l’ordonnance. En cas de renouvellement, ce qui est possible pendant un mois au plus à compter de la date d'établissement de l'ordonnance, le patient doit présenter l'ordonnance, à moins que celle-ci ne soit déjà en possession du pharmacien, et la quantité délivrée ne peut excéder celle nécessaire au besoin d'un mois de traitement.

c) Le 25 juin 2002, la police judiciaire a sollicité l'ouverture d'une information pénale pour pouvoir mieux déterminer l'activité de la Pharmacie A______ et plus spécifiquement celle de B______. Elle se fondait sur les déclarations concordantes de plusieurs toxicomanes, à teneur desquelles ceux-ci pouvaient se procurer des Dormicum sans ordonnance à la Pharmacie A______ ainsi que des ordonnances pour leur obtention, si nécessaire, auprès de P______, dont le cabinet médical se situait à proximité de la gare.

Le Procureur général a ordonné l'ouverture d'une information le 12 septembre 2002.

Sur requête du Juge d'instruction, SWISSMEDIC a transmis le 7 mars 2003 la liste des livraisons de Dormicum, Rohypnol, Seresta, Seresta Expidet, Seresta Forte, Somnium, Toquilone, Tranxilium, destinés à la Pharmacie A______ pour les années 2000, 2001 et 2002. Il ressort de ce relevé que les achats de Dormicum 15 mg ont nettement augmenté à partir d'août 2000. En outre, selon une autre liste émanant de SWISSMEDIC, laquelle recense les commandes effectuées par toutes les pharmacies genevoises auprès du fournisseur H______ (devenue I______ SA) pour les années 2000 à 2002, la Pharmacie A______ a acheté 192'740 comprimés de Dormicum 15 mg en 2000 et 2001, tandis qu'elle en a acheté 252'900 en 2002. A titre comparatif, les trois autres pharmacies ayant commandé le plus de comprimés du même médicament en ont commandé respectivement 40'060, 33'490 et 33'150 en 2000 et 2001, et 14'590, 11'610 et 9'250 en 2002. Ainsi, parmi les seize pharmacies genevoises ayant commandé le plus de Dormicum 15 mg en 2000 et 2001, la Pharmacie A______ en a commandé 42 %; ce pourcentage s'élève à 69 % pour l'année 2002.

d) La perquisition effectuée le 15 avril 2003 à la Pharmacie A______ a permis de saisir divers produits, notamment 5'310 capsules de DHEA 50 mg, 5'580 capsules de DHEA 25 mg, 2'340 comprimés de Melatonin 3000 mcg, 1530 capsules d'Osteo Forte, 76 comprimés de Cialis 20 mg, 3'150 capsules de Glucosamine et Chondroitine, 3'200 capsules de Gingko Biloba ainsi que des compléments alimentaires. Tous ces produits viennent des Etats-Unis et aucun n'était autorisé en Suisse sous cette forme à l'époque, selon le Médecin cantonal.

Ont en outre été saisis divers documents comptables et informatiques et un inventaire des médicaments en stock mentionnés dans la procédure a été dressé.

Les documents précités, de même que les indications fournies par SWISSMEDIC, ont été analysés par la police judiciaire, qui a effectué un tableau récapitulatif des achats, des ventes et du stock de Dormicum 15 mg. Il en ressort que la différence entre le stock réel et le stock théorique de Dormicum 15 mg était importante. Au 31 décembre 2002, 303'250 comprimés sur les 445'640 commandés avaient disparu ce qui représentait 68,04 %. Ce chiffre s'élevait à 347'870 au 15 avril 2003.

A teneur de la liste de contrôle des feuilles de pharmacie échues datée du 8 avril 2002, d'importantes quantités de Dormicum 15 mg ont été remises sans ordonnance : 120 comprimés à J______ le 30 juin 2001, 1'560 comprimés à K______ du 16 août 2001 au 6 février 2002, 970 comprimés à L______ du 28 août 2001 au 10 janvier 2002 (ainsi que 320 comprimés de Seresta Forte), 1'300 comprimés à M______ du 8 novembre 2001 au 14 janvier 2002, dont 400 le 8 novembre 2001 et 300 le 13 novembre 2001 (ainsi que 400 comprimés de Seresta Forte), 1'800 comprimés à N______ du 8 novembre 2001 au 20 mars 2002, dont 600 comprimés le 20 mars 2002, 400 comprimés à O______ du 4 au 27 mars 2002 (ainsi que 440 comprimés de Codéine Knoll 50 mg), 160 comprimés à Q______ du 9 mars au 4 avril 2002, 200 comprimés à R______ les 4 et 5 avril 2002. Toujours selon la liste précitée, entre le 26 janvier et le 6 avril 2002, E______ s'est fait remettre sans ordonnance des emballages de Genotropin (hormone de croissance), Antramups, Testoviron Dépôt (ampoule pour injection intramusculaire contenant de la testostérone), Andriol (contenant de la testostérone), Deca-Durabolin (solution injectable contenant de la nandrolone) pour un montant avoisinant les 16'000 fr.

La perquisition de la pharmacie a encore permis de saisir divers documents, notamment : un courrier de l'assurance D______ adressé le 7 mars 2003 à l'OFAC priant instamment ce dernier de maintenir en vigueur le refus de prise en charge de toutes prestations pharmaceutiques en faveur de O______ qui sont ou seraient soumises à l'encaissement, ces dernières émanant presque exclusivement de la Pharmacie A______; l'assurance D______ justifie son intervention par le fait que malgré une insistance inhabituelle, son service médical n'a pas été en mesure d'obtenir les informations indispensables à l'examen objectif des prescriptions ordonnées par P______; des courriers adressés en février 2003 par l'OFAC à la Pharmacie A______, B______, refusant la prise en charge de Dormicum et de Seresta au motif que la posologie n'a pas été respectée.

e) Le 15 avril 2003, la police judiciaire a procédé à une visite domiciliaire chez B______. Divers documents ont été saisis :

-         un courrier recommandé adressé le 5 octobre 2001 par le conseil d'administration de la Pharmacie A______ à B______ concernant des avances de médicaments pour un montant de 27'000 fr., une double comptabilisation des médicaments et un non respect du code de déontologie du pharmacien;![endif]>![if>

-         une lettre adressée le 14 novembre 2001 par S______, qui travaille à la Pharmacie A______ en qualité de préparatrice en pharmacie avec la compétence de remplacer le pharmacien, à B______ lui faisant part de son mécontentement par rapport au fait qu'il délivre sans ordonnance des médicaments figurant sur les listes A et B à des toxicomanes;![endif]>![if>

-         un courrier adressé le 23 avril 2002 par le Pharmacien cantonal à B______ relatif à la très forte commande de Dormicum observée à la Pharmacie A______ en 2000 et 2001; ![endif]>![if>

-         deux courriers adressés respectivement les 21 mai et 4 juin 2001 par le Pharmacien cantonal à T______ de la Commission de surveillance des professions de la santé afférents aux importantes commandes de Dormicum 15 mg effectuées par la Pharmacie A______ pour les années 2000, 2001 et début 2002 et au comportement de B______, qui a délivré de grandes quantités de Dormicum 15 mg sans ordonnances à des toxicomanes;![endif]>![if>

-         un courrier du 29 mai 2002 adressé par le Dr U______ au Pharmacien cantonal au sujet du comportement du pharmacien de la Pharmacie A______ relatif à la délivrance de Dormicum 15 mg;![endif]>![if>

-         la circulaire du 10 juin 2002 du Pharmacien cantonal aux pharmacies du canton de Genève.![endif]>![if>

f) Le 5 septembre 2003, la Pharmacie A______ a déposé plainte pénale contre B______ et contre inconnu, se constituant partie civile. Elle indiquait que B______ avait vendu des produits dopants à un dénommé E______, identifié comme étant C______, sur la base d'ordonnances établies par P______. L'OFAC avait informé la Pharmacie A______ le 7 novembre 2002 que E______ n'était plus couvert par son assurance depuis le 11 août 2002. Cependant, B______ avait continué à lui vendre des produits dopants. Le dommage causé s'élevait à 250'000 fr.

A l'appui de sa plainte, la Pharmacie A______ a notamment produit : le courrier de l'OFAC du 7 novembre 2002 indiquant que E______ n'était plus couvert par son assurance D______ depuis le 11 août 2002, divers courriers qui lui avaient été adressés le 19 décembre 2002 par l'OFAC ainsi qu'un courrier du 24 janvier 2003 émanant de l'OFAC. Selon les courriers du 19 décembre 2002, des factures avaient été annulées en accord avec B______ et il fallait remettre ces dernières à la nouvelle caisse d'assurance maladie de E______; les montants afférents à ces factures étaient de 9'074,95 fr. (produits remis en janvier et février 2002), 5'245,85 fr. (produits remis en novembre 2001), 19,20 fr. (prestation datant d'avril 2002), 14'154,55 fr. (produits remis en mai et juin 2002), 32'002,75 fr. (produits remis entre le 23 mars et le 30 mai 2002), 3'384,20 fr. (produits remis en janvier 2002), 2'856,40 fr. (produits remis en octobre et décembre 2001) et 11'773,95 fr. (dont 9'198,75 fr. se rapportent à des produits remis entre le 30 octobre et le 4 novembre 2002), soit un total de 78'511,85 fr. Le courrier du 24 janvier 2003 faisait état de factures annulées en rapport avec l'assuré E______, différentes de celles susmentionnées, hormis celle de 11'773,95 fr., et qu'il fallait transmettre à la nouvelle caisse de ce dernier, pour un montant total de 89'880,80 fr.

Il ressort en outre des documents produits par la Pharmacie A______ que du 9 novembre 2002 au 1er mars 2003, celle-ci a vendu à E______, en partie sur ordonnance de P______ et en partie sans ordonnance, des produits destinés à augmenter la masse musculaire, soit Genotropin, Norditropin Simplexx, Deca-Durabolin, Antramups, Andriol et Testoviron Dépôt pour un montant de 94'554,20 fr., dont 74'934,65 fr. entre le 12 février et le 1er mars 2003.

Enfin, toujours selon les documents précités, le dénommé E______ s'est fait remettre du Genotropin, de l'Andriol et du Testoviron Dépôt le 22 septembre 2001 à la Pharmacie A______.

g) La visite domiciliaire effectuée le 11 mars 2004 dans le cabinet médical de P______ a permis la saisie de dossiers médicaux, notamment celui de E______, ouvert le 11 septembre 2001, et celui de C______, ouvert le 21 mai 2002. Les photographies prises à cette occasion montrent des pièces encombrées au point de les rendre inaccessibles.

Dans le dossier de E_____ se trouvent deux certificats médicaux datant respectivement des 21 mai et 4 juin 2002 et indiquant que celui-ci est en traitement chez P______ le 11 septembre 2001 ainsi que diverses ordonnances de Norditropin et Deca-Durabolin et des courriers de la V______ assurance adressés à P______ concernant la prescription de Norditropin, pour laquelle l'assurance souhaite avoir des précisions avant de prendre en charge le traitement. Le dossier de E______ contient diverses ordonnances notamment de Genotropin, Testoviron, Andriol, Deca-Durabolin, Antramups qui datent d'août, septembre et octobre 2003 ainsi que des factures relatives à des consultations. Tant certaines de ces dernières que certaines ordonnances sont postérieures au 21 mai 2002.

Parmi les documents saisis figure en outre le dossier du dénommé W______, qui contient notamment des ordonnances de Genotropin et Deca-Durabolin.

h) L'OFAC a transmis divers renseignements et documents, dont il ressort que sur les 192'740 comprimés de Dormicum 15 mg fournis par I______ SA à la Pharmacie A______ en 2000 et 2001, seuls 12'860 comprimés ont été vendus et facturés via l'OFAC sur la base d'ordonnance de P______. En 2002, ce sont 29'730 comprimés sur les 252'900 livrés qui ont été facturés via l'OFAC sur la même base. A titre comparatif, la Pharmacie Y______ a vendu, en 2002, via l'OFAC 13'770 comprimés de Dormicum 15 mg sur la base d'ordonnance de P______, alors que I______ SA lui en a fournis 22'440.

Toujours selon les documents précités, P______ a établi des ordonnances pour les quantités suivantes de Dormicum 15 mg : pour O______, 1'500 comprimés en 2001, 2'630 en 2002 et 460 en janvier et février 2003; pour L______, 1'730 comprimés en 2001, 1'520 en 2002 et 720 de janvier à juin 2003; pour Z______, 740 comprimés de juin à décembre 2001, 1'530 en 2002 et 1'320 en 2003; pour K______, 930 comprimés de juillet à décembre 2001.

S'agissant des produits anabolisants, P______ en a prescrit à concurrence des montants suivants : 38'133,20 fr. à C______ de mars à octobre 2003, 4'613,70 fr. à W______ en septembre et octobre 2003, 9'551,60 fr. à X______ de mai à décembre 2003 et 77'201,85 fr. à E______ de novembre 2001 à novembre 2002. Les anabolisants, soit Andriol, Deca-Durabolin, Genotropin, Norditropin et Testoviron Dépôt, prescrits à E______ ont tous été délivrés par la Pharmacie A______.

De janvier 2002 à avril 2003, I______ SA a livré à la Pharmacie A______ pour 147'719,10 fr. de produits dopants et anabolisants (les mêmes que ceux susmentionnés) et la prise en charge de ceux-ci a été sollicitée via l'OFAC à concurrence de 112'505,40 fr. Ces livraisons ont explosé en février et mars 2003 (respectivement 32'674 fr. et 32'905 fr.). A partir de mai 2003, il n'y a plus eu de telles livraisons, hormis trois emballages de Testoviron Dépôt en novembre 2003 pour la somme de 100 fr.

Pour la période de mai 2002 à mai 2003, l'assurance de O________ a refusé de prendre en charge diverses factures pour un montant total de 55'071,20 fr.

Enfin, toujours en rapport avec O______, certains produits tels que Andriol, Antramups et Deca-Durabolin ont été remis à plusieurs reprises le même jour et un nombre important d'ordonnances relatives à ces médicaments ont été renouvelées par la pharmacie.

i) Divers témoins ont été entendus par la police, par le Juge d'instruction et/ou le Tribunal de police.

AA______ a indiqué consommer principalement de la cocaïne et des médicaments et s'être adressé à P______, sachant qu'il pourrait obtenir facilement les ordonnances de Dormicum que son médecin traitant lui refusait. P______ l'avait mis en garde contre les risques encourus, mais avait accepté de lui en prescrire.

BB______ a déclaré être toxicomane et être suivi par P______, qui lui prescrivait 30 comprimés de Dormicum tous les dix jours.

Un autre toxicomane suivi par P______, Q______, a affirmé que celui-ci lui prescrivait du Dormicum et du Seresta. Parfois, il consommait vingt Dormicum par jour. Il lui était arrivé une dizaine de fois d'en obtenir sans ordonnance de la part de B______. Dans ces cas, P______ avait régularisé la situation a posteriori.

CC______ a expliqué être un adepte du body-building et avoir acquis pour au moins 4'000 fr. de produits anabolisants auprès de C______, qui les avait obtenus à la Pharmacie A______. C______ l'avait mis en contact avec B______ en mars ou en avril 2003, lequel lui avait proposé de contracter une nouvelle assurance à un autre nom afin d'obtenir les produits qui l'intéressaient sans avoir à les payer le prix plein. A cet effet, ils avaient même évoqué les nom et prénom fictifs DD______. B______ lui avait demandé quels produits il souhaitait utiliser et lui avait conseillé de s'inventer une maladie fictive occasionnant d'importants frais pour que l'assurance les prenne en charge. CC______ savait que B______ obtenait les ordonnances nécessaires auprès d'un médecin, dont il ne se rappelait pas le nom. Le projet ne s'était finalement pas réalisé en raison de l'arrestation de B______.

EE______, qui fréquente assidûment les fitness, a indiqué s'être fourni à quelques reprises en produits anabolisants auprès de C______, qui lui avait laissé entendre qu'il se les procurait auprès d'une pharmacie genevoise.

FF______, qui pratique la musculation dans des fitness, a déclaré avoir pris des produits anabolisants à la suite d'une déchirure des ligaments croisés du genou qu'il n'arrivait pas à soigner. Après s'en être procuré auprès d'un dénommé GG______, qui les faisait venir d'Espagne, il en a obtenu de C______ en avril ou en mai 2003, lequel vendait des produits suisses (Winstrol, Deca-Durabolin, testostérone) à des prix inférieurs à ceux pratiqués par GG______ et se les procurait auprès du patron d'une pharmacie genevoise.

W______ a expliqué avoir autorisé C______, à la demande de celui-ci, à utiliser son assurance maladie pour obtenir des médicaments pour le sport. C______ était certainement passé par P______, dont il était, lui aussi, un patient, et se les était procurés à la Pharmacie A______, où lui-même avait un dossier.

X______, qui pratique le culturisme depuis de nombreuses années et consomme des produits anabolisants, notamment pour des problèmes de déficits hormonaux, a déclaré avoir fait la connaissance de B______ par un ami et employé de la Pharmacie A______, HH______. D'emblée, B______ lui avait demandé quels produits il utilisait pour son sport, l'avait conduit dans l'officine, dont les étalages et le frigo contenaient de nombreux produits, et lui avait indiqué qu'il pouvait lui procurer de l'hormone de croissance, de l'éphédrine, du Deca-Durabolin, du Primobolan, du Proviron, de l'Andriol et de l'EPO. A cet effet, B______ connaissait un médecin, P______, qui pouvait tout organiser sans même avoir besoin de le rencontrer. B______ avait évoqué le cas d'un client qui avait plusieurs assurances différentes, qui prenaient en charge les produits qu'il lui livrait. Ainsi, X______ avait reçu des hormones de croissance avant d'avoir rencontré P______, ce pour un montant de plus de 28'000 fr. Comme il avait manifesté son désir de rencontrer P______, celui-ci l'avait reçu, avait procédé à des examens médicaux et lui avait prescrit les hormones de croissance que son précédent médecin refusait de lui prescrire. X______ a encore affirmé qu'à la Pharmacie A______, de nombreux toxicomanes venaient régulièrement chercher des Dormicum. Ils arrivaient avec un billet de 100 fr. et repartaient avec une boîte de 100 comprimés, ce à la vue de tout le monde. C'était B______ qui les servait. Lorsqu'il n'était pas là, les employés les priaient de revenir.

O______ a affirmé s'être lié d'amitié avec B______ en fréquentant la Pharmacie A______. Toutefois, il avait constaté que celui-ci renouvelait les ordonnances qui lui étaient remises, mais destinait les produits à d'autres que lui. En outre, B______ s'adressait directement à son médecin traitant, P______, pour obtenir des ordonnances de médicaments également destinés à d'autres personnes. Ainsi, son assurance lui réclamait des frais de participation relatifs à des médicaments qu'il n'avait jamais retirés, notamment des anabolisants.

j) S______ a indiqué que la maison I______ SA était l'unique fournisseur de la Pharmacie A______. Dès le début de l'année 2001, de plus en plus de toxicomanes fréquentaient la pharmacie et demandaient des Dormicum, alors qu'ils n'avaient pas d'ordonnances. Si elle avait parfois accepté de leur donner ce médicament dans l'attente de l'ordonnance, non sans avoir contacté le médecin traitant, elle n'aimait pas procéder ainsi car c'était contraire à la déontologie. Plusieurs toxicomanes lui avaient dit que B______ n'exigeait pas d'ordonnance pour leur remettre du Dormicum. Suite à son courrier du 14 novembre 2001 à B______ les toxicomanes ne l'avaient plus ennuyée, car ils s'assuraient de la présence de B______ avant d'entrer dans la pharmacie pour obtenir du Dormicum. Lorsqu'un client payait en espèces, leurs ordonnances n'étaient pas enregistrées, ce qui empêchait tout suivi.

Plusieurs autres employés de la Pharmacie A______, soit HH______, II______, JJ______ et KK______, ont déclaré que les toxicomanes demandaient spécifiquement à être servis par B______, qui leur remettait des Dormicum, souvent sous forme de boîte de 100 comprimés, sans ordonnance. La plupart de ces toxicomanes étaient des patients de P______. Tant HH______ que JJ_______ ont indiqué avoir constaté dans la pharmacie la présence de produits interdits à la vente en Suisse, tels que DHEA, Melatonin et Cialis. II______ a en outre affirmé avoir vu un body-builder remettre une liasse de billets à B______ à l'arrière de la pharmacie, qu'il était fréquent que B______ fasse venir des clients, toxicomanes y compris, à l'arrière de la pharmacie et qu'elle s'était rendue à plusieurs reprises au cabinet de P______ pour faire signer des ordonnances correspondant à des avances de médicaments.

S'agissant de C______, il traitait principalement avec B______, qui lui remettait des produits anabolisants sans ordonnances, selon HH______.

Enfin, F______ et G______ ont tous deux confirmé avoir demandé à plusieurs reprises à B______ de cesser de vendre des médicaments sans ordonnance. Toutefois, B______ n'avait jamais tenu compte de leurs avertissements et gérait la pharmacie comme bon lui semblait.

k) Selon LL______, Pharmacien cantonal, une ordonnance est nécessaire pour délivrer des médicaments tels que le Dormicum, le Seresta, le Tranxilium et le Stilnox (benzodiazépines). S'agissant de ceux-ci, les ordonnances, dont la validité est d'un mois maximum, peuvent être renouvelées et la posologie doit être celle fixée par le Compendium, sous réserve d'indication contraire expresse mentionnée sur l'ordonnance.

A Genève, depuis le milieu des années 1990, la remise de benzodiazépines à des toxicomanes, nécessite l'autorisation du Médecin cantonal, dont le pharmacien reçoit un double; le médecin qui sollicite une telle autorisation l'obtient facilement. Ainsi, lorsque le pharmacien se trouve confronté à une ordonnance pour des benzodiazépines avec une posologie supérieure à la normale (7,5-15 mg par jour sur une période aussi courte que possible s'agissant du Dormicum, selon le Compendium), il doit prendre contact avec le prescripteur ou le Médecin cantonal pour s'assurer qu'une demande d'autorisation est en cours. Si le prescripteur n'est pas atteignable, il doit refuser de délivrer le médicament. Le détournement des benzodiazépines à des fins de toxicomanie est connu depuis longtemps.

LL______ a confirmé avoir demandé à B______ de cesser de délivrer des Dormicum sans ordonnance et lui avoir rappelé la nécessité d'une autorisation du Médecin cantonal en cas de prescriptions importantes.

Toujours selon LL______, la LPTh prescrit que tous les médicaments doivent être autorisés par SWISSMEDIC. En Suisse, il n'y pas de médicament prêt à l'emploi contenant de la Mélatonine. Il en va de même de la DHEA. Les principes actifs de ces deux substances, qui sont produites par le corps humain, peuvent être commandés pour des préparations magistrales, qui sont soumises à ordonnances. Les pharmaciens ont été régulièrement informés de la réglementation relative à la délivrance de ces substances.

L'Andriol, le Testoviron, le Genotropin, le Nordotropin Simplexx et le Deca-Durabolin ne sont remis que sur présentation d'une ordonnance. Il s'agit non seulement de médicaments, qui figurent donc dans le Compendium, mais également de dopants au sens de la LGS. Comme pour les stupéfiants, le pharmacien doit contrôler l'ordonnance et s'assurer de la posologie, cas échéant, auprès du prescripteur. Le renouvellement des ordonnances doit rester exceptionnel. La prescription d'anabolisants ou stéroïdes, qui implique un risque pour la santé, ne peut s'effectuer en dehors d'un but thérapeutique. Une prescription de ces produits à des fins de culturisme est illicite.

Il est évident que les quantités d'anabolisants et de stéroïdes délivrés par B______ ne correspondaient à aucun traitement thérapeutique.

Le Médecin cantonal délégué, MM______ a expliqué que le médecin qui souhaite prescrire des benzodiazépines dans des quantités supérieures à celles prévues par le Compendium, doit solliciter l'autorisation du Médecin cantonal. Un plan de sevrage est nécessaire. En général, les demandes concernent le doublement des doses, soit 30 mg par jour. Lorsqu'un médecin demande une telle autorisation, il doit indiquer le nom de la pharmacie qui délivrera les benzodiazépines. Tous les pharmaciens connaissent cette procédure et ils doivent effectuer une surveillance en dénonçant les cas douteux. Les médecins prescripteurs de stupéfiants, tels P______, reçoivent régulièrement des mises à jour des directives en la matière. Selon MM______, un médecin de ville doit refuser de prendre en charge un toxicomane pour des hautes doses de benzodiazépines et diriger ce dernier vers un centre spécialisé car la prise en charge est trop lourde pour un cabinet privé et nécessite une équipe pluridisciplinaire.

Toujours selon MM______, en ce qui concerne les stéroïdes et les anabolisants, qui sont destinés à combler des déficits hormonaux très rares, seule une ordonnance médicale est nécessaire. Ce sont des spécialistes, principalement des endocrinologues, qui déterminent les doses adéquates. Vu le risque de dopage, aucun médecin ne devrait se lancer dans ce genre de prescription à des fins de culturisme. Le pharmacien est un garde-fou et doit dénoncer les cas suspects. Aucune circulaire relative à ces produits n'a été envoyée aux médecins, qui doivent suivre une formation continue de dix jours par an.

Le médecin qui souhaite prescrire un médicament pour d'autres indications que celles qui sont connues doit se fonder sur des publications scientifiques, qu'il doit pouvoir produire en cas de contrôle. Dans le cas contraire, il s'agit d'essais cliniques nécessitant un protocole strict et une autorisation fédérale.

Le directeur de la facturation à l'OFAC a décrit le fonctionnement de cet organisme. L'OFAC est une coopérative qui appartient aux pharmacies, lesquelles y disposent de comptes dépôt ou facturation, et qui paie d'avance les montants facturés aux assurances. En cas de refus de paiement de la part de l'assurance, il peut s'écouler beaucoup de temps entre l'avance effectuée et l'éventuelle demande de restitution.

l.a) B______ a commencé par nier vendre des Dormicum sans ordonnances, admettant toutefois avoir avancé ce médicament à certains clients connus dans des cas d'urgence, à raison de cinq comprimés maximum. Par la suite, il a admis vendre couramment des Dormicum à des personnes ne présentant pas d'ordonnances, pour autant qu'elles soient suivies médicalement. Il leur remettait entre dix et trente comprimés. Aux personnes qui n'était pas suivies médicalement, qu'il adressait parfois à P______, il ne délivrait que cinq à dix comprimés maximum. Il était fréquent que les clients paient leur Dormicum en espèces, afin de pouvoir conserver l'ordonnance et rester discrets sur leur consommation. B______ était parfois intervenu auprès de P______ pour obtenir une ordonnance relative à un médicament qu'il avait vendu à un de ses patients. Dans certains cas, il avait même sollicité une ordonnance pour un autre médicament que celui qu'il avait déjà remis, mais qui figurait dans la même liste. En acceptant de prendre en charge un toxicomane, c'est-à-dire de l'avoir comme client, il ne pouvait pas lui remettre un comprimé de Dormicum, alors qu'il savait qu'il en avait besoin de dix. Si c'était le médecin qui déterminait la quantité de médicaments nécessaires, il était courant que celui-ci ratifiât et régularisât après coup des avances de médicaments.

B______ a contesté les déclarations de CC______ relatives à la conclusion d'une police d'assurance sous un faux nom. Il en a fait de même s'agissant de O______, admettant avoir renouvelé certaines de ses ordonnances, mais contestant remettre à d'autres clients les produits ainsi obtenus. De même, il a nié que le Pharmacien cantonal lui ait demandé de cesser de servir des toxicomanes lors de leur rencontre en avril 2002.

B______ a aussi déclaré tiper fréquemment le prix du produit sans le scanner ni le nommer; cette manière de procéder, la vente de Dormicum contre de l'argent liquide, le fait que des dossiers fussent encore en suspens à l'OFAC et le défaut de prise en considération par la police des emballages demeurant dans les stocks expliquaient les différences constatées entre les Dormicum commandés et ceux vendus. Il souhaitait s'occuper personnellement des clients toxicomanes, d'une part, pour assurer un suivi et, d'autre part, car la communication avec ces personnes exigeaient "un certain savoir faire".

S'agissant des produits anabolisants, B______ a nié toute implication dans un quelconque trafic. Sachant que la Melatonin, la DHEA et le Cialis étaient interdits de vente à Genève, il demandait à des amis qui se rendaient aux Etats-Unis de lui en ramener, les payait avec l'argent de la Pharmacie A______ et les revendait ensuite à des amis. B______ avait remarqué que de grosses quantités d'anabolisants sortaient de sa pharmacie. Il savait qu'ils étaient destinés à C______, mais ignorait qui en bénéficiait ensuite. Toutefois, il avait toujours pensé que C______ en consommait la totalité, ce qui était absurde. A cet égard, il reconnaissait avoir été incompétent. Le courrier qui lui avait été adressé par l'assurance D______ concernant E______ n'avait pas empêché la remise de médicaments à ce dernier, puisque de toute façon celui-ci devait légalement être assuré contre la maladie. Il n'avait jamais conseillé à C______ de conclure une police d'assurance maladie sous un faux nom. Celui-ci s'était d'emblée présenté à lui sous son nom d'emprunt.

B______ a produit un document notarié démontrant qu'il a reçu 49'800 fr. le 8 janvier 2002 dans le cadre de la succession de son père ainsi qu'une attestation de la curatrice de la mère de sa compagne, selon laquelle cette dernière lui a accordé un prêt de 80'000 fr. en janvier 2000. Durant l'année 2002, B______ s'est acquitté d'un montant de près de 53'000 fr. à l'Office des Poursuites de ______. En outre, il ressort d'un document daté du 28 mars 2003 et signé "C______ (E______)" qu'il a prêté à ce dernier la somme de 5'000 fr.

l.b) P______ a déclaré que B______ lui avait envoyé une dizaine ou une quinzaine de personnes fréquentant sa pharmacie et qui étaient dépendantes aux benzodiazépines. Il les avait reçues et suivies en vue de les sevrer, établissant des ordonnances dans cette perspective. Toutefois, B______ distribuait notamment du Dormicum avec un peu trop de facilité et lui demandait d'établir a posteriori des ordonnances correspondant aux quantités avancées, le mettant ainsi devant le fait accompli, parfois même trois mois après avoir délivré le médicament. Il avait d'ailleurs demandé à plusieurs reprises à B______ de ne plus agir de la sorte. P______ avait commencé à nourrir des doutes lorsqu'un de ses patients avait tenté, sur les conseils de B______, de se faire prescrire des médicaments contre le SIDA. En définitive, il avait été pris dans un engrenage, B______ faisant de plus en plus appel à lui pour justifier une large distribution de médicaments sans ordonnance.

C'est en septembre 2001 que P______ avait appris l'existence de la procédure d'autorisation afférente à la remise de Dormicum en grandes quantités. Il ne s'y était pas conformé, étant donné qu'il n'avait que peu de patients à qui il prescrivait des benzodiazépines et que les quantités en cause, par ailleurs dégressives, n'était pas énormes. Il avait parcouru la directive adressée par le Médecin cantonal en mars 2000. Le cas de O______ était lourd, mais les quantités de Dormicum qu'il lui avaient prescrites étaient très inférieures à celles qui lui avaient été remises. S'agissant de Z______, stabiliser sa consommation à quatre comprimés par jour relevait de l'exploit, au vu de sa consommation antérieure. En traitant de tels patients, il savait qu'il prenait des risques, mais des risques calculés.

P______ a reconnu avoir prescrit de la Deca-Durabolin à des patients qui faisaient du body-building et qui cherchaient à augmenter leur masse musculaire ainsi qu'à certains toxicomanes, notamment O______, mais pas dans les quantités remises par la Pharmacie A______. Concernant C______, qui s'était initialement présenté sous le nom de E______, il était certain que la totalité de ce qu'il lui avait prescrit était destiné à sa consommation personnelle, ne soupçonnant pas qu'il se livrait à un trafic. A cet égard, diverses ordonnances avaient été falsifiées. Il ne s'était pas préoccupé du changement de nom de ce patient et était incapable d'indiquer à quel moment il avait compris la supercherie. Si les anabolisants prescrits ne l'étaient pas dans un but thérapeutique, il ne pensait pour autant pas agir contrairement à la législation sur le dopage puisque C______ ne faisait pas de la compétition. Il a en outre admis avoir remis à C______ une ordonnance d'anabolisants établie au nom de W______, sachant que le premier s'était mis d'accord avec le second pour utiliser son assurance. Sous réserve de ce cas, les ordonnances qu'il avait établies correspondaient bien au type de médicaments voulu, au destinataire et à la posologie. P______ a contesté avoir prescrit de la Melatonine, de la DHEA, du Cialis, de l'Osteo Forte, du Glucosamine et Chondroitine.

P______ a produit plusieurs documents dont il ressort qu'il s'est adressé à plusieurs reprises par écrit à B______ pour lui demander de cesser d'avancer des médicaments, employant même une fois les termes suivants : "Arrêtez le massacre".

l.c) C______ a affirmé avoir fait la connaissance de B______ en août 2001 ou en mai 2002. Comme il s'était rendu à la Pharmacie A______ pour se procurer du Deca-Durabolin sur la base d'une ordonnance établie par un médecin français. B______ lui avait proposé de souscrire une police d'assurance maladie sous un faux nom, afin de recevoir le remboursement de produits anabolisants et lui avait expliqué qu'il était facile d'obtenir de fausses ordonnances. Il l'avait ainsi adressé à P______, qui avait procédé à des examens médicaux et lui avait prescrit les produits dont il avait besoin pour sa pratique de la boxe thaïe. P______ avait très vite su que E______ n'était pas son vrai nom et qu'il s'agissait de l'identité utilisée pour la prescription d'anabolisants. C______ s'était fréquemment vu remettre des produits sans ordonnances, bien qu'un tel document fût nécessaire. Apparemment, B______ les avait déjà obtenues de P______. Par ailleurs, il avait constaté à plusieurs reprises la présence de P______ dans l'enceinte de la Pharmacie A______, lequel rédigeait des ordonnances pour combler celles qui manquaient. Dans un premier temps, les produits étaient destinés à sa consommation personnelle, à des fins de culturisme (une boîte de Deca-Durabolin et deux ampoules de Genotropin ou Norditropin par mois). Rapidement, B______ lui avait demandé de trouver des personnes susceptibles d'acheter des anabolisants pour les revendre à des particuliers qui les écouleraient dans des fitness ou des magasins spécialisés. Ainsi, il s'était retrouvé dans la position de livreur et d'intermédiaire, qui encaissait les sommes reçues en échange de ces produits et les remettait à B______. Il n'avait toutefois jamais acquis ni consommé de la DHEA. Lorsque B______ n'était pas présent dans la pharmacie, il se servait seul dans les stocks, ce qui ne semblait pas surprendre les employés, hormis S______, qui était très vigilante. Dès l'arrestation de B______, C______ s'était adressé à P______, qui lui avait prescrit des anabolisants et des hormones de croissance au nom de W______. Il avait quitté la Suisse en septembre 2002 pour y revenir en juillet 2003.

C______ a indiqué ne s'être jamais acquitté du montant des primes d'assurance afférentes à E______, ignorer si B______ s'en était chargé et n'avoir jamais payé la quote-part de 10%.

m) La compagne de B______ a expliqué que les dettes de ce dernier avaient été réglées grâce à un héritage et que leur train de vie avait diminué lorsqu'il avait commencé à travailler à la Pharmacie A______. Elle l'a décrit comme un personnage aimant le contact humain, compatissant et à l'écoute des autres. Un ami de B______ a insisté sur la fibre sociale de ce dernier.

n) Par décision sur mesures provisionnelles prise le 20 septembre 2004, le Médecin cantonal délégué a prononcé la suspension dès le 27 septembre 2004 de l'autorisation de pratiquer la profession de médecin délivrée à P______ jusqu'à droit jugé définitif sur deux procédures instruites par la Commission de surveillance des professions de la santé.

Sur recours de P______ contre la décision précitée, le Tribunal administratif a suspendu la cause dans sa décision du 2 février 2005, estimant que le sort du recours dépendait des faits résultant de la présente procédure.

o) A teneur du Compendium, le principe actif du Dormicum est le midazolam.

Ce médicament est indiqué pour le traitement à court terme des troubles du sommeil. Sa posologie usuelle se limite à 7,5-15 mg par jour. Le traitement doit toujours être instauré à la plus faible dose recommandée. La dose maximale recommandée ne doit pas être dépassée, car le risque d'effets indésirables au niveau central s'en trouverait accru. Pour ce qui est de la durée, le traitement ne doit généralement pas dépasser deux semaines. Un traitement de plus longue durée peut s'avérer nécessaire, mais il doit être réévalué avec soin. A la fin du traitement, il est recommandé d'arrêter le Dormicum progressivement.

Sous la rubrique "Dépendance", il est en outre indiqué que la prise de benzodiazépines peut mener à une dépendance. Ce risque augmente lors de traitement prolongé, lors de posologie élevée ou chez les patients prédisposés.

Les symptômes d'un surdosage de Dormicum consistent pour l'essentiel en un renforcement de l'effet thérapeutique (sédation, faiblesse musculaire, sommeil profond) ou en une excitation paradoxale. Un surdosage extrême peut entraîner coma, aréflexie, dépression cardio-respiratoire et apnée, autant de manifestations qui nécessitent des contre-mesures appropriées (ventilation artificielle, assistance cardiovasculaire).

p) Né le ______ 1943, B______ a suivi une formation de pasteur au______ après l'obtention d'une maturité fédérale dans le canton de ______. Il a ensuite officié durant deux ans comme pasteur pour l'Eglise évangélique, puis pour les tziganes. En 1970, il a commencé ses études de pharmacie et a obtenu son diplôme fédéral en 1976. Après avoir travaillé durant une année comme pharmacien assistant dans la pharmacie de son père à______, il a acheté cette dernière, puis trois autres pharmacies, qu'il a toutes vendues en 1999. Ensuite de son licenciement par la Pharmacie A______, il a terminé une formation en thérapies naturelles et forme des thérapeutes en ce domaine depuis 2005. B______ est séparé de son épouse, avec laquelle il a eu trois enfants, aujourd'hui majeurs. Il a indiqué pratiquer divers sports, en particulier consacrer une heure par jour à la pratique du fitness. Il a été condamné le 29 décembre 1999 par un Juge d'instruction de Lausanne à onze jours d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans ainsi qu'à une amende de 1'200 fr. pour conduite en état d'ébriété (inscription radiée).

P______ est né le______ 1942 à______. Il a effectué toutes ses études à______, où il a obtenu son diplôme de médecine en 1970. Après avoir travaillé dans différents hôpitaux à______ et à______, il s'est installé en cabinet privé en 1979. Il a fait l'objet d'une suspension du droit de pratiquer durant neuf mois entre 1996 et 1997. P______ a indiqué être sans domicile fixe et vivre chez sa sœur. Divorcé et père d'un enfant, aujourd'hui majeur, il a été condamné : le 6 août 1996 par le Procureur général à quatre mois et vingt-cinq jours d'emprisonnement pour détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice et délit contre la LAVS, le 20 avril 1998 par la Chambre pénale de la Cour de justice à une amende de 5'000 fr. pour violation de l'art. 19 al. 1 LStup, le 7 mars 2002 par le Procureur général à vingt jours d'arrêts, avec sursis durant un an, pour contravention à la LPP (inscription radiée) et le 22 octobre 2003 par le Procureur général à quatorze jours d'emprisonnement pour détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice, les faits s'étant déroulés du 11 décembre 2001 au 7 février 2002.

Né le______ 1970 à______, C______ y a obtenu une maturité fédérale en 1990. Il a ensuite effectué un DESS de philosophie à l'Université______ à Paris. De retour à Genève, il a travaillé aux ressources humaines de NN______ assurances durant deux ans, puis est parti vivre en Espagne jusqu'en 2000. Il est revenu à Genève pour y travailler aux ressources humaines de OO______ assurances jusqu'en août 2002. Célibataire sans enfant, C______ pratique la boxe thaïe. Il est actuellement sans activité professionnelle et a été condamné par le Procureur général : le 21 août 1996 à un mois d'emprisonnement avec sursis pendant trois ans pour menaces, le 10 janvier 1997 à deux mois d'emprisonnement avec sursis pendant trois ans pour faux dans les certificats (peine complémentaire à la précédente), le 23 février 2000 à soixante jours d'arrêts avec sursis pendant deux ans pour abus de cartes-chèques et de cartes de crédit et le 30 mai 2005 à quatre mois d'emprisonnement avec sursis pendant trois ans pour escroquerie et violation de l'art. 19 al. 1 LStup, les faits s'étant déroulés entre le 17 juillet et 27 novembre 2003.

EN DROIT

1. Les appels sont recevables pour avoir été déposés selon la forme et dans le délai prescrits (art. 241 et 242 CPP).

2. Comme devant le Tribunal de police (art. 245 al. 1 CPP), la procédure devant la présente Cour est régie par le principe de l'oralité des débats, les parties prenant la parole durant l'audience à laquelle elles sont convoquées pour s'exprimer et plaider (art. 225 à 227 CPP).

Des écritures déposées lors de l'audience de plaidoirie ne sont donc pas admises aux débats.

Au vu des principes rappelés ci-dessus, l'appelant ne pouvait pas déposer d'écritures à l'appui de la plaidoirie de son conseil, raison pour laquelle elles ont été écartées.

3. 3.1. Selon l'art. 1 al. 3 lit. c LStup, les substances psychotropes engendrant la dépendance telles que les dépresseurs centraux ayant des effets du type barbiturique ou benzodiazépinique sont assimilés aux stupéfiants. L’Institut suisse des produits thérapeutiques dresse la liste des substances et des préparations au sens des al. 2 et 3 (art. 1 al. 4 LStup).

Le midazolam, principe actif du Dormicum, est un stupéfiant au sens de l'Appendice A de l'Ordonnance de l’Institut suisse des produits thérapeutiques sur les stupéfiants et les substances psychotropes (RS 812.121.2, Ordonnance de Swissmedic sur les stupéfiants, OStup-Swissmedic). Il est partiellement soustrait au contrôle selon l'Appendice B de la même ordonnance.

Les médecins sont tenus de n'employer, dispenser ou prescrire les stupéfiants que dans la mesure admise par la science (art. 11 al. 1 LStup). Quant aux pharmaciens, ils ne peuvent dispenser des stupéfiants au public que sur présentation de l'ordonnance d'un médecin ou d'un médecin-vétérinaire (art. 13 LStup).

A teneur de l'art. 20 ch. 1 al. 3 LStup, le médecin ou le pharmacien qui emploie ou dispense des stupéfiants en dehors des cas prévus aux art. 11 et 13 ou le médecin qui prescrit des stupéfiants en dehors de ces cas est passible, s'il a agi intentionnellement, de l'emprisonnement ou de l'amende. Dans les cas graves, la peine sera la réclusion qui pourra être cumulée avec une amende jusqu’à concurrence de 500 000 francs (art. 20 ch. 1 al. 4 LStup).

Pour déterminer si le cas est grave, il faut se référer aux critères de l'art. 19 ch. 2 LStup (Albrecht, Kommentar zum schweizerischen Strafrecht, Sonderband Betäubungsmittelstrafrecht, n. 22 ad art. 20). Le cas est notamment grave lorsque l'auteur sait ou ne peut ignorer que l'infraction porte sur une quantité de stupéfiants pouvant mettre en danger la santé de nombreuses personnes (art. 19 ch. 2 lit. a LStup).

Selon la jurisprudence, il y a mise en danger de nombreuses personnes lorsque le nombre de celles-ci atteint la vingtaine, nombre limite. Il y a danger quand existe un risque de dépendance physique ou psychique (ATF 121 IV 332 = JT 1997 IV 111 consid. 2a). Du point de vue subjectif, il faut que l'auteur sache ou accepte que l'infraction porte sur une quantité de stupéfiants qui peut mettre en danger la santé de nombreuses personnes. L'auteur, qu'il soit lui-même consommateur ou non, est supposé connaître le danger de la drogue, tel qu'il a été admis par le législateur; son opinion personnelle sur le danger d'une drogue est sans importance; il suffit, du point de vue subjectif, qu'il ait conscience de la quantité et de la drogue en cause. Le dol éventuel suffit. Il est sans pertinence que l'auteur sache que la drogue est destinée à un nombre restreint de consommateurs, de sorte qu'il n'y aura pas de danger concret pour un grand nombre de personnes (Corboz, Les infractions en droit suisse, 2002, vol. II, no 94 ad art. 19 LStup).

La jurisprudence considère qu'on se trouve en présence d'un cas grave, non mentionné par l'art. 19 ch. 2 LStup, lorsque l'auteur commet des infractions répétées à la LStup qui, considérées dans leur ensemble, portent sur une quantité de stupéfiants qui peut mettre en danger la santé de nombreuses personnes (Corboz, op. cit., no 76 ad art. 19 LStup).

3.1.2. Les cantons soumettent à une autorisation spéciale la prescription, la dispensation et l’administration des stupéfiants destinés au traitement des personnes dépendantes (art. 15a al. 5 LStup).

3.2. La maxime in dubio pro reo est violée lorsque l'appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve laisse subsister un doute concret, sérieux et insurmontable quant à la culpabilité de l'accusé (ATF 127 I 38 consid. 2a; ATF 124 IV 86 consid. 2a, JdT 1999 IV 136). Elle ne commande toutefois pas que l'administration des preuves aboutisse à une certitude absolue de culpabilité; elle exige simplement que le juge renonce à condamner si une analyse objective des preuves ne lui permet pas d'être convaincu de la culpabilité de l'accusé (Rouiller, La protection de l'individu contre l'arbitraire, RDS 1987, p. 312; ATF 106 IV 86). Des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent cependant pas à exclure une condamnation; la présomption d'innocence n'est donc invoquée avec succès que s'il apparaît, à l'issue d'une appréciation exempte d'arbitraire de l'ensemble des preuves, que le juge aurait dû éprouver des doutes sérieux et irréductibles sur la culpabilité de l'intéressé (ATF 1P.1999/2001 du 13 novembre 2001 consid. 2.1; ATF 127 I 38 consid. 2a et les arrêts cités). Est décisif le fait que l'autorité de jugement pouvait légitimement avoir des raisons de retenir telle version, parfaitement soutenable, plutôt que telle autre apparemment soutenable, mais qu'elle avait des raisons sérieuses de considérer comme moins vraisemblable. Un jugement de culpabilité peut reposer, à défaut de témoignages oculaires ou de preuves matérielles irréfutables, sur des indices propres à fonder la conviction du tribunal (ATF 1P.221/1996 du 17 juillet 1996).

3.3.1. En l'espèce, il est établi à teneur de la liste de contrôle des feuilles de pharmacie échues du 8 avril 2002 que l'appelant B______ a notamment remis, sans ordonnance, entre les 16 août 2001 et 5 avril 2002, près de 6'000 comprimés de Dormicum 15 mg à K______, L______, M______, N______, Q______ et R______, ce qui représente une moyenne de 4 comprimés par jour pour chacun de ces six toxicomanes. Les quantités sont importantes. En outre, de nouvelles avances ont été consenties, alors que les précédentes n'avaient pas été régularisées par la remise d'ordonnances.

L'appelant B______ a d'ailleurs reconnu avoir procédé à de telles avances. Il a également admis avoir contacté l'appelant P______ pour obtenir des ordonnances a posteriori, ce que ce dernier a confirmé, indiquant avoir été mis devant le fait accompli, parfois même trois mois après la délivrance du médicament. L'appelant P______ s'est même adressé par écrit à plusieurs reprises à l'appelant B______ pour lui demander de cesser d'avancer tant de médicaments. Le conseil d'administration de la partie civile et S______ en ont fait de même en octobre, respectivement novembre 2001. Par ailleurs, plusieurs employés de la pharmacie ont affirmé que les toxicomanes demandaient spécifiquement à être servis par l'appelant B______.

De plus, l'énorme différence entre le stock réel et le stock théorique de Dormicum 15 mg, soit près de 70 % au 31 décembre 2002, démontre que la partie civile, par le truchement de l'appelant B______, qui souhaitait personnellement servir les toxicomanes, en vendait de grandes quantités sans ordonnance. A cet égard, le fait que l'appelant B______, à en croire ses explications, tipait fréquemment le prix des Dormicum sans les scanner, que des patients payaient en argent liquide sans passer par l'OFAC et que la police aurait prétendument oublié de prendre en considération certains emballages demeurant dans les stocks ne saurait justifier une telle différence. Il est d'ailleurs significatif que la partie civile ait vu ses commandes de Dormicum 15 mg exploser à partir d'août 2000, soit juste après l'arrivée de l'appelant B______, et que parmi les seize pharmacies genevoises ayant commandé le plus de ce médicament, elle en ait commandé 42 % en 2000 et 2001 et 69 % en 2002.

Etant précisé qu'à la date de l'arrestation de l'appelant B______, près de 350'000 comprimés de Dormicum 15 mg avaient disparu, le chiffre de 300'000 retenu par les premiers juges est tout à fait raisonnable.

A teneur du Compendium, le Dormicum est un benzodiazépine, dont la prise peut mener à une dépendance, celle-ci étant d'autant plus risquée lors de traitement prolongé, lors de posologie élevée ou chez les patients prédisposés. Etant rappelé que la dose usuelle est de 15 mg par jour, il ne fait aucun doute que les 300'000 comprimés de Dormicum 15 mg remis par l'appelant B______ à divers toxicomanes constitue une quantité susceptible de mettre en danger de nombreuses personnes, ce que l'appelant B______ ne pouvait ignorer en sa qualité de pharmacien.

S'agissant des comprimés de Dormicum 15 mg remis à divers toxicomanes par l'appelant B______ sur la base d'ordonnances de complaisance sans qu'une autorisation n'ait été sollicitée du Médecin cantonal par le médecin prescripteur, il ne s'agit pas d'un comportement réprimé par l'art. 20 ch. 1 al. 3 LStup, mais plutôt de la violation d'une règle déontologique de droit cantonal.

Par conséquent, c'est à juste titre que les premiers juges ont reconnu l'appelant B______ coupable d'infraction grave à LStup (art. 20 ch. 1 al. 3 et 4 LStup).

3.3.2. En ce qui concerne l'appelant P______, il est établi que les doses de Dormicum 15 mg qu'il a prescrites à divers toxicomanes dépassaient la posologie prévue par le Compendium, ce dernier devant être considéré comme la référence scientifique en la matière.

En effet, il ressort des documents de l'OFAC que l'appelant P______ a établi des ordonnances de Dormicum 15 mg à raison des quantités suivantes : 4'590 comprimés à O______ en deux ans et deux mois, 3'970 comprimés à L______ en deux ans et demi, 3'590 comprimés à Z______ en deux ans et demi et 930 comprimés à K______ en six mois, ce qui représente une moyenne journalière de 5,8 comprimés pour O______, 4,35 comprimés pour L______, 3,95 comprimés pour Z______ et 5,1 comprimés pour K______.

A supposer que les déclarations de l'appelant P______, selon lesquelles certaines ordonnances remises à O______ ont été modifiées, soient vraies, il n'en demeure pas moins que les quantités prescrites aux trois autres toxicomanes susvisés sont largement supérieures à celles admises par le Compendium. A cet égard, le fait que l'appelant P______ ait parfois dû ratifier l'attitude de l'appelant B______, qui avançait facilement des Dormicum 15 mg à des clients toxicomanes, ne saurait justifier cette prescription hors norme.

Toujours selon l'OFAC, en 2002, 43'500 comprimés de Dormicum 15 mg ont été livrés par la partie civile et une autre pharmacie sur la base d'ordonnances de l'appelant P______, ce qui confirme que ce dernier en a prescrit d'importantes quantités.

En outre, plusieurs toxicomanes ont indiqué que l'appelant P______ leur prescrivait facilement d'importantes quantité de Dormicum 15 mg.

Au vu de tous ces éléments, la condamnation de l'appelant P______ du chef de violation de l'art. 20 ch. 1 al. 3 LStup sera confirmée.

4. 4.1. La LGS vise à encourager la gymnastique et les sports dans le but de favoriser le développement de la jeunesse, ainsi que la santé et les aptitudes physiques de la population en général (art. 1 LGS).

Le DDPS dresse dans une ordonnance la liste des produits et des méthodes dont l’usage dans certaines disciplines sportives est considéré comme dopage (art. 11c al. 1 LGS). Il est notamment interdit de fabriquer, d'importer, d'acquérir pour des tiers, de distribuer, de prescrire, de remettre des produits destinés au dopage et d’appliquer des méthodes de dopage à des tiers (art. 11d lit. a et b LGS).

Parmi les produits interdits dans le sport de compétition réglementé figurent les agents anabolisants ainsi que les hormones et les substances apparentées (art. 3 al. 1 lit. a et b de l'Ordonnance du DDPS sur les produits dopants). La testostérone, la nandrolone et la DHEA sont des agents anabolisants à teneur de l'Annexe à l'Ordonnance précitée. Quant à l'hormone de croissance, elle est considérée comme hormone, toujours selon ladite annexe.

Quiconque fabrique, importe, acquiert pour des tiers, distribue, prescrit ou remet des produits dopants ou applique des méthodes de dopage à des tiers est passible de l'emprisonnement ou d'une amende de 100'000 fr. au plus (art. 11f al. 1 LGS en vigueur depuis le 1er janvier 2002).

Etant donné que la disposition précitée est entrée en vigueur le 1er janvier 2002, seuls les actes postérieurs à cette date peuvent être poursuivis.

Seuls les actes intentionnels sont punissables. L'intention doit en particulier porter sur le fait que le produit dopant est destiné à un ou des tiers. Elle doit également porter sur le fait que le produit dopant est destiné au dopage, c'est-à-dire à accroître les performances physiques dans le sport (Vouilloz, La nouvelle norme pénale suisse réprimant le dopage in RVJ 2002 p. 232).

Par prescription, on entend l'établissement d'un document permettant d'obtenir un produit destiné au dopage, notamment l'ordonnance médicale. Un médecin soignant un sportif, à plus forte raison son médecin traitant, qui prescrit un produit interdit ne peut ignorer, eu égard à sa formation, que celui-ci peut être destiné au dopage; partant, sans précision explicite, dans son ordonnance ou son dossier médical, quant à la nature réelle des causes de la prescription (non liées aux performances physiques dans le sport), le dol éventuel ne peut être exclu. Ni l'art. 11d ni l'art. 11f LGS ne font la distinction entre sportif populaire et sportif d'élite (Vouilloz, op. cit., p. 235).

4.2. L'art. 20 CP prévoit l'atténuation, voire l'exemption de peine, à l'égard de celui qui a commis un crime ou un délit alors qu'il avait des raisons suffisantes de se croire en droit d'agir.

Cette disposition est applicable aux contraventions (art. 102 CP; Logoz, Commentaire du code pénal suisse, 1939, n. 2b ad art. 20 CP).

Pour bénéficier de l'art. 20 CP, il faut tout d'abord que l'auteur ait agi de manière intentionnelle et en toute connaissance de cause, mais en étant persuadé du caractère licite de son acte. Ensuite, il faut qu'il ait eu des raisons suffisantes de tenir son acte pour non punissable (ATF 129 IV 238 consid. 4.1; Graven, L'infraction pénale punissable, 1995, no 141). A cet égard, la jurisprudence admet qu'une raison est suffisante lorsqu'aucun reproche ne peut être adressé à l'auteur du fait de son erreur parce qu'elle provient de circonstances qui auraient pu induire en erreur tout homme consciencieux (ATF 128 IV 201 consid. 2; ATF 104 IV 217 = JdT 1980 IV 2 consid. 2; ATF 98 IV 293 = JdT 1973 IV 143 consid. 4a). En cas de doute, il doit s'enquérir auprès de l'autorité compétente ou de personnes autorisées (ATF 99 IV 249 consid. 1).

4.3.1. En l'espèce, il est établi à teneur de la liste de contrôle des feuilles de pharmacie échues du 8 avril 2002 que l'appelant B______ a remis à l'appelant C______, entre le 26 janvier et le 6 avril 2002, sans ordonnance, des produits dopants (Genotropin, Testoviron Dépôt, Andriol et Deca-Durabolin) pour un montant avoisinant les 16'000 fr., alors qu'il savait que celui-ci pratiquait la boxe thaïe.

En outre, il ressort, d'une part, des courriers de l'OFAC produits par la partie civile que des factures relatives à des produits dopants remis à E______ ont été annulées, ces factures s'élevant respectivement à 78'511,85 fr. et 78'106,85 fr., soit un total de plus de 156'000 fr. et, d'autre part, d'un document produit par la partie civile que du 9 novembre 2002 au 1er mars 2003, celle-ci a remis à l'appelant C______ pour 94'554,20 fr. de Genotropin, Norditropin Simplexx, Deca-Durabolin, Andriol et Testoviron Dépôt, qui sont des produits dopants. Par ailleurs, selon la liste de contrôle des feuilles de pharmacie échues, qui date du 8 avril 2002, l'appelant C______ s'est fait remettre sans ordonnance, entre les 26 janvier et 6 avril 2002, des produits identiques à ceux susmentionnés pour un montant avoisinant les 16'000 fr. Or, c'était l'appelant B______ qui traitait principalement avec l'appelant C______, selon les déclarations concordantes de ce dernier et de plusieurs employés de la pharmacie. Par ailleurs, entre janvier 2002 et avril 2003, I______ SA a livré pour près de 150'000 fr. de produits dopants et anabolisants à la pharmacie. L'appelant B______ a de plus reconnu avoir vendu de la DHEA qu'il faisait venir des Etats-Unis.

Ces produits étaient en partie revendus à des tiers, tels que CC______, EE______ et FF______, ce que ces derniers ont confirmé. Une des employées de la pharmacie a d'ailleurs indiqué avoir vu un body-builder remettre à l'appelant B______ une liasse de billets à l'arrière de la pharmacie.

L'appelant B______ savait, ou à tout le moins ne pouvait pas ignorer, que l'appelant C______ revendait une partie des produits obtenus. En effet, celui-ci a indiqué que l'appelant B______ lui avait demandé de trouver des personnes susceptibles d'acheter des anabolisants pour les revendre à des particuliers. D'autre part, les quantités remises ne pouvaient être destinées à la consommation d'une seule personne et ne correspondaient à aucun traitement thérapeutique, conformément à ce que le Pharmacien cantonal a confirmé.

Tant par sa formation de pharmacien que par le fait qu'il fréquentait assidûment des fitness, l'appelant B______ ne pouvait pas ne pas savoir que les produits dopants étaient interdits. Aurait-il eu un doute à ce sujet qu'il aurait pu se renseigner auprès de personnes autorisées, notamment le Pharmacien cantonal.

Dès lors, c'est à juste titre que les premiers juges l'ont reconnu coupable de violation de l'art. 11f al. 1 LGS pour avoir vendu et remis des produits dopants, refusant d'admettre une quelconque erreur de droit. Quant au montant de 200'000 fr. retenu par le Tribunal de police, il est en-deça du montant réel. Toutefois, en vertu du principe de l'interdiction de la reformatio in pejus, la Cour ne le modifiera pas.

4.3.2. S'agissant de l'appelant P______, il a admis avoir prescrit plusieurs produits dopants et anabolisants à l'appelant C______, W______ et X______, ce qui est confirmé par diverses pièces du dossier. Si X______ souffrait d'un déficit hormonal, il n'en était rien pour les deux autres. L'appelant P______ savait que l'appelant C______ pratiquait la boxe thaïe et qu'il s'était mis d'accord avec W______ pour utiliser son assurance. Il était donc conscient que les produits qu'il prescrivait à l'appelant C______ avaient pour but d'augmenter la masse musculaire et d'améliorer ses performances sportives. Le montant des produits ainsi prescrits s'élève à près de 130'000 fr.

En tant que professionnel de la santé, l'appelant P______ ne pouvait pas ignorer que la prescription de produits dopants à des fins de culturisme était interdite. S'il avait des doutes, il aurait dû se renseigner auprès du Médecin cantonal. En outre, dans la mesure où il devait suivre une formation continue de dix jours par année, il était censé connaître cette interdiction.

Ainsi, la condamnation de l'appelant P______ du chef de violation de l'art. 11f al. 1 LGS pour avoir prescrit des produits dopants à concurrence de 120'000 fr. est justifiée, étant précisé que celui-ci ne saurait être mis au bénéfice d'une erreur de droit.

4.3.3. C'est à juste titre que l'appelant C______ n'a pas contesté sa culpabilité du chef d'infraction à l'art. 11f al. 1 LGS, laquelle est établie à teneur du dossier. Ainsi que cela a été relevé ci-dessus au point 4.4.1, le montant sur lequel a porté la remise de produits dopants est supérieur à celui retenu par le Tribunal de police. Toutefois, il ne sera pas modifié en vertu du principe l'interdiction de la reformatio in pejus.

5. 5.1. Selon l'art. 251 ch. 1 CP celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, aura créé un titre faux, falsifié un titre ou abusé de la signature ou de la marque à la main réelles d'autrui pour fabriquer un titre supposé, ou constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou aura, pour tromper autrui, fait usage d'un tel titre, sera puni de la réclusion pour cinq ans au plus ou de l'emprisonnement.

Sont réputés titres tous écrits destinés et propres à prouver un fait ayant une portée juridique et tous signes destinés à prouver un tel fait (art. 110 ch. 5 CP).

La falsification de titres au sens propre comprend la fabrication d'un titre supposé (faux matériel), dont le véritable auteur ne correspond pas à l'auteur apparent. Inversement, le faux intellectuel concerne l'établissement d'un titre authentique mais mensonger, étant donné que le contenu réel et le contenu du titre ne concordent pas. Selon l'opinion générale, le simple mensonge écrit ne constitue pas un faux intellectuel. La confiance reposant sur le fait de savoir qu'il n'y a pas eu méprise sur la personne de l'auteur est et peut-être plus grande que la confiance résidant dans le fait de savoir que l'auteur ne ment pas par écrit. Pour cette raison, on pose des exigences plus élevées quant à la détermination et la qualification des preuves pour un faux intellectuel. Un mensonge écrit qualifié n'est considéré comme un faux intellectuel que lorsqu'on attribue à l'acte une valeur probante accrue et lorsque le destinataire lui manifeste ainsi une certaine confiance. C'est le cas quand des assurances objectives valablement établies garantissent aux tiers la véracité de la déclaration; il peut s'agir par exemple d'un devoir de vérification qui incombe à l'auteur du document ou encore de l'existence de dispositions légales comme les art. 958ss CO, lesquels définissent le contenu du document en question. De simples faits d'expérience concernant la crédibilité de n'importes quelles allégations écrites ne suffisent pas, même si, dans la pratique des affaires, il est admis qu'on se fie à de tels documents. La limite entre le faux intellectuel dans les titres et le mensonge écrit doit être réglée de cas en cas selon les circonstances concrètes (ATF 129 IV 130 = JT 2005 IV 118 consid. 2.1).

Le Tribunal fédéral a considéré qu'un médecin ayant donné de fausses indications (consultations et références tarifaires contraires à la vérité) sur une feuille maladie avait commis un faux intellectuel. En effet, le certificat de maladie est un document par lequel le médecin fait valoir auprès des caisses maladie des prétentions en sa faveur ou en faveur de son patient et qui sert de base pour le calcul et l'encaissement de la participation due par le patient. Il n'est donc pas seulement destiné à prouver son contenu, mais est également propre à établir les relations existant entre la caisse et le médecin (ATF 103 IV 178 = JdT 1978 IV 143 consid. IV). Des factures n'ont en général pas le caractère de titres, parce qu'elles ne contiennent que des déclarations unilatérales qui ne sont pas propres à prouver la véracité des faits exposés (ATF 103 IV 178 = JdT 1978 IV 143 consid. IV).

Le faux dans les titres n'est punissable que s'il est commis intentionnellement (Corboz, op. cit., no 171 ad art. 251 CP). L'art. 251 exige de surcroît un dessein spécial, qui peut se présenter sous deux formes alternatives : le dessein de nuire ou le dessein d'obtenir un avantage illicite. S'agissant plus précisément du dessein de nuire, il s'envisage sous deux formes : l'auteur a le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires d'autrui ou il a le dessein de porter atteinte aux droits d'autrui (Corboz, op. cit. nos 173 et 176 ad art. 251 CP).

5.2.1. En l'espèce, il convient tout d'abord de relever que le dossier médical de E______ a été ouvert chez l'appelant P______ le 11 septembre 2001, tandis que celui de l'appelant C______ date du 21 mai 2002. S'il est concevable qu'entre ces deux dates, l'appelant P______ n'ait pas été au courant que son patient s'appelait en réalité C______, il est certain qu'il a réalisé le 21 mai 2002 au plus tard la supercherie. En effet, le 21 mai 2002, il indiquait dans un certificat médical que l'appelant C______ était en traitement chez lui depuis le 11 septembre 2002. Or, certaines ordonnances au nom de E______ sont postérieures au 21 mai 2002. Ainsi, l'appelant P______ a continué à prescrire à son patient des médicaments sous un faux nom.

Quant à l'appelant B______, aucune pièce du dossier ne permet d'établir précisément quand il s'est rendu compte que E_______ s'appelait en réalité C______. Toutefois, les déclarations de l'appelant C______, à teneur desquelles l'appelant B______ lui avait proposé de souscrire une police d'assurance sous un faux nom sont corroborées par celles de CC______, qui a également dénoncé cette manière de procéder. De plus, le fait que l'appelant C______ soit allé consulter l'appelant P______ est un indice de l'intervention de l'appelant B______, puisque ce dernier adressait fréquemment des clients de la pharmacie à ce médecin. Ainsi, la Cour retiendra que l'appelant B______ a toujours su que E______ était un nom d'emprunt. Quant à la date déterminante, il ressort des pièces émanant de l'OFAC que c'est au plus tard le 22 septembre 2001 que l'appelant B______ a fait la connaissance de l'appelant C______.

5.2.2. Se pose dès lors la question de savoir si l'ordonnance médicale constitue un titre.

En indiquant le nom d'un ou plusieurs médicaments sur une ordonnance, le médecin autorise une personne déterminée à obtenir le produit indiqué. En tant qu'elle se rapporte à des médicaments, l'ordonnance suppose que le patient a besoin d'un traitement pour soigner une maladie ou un trouble dans sa santé. En tant qu'elle indique le nom d'un patient, l'ordonnance a pour but d'éviter que n'importe quel médicament soit remis à n'importe qui. Il faut que le destinataire du document puisse partir de l'idée que le nom figurant sur l'ordonnance est bien celui à qui le médicament doit être administré. L'ordonnance bénéficie donc d'une valeur probante accrue.

5.2.2.1. Ainsi, les ordonnances remises dès le 21 mai 2002 à l'appelant C______ mais libellées par l'appelant P______ au nom de E______, personne qui n'existe pas, constituent des faux intellectuels.

Sur le plan subjectif, la démarche de l'appelant P______, en outre contraire à la LGS, visait à permettre à l'appelant C______ d'obtenir divers médicaments pour augmenter sa masse musculaire et améliorer ses performances sportives. L'appelant ne pouvait pas ignorer que ces ordonnances seraient présentées à l'assurance de E______ en vue de remboursement, à tout le moins envisager et s'accommoder de cette hypothèse. Il a donc agi dans un dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires de celle-ci, au moins par dol éventuel.

Partant, sa culpabilité du chef de faux dans les titres doit être confirmée.

5.2.2.2. En ce qui concerne l'appelant B______, il a délivré à de nombreuses reprises des produits anabolisants à l'appelant C______ sur la base d'ordonnances dont il savait pourtant qu'elles étaient libellées sous un faux nom puisque c'était lui qui lui avait conseillé de procéder ainsi.

Conformément à ce qui a été vu ci-dessus sous point 5.2.2., ces ordonnances doivent être qualifiées de faux intellectuels.

Il n'est pas contesté que l'appelant B______ a transmis, via l'OFAC, ces ordonnances à l'assurance maladie du prétendu E______ en vue d'un éventuel remboursement. Il a même continué à le faire après avoir été informé par l'assurance D______ que E______ n'était plus assuré auprès d'elle.

En agissant de la sorte, l'appelant B______ comptait obtenir de l'assurance maladie le remboursement du prix de produits en faveur de l'appelant C______, tout en sachant que ce dernier n'y avait pas droit, puisque les substances étaient prescrites à des fins de culturisme.

Ainsi, en remettant à l'assurance maladie de E______, soit un personnage inexistant, des ordonnances libellées au nom de celui-ci, l'appelant B______ avait pour dessein de procurer à l'appelant C______ un avantage illicite.

Partant, sa condamnation du chef de faux dans les titres doit être confirmée.

Il convient de préciser que seul le comportement susdécrit peut être reproché à l'appelant B______. En particulier, le fait qu'il ait utilisé des ordonnances établies au nom de W______ dans ses relations avec l'appelant C______ ne saurait lui être imputé, étant donné que cela ne figure pas dans la feuille d'envoi.

5.2.2.3. L'appelant C______ a utilisé des ordonnances libellées sous un faux nom, celui de E______, pour obtenir de la part de son assurance maladie des prestations auxquelles il n'avait pas droit, étant précisé qu'il a lui-même indiqué ne s'être jamais acquitté des primes d'assurance afférentes à E______ et que les produits étaient destinés à des fins de culturisme. C'est donc bien dans un dessein d'obtenir un avantage illicite qu'il a fait usage de faux intellectuels.

S'agissant de l'utilisation par l'appelant C______ d'ordonnances libellés au nom de W______, elle ne saurait lui être reprochée, dans la mesure où elle n'est pas mentionnée dans la feuille d'envoi.

La culpabilité de l'appelant C______ du chef de faux dans les titres doit donc être confirmée.

6. 6.1.1. Se rend coupable d'escroquerie et s'expose à une peine de réclusion pour cinq ans au plus ou d'emprisonnement, celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l'aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers (art. 146 al. 1 CP).

L'acte devant être préjudiciable aux intérêts pécuniaires de la victime ou d'un tiers, l'escroquerie n'est consommée que s'il y a un dommage, sous la forme d'une diminution de l'actif, d'une augmentation du passif, d'une non-augmentation de l'actif ou d'une non-diminution du passif. Un préjudice passager suffit (Corboz, op. cit., nos 32 et 33 ad art. 146 CP).

L'élément constitutif de l'astuce est réalisé lorsque l'auteur, pour tromper autrui, recourt à un édifice de mensonge, à des manoeuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire en raison d'un rapport de confiance particulier. Il y a notamment manœuvre frauduleuse lorsque l'auteur fait usage de titres falsifiés ou obtenus sans droit ou de documents mensongers (ATF 128 IV 18 consid. 3a et les arrêts cités).

L'astuce n'est toutefois pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d'attention ou éviter l'erreur avec le minimum de prudence que l'on pouvait attendre d'elle. Il n'est pas nécessaire, pour qu'il y ait escroquerie, que la dupe ait fait preuve de la plus grande diligence et qu'elle ait recouru à toutes les mesures de prudence possibles; la question n'est donc pas de savoir si elle a fait tout ce qu'elle pouvait pour éviter d'être trompée. L'astuce n'est exclue que lorsque la dupe est coresponsable du dommage parce qu'elle n'a pas observé les mesures de prudence élémentaires qui s'imposaient (ATF 128 IV 18 consid. 3a et les arrêts cités).

Pour apprécier si l'auteur a usé d'astuce et si la dupe a omis de prendre des mesures de prudence élémentaires, il ne suffit pas de se demander comment une personne raisonnable et expérimentée aurait réagi à la tromperie; il faut au contraire prendre en considération la situation particulière de la dupe, telle que l'auteur la connaît et l'exploite, par exemple une faiblesse d'esprit, l'inexpérience ou la sénilité, mais aussi un état de dépendance, d'infériorité ou de détresse faisant que la dupe n'est guère en mesure de se méfier de l'auteur. L'exploitation de semblables situations constitue précisément l'une des caractéristiques de l'astuce (ATF 128 IV 18 consid. 3a et les arrêts cités).

6.1.2. Si l'auteur fait métier de l'escroquerie, la peine sera la réclusion pour dix ans au plus ou l'emprisonnement pour trois mois au moins (art. 146 al. 2 CP).

L'auteur agit par métier lorsqu'il résulte du temps et des moyens qu'il consacre à ses agissements délictueux, de la fréquence des actes pendant une période déterminée, ainsi que des revenus envisagés ou obtenus, qu'il exerce son activité coupable à la manière d'une profession, même accessoire; il faut que l'auteur aspire à obtenir des revenus relativement réguliers représentant un apport notable au financement de son genre de vie et qu'il se soit ainsi, d'une certaine façon, installé dans la délinquance (ATF 129 IV 259 consid. 2.1).

6.2. Selon l'art. 22 al. 1 CP, la peine pourra être atténuée (art. 65) à l'égard de celui qui aura poursuivi son activité coupable, mais sans atteindre le résultat nécessaire pour que le crime ou le délit soit consommé.

Le délit manqué est une forme de tentative au sens large. Il y a tentative, au sens large, d'escroquerie lorsque l'auteur, agissant intentionnellement et dans un dessein d'enrichissement, a commencé l'exécution de cette infraction, manifestant ainsi sa décision de la commettre, même si les éléments objectifs font, en tout ou en partie, défaut. Conformément aux règles générales, l'intention doit porter sur l'ensemble des éléments constitutifs objectifs. A cet égard, ce qui est déterminant c'est que l'auteur a agi en se représentant, donc en acceptant, une situation dans laquelle ces éléments sont réalisés (ATF 128 IV 18 consid. 3b).

Une tentative punissable d'escroquerie n'est réalisée que si l'intention de l'auteur porte sur une tromperie astucieuse, donc sur un comportement qui apparaît objectivement astucieux. On ne saurait conclure que toute tromperie qui ne réussit pas est nécessairement dénuée de caractère astucieux. Abstraction faite de l'échec de la tromperie, il importe d'examiner si la tromperie prévue paraissait ou non facilement décelable compte tenu des possibilités de protection dont disposait la victime et dont l'auteur avait connaissance. Autrement dit, c'est dans le cadre d'un examen hypothétique qu'il faut déterminer si le plan élaboré par l'auteur était objectivement astucieux ou non. S'il l'était et que la tromperie échoue parce que la victime était plus attentive ou plus avisée que l'auteur ne se l'était figuré ou en raison du hasard ou d'une autre circonstance non prévisible, il y a alors lieu de retenir une tentative de tromperie astucieuse (ATF 128 IV 18 consid. 3b).

6.3. Selon l'art. 25 CP, le complice est celui qui aura intentionnellement prêté assistance pour commettre un crime ou un délit. La complicité, qui est une forme de participation accessoire à l'infraction, suppose que le complice apporte à l'auteur principal une contribution causale à la réalisation de l'infraction, de telle sorte que les événements ne se seraient pas déroulés de la même manière sans cet acte de favorisation; il n'est toutefois pas nécessaire que l'assistance du complice soit une condition sine qua non à la réalisation de l'infraction. Subjectivement, il faut que le complice sache ou se rende compte qu'il apporte son concours à un acte délictueux déterminé et qu'il le veuille ou l'accepte; à cet égard, il suffit qu'il connaisse les principaux traits de l'activité délictueuse qu'aura l'auteur, qui doit donc avoir pris la décision de l'acte (ATF 128 IV 53 consid. 5f/cc).

6.4.1. En l'espèce, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, les appelants B______ et C______ se sont mis d'accord pour souscrire une assurance maladie au nom d'une personne inexistante afin de se faire rembourser divers produits prescrits par l'appelant P______ à des fins de culturisme. En utilisant des faux dans les titres pour parvenir à leurs fins et en faisant croire à l'assurance maladie que les produits stéroïdes et anabolisants avaient été prescrits à des fins thérapeutiques, ils ont employé des manœuvres frauduleuses, comptant sur le fait que l'assurance maladie ne ferait pas de plus amples vérifications quant à l'identité réelle du preneur d'assurance. Si la tromperie a échoué et si l'assurance n'a finalement pas eu à rembourser à l'assuré le prix des produits délivrés, c'est uniquement parce que l'appelant C______ a omis de payer les primes d'assurance.

D'un point de vue subjectif, les appelants B______ et C______ ont agi dans un dessein d'enrichissement illégitime. En effet, ils savaient que l'assurance maladie ne prenait pas en charge les stéroïdes et anabolisants lorsque ceux-ci étaient administrés à des fins de culturisme. Leur stratagème était donc bien destiné à obtenir un remboursement auquel ils n'avaient pas droit.

Pour ce qui est de la circonstance aggravante du métier, le procédé astucieux consistant à se faire prescrire des produits dopants sous un faux nom et à transmettre ensuite, via l'OFAC, à l'assurance maladie les ordonnances y afférentes a permis à l'appelant C______ de se faire remettre en seize mois (de novembre 2001 au 1er mars 2003) des produits d'une valeur supérieure à 200'000 fr., montant retenu par les premiers juges, sans débourser un centime. Une partie de ces substances a été revendue à des tiers par l'appelant C______, qui agissait pour le compte de l'appelant B______, à qui il restituait les sommes ainsi perçues. Etant donné le montant sur lequel a porté le trafic, c'est à juste titre que le Tribunal de police a considéré que la circonstance aggravante du métier était réalisée tant pour l'appelant C______ que pour l'appelant B______. Concernant ce dernier, le fait qu'il ait hérité d'une somme d'argent suite au décès de son père qui lui aurait permis de payer une partie de ses dettes n'est pas relevant pour examiner la circonstance aggravante du métier.

Ainsi, la condamnation des appelants C______ et B______ du chef de délit manqué d'escroquerie par métier sera confirmée.

Cependant, ils doivent être acquittés de délit consommé d'escroquerie pour les faits relatifs à W______, puisque ceux-ci ne sont pas mentionnés dans la feuille d'envoi.

6.4.2. En ce qui concerne l'appelant P______, il a prescrit des produits stéroïdes et anabolisants à des fins de culturisme à l'appelant C______ et lui a délivré des ordonnances à ces fins libellées au nom d'une personne dont il savait qu'elle n'existait pas. Ce faisant, il ne pouvait pas ne pas envisager la possibilité que son patient utiliserait ces titres pour tenter de se faire rembourser par son assurance les produits prescrits. Sans son intervention, les appelants B______ et C______ n'auraient pas pu agir comme ils l'ont fait. Cependant, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, sa participation à l'infraction commise par les appelants B______ et C______ n'est qu'accessoire. Ainsi, il doit être reconnu coupable de complicité de délit manqué d'escroquerie.

En revanche, il sera acquitté du chef d'escroquerie consommée pour les ordonnances délivrées à W______, par identité de motifs (cf. supra ch. 6.4.1.).

7. 7.1. La peine doit être fixée en tenant compte des critères des art. 41, 63 et 68 CP.

Il n'y a pas de reformatio in pejus lorsqu'une juridiction de recours modifie la qualification juridique d'une infraction au profit de l'accusé ou qu'elle l'acquitte de certaines infractions de caractère secondaire, tout en maintenant la peine prononcée (ZR 1945 no 126; Hauser/ Schweri, Schweizerisches Strafprozessrecht, 3ème éd, § 98 nos 11, 14; Piquerez, L'interdiction de la reformatio in pejus en procédure civile et en procédure pénale, Mélanges Assista, p. 514; même auteur, Précis de procédure pénale suisse, 2ème éd, no 2344).

S'agissant de l'art. 68 ch. 2 CP, la peine additionnelle est indépendante, notamment quant aux art. 41 et 63 CP (ATF 104 IV 294). Le juge qui prononce la peine complémentaire n'est pas lié par les considérants du premier juge ; il peut donc refuser le sursis là où le premier juge l'avait accordé (ATF 105 IV 72).

7.2. En l'espèce, il y a concours d'infractions pour les trois appelants.

7.2.1. La faute de l'appelant B______ est très lourde. Elle l'est d'autant plus que c'est un professionnel de la santé, à qui il incombait donc une responsabilité particulière. Son comportement délictueux a porté sur une importante quantité de stupéfiants et de produits dopants, a perduré une longue période, soit environ dix-huit mois, et s'est prolongé malgré les mises en garde du Pharmacien cantonal, dont il est mal venu de contester les avoir reçues, des administrateurs de la Pharmacie A______ et de sa collègue S______ et en dépit du contenu de la circulaire du 10 juin 2002. Cette attitude démontre un mépris de la loi et une intense volonté délictuelle.

L'appelant B______ n'a pas collaboré à l'instruction, niant l'évidence, fournissant diverses explications peu plausibles pour justifier son comportement et refusant de se remettre en question. Il a agi par appât du gain, en particulier s'agissant du trafic de produits dopants, et, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, par vanité, estimant être le seul à comprendre et à s'intéresser aux toxicomanes. Il n'a en outre exprimé aucun regret.

A sa décharge, il n'a pas d'autre antécédent que celui pour lequel l'inscription a été radiée. En outre, il convient de tenir compte du fait que l'infraction à l'art. 146 al. 1 et 2 CP est un délit manqué.

Au vu de ce qui précède, il y a lieu d'admettre que la peine de deux ans et six mois de réclusion prononcée par le Tribunal de police est adéquate.

7.2.2. En ce qui concerne l'appelant P______, sa faute est également grave. En effet, en tant que professionnel de la santé devant veiller à la santé de ses patients, il a gravement failli à ses responsabilités. Lui aussi a agi durant une longue période. En revanche, ce n'est pas l'appât du gain qui a motivé son attitude. Il n'a en effet retiré aucun profit de son comportement. L'appelant P______ semble plutôt avoir cédé à une certaine faiblesse, notamment en acceptant de ratifier après coup des remises importantes de stupéfiants par l'appelant B______, preuve en est qu'il s'est plaint à plusieurs reprises auprès de ce dernier des avances massives de tels produits. L'influence néfaste de l'appelant B______ n'excuse cependant pas une telle complaisance.

L'appelant P______ a peu collaboré à l'instruction, refusant de prendre ses responsabilités et d'assumer ses erreurs. En outre, il a déjà été condamné pour des faits semblables, ce qui démontre le peu de considération qu'il accorde au respect de la loi. Il a par ailleurs été condamné en octobre 2003 à quatorze jours d'emprisonnement pour des faits s'étant déroulés en même temps que les faits présentement poursuivis.

Au vu de ce qui précède, la Chambre pénale fixera une peine d'ensemble de huit mois d'emprisonnement, ce qui revient à sanctionner les faits ayant donné lieu à la présente procédure d'une peine de sept mois et demi d'emprisonnement.

L'appelant P______ n'a pas sollicité l'octroi du sursis. La Cour relève néanmoins que c'est à juste titre que les premiers juges lui ont refusé l'octroi du sursis, en raison de l'impossibilité d'effectuer un pronostic favorable à cet égard. En effet, il a déjà été condamné pour des infractions comparables et le fait qu'il minimise la gravité de son comportement démontre qu'il n'a pas pris conscience de la gravité de ses actes.

7.2.3. La faute de l'appelant C______ n'est pas légère. Son comportement s'est poursuivi pendant une longue période et il a agi par appât du gain. Ses antécédents sont des plus mauvais. En particulier, l'appelant a continué à mener des activités délictueuses malgré son implication dans la présente procédure. En effet, sa condamnation à quatre mois d'emprisonnement avec sursis pendant trois ans se rapporte à des faits s'étant déroulés entre juillet et novembre 2005 et à des infractions identiques à celles présentement poursuivies. En revanche, il a bien collaboré à l'instruction.

Ainsi, la Chambre pénale fixera une peine d'ensemble de douze mois d'emprisonnement, ce qui revient à sanctionner les faits ayant donné lieu à la présente procédure d'une peine de huit mois d'emprisonnement.

Pour ce qui est de l'octroi du sursis, c'est à juste titre que les premiers juges ont relevé que les antécédents de l'appelant C______ empêchaient d'effectuer un pronostic favorable concernant sa conduite future. En effet, le fait qu'il ait réitéré malgré des précédentes condamnations et en dépit de la présente procédure ainsi que sa tendance à minimiser la gravité des faits démontrent qu'il n'a pas pris conscience de ses erreurs et qu'il n'a nullement l'intention de s'amender.

Ainsi, le refus de l'octroi du sursis sera confirmé.

8. Les appelants, qui succombent dans une très large mesure, seront condamnés aux frais d'appel à raison d'un tiers chacun.

La partie civile, représentée par un avocat et ayant sollicité l'octroi de dépens, se verra allouer un montant de 1'200 fr. à ce titre, lequel sera mis à la charge des appelants dans la même proportion que les frais d'appel.

* * * * *

 

 

 

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

A la forme :

Reçoit les appels interjetés par B______, P______ et C______ contre le jugement JTP/418/2006 (Chambre 5) rendu le 17 mars 2006 par le Tribunal de police dans la cause P/9685/2002.

Au fond :

Annule ce jugement en tant qu'il a reconnu B______ et C______ coupables d'escroquerie par métier (art. 146 al. 1 et 2 CP) et en tant qu'il a reconnu P______ coupable de délit manqué d'escroquerie et d'escroquerie (art. 22 et 146 al. 1 CP).

Et, statuant à nouveau sur ces points :

Libère B______ et C______ des fins de la poursuite pénale s'agissant de l'escroquerie par métier.

Libère P______ des fins de la poursuite pénale s'agissant de l'escroquerie.

Reconnaît P______ coupable de complicité de délit manqué d'escroquerie (art. 22, 26 et 146 al. 1 CP).

Confirme le jugement entrepris pour le surplus.

Condamne B______, P______ et C______, à raison d'un tiers chacun, aux frais de la procédure d'appel, qui comprennent un émolument de 2'100 fr. ainsi qu'au dépens de la Pharmacie A______, lesquels comprennent une indemnité de 1'200 fr. valant participation à ses honoraires d'avocat.

Informe les parties qu'elles disposent d'un délai de trente jours dès réception du présent arrêt pour se pourvoir en nullité au Tribunal fédéral (art. 272 et 273 PPF).

La qualité et les autres conditions pour interjeter un pourvoi en nullité sont déterminées par les art. 268 ss PPF.

Siégeant :

Mme Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE, présidente; Mme Antoinette STALDER et M. Jacques DELIEUTRAZ, juges; M. Sandro COLUNI, greffier.

 

La présidente :

Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE

 

Le greffier :

Sandro COLUNI