A/1246/2004

ATAS/370/2005 du 27.04.2005 ( AI ) , REJETE

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En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1246/2004 ATAS/370/2005

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

4ème chambre

du 27 avril 2005

En la cause

Monsieur S__________, domicilié Genève, comparant par Me Jean-Bernard WAEBER, en l’Etude duquel il élit domicile

recourant

contre

OFFICE CANTONAL DE L’ASSURANCE-INVALIDITE, rue de Lyon 97, à Genève

intimé


EN FAIT

Monsieur S__________, né en 1952, de nationalité tunisienne, a travaillé dans l’imprimerie à Genève, depuis 1977, d’abord comme auxiliaire sur rotative, puis en tant que conducteur de machine.

En mai 1999, l’intéressé a été opéré d’une bursite du coude droit. Lors de l’intervention, il a subi une atteinte du nerf axillaire, suite à l’anesthésie. Il a été en arrêt de travail jusqu’au 23 juin 1999 et une reprise de travail à 50 % a été tentée dès le 24 juin 1999. La poursuite de l’activité d’imprimeur s’est révélée impossible.

L’intéressé a déposé une demande de prestations auprès de l’Office cantonal de l’assurance-invalidité le 22 mai 2000. L’assuré sollicitait un reclassement dans une nouvelle profession et, subsidiairement, une rente.

Par communication du 8 mai 2001, l’OCAI a mis l’assuré au bénéfice d’un stage d’observation professionnelle OSER dispensé par le Centre d’intégration professionnelle (ci-après CIP) du 28 mai 2001 au 23 septembre 2001. L’assuré a perçu des indemnités journalières pour cette période. Selon le rapport OSER, l’assuré pouvait être réintégré dans le circuit économique normal, à plein temps et plein rendement, dans une activité légère ménageant l’articulation de son épaule et son bras droit. La profession d’employé de bureau a été retenue comme orientation.

Par décision du 17 septembre 2001, l’OCAI a octroyé à l’assuré un reclassement en tant qu’employé de bureau dispensé par l’école Schulz, du 3 septembre 2001 au 31 août 2002. Dans le cadre de la mesure de reclassement, l’assurance-invalidité a pris en charge un stage non rémunéré auprès de l’Hospice Général, du 16 septembre 2002 au 15 septembre 2003, ainsi que les frais d’écolage de l’école Schulz.

Dans son rapport final, la division de réadaptation professionnelle a retenu, compte tenu de l’évolution défavorable de l’état de santé de l’assuré, qu’une activité de bureau était possible à 50 %. Après avoir procédé à une comparaison des gains, ce service a proposé d’octroyer à l’assuré une demi-rente d’invalidité.

Par décision du 5 novembre 2003, l’OCAI a accordé à l’assuré une demi-rente d’invalidité à compter du 1er novembre 2003 ; l’intéressé était informé que la période du 1er février 2000 au 31 octobre 2003 ferait l’objet d’une décision séparée. En comparant le revenu sans invalidité de 63'289 fr. déterminé selon les tables de l’enquête suisse sur la structure des salaires 2000 réactualisés en 2001, et le salaire avec invalidité de 30'922 fr. à 50% (61'844.- annuel), le degré d’invalidité retenu par l’OCAI s’élevait à 51 %.

Par l’intermédiaire de son mandataire, l’assuré a formé opposition le 4 décembre 2003. Il a contesté le salaire sans invalidité retenu par l’OCAI, arguant que les salaires pratiqués dans la branche de l’imprimerie étaient nettement supérieurs aux minimaux conventionnels et qu’il pouvait facilement réaliser, comme employé d’imprimerie expérimenté, un salaire de 6'000 à 7'000 fr., treize fois par an. S’agissant du revenu d’invalide, il a rappelé que dans sa nouvelle activité à l’Hospice Général, il réalisait, pour une activité à 30 %, un salaire brut de 1'494 fr., douze fois l’an, ce qui correspondrait à un salaire annuel de 29'904 fr. pour une activité à 50 %. Il concluait à l’octroi d’une rente entière d’invalidité.

Dans deux décisions notifiées à l’assuré le 16 janvier 2004, l’OCAI lui a accordé un rétroactif de demi-rentes d’invalidité pour les périodes du 1er février 2000 au 31 mai 2001 et du 1er septembre 2003 au 31 octobre 2003.

L’assuré a formé opposition aux décisions le 19 janvier 2004, pour les mêmes motifs que ceux avancés dans sa précédente opposition.

Par décision du 10 mai 2004, l’OCAI a rejeté les oppositions, au motif que des salaires annuels de l’ordre de 78'000 à 91'000 fr. tels qu’avancés par l’assuré n’étaient pas même atteints par les cadres de l’entreprise de son précédent employeur. Quant au revenu d’invalide, l’OCAI relève que compte tenu de la formation acquise à l’Ecole Schulz, l’assuré est à même d’effectuer des tâches nécessitant des connaissances professionnelles spécialisées, à 50 % au moins. Même en se fondant sur le niveau de qualification le plus bas et sur la base des ESS 2002, le degré d’invalidité est de 50,5 %. Le calcul effectué par l’office, qui a procédé à une réduction supplémentaire de 10 %, apparaissait en conséquence parfaitement correct.

Par acte du 11 juin 2004, l’assuré a interjeté recours. Il soutient que selon les renseignements obtenus du syndicat de la branche de l’imprimerie et sur les bases des statistiques de l’association patronale VISCOM, il aurait pu réaliser en 2002 un revenu sans invalidité dans son ancienne profession d’imprimeur de 5'800 fr. mensuel et, en 2003, de 5'858 fr. (+ 1 % d’indexation) auquel il convient d’ajouter 300 fr. de supplément pour travail en équipe, soit 6’1258 fr. par mois, ou 80'054 fr. par an (13 x 6'158 fr.). D’autre part, le salaire d’invalide retenu par l’OCAI ne correspond pas non plus à la réalité, dans la mesure où il perçoit actuellement de son employeur un revenu de 1'494 fr. à 30 %, ce qui correspond à 2'490 fr. par mois et à 29'880 fr. par année pour une activité à 50 %. Il allègue que le revenu tiré des statistiques ESS est plus élevé que celui pratiqué par l’Hospice Général, alors même que pour les bas revenus les employeurs étatiques paient généralement des salaires plus élevés que dans le privé. La comparaison des gains de 80'054 fr. sans invalidité avec 29'880 fr. avec invalidité aboutit à un degré d’invalidité de 63 %. Il conclut à l’octroi d’une demi-rente d’invalidité jusqu’au 31 décembre 2003 et à trois quarts de rente dès le 1er janvier 2004.

Dans sa réponse du 13 juillet 2004, l’OCAI a conclu au rejet du recours, considérant ne disposer d’aucun élément pour lui permettre de faire une appréciation différente du cas.

Chacune des parties a persisté dans ses conclusions.

EN DROIT

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

Le Tribunal cantonal des assurances sociales connaît, en instance unique, des contestations relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 - LAI, notamment (art. 56V LOJ).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine des assurances sociales. Sur le plan matériel, le point de savoir quel droit s'applique doit être tranché à la lumière du principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V 467 consid. 1, 126 V 136 consid. 4b et les références). Ainsi, lorsque l’on examine le droit éventuel à une rente d’invalidité pour une période précédant l’entrée en vigueur de la LPGA, il y a lieu d’appliquer l’ancien droit pour la période jusqu’au 31 décembre 2002 et la nouvelle réglementation légale après cette date (ATF 130 V 433 consid. 1 et les références). En revanche, en ce qui concerne la procédure, et à défaut de règles transitoires contraires, le nouveau droit s'applique sans réserve dès le jour de son entrée en vigueur (ATF 117 V 93 consid. 6b, 112 V 360 consid. 4a; RAMA 1998 KV 37 p. 316 consid. 3b). C'est pourquoi les procédures pendantes au 1er janvier 2003 ou introduites après cette date devant un tribunal cantonal compétent en matière d'assurances sociales sont régies par les nouvelles règles de procédure contenues dans la LPGA et par les dispositions de procédure contenues dans les différentes lois spéciales modifiées par la LPGA. 

Interjeté dans la forme et le délai prescrits par la loi, le recours est recevable (art. 56 et 60 LPGA). 

Sont litigieux en l’occurrence les montants des revenus avec et sans invalidité retenus par l’intimé lors de la comparaison des gains et par conséquent le degré d’invalidité du recourant.

Selon l’art. 28 al. 1 LAI, en sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2003, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 66 2/3 % au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50 % au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40 % au moins ; dans les cas pénibles, l’assuré peut, d’après l’art. 28 al. 1bis LAI, prétendre une demi-rente s’il est invalide à 40 % au moins. Cette disposition a une nouvelle teneur introduite selon le ch. I de la LF du 21 mars 2003 (4ème révision AI), en vigueur depuis le 1er janvier 2004 : l’assuré a droit à un quart de rente s’il est invalide à 40 % au moins, à une demi-rente s'il est invalide à 50% au moins, à trois-quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins et à une rente entière s'il est invalide à 70% au moins.

Chez les assurés actifs, le degré d’invalidité doit être déterminé sur la base d’une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu du travail que l’invalide pourrait obtenir en exerçant l’activité qu’on peut raisonnablement attendre de lui, après exécution éventuelle de mesures de réadaptation et compte tenu d’une situation équilibrée du marché du travail, est comparé au revenu qu’il aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide (art. 28 al. 2 LAI teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2002 ; art. 16 LPGA). La notion du marché équilibré du travail est une notion théorique et abstraite, qui sert de critère de distinction entre les cas tombant sous le coup de l’assurance-chômage et ceux qui relèvent de l’assurance-invalidité. Elle implique, d’une part, un certain équilibre entre l’offre et la demande de main d’œuvre et, d’autre part, un marché du travail structuré de telle sorte qu’il offre un éventail d’emplois diversifiés. D’après ces critères, on déterminera si, dans les circonstances concrètes du cas, l’invalide a la possibilité de mettre à profit sa capacité résiduelle de gain, et s’il peut ou non réaliser un revenu excluant le droit à une rente.

La comparaison des revenus s’effectue, en règle générale, en chiffrant aussi exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les confrontant l’un avec l’autre, la différence permettant de calculer le taux d’invalidité. Dans la mesure où ces revenus ne peuvent être chiffrés exactement, ils doivent être estimés d’après les éléments connus dans le cas particulier, après quoi l’on compare entre elles les valeurs approximatives ainsi obtenues (méthode générale de comparaison des revenus ; ATF 128 V 30 consid. 1; ATF 104 V 136 consid. 2a et 2b). Sont déterminants les rapports existant au moment de l'ouverture du droit à une éventuelle rente, ainsi que les modifications éventuelles survenues jusqu'au moment de la décision qui ont des conséquences sur le droit à la rente (ATF 129 V 222; 128 V 174).

a) S’agissant du revenu sans invalidité, le recourant travaillait depuis 1991 dans la même entreprise et percevait en tant qu’auxiliaire d’imprimerie un salaire mensuel de 4'681 fr., 13 x par an, en 1998 ; en 1999, le salaire mensuel qu’il aurait pu réaliser se serait élevé à 4'709 fr. par mois, 13 x l’an, soit 61'217 fr. par année, et en 2000, 4'756 fr. par mois, 13 x l’an, soit 61'828 fr. par année. Compte tenu d’une augmentation de 1,3 % au 1er janvier 2001 et de 1 % au 1er janvier 2003, le salaire annuel que le recourant aurait pu percevoir en 2003 s’élève à 63'250 fr.

Le recourant allègue qu’il aurait pu facilement obtenir un revenu mensuel se situant entre 5'500 et 6’000 fr., même s’il n’a pas de CFC, car à Genève, les salaires pratiqués dans la branche de l’imprimerie sont nettement supérieurs aux minimaux conventionnels. Il se réfère aux statistiques de l’association patronale VISCOM d’octobre 2002 et considère qu’il convient de retenir un salaire mensuel de 5'800 fr. pour 2002, auquel s’ajoute un supplément pour travail en équipe de 300 fr. ; réactualisé en 2003, il aurait pu percevoir un salaire de 6'158 fr., 13 x par an, soit 80'054 fr. par année.

Le Tribunal de céans rappelle qu’il convient de se fonder sur le salaire que l‘assuré aurait, selon toute vraisemblance et compte tenu de l’ensemble des circonstances, réalisé avant de devenir invalide. S’il faut tenir compte des chances réelles d’avancement, une simple possibilité théorique d’avancement ne peut être prise en considération.

Or, en l’occurrence, l’ancien employeur du recourant a communiqué le montant des salaires que le recourant aurait effectivement obtenus, s’il n’était devenu invalide ; il a également indiqué quelles ont été les indexations au coût de la vie de 2001 à 2003. Il a d’autre part clairement indiqué que les revenus invoqués par l’assuré n’étaient même pas atteints par les cadres de son entreprise. Les statistiques publiées par l’association patronale VISCOM ne sauraient constituer une base fiable pour déterminer le revenu sans invalidité du recourant et il convient de se fonder sur les données de l’employeur, étant rappelé que le recourant travaillait dans la même entreprise depuis 1991 jusqu’à son arrêt de travail. C’est en conséquence un revenu annuel de 63'250 fr. en 2003 qu’il convient de retenir.

b) Après avoir été mis au bénéfice d’une réadaptation professionnelle d’employé de bureau, le recourant a été engagé par l’Hospice Général, à 30 %., en automne 2003 et perçoit un salaire de 1'494 fr., 12 x par an, soit 17'928 fr. Le Tribunal de céans constate que l’activité d’employé de bureau est une activité adaptée au handicap présenté par le recourant et dans laquelle il pourrait travailler à 50 %, comme les médecins l’ont préconisé, ce que l’employeur a confirmé. L’intimé s’est référé aux salaires résultant de l’Enquête suisse sur la structure des salaires 2002 (tables ESS), et a retenu un revenu réactualisé pour 2003 sur 41,80 heures, dans le secrétariat et les travaux de chancellerie pour des activités simples et répétitives (tableau TA7, niveau 4), de 31'345 fr.

Selon la jurisprudence bien établie, il y a lieu de se référer aux données statistiques de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS), lorsque l’assuré n’a pas repris d’activité lucrative (ATF 126 V 76 consid. 3b/aa et bb ; VSI 2002 p. 68 consid. 3b). Tel n’est pas le cas en l’espèce. Le Tribunal de céans considère qu’il y lieu de retenir le salaire effectivement perçu par le recourant, mais pour une activité exigible à 50 %, soit un revenu annuel de 29'880 fr. (2'490 x 12). Une réduction supplémentaire ne se justifie pas, car dans cette activité adaptée, le recourant ne subit aucune aucune baisse de rendement.

Au vu de ce qui précède, la comparaison des gains aboutit à un degré d’invalidité de 52,75 % (63’250 –29'880 : 63’250).

Force est de conclure que ce degré d’invalidité est insuffisant pour ouvrir le droit à une rente entière de l’assurance-invalidité.

Le recours, mal fondé, doit être rejeté.

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

(conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ)

A la forme :

Déclare le recours recevable ;

Au fond :

Le rejette ;

Dit que la procédure est gratuite ;

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu’il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l’enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

Le greffier:

Walid BEN AMER

La Présidente :

Juliana BALDE

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le