A/2750/2018

ATA/1500/2019 du 08.10.2019 sur JTAPI/178/2019 ( ICCIFD ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : DROIT FISCAL;IMPÔT;REVENU;DÉDUCTION DU REVENU(DROIT FISCAL);OBLIGATION D'ENTRETIEN;HONORAIRES
Normes : LIFD.25; LIFD.33.al1.letc; LIFD.23.letf; LIFD.33.al1.letc; LIPP.28; LIPP.29; LIPP.33; Cst.127.al2
Résumé : Rejet du recours de l’AFC-GE. Confirmation, sur le principe, de la possibilité de déduire les frais d'avocat supportés par la recourante durant l’année litigieuse et directement liés à l’acquisition d’un revenu, en l’occurrence une contribution d’entretien, et ce même en l’absence d’une décision entrée en force. Il est conforme à l'expérience de la vie que les justiciables se fassent assister par un avocat au cours d'une procédure de ce genre. Renvoi à l’AFC-GE pour qu’elle détermine les prestations du mandataire de l’intimée directement en lien avec l’obtention des contributions d’entretien.
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En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2750/2018-ICCIFD ATA/1500/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 octobre 2019

4ème section

 

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

Madame A______,

représentée par Me Tania Sanchez Walter, avocate

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du
25 février 2019 (JTAPI/178/2019)


EN FAIT

1) Le litige a trait à l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) et l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) pour l'année fiscale 2012 de Madame A______.

2) L'intéressée vit séparée de son ex-époux, Monsieur B______, à tout le moins depuis 2012. Deux enfants, nés respectivement en 2000 et 2003, sont issus de leur union.

3) Par jugement du 11 mai 2012 (JTPI/7160/2012), le Tribunal civil de première instance (ci-après : TPI) a notamment :

- autorisé les époux B______ à vivre séparés pour une durée indéterminée
(ch. 1 du dispositif) ;

- condamné M. B______ à verser à la contribuable, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, dès le jour du prononcé du jugement, à titre de contribution à l'entretien de la famille, la somme de CHF 6'090.- (ch. 7) et à supporter, en sus, le paiement des intérêts hypothécaires, des frais de chauffage, le salaire du jardinier et les impôts du couple (ch. 8) ;

- dit que chaque partie assumait ses propres frais d'avocats (ch. 10).

4) Par arrêt du 9 novembre 2012 (ACJC/1582/2012), la chambre civile de la Cour de justice (ci-après : chambre civile) a notamment :

- annulé le ch. 8 du dispositif dudit jugement ;

- condamné M. B______ à verser à la contribuable, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises CHF 9'390.- à titre de contribution à l'entretien de la famille (à compter du 14 octobre 2011, sous déduction de
CHF 41'600.- pour la période du 14 octobre 2011 au 31 octobre 2012).

5) Par arrêt du 16 mai 2013 (cause 5A_930/2012), le Tribunal fédéral a réformé partiellement l'arrêt de la chambre civile en ce sens que M. B______ était condamné à verser à la contribuable, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, CHF 9'390.-, à titre de contribution à l'entretien de la famille à compter du 14 octobre 2011, sous déduction d'un montant de CHF 56'900.- pour la période du 14 octobre 2011 au 31 octobre 2012.

6) Dans sa déclaration fiscale pour l'année 2012 du 30 mars 2014,
Mme A______ a indiqué avoir perçu des contributions d'entretien totalisant
CHF 77'692.- et des allocations familiales de CHF 3'600.-. Elle a notamment fait valoir l'existence d'une dette datant du 7 décembre 2012 de CHF 17'306.- envers le mandataire constitué pour la défense de ses intérêts dans le litige civil l'opposant à M. B______.

7) Par bordereaux ICC et l'IFD 2012 du 30 mars 2015, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a taxé la contribuable en retenant, à titre de revenus imposables, une contribution d'entretien de CHF 64'080.-, en sus d'autres revenus.

8) Par courrier du 4 avril 2015, la contribuable a formé une réclamation contre ces bordereaux.

Excepté la pension alimentaire qu'elle avait déclarée (CHF 77'692.-),
M. B______ ne lui avait versé aucun autre montant. À la suite de l'arrêt de la chambre civile du 9 novembre 2012, il ne lui avait versé aucun arriéré de pension pour l'année 2012.

La réclamation portait également sur d'autres points qui ne sont actuellement plus litigieux.

9) Par décisions du 16 juillet 2018, l'AFC-GE a admis partiellement la réclamation.

Selon les justificatifs bancaires dont elle disposait, la contribuable avait encaissé en 2012 une pension alimentaire de CHF 64'080.-. Elle avait par ailleurs perçu une pension alimentaire sous forme de valeur locative du logement conjugal s'élevant à CHF 22'548.- pour l'ICC et à CHF 37'580.- pour l'IFD, et une autre sous forme de prise en charge par M. B______ des impôts qu'elle devait pour l'année 2012 (CHF 6'101.-).

10) Par deux actes du 15 août 2018, Mme A______ a interjeté recours contre les décisions précitées par-devant le Tribunal administratif de première instance
(ci-après : TAPI), concluant à leur annulation.

Pour la procédure de mesures protectrices de l'union conjugale, elle avait eu à sa charge des frais d'avocat d'un montant total de CHF 40'361.55, frais qui lui avaient permis d'obtenir la contribution d'entretien taxée et la jouissance de la maison dont la valeur locative était imposée dans son chef. Elle avait par ailleurs eu des frais de justice de CHF 1'500.- et d'huissier de CHF 3'240.- qui avaient été nécessaires pour obtenir « les jugements utiles ». Or, l'AFC-GE n'avait pas tenu compte de tous ces frais.

À l'appui de ses recours, elle a notamment produit trois notes d'honoraires d'avocat, la première datant du 21 décembre 2011 (CHF 16'5548.60), la seconde du 7 décembre 2012 (CHF 18'506.90), laquelle précisait qu'elle concernait l'activité déployée du 23 décembre 2011 au 7 décembre 2012 dans le cadre du « litige conjugal (procédure de mesures protectrices de l'union conjugale et autres) » et la dernière du 6 mai 2013 (CHF 5'306.05).

11) Dans sa réponse du 22 octobre 2018, l'AFC-GE a conclu à l'admission partielle du recours, s'agissant du montant à imposer auprès de l'intéressée à titre de valeur locative, et au rejet pour le surplus.

Selon la jurisprudence, les honoraires d'avocats ne pouvaient être déduits que s'ils permettaient d'acquérir un revenu imposable ou de maintenir une source de revenu ce qui, en l'occurrence, était effectivement le cas et ce seulement lors de l'année fiscale où la décision de la justice civile octroyait définitivement la pension alimentaire. En l'espèce, cette dernière condition n'étant pas remplie, la déduction desdits honoraires ne pouvait pas être admise pour l'année fiscale 2012.

12) Par réplique du 30 novembre 2018, puis duplique du 2 janvier 2019, les parties ont maintenu leurs conclusions respectives.

13) Par jugement du 25 février 2019, le TAPI a admis partiellement le recours.

La recourante avait effectivement obtenu une pension alimentaire au terme des procédures civiles pour lesquelles elle avait engagé un avocat, il convenait d'admettre la déduction des frais d'avocat qu'elle avait encourus, cette solution étant tout à fait conforme à celle retenue par la chambre administrative dans l'ATA/541/2012 précité et à sa propre nouvelle jurisprudence. En vertu du principe d'étanchéité des exercices fiscaux, seuls les frais d'avocat qui avaient été facturés à la recourante en 2012 pouvaient être admis en déduction, soit
CHF 18'506.90.

Le recours était, pour le surplus, rejeté sur un point ne faisant plus l'objet de la présente procédure.

14) Par acte du 29 mars 2019, l'AFC-GE a interjeté recours contre le jugement précité par-devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), en concluant à son annulation en ce qu'il portait sur la déduction des frais d'avocat d'un montant de CHF 18'506.90.

Le jugement sur lequel se fondait le TAPI n'était pas encore entré en force, dès lors qu'il avait fait l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative.

Dans les actions visant le paiement d'une contribution d'entretien, il était très difficile de déterminer à l'avance si lesdites actions seraient ou non dénuées de chance de succès. Il n'appartenait pas à l'AFC-GE d'effectuer cette appréciation, de sorte qu'il convenait d'attendre le jugement définitif rendu par la dernière instance saisie pour déterminer si les frais d'avocat engagés étaient ou non déductibles. Cette solution s'écartait certes légèrement du principe de l'étanchéité des exercices, puisqu'il y avait lieu de prendre en compte des frais engagés lors d'une ou d'autres années fiscales antérieures à celle en cause, mais respectait le principe de concordance, dès lors que ces frais étaient déduits l'année où se réalisait le revenu pour lequel ils avaient été engagés.

La jurisprudence rendue à propos des déductions en lien avec les contributions d'entretien indiquait qu'il fallait s'assurer que la pension ait effectivement été versée pour qu'elle puisse être déduite. On ne pouvait déduire des frais d'avocat si la pension n'avait pas été versée, ou reçue.

Le revirement de jurisprudence préconisé par le TAPI posait la question de savoir comment appréhender, dès l'année du dépôt de la demande visant au versement des contributions, le montant des honoraires admis en déduction. À suivre le TAPI, les honoraires facturés chaque année seraient déductibles chaque année, depuis l'année du dépôt de la demande de pension alimentaire jusqu'à celle du jugement mettant un terme à la procédure. Il en découlerait toutefois une inégalité de traitement pour les contribuables dont les causes auraient été jugées dénuées de chance de succès par l'AFC-GE, et pour lesquels la déduction aurait été refusée, alors même qu'ils auraient obtenu, après plusieurs années de procédures, gain de cause. Dans ces cas, seuls les honoraires exposés la dernière année de procédure seraient admis. Cela posait des problèmes de mise en oeuvre.

Au risque de contrevenir aux principes de la capacité contributive et de l'égalité de traitement, il fallait donc maintenir la jurisprudence rendue jusqu'alors selon laquelle il fallait attendre l'entrée en force d'une décision civile relative à la pension alimentaire pour déterminer si les frais d'avocat engagés dans le cadre de cette procédure pouvaient être déduits. Cette solution avait le mérite de la praticité, l'AFC-GE ne devant pas attendre la décision civile définitive pour clore les différentes années fiscales durant lesquelles la procédure civile s'était déroulée.

L'intéressée ne pouvait dès lors solliciter la déduction des frais d'avocat dans le cadre de sa taxation 2012 dans la mesure où l'arrêt définitif statuant, entre autres, sur la question des contributions d'entretien datait de mai 2013. Le revenu n'avait ainsi été réalisé qu'en 2013.

Pour le surplus, les frais d'avocat, dans le cadre d'une première procédure civile pour l'obtention d'une contribution d'entretien, ne concernaient aucunement l'obtention d'un revenu et ne présentaient dès lors aucun lien de causalité directe avec celui-ci. Ils ne pouvaient ainsi faire l'objet d'une déduction.

Le TAPI avait par ailleurs admis à tort la déduction de CHF 18'506.90 sur la base de la note d'honoraires d'avocat du 7 décembre 2012, dès lors que l'activité déployée ne concernait pas exclusivement les contributions d'entretien.

15) Dans sa réponse du 7 mai 2019, Mme A______ a conclu à la confirmation du jugement entrepris et à ce que l'AFC-GE soit condamnée en tous les frais et dépens.

16) Le 9 mai 2019, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 145 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur le refus de l'AFC-GE d'admettre la déduction des honoraires d'avocat supportée par l'intimée dans le cadre d'une procédure de mesures protectrices de l'union conjugale, tant en IFD qu'en ICC, pour la période fiscale 2012.

3) En l'absence d'une réglementation expresse contraire, le droit applicable à la taxation est celui en vigueur pendant la période fiscale en cause (arrêt du Tribunal fédéral 2C_660/2014 et 2C_661/2014 du 6 juillet 2015 consid. 5), soit en l'occurrence les dispositions de la LIFD, de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990
(LHID - RS 642.14) et de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), dans la teneur en vigueur durant l'année 2012.

4) a. À teneur de l'art. 25 LIFD, le revenu net se calcule en défalquant du total des revenus imposables les déductions générales et les frais mentionnés aux
art. 26 à 33a LIFD.

L'art. 33 al. 1 let. c LIFD prévoit que sont déduits du revenu la pension alimentaire versée au conjoint divorcé, séparé judiciairement ou de fait, ainsi que les contributions d'entretien versées à l'un des parents pour les enfants sur lesquels il a l'autorité parentale, à l'exclusion toutefois des prestations versées en exécution d'une obligation d'entretien ou d'assistance fondée sur le droit de la famille.

L'art. 23 let. f LIFD précise que sont imposables la pension alimentaire obtenue pour lui-même par le contribuable divorcé ou séparé judiciairement ou de fait, ainsi que les contributions d'entretien obtenues par l'un des parents pour les enfants sur lesquels il a l'autorité parentale. Quant à l'art. 24 let. e LIFD, il mentionne que sont exonérées de l'impôt les prestations versées en exécution d'une obligation fondée sur le droit de la famille, à l'exception des pensions alimentaires et des contributions d'entretien mentionnées à l'art. 23 let. f LIFD.

b. Selon le texte même de l'art. 33 al. 1 let. c LIFD, ce ne sont que les contributions que le contribuable a effectivement versées qui peuvent être déduites de son revenu imposable. Le corollaire est que seules les contributions d'entretien effectivement payées sont imposables auprès de leur destinataire en vertu de l'art. 23 let. f LIFD (arrêts du Tribunal fédéral 2C_585/2014 du 13 février 2015 consid. 5.1 ; 2A_541/2003 du 24 août 2004 consid. 6.1).

c. Le système de déduction et d'imposition des contributions d'entretien est identique en matière d'impôt fédéral direct et en matière d'impôts cantonal et communal (arrêts du Tribunal fédéral 5A_298/2015 du 30 septembre 2015
consid. 2.1.1 ; 2C_435/2010 du 16 septembre 2010 consid. 5.2.1 ; Daniel DE VRIES REILINGH, AJP/PJA 3/2010 p. 267 ss, 277 ch. 6.2). Les principes juridiques précités qui concernent la déductibilité des contributions d'entretien trouvent donc leur parallèle en matière d'ICC (art. 9 al. 2 let. c LHID), tout comme ceux relatifs à leur exonération (art. 7 al. 4 let. g LHID ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_298/2015 précité consid. 2.1.1).

Les art. 28 et 29 à 37 LIPP sont le pendant des art. 25 et 26 à 33a LIFD, en droit genevois.

d. Les articles précités étant d'une teneur similaire, les considérations développées ci-dessous valent tant pour l'IFD que pour l'ICC.

5) L'art. 25 LIFD envisage les déductions dites organiques (frais d'acquisition du revenu) et les déductions générales (Yves NOËL in Danielle YERSIN/
Yves NOËL [éd.], Commentaire romand - Impôt fédéral direct, 2017, n. 6 ad
art. 25 LIFD). Sont des frais d'acquisition du revenu les frais que le contribuable ne peut éviter et qui sont essentiellement dus ou causés par la réalisation du revenu (ATF 142 II 293 consid. 3.2 ; 124 II 29 consid. 3a). En d'autres termes, il faut que la dépense soit économiquement nécessaire à l'obtention du revenu et que l'on ne puisse exiger du contribuable qu'il y renonce (ATF 124 II 29 consid. 3a ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_916/2012 du 28 février 2013 consid. 4.1; 2C_477/2009 du 8 janvier 2010 consid. 3.2). Il y a lieu de vérifier dans le cadre d'un examen d'ensemble des circonstances concrètes l'existence d'un lien suffisamment étroit entre la dépense dont la déduction est demandée et le revenu imposable (ATF 142 II 293 consid. 3.2).

Les dépenses nécessaires à l'acquisition du revenu sont celles faites immédiatement et en rapport direct avec l'obtention du revenu, même s'il est généralement admis que le critère de nécessité soit interprété assez largement (ATF 142 II 293 in RDAF 2017 II p. 417 ; RDAF 1994 p. 85 ;
Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 4ème éd., 2012, p. 167).

Une fois reconnus, les frais d'acquisition du revenu sont intégralement déductibles dans l'année de réalisation du revenu correspondant, sauf s'il s'agit de matériel professionnel coûteux, pour lequel seul un amortissement étalé sur plusieurs années est admis. Lorsque le revenu lié à ces frais n'est réalisé que dans une période fiscale ultérieure, les frais n'en seront déductibles qu'à ce moment-là, conformément au principe de périodicité (Yves NOËL, op.cit., n. 15 ad
art. 25 LIFD).

6) Selon le Tribunal fédéral, des frais d'avocat peuvent constituer des frais d'acquisition du revenu déductibles (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1278/2012 du 14 octobre 2013 consid. 5.1), par exemple lorsqu'ils sont nécessaires à l'obtention d'un revenu issu d'une rente (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1058/2017 du 5 février 2019 consid. 11.1 ; 2C_415/2015 du 31 mars 2016 consid. 4).

Les honoraires d'avocat doivent se trouver dans un rapport de causalité direct avec les revenus obtenus durant la période fiscale en question, ce qui exclut le conseil général et les mandats ne portant pas sur la source du revenu litigieux (arrêt du Tribunal fédéral 2C_266/2008 du 16 décembre 2018 consid. 5.3).

La chambre de céans a déjà eu l'occasion de trancher que les frais d'avocat engagés par un contribuable pour se faire verser une pension alimentaire par son conjoint étaient en relation directe avec le revenu obtenu et qu'il était conforme à l'expérience de la vie que les justiciables se fassent assister par un avocat au cours d'une procédure de ce genre. Les honoraires d'avocat devaient dès lors pouvoir être déduits du revenu obtenu (ATA/541/2012 du 21 août 2012).

7) Dans l'ATA/541/2012 précité, la chambre administrative a admis la déduction des honoraires acquittés durant l'année fiscale en question par une contribuable pour l'obtention d'une pension suite à un jugement rendu sur mesures protectrices de l'union conjugale la même année. À la suite de l'appel de l'intéressée, la chambre civile avait rendu un arrêt l'année suivante, augmentant alors le montant de la contribution d'entretien due à celle-ci.

Dans un arrêt récent (ATA/1255/2019 du 13 août 2019), la chambre de céans a rappelé que le moment déterminant pour la déduction, et la taxation des contributions d'entretien était celui du versement effectif. Les frais d'acquisition du revenu étaient quant à eux intégralement déductibles durant l'année de réalisation du revenu correspondant. Dès lors, les frais relatifs à l'acquisition de la contribution d'entretien ne pouvaient être déduits que durant l'année fiscale lors de laquelle cette somme avait effectivement été perçue. La chambre administrative a encore considéré que le fait d'autoriser un contribuable à déduire ses frais d'avocat directement liés à l'acquisition d'un revenu, et ce même en l'absence d'une décision entrée en force, ne violait manifestement pas les principes de l'imposition selon la capacité contributive et d'égalité de traitement, mais permettait, au contraire, de respecter lesdits principes.

8) a. En vertu des principes de l'étanchéité des exercices et de la périodicité de l'impôt, chaque exercice est considéré comme un tout autonome sans que le résultat d'un exercice puisse avoir une influence sur les suivants, et le contribuable ne saurait choisir au cours de quelle année fiscale il fait valoir les déductions autorisées (ATA/1470/2017 du 14 novembre 2017 consid. 5d ; ATA/14/2015 du 6 janvier 2015 consid. 5 ; ATA/959/2014 du 2 décembre 2014 consid. 12b). Les déductions doivent être demandées dans la déclaration d'impôts de l'année au cours de laquelle les faits justifiant l'octroi des déductions se sont produits (ATA/547/2012 du 21 août 2012 consid. 6) ; plus généralement, les deux principes précités impliquent que tous les revenus effectivement réalisés, ainsi que tous les frais engagés durant la période fiscale en cause sont déterminants pour la taxation de cette période (arrêt du Tribunal fédéral 2C_87/2015 du 23 octobre 2015 consid. 8.1.2 et les références).

Ces principes sont toutefois atténués en matière de pension alimentaire, dans la mesure où notre haute Cour a retenu que le paiement différé des contributions d'entretien peut être déduit même si l'année du paiement est ultérieure à l'année où la dette est née (arrêt du Tribunal fédéral 2A.613/2005 du 20 février 2007 citées ; ATA/1470/2017 du 14 novembre 2017).

b. La pension et la contribution ne sont pas déductibles au moment de la naissance d'une prétention ferme sur laquelle le contribuable a un pouvoir de disposition. Compte tenu du risque particulier de défaut de paiement, le moment déterminant pour celles-ci est celui de l'exécution de la prestation
(Fabien LIEGEOIS, la disponibilité du revenu - le moment de l'acquisition en droit fiscal suisse, 2018, p. 360 n. 1120). Un jugement ou une convention fixant des pensions et contributions d'entretien ne suffisent ainsi pas à eux seuls pour justifier leur déduction, respectivement leur imposition, encore faut-il qu'elles aient été effectivement versées (Christine JAQUES in Danielle YERSIN/
Yves NOËL [éd.], Commentaire romand - Impôt fédéral direct, 2017, n. 27 ad
art. 33 LIFD).

9) En vertu de l'art. 127 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), dans la mesure où la nature de l'impôt le permet, les principes de l'universalité, de l'égalité de traitement et de la capacité économique doivent, en particulier, être respectés. En application des principes de l'égalité d'imposition et de l'imposition selon la capacité contributive, les contribuables qui sont dans la même situation économique doivent supporter une charge fiscale semblable ; lorsqu'ils sont dans des situations de fait différentes qui ont des effets sur leur capacité économique, leur charge fiscale doit en tenir compte et y être adaptée. Ainsi, chaque citoyen doit contribuer à la couverture des dépenses publiques compte tenu de sa situation personnelle et en proportion de ses moyens (ATF 140 II 157 consid. 7.1 ; 133 I 206 consid. 7.1 et 7.2 ; 118 Ia 1 consid. 3a).

10) La recourante considère en substance qu'il faut attendre l'entrée en force d'une décision civile relative à la pension alimentaire pour déterminer si les frais d'avocat engagés dans le cadre de cette procédure peuvent être déduits fiscalement.

À titre préalable, la chambre de céans n'entend pas revenir sur sa jurisprudence selon laquelle les frais d'avocat engagés par un contribuable pour se faire verser une pension alimentaire par son conjoint sont en relation directe avec le revenu obtenu et peuvent dès lors faire l'objet d'une déduction.

Il ressort du dossier que durant l'année 2012, l'intimée a perçu une pension alimentaire de CHF 64'080.-. Cette dernière a par ailleurs perçu une pension alimentaire sous forme de valeur locative du logement conjugal dont le montant a été réduit dans le jugement querellé à CHF 15'119.50 pour l'ICC et à CHF 24'661.60 pour l'IFD, étant précisé que ces montants ne font pas l'objet du présent recours. Il n'est également pas contesté que l'intimée a été taxée sur lesdits montants durant l'exercice litigieux.

La solution préconisée par l'AFC-GE, soit le fait que la déduction des honoraires d'avocat pourrait être acceptée uniquement l'année de l'entrée en force de la décision relative à la pension alimentaire soit en 2013 , est toutefois contraire à la jurisprudence de la chambre de céans. En effet, d'une part, dans l'ATA/541/2012 précité, la chambre administrative a retenu que les frais d'avocat engagés par la recourante étaient en relation directe avec le revenu qu'elle avait obtenu et pouvaient dès lors être déduits du revenu en question. Elle n'a ainsi pas considéré que la décision relative à la fixation de la contribution d'entretien devait en outre être entrée en force durant la même année pour que l'intéressée puisse faire valoir la déduction de ses honoraires. Il apparaît d'ailleurs dans la cause précitée qu'une décision avait été rendue durant l'exercice fiscal litigieux, mais avait toutefois été modifiée sur recours l'année suivante. La déduction avait ainsi été autorisée alors même qu'aucune décision n'était encore entrée en force. D'autre part, dans l'ATA/1255/2019 précité, lequel portait sur une affaire présentant de fortes similitudes, la chambre administrative a admis la déduction des frais d'avocat engagés durant l'année litigieuse, dès lors que la contribuable avait effectivement perçu une contribution d'entretien, et alors même que le jugement statuant sur la fixation de la contribution d'entretien n'était pas encore entré en force.

Par ailleurs, la position de l'AFC-GE est également contraire au principe de périodicité. Dans le cas particulier, la contribuable a effectivement perçu des revenus en 2012 au titre de contribution d'entretien. L'AFC-GE ne saurait ainsi être suivie lorsqu'elle allègue que le revenu n'a été réalisé qu'à partir de l'année 2013 au motif que l'arrêt définitif sur la question des contributions d'entretien date de mai 2013. Ce faisant, la recourante fait abstraction de la jurisprudence et de la doctrine précitées selon lesquelles le moment déterminant pour la déduction, respectivement la taxation des contributions d'entretien, est celui du versement effectif. Comme susmentionné, les frais d'acquisition du revenu sont ainsi intégralement déductibles dans l'année de réalisation du revenu correspondant. Lorsque le revenu lié à ces frais n'est réalisé que dans une période fiscale ultérieure, les frais ne seront déductibles qu'à ce moment-là, conformément au principe de périodicité. Dès lors, les frais relatifs à l'acquisition de la pension alimentaire de CHF 64'080.- et de la pension alimentaire sous forme de la valeur locative du logement conjugal ne peuvent être déduits que durant l'année fiscale lors de laquelle ces montants ont effectivement été perçus, soit en l'occurrence en 2012.

S'agissant de l'hypothèse soulevée par l'AFC-GE l'époux bénéficiaire d'une prestation en capital en lieu et place d'une contribution mensuelle , elle n'est pas réalisée en l'espèce, de sorte qu'il n'y a pas lieu de s'y attarder.

Enfin, le fait d'autoriser un contribuable à déduire ses frais d'avocat directement liés à l'acquisition d'un revenu, et ce même en l'absence d'une décision entrée en force, ne viole manifestement pas les principes de l'imposition selon la capacité contributive et d'égalité de traitement, mais permet, au contraire, de respecter lesdits principes.

Dès lors, la déduction des honoraires d'avocat supportés par la contribuable durant l'année litigieuse doit être admise sur le principe, étant encore relevé qu'il est conforme à l'expérience de la vie qu'un justiciable se fasse assister par un avocat au cours de procédures portant sur la fixation de contributions d'entretien.

11) Nonobstant ce qui précède, la totalité des frais d'avocat engagés dans le cadre d'une séparation ou d'un divorce ne saurait être déductible d'office, dans la mesure où une part de ceux-ci peut avoir trait à d'autres objets que la pension alimentaire, ce qui, à teneur du détail des factures figurant au dossier, est le cas en l'espèce.

Dans l'ATA/541/2012, cette problématique n'a pas été jugée dès lors que le contribuable avait fait appel à un avocat dans le but unique d'obtenir une réévaluation à la hausse de sa pension alimentaire, entraînant la déductibilité complète des honoraires d'avocat relatifs à cette procédure.

En l'occurrence, la contribuable a produit une facture du 7 décembre 2012 s'élevant à CHF 18'506.90, laquelle concernait l'activité déployée du 23 décembre 2011 au 7 décembre 2012 dans le cadre du « litige conjugal (procédure de mesures protectrices de l'union conjugale et autres) ». Celle-ci n'était toutefois pas accompagnée du détail des activités réalisées. Conformément à la jurisprudence précitée, seuls les honoraires se rapportant directement et spécifiquement à la problématique de la fixation des contributions d'entretien peuvent faire l'objet d'une déduction. À titre préalable, il convient de relever que les activités déployées durant l'année 2011 ne peuvent, conformément au principe de l'étanchéité des exercices, faire l'objet d'une déduction durant l'exercice 2012. Pour le surplus, à teneur des pièces produites, il n'est pas possible pour la chambre de céans, en l'état, de distinguer les activités relatives à la fixation de la contribution d'entretien des autres tâches effectuées par le conseil de la contribuable dans le cadre de la procédure de mesures protectrices de l'union conjugale. Dès lors, le dossier sera retourné à l'AFC-GE afin qu'elle détermine quelles sont les prestations du mandataire de l'intimée directement en lien avec l'obtention des contributions d'entretien perçues durant l'année 2012, et qu'elle fixe le montant des déductions admises au titre de frais d'acquisition du revenu.

Compte tenu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis. Le jugement du TAPI du 25 février 2019 sera annulé en tant qu'il admet la déduction totale de CHF 18'506.90 à titre d'honoraires d'avocat liés à l'acquisition d'une contribution d'entretien et confirmé pour le surplus. Le dossier sera renvoyé à l'autorité pour instruction et nouvelles décisions au sens des considérants.

12) Vu l'issue du litige un émolument réduit de CHF 500.- sera mis à la charge de l'intimée (art. 87 al. 1 LPA), qui succombe partiellement, et une indemnité de procédure réduite à CHF 1'500.- lui sera allouée, à la charge de l'État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 29 mars 2019 par l'administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du
25 février 2019 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 octobre 2018 en tant qu'il admet la déduction de CHF 18'506.90 à titre d'honoraires d'avocat lié à l'acquisition d'une contribution d'entretien ;

renvoie le dossier à l'administration fiscale cantonale pour fixer le montant déductible à titre d'honoraires d'avocat liés à l'acquisition d'une contribution d'entretien, au sens des considérants ;

met à la charge de Madame A______ un émolument réduit de CHF 500.- ;

alloue à Madame A______ une indemnité de procédure de CHF 1'500.-, à la charge de l'État de Genève (administration fiscale cantonale) ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à l'administration fiscale cantonale, à Me Tania SANCHEZ WALTER, avocate de Madame A______, à l'administration fédérale des contributions, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Cuendet, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

 

 

la greffière :