A/1328/2004

ATAS/38/2006 du 19.01.2006 ( LPP ) , REJETE

Recours TF déposé le 25.02.2006, rendu le 14.08.2006, REJETE, B 30/06
Pdf
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1328/2004 ATAS/38/2006

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

Chambre 3

du 19 janvier 2006

 

En la cause

Madame B___________

demanderesse

 

contre

CAISSE DE PREVOYANCE DU PERSONNEL ET DES FONC-TIONNAIRES DE L'ADMINISTRATION DU CANTON DE GENEVE (CIA), boulevard de Saint-Georges 38, case postale 176, 1211 GENÈVE 8

défenderesse

 


EN FAIT

Madame B___________, née en juillet 1949, a été engagée à 75% le 1er avril 1989 par le Département de l'économie publique (pièce CIA 1).

En 1993, l'assurée a présenté une demande à son supérieur hiérarchique pour travailler à 100% à terme (cf. attestation de l'Office cantonal de l'inspection et des relations du travail du 19 novembre 2003, ci-après : OCIRT).

Par courrier du 9 octobre 1996, la CAISSE DE PREVOYANCE DU PERSONNEL ET DES FONCTIONNAIRES DE L'ADMINISTRATION DUCANTON DE GENEVE (ci-après : CIA) lui a reconnu un degré d'invalidité de 50% et lui a versé une rente d'invalidité dès le 1er décembre 1996 (cf. courrier de la CIA du 25 mai 2004 : pces CIA 2 et 5)

Dès le 1er décembre 1996, l'assurée a travaillé à 50% en tant qu'inspectrice du travail (pce CIA 3).

Du 1er avril au 30 septembre 2002, l'assurée a été promue à la fonction d'inspectrice du travail 2 à 50% dans la classe de l'échelle des traitements 20/14 représentant le 50% de 122'579 frs, soit 61'289 fr. 50.

Par courrier du 3 juillet 2003, la CIA, à la demande de l'assurée, lui a expliqué que ses statuts prévoyaient la réduction des prestations d'invalidité afin d'éviter une surindemnisation. Elle a précisé que si l'on tenait compte d'un salaire de référence de 66'165 fr., le plafond s'élèverait ainsi à 90% de ce salaire, soit 59'548 fr. 50. Eu égard au fait que les rentes maximales de l'assurance-invalidité pourraient atteindre un montant de 22'788 fr., la CIA a annoncé qu'elle ne pourrait donc verser au maximum que 36'760 fr. 50, ce qui représenterait une rente mensuelle de 1'997 fr. 85 pour l'assurée et de 532 fr. 75 pour chacun de ses deux enfants. Elle a rappelé que, pour l'invalidité reconnue depuis le 1er décembre 1996, elle versait déjà une rente mensuelle de 1'466 fr. 60 pour l'assurée et une rente de 408 fr. 40 pour chacun de ses deux fils, ce qui représentait des prestations mensuelles totales de sa part de 5'346 fr. 75 (pce CIA 7)

Dans son attestation du 19 novembre 2003, le Directeur de l'OCIRT a certifié que, si sa santé le lui avait permis, l'assurée aurait ravaillé à plein temps et qu'elle aurait vraisemblablement pu aspirer à une promotion, compte tenu de ses compétences et de son expérience professionnelle.

Par décision du 10 mars 2004, l'assurance-invalidité a reconnu à l'intéressée un degré d'invalidité de 70% dès le 1er juin 2003 et lui a alloué une rente mensuelle entière de 2'062 fr. ainsi qu'une rente mensuelle entière de 825 fr. pour chacun de ses fils, à savoir Gaspard né en 1984 et Lucas né en 1989 (montant mensuel total : 3'712 fr. : pce CIA 4)

Par courrier du 25 mai 2004, la CIA a également reconnu l'intéressée invalide à raison de 70% et lui a alloué une rente d'invalidité supplémentaire dès le 1er juin 2003 d'un montant de 2'087 fr. 35 pour elle-même et de 556 fr. 50 pour chacun de ses fils. Il a été précisé que ces rentes étaient versées en plus des rentes allouées depuis le 1er décembre 1996. La CIA a établi un certificat de pension faisant état d'une origine des droits au 1er avril 1981, d'un traitement assuré de 46'679 fr., d'un degré d'invalidité de 100%, d'un taux de pension statutaire de 71.78% pour l'assurée et de 26.67% pour ses enfants, d'un taux de pension réduit de 53.66% pour l'assurée et de 19.93% pour ses enfants (pce CIA 5).

Par écriture du 22 juin 2004, l'assurée a saisi le Tribunal cantonal des assurances sociales. Elle conteste le calcul de réduction effectué par la défenderesse pour sa deuxième rente d'invalidité et soutient que, sans atteinte à la santé, elle travaillerait à plein temps et aurait changé d'échelon de traitement, voire aurait eu accès à un poste de direction adjoint. Elle demande à bénéficer pleinement des prestations auxquelles les cotisations qu'elle a versées lui donnent droit.

Dans sa réponse du 30 août 2004, la défenderesse a détaillé son calcul de surindemnisation et a expliqué que celui qu'elle avait effectué selon ses statuts était plus avantageux pour l'assurée que celui réalisé sur la base de la LPP. Elle a conclu au rejet du "recours".

Le Tribunal a communiqué cette écriture à la demanderesse, le 31 août 2004, en lui impartissant un délai pour répliquer.

La demanderesse n'ayant pas utilisé ce délai, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

Conformément à l’art. 56 V al. 1 let. b LOJ, le Tribunal cantonal des assurances sociales connaît en instance unique des contestations relatives à la prévoyance professionnelle opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit, y compris en cas de divorce, ainsi que des prétentions en responsabilité (art. 331 à 331e du Code des obligations du 30 mars 1911; art. 52, 56a al. 1, 73 al. 1 de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 – LPP; art. 142 du Code civil suisse du 10 décembre l907).

L’ouverture de l’action prévue à l’art. 73 al. 1 LPP n’est soumise, comme telle, à l’observation d’aucun délai (SPIRA, Le contentieux des assurances sociales fédérales et la procédure cantonale, Recueil de jurisprudence neuchâteloise, 1984, p. 19 ; SCHWARZENBACH-HANHART, Die Rechtspflege nach dem BVG, SZS 1983, p. 182).

Le for de l’action est au siège ou domicile suisse du défendeur ou au lieu de l’exploitation dans laquelle l’assuré a été engagé (art. 73 al. 3 LPP). En l’espèce, le siège de la défenderesse, tout comme le lieu d’exploitation dans laquelle la demanderesse a été engagée, se trouvent à Genève. La compétence ratione materiae et loci du Tribunal de céans est ainsi établie.

La novelle du 3 octobre 2003 modifiant la LPP (1ère révision) est entrée en vigueur le 1er janvier 2005 (sous réserve de certaines dispositions dont l'entrée en vigueur a été fixée au 1er avril 2004 et au 1er janvier 2006 [RO 2004 1700]), entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de la prévoyance professionnelle (RO 2004 1677). Sur le plan matériel, le point de savoir quel droit s'applique doit être tranché à la lumière du principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 126 V 136 consid. 4b et les références). En l’espèce, le présent litige concerne une réduction de prestations dès le 1er juin 2003, soit antérieure à l’entrée en vigueur de la novelle qui ne s’applique donc pas. Dans la mesure où elles ont été modifiées par la novelle, les dispositions ci-après sont citées dans leur version antérieure au 1er janvier 2005.

Le litige porte sur le montant de la rente d'invalidité et sur le point de savoir si la défenderesse est en droit de réduire ses prestations d'invalidité pour cause de surindemnisation, eu égard aux rentes versées par l'assurance-invalidité à la demanderesse et à ses fils, et, dans l'affirmative, dans quelle mesure.

Selon la jurisprudence (ATF 115 V 215 consid. 3, 117 V 45 consid. 3b), la CIA est une institution de prévoyance de droit public pratiquant la prévoyance obligatoire et plus étendue dite enveloppante, en ce sens qu'elle alloue à ses affiliés des prestations qui vont au-delà du minimum obligatoire (art. 49 al. 2 LPP).

En matière de prévoyance plus étendue, il est loisible aux institutions de prévoyance, en vertu de l'autonomie qui leur est conférée par l'art. 49 al. 2 LPP, d'adopter dans leurs statuts ou règlements une notion d'invalidité différente de celle de l'assurance-invalidité (HELBLING, Personalvorsorge und BVG, 3e édition, p. 190; RIEMER, Verhältnis des BVG (Obligatorium und freiwillige berufliche Vorsorge) zu anderen Sozialversicherungszweigen und zum Haftpflichtrecht, SZS 1987 p. 123 s.; voir aussi du même auteur: Das Recht der beruflichen Vorsorge in der Schweiz, p. 38, note 41). Elles peuvent ainsi accorder des prestations à des conditions moins strictes que dans l'assurance-invalidité, par exemple en cas d'invalidité dite "professionnelle" (c'est-à-dire en cas d'incapacité d'exercer son activité habituelle) ou d'incapacité à exercer un groupe de professions en rapport avec la formation de l'intéressé (Message du 19 décembre 1975, FF 1976 I 201; GREBER, Les prestations relatives à l'invalidité servies par d'autres régimes que l'AI, in Cahiers genevois de sécurité sociale, N° 3/4, p. 76 ss).

Dans l'assurance obligatoire, du moment que la LPP pose des exigences minimales en matière de prestations notamment (art. 6 LPP), les institutions de prévoyance ont aussi la possibilité d'élargir la notion d'invalidité ou de prévoir le versement de rentes à partir d'un taux inférieur à 50 pour cent (ATF 115 V 215 consid. 4b).

Aux termes de l'art. 28 al. 1 des statuts de la CIA, l'invalidité est une atteinte durable à la santé physique ou mentale du salarié entraînant une incapacité partielle ou totale de remplir sa fonction ou toute autre fonction analogue au service de l'Etat ou d'une institution externe.

En l'espèce, la notion d'invalidité figurant à l'art. 28 al. 1 précité des statuts est incontestablement plus large que celle résultant de la LAI, du fait qu'elle reconnaît comme invalide celui qui n'est plus en mesure d'exercer la fonction remplie jusqu'alors ou une fonction analogue. On notera que cette définition vaut de la même manière pour le régime obligatoire et pour la prévoyance plus étendue. Dès lors, dans le présent cas, il y a lieu de calculer le montant de la rente d'invalidité en vertu des dispositions statutaires de la défenderesse.

Selon les statuts de la CIA, la pension d'invalidité est égale à la pension de retraite projetée, multipliée par le degré d'invalidité (art. 29). Quant à la pension de retraite projetée, elle est égale au traitement assuré déterminant à la date de ce calcul, multiplié par le taux de pension acquis en cas d'activité jusqu'à 65 ans (art. 15 al. 1). Le calcul de la pension de retraite se fonde sur les taux de pension selon un tableau figurant dans les statuts et sur le dernier traitement assuré déterminant. Le taux de la pension de retraite est donné en pourcent et arrondi à deux décimales. Il est au maximum de 75%. Le bénéficiaire d'une pension de retraite ayant atteint l'âge de 60 ans révolus a droit à une pension d'enfant de retraité pour chacun de ses enfants (art. 16 al. 1). Les art. 24 al. 2 à 4 et 25 al. 1 sont applicables par analogie aux enfants de retraité. Pour chaque orphelin d'un salarié, la pension est de 26 2/3% de la pension de retraite projetée (art. 25 al. 1).

En l'espèce, étant assurée depuis le 1er avril 1981, la demanderesse aurait eu 33 années et 4 mois d'assurance à l'âge de 65 ans, soit le 1er août 2014, ce qui lui donne droit, selon le tableau de l'art. 3 de l'annexe aux statuts, à une rente de 70.99% plus 4 mois, soit de 71.78% ainsi que l'a retenu la défenderesse. En conséquence, sa rente d'invalidité à 100% représente le 71.78% du traitement assuré déterminant, à savoir 46'679 fr., montant qui n'est pas contesté par la demanderesse, soit 33'506 fr. 40 par année (46'679 x 71.78%), respectivement 2'792 fr. 20 par mois.

Quant à la rente pour enfant, elle s'élève à 26.67 % de ce montant, soit à 8'936 fr. 40 par année (33'506.40 x 26.67%), respectivement à 744 fr. 70 par mois.

Il y a lieu maintenant d'examiner la question d'une éventuelle surindemnisation.

a) Selon l'art. 24 al. 1 OPP 2, l'institution de prévoyance peut réduire les prestations d'invalidité et de survivants, dans la mesure où, ajoutées à d'autres revenus à prendre en compte, elles dépassent 90% du gain annuel dont on peut présumer que l'intéressé est privé. Sont considérées comme des revenus à prendre en compte les prestations d'un type et d'un but analogues qui sont accordées à l'ayant droit en raison de l'événement dommageable, telles que les rentes ou les prestations en capital prises à leur valeur de rentes provenant d'assurances sociales ou d'institutions de prévoyance suisses et étrangères, à l'exception des allocations pour impotents, des indemnités pour atteinte à l'intégrité et de toutes autres prestations semblables. Le revenu provenant d'une activité lucrative exercée par un assuré invalide est aussi pris en compte (art. 24 al. 2 OPP2).

b) La réglementation ainsi décrite ne vaut toutefois que pour les prestations de la prévoyance professionnelle obligatoire. Pour ce qui est de la prévoyance plus étendue, les institutions de prévoyance restent libres de régler différemment la coordination avec d'autres assurances sociales (art. 49 al. 2 LPP; ATF 122 V 155 consid. 3d et les références citées, ainsi que SVR 2000 BVG n° 6 p. 32). La faculté réservée aux institutions en vertu des art. 6 et 49 al. 2 LPP n'implique cependant pas pour elles un pouvoir discrétionnaire. Lorsqu'elles adoptent dans leurs statuts ou règlements un certain système d'évaluation, elles doivent se conformer, dans l'application des critères retenus, aux conceptions de l'assurance sociale (voir p.ex., en ce qui concerne l'incapacité d'exercer sa profession habituelle, ATF 111 V 239 consid. 1b) ou aux principes généraux (p.ex.: ATF 113 II 347 consid. 1a et les références citées). Autrement dit, si elles ont une pleine liberté dans le choix d'une notion, elles sont tenues de donner à celle-ci sa signification usuelle et reconnue en matière d'assurance.

c) En vertu de l’art. 49 al. 1 LPP, les institutions de prévoyance peuvent adopter, dans les limites de la LPP, le régime de prestations, le mode de financement et l’organisation qui leur conviennent. Cependant, les dispositions de la LPP priment les dispositions établies par l’institution de prévoyance (art. 50 al. 3, 1ère phrase LPP).

a) Dans la prévoyance professionnelle obligatoire, par «gain annuel dont on peut présumer que l'intéressé est privé», la jurisprudence a précisé qu'il faut entendre le salaire hypothétique que l'assuré réaliserait sans invalidité au moment où doit s'effectuer le calcul de surindemnisation, ce qui ne correspond pas forcément au gain effectivement obtenu avant la survenance de l'éventualité assurée (ATF 125 V 164 consid. 3b, 123 V 197 consid. 5a, 209 consid. 5b et les références). Pour définir cette notion, elle s'est notamment référée aux anciens art. 45 LAI et 39bis RAI qui traitaient du calcul de la surindemnisation en cas de concours des prestations de l'assurance-invalidité avec celles d'autres assurances sociales et qui, fixant la limite de la surindemnisation au montant du gain annuel présumé perdu, définissaient celui-ci comme le revenu annuel du travail que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas devenu invalide (voir surtout ATF 122 V 154 consid. 3c). En ce sens, il existe une étroite relation entre le gain annuel dont on peut présumer que l'intéressé est privé et le revenu sans invalidité déterminant pour l'évaluation de l'invalidité (cf. art. 28 al. 2 LAI, art. 18 al. 2 LAA, art. 40 al. 4 LAM; également KIESER, ATSG Kommentar, ad art. 69, n. 12 p. 706). On peut dès lors faire application, ou du moins s'inspirer, des principes jurisprudentiels dégagés en ce domaine dans les autres branches de l'assurance sociale (ATFA du 17 octobre 2003, B 80/01, consid. 5.2.1).

b) Pour fixer le revenu sans invalidité, il faut établir au degré de la vraisemblance prépondérante ce que l'assuré aurait réellement pu obtenir au moment déterminant s'il n'avait pas été invalide (RAMA 2000 n° U 400 p. 381 consid. 2a et la référence, 1993 n° U 168 p. 100 consid. 3b et la référence). Le revenu sans invalidité doit être évalué de la manière la plus concrète possible; c'est pourquoi il se déduit en principe du salaire réalisé en dernier lieu par l'assuré avant l'atteinte à la santé, en tenant compte de l'évolution des salaires (ATF 129 V 474 consid. 4.1). Cette règle n'est pas absolue, notamment dans le cas d'indépendants, pour lesquels il est parfois nécessaire d'analyser la situation concrète au regard notamment de la situation économique dans la branche considérée, des aptitudes de l'intéressé et des fonctions exercées au sein de l'entreprise (MEYER-BLASER, Bundesgesetz über die Invalidenversicherung [IVG], 1997, p. 208; RCC 1981 p. 40). Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières qu'il peut se justifier qu'on s'en écarte et qu'on recoure aux données statistiques résultant de l'Enquête suisse sur la structure des salaires éditée par l'Office fédéral de la statistique. Tel sera le cas lorsqu'on ne dispose d'aucun renseignement au sujet de la dernière activité professionnelle de l'assuré (ATFA du 23 mai 2000, U 243/99, consid. 2b), ou si le dernier salaire que celui-ci a perçu ne correspond manifestement pas à ce qu'il aurait été en mesure de réaliser, selon toute vraisemblance, en tant que personne valide; par exemple, lorsqu'avant d'être reconnu définitivement incapable de travailler, l'assuré était au chômage (ATFA du 4 septembre 2002, I 774/01), ou rencontrait d'ores et déjà des difficultés professionnelles en raison d'une dégradation progressive de son état de santé (RCC 1985 p. 662 ss.).

c) Par ailleurs, en ce qui concerne spécifiquement la question de la prise en considération d'un changement hypothétique d'activité, la jurisprudence estime que des possibilités théoriques de développement professionnel ou d'avancement ne doivent être prises en considération que lorsqu'il est très vraisemblable qu'elles seraient advenues. Il convient, à cet égard, d'exiger des indices concrets que l'assuré aurait obtenu dans les faits un avancement - et une augmentation corrélative de ses revenus - s'il n'était pas devenu invalide. L'existence de tels indices est par exemple admise lorsque l'employeur a laissé entrevoir une telle perspective d'avancement ou a donné des assurances en ce sens. De simples déclarations d'intention de l'assuré ne suffisent pas. L'intention de progresser sur le plan professionnel doit, bien plus, déjà s'être manifestée par des étapes concrètes, telles que la fréquentation de cours, le début d'études ou la passation d'examens (ATF 96 V 29; ATFA 1968 p. 93 consid. 2a; RAMA 1993 n° U 168 p. 100 consid. 3b; arrêt du Tribunal fédéral des assurances non publié F. du 28 août 1996 [U 12/96]). C'est la raison pour laquelle on pose la présomption que l'assuré aurait continué d'exercer son activité sans la survenance de son invalidité (ATF 129 V 224 consid. 4.3.1).

Selon l'art. 19 du règlement général de la CIA (en vigueur depuis le 1er septembre 2002), la Caisse réduit les prestations d'invalidité et d'ayants droit dans la mesure où, ajoutées à d'autres revenus à prendre en compte, elles dépassent 90% du salaire de référence de l'invalide ou du défunt (al. 1). Sont considérés comme revenus à prendre en compte, les rentes et les indemnités journalières ou les prestations en capital, prises à leur valeur de rentes provenant d'assurances sociales ou d'institutions de prévoyance suisses et étrangères. Ne sont pas prises en compte les allocations pour impotents, les indemnités pour atteinte à l'intégrité et toutes autres prestations semblables (al. 2). Le revenu provenant d'une activité lucrative exercée par un membre invalide au bénéfice d'une pension d'invalidité est aussi pris en compte. Toutefois, la réduction des prestations n'intervient que si les revenus à prendre en compte dépassent le 100% du salaire de référence de l'invalide (al. 3). La rente individuelle de l'AVS/AI est comptée dans sa totalité (al. 4). En vertu de l'art. 20 du règlement général de la CIA, est réputé salaire de référence la somme des salaires mensuels qui ont servi de base au calcul des cotisations de l'AVS pendant les 12 mois consécutifs rémunérés au montant le plus favorable parmi les 24 mois précédant la survenance de l'événement assuré, plus les allocations familiales versées pour la même période. Les mois de congé ne sont pas pris en compte (al. 1). Le salaire de référence est indexé conformément aux traitements de l'Etat (al. 3). En cas d'invalidité partielle, le salaire de référence est réduit proportionnellement au taux d'invalidité (al. 4).

Au vu de ces dispositions, le règlement général de la CIA reprend en substance la réglementation de l'art. 24 al. 2 OPP, sauf en ce qui concerne la notion de gain annuel dont on peut présumer que l'intéressé est privé.

En l'espèce, en application des statuts de la CIA, la limite de surindemnisation correspond au 90% du salaire de référence à 50%, à savoir le 90% de la somme des douze salaires mensuels les plus élevés qui ont servi de base au calcul des cotisations de l'AVS pendant les 24 mois précédant la survenance de l'invalidité à 70%, soit entre le 1er juin 2001 et le 31 mai 2003. Quant aux prestations à prendre en considération, il s'agit des rentes d'invalidité supplémentaires de la CIA et des rentes servies par l'assurance-invalidité.

En définitive, lors de son calcul du 3 juillet 2003, la défenderesse a admis comme salaire de référence à 50% un montant de 66'165 fr. Puis, lors de son calcul avec indexation des prestations au 30 juin 2004, elle a retenu un montant de 67'421 fr. En conséquence, la limite de surindemnisation s'élève à 60'678 fr. 90 (67'421 x 90%).

Quant aux prestations des assurances sociales à prendre en considération, il s'agit d'additionner les rentes complémentaires CIA de la demanderesse (35'506 fr. 40) et de ses fils (17'872 fr. 80) ainsi que le 50% des rentes AI soit 22'272 fr. [(12 x 2'062) = 24'744 + 2 x (12 x 825) = 9'900, soit 44'544 : 2]. Le total des prestations d'assurances sociales ascende à 75'651 fr. 20 (35'506.40 + 17'872.80 = 53'379.20 + 22'272) de sorte que la surindemnisation s'élève à 14'972 fr. 30 (75'651.20 - 60'678.90).

Dès lors, la demanderesse a droit à des prestations de la CIA d'un montant de 38'406 fr. 90 (53'379.20 - 14'972.30), soit le 28.049 % des rentes non réduites (14'972.30 : 53'379.20 x 100). Les rentes mensuelles réduites proportionnellement s'élèvent à 2'009 fr. pour la demanderesse (2'792.20 - 28.049 % de 2'792.20) et à 535 fr. 80 pour chacun de ses deux fils (744.70 - 28.049 % de 744.70). En conséquence, malgré quelques différences infimes dues aux problèmes d'arrondissement arithmétique de calcul, il y a lieu de confirmer le calcul de la défenderesse sur ce point.

A présent, en application de la LPP, il convient de déterminer le gain annuel dont on peut présumer que l'intéressée est privée (art. 24 al. 1 OPP 2), partant le revenu hypothétique sans invalidité de la recourante au moment de l'établissement du calcul de surindemnisation effectué par la défenderesse en 2004.

La recourante produit une attestation de son employeur datée du 19 novembre 2003 faisant état du dépôt en 1993 d'une demande en vue de l'obtention à terme d'un poste d'inspectrice du travail à 100%. Le supérieur hiérarchique explique que ce genre de demande est satisfaite dans la mesure du possible et des intérêts du service de sorte que, sans ennuis de santé, l'assurée travaillerait à plein temps. Il poursuit en indiquant que, compte tenu de ses compétences et de son expérience professionnelle, elle aurait vraisemblablement pu aspirer à une promotion dans le cadre du service.

En l'espèce, il y a lieu d'observer que la demanderesse, âgée de 56, ans a mis au monde deux fils en 1984 et en 1989, de sorte que vraisemblablement elle n'aurait pas travaillé à 100% avant que son deuxième enfant n'aille à l'école, soit à partir de 1994. Cette observation rend vraisemblable les dires du supérieur hiérarchique faisant état d'une demande de poste de travail à 100% en 1993. De plus, eu égard à la situation personnelle de la demanderesse - qui vit séparée depuis au moins 1998 et qui élève seule ses deux fils dont le cadet souhaite suivre l'école hôtelière - il est vraisemblable que, si elle avait été en bonne santé, elle aurait travaillé à 100% en 2004 afin de disposer des ressources financières nécessaires pour assurer la formation de ses enfants. En conséquence, il se justifie effectivement de retenir comme revenu hypothétique sans invalidité celui qu'elle aurait obtenu en tant qu'"inspectrice du travail 2" en classe de traitement 20/14, ce qui aurait représenté, en 2004, un montant de 123'683 fr. (art. 2 de la loi sur les traitements).

En revanche, l'avancement en tant que cadre invoqué par la demanderesse n'est qu'une hypothèse qui n'est étayée par aucun indice comme, par exemple, la fréquentation de séminaires pour cadres. En conséquence, il y a lieu de s'en tenir à la présomption jurisprudentielle consistant à retenir que, sans invalidité, l'assurée aurait continué à exercer son activité d'inspectrice du travail 2.

En définitive, la limite de surindemnisation s'élève au 90% du gain annuel dont on peut présumer que l'assurée a été privée, à savoir 111'314 fr. 70 (123'683 x 90%).

Quant aux divers revenus à prendre en compte au sens de l'art. 24 al. 1 OPP 2, il s'agit des prestations d'un type et d'un but analogues qui sont accordées à l'ayant droit en raison de l'événement dommageable, telles que les rentes provenant d'assurances sociales (al. 2). Le but de cette disposition légale étant d'éviter une surindemnisation, il y a donc lieu de prendre en considération toutes les rentes d'assurances sociales versées en fonction du même événement. En effet, par la formulation («...les prestations d'un type et d'un but analogues qui sont accordées à l'ayant droit en raison de l'événement dommageable...»), l'art. 24 al. 2 OPP 2 exprime clairement le principe de la concordance qui s'exerce du point de vue matériel, temporel, personnel, ainsi qu'en fonction de l'événement ouvrant droit à prestations (voir ATF 124 V 282 consid. 2a; Erich PETER, die Koordination von Invalidenrenten, Zurich 1997, p. 310 et 328; cf. aussi l'art. 69 al. 1, deuxième phrase in fine, de la loi sur la partie générale du droit des assurances sociales [LPGA] du 6 octobre 2000, FF 2000 4657).

En l'occurrence, l'événement assuré qui donne lieu au versement des rentes consiste en l'invalidité de la demanderesse, de sorte qu'il s'impose de prendre en considération, dans le calcul de surindemnisation, l'intégralité des rentes d'invalidité des diverses assurances sociales.

En l'espèce, les rentes de l'assurance invalidité s'élèvent à 44'544 fr. (cf. consid. 9). Quant aux rentes de la CIA, il s'agit des rentes d'invalidité allouées depuis le 1er décembre 1996, soit la rente de la demanderesse - d'un montant mensuel de 1'466 fr. 60 - et celle de ses deux fils - d'un montant de 408 fr. 40 par enfant. Ces rentes annualisées s'élèvent à 27'400 fr. 80 (1'466.60 x 12 = 17'599.20 + 408. 40 x 24 = 9'801.60). En outre, il y a également lieu de tenir compte des rentes complémentaires de la demanderesse et de ses enfants d'un montant annuel de 53'379 fr. 20 (35'506.40 + 17'872.80). En définitive, le total des prestations sociales à prendre en considération est de 125'324 fr. (44'544 + 27'400.80 + 53'379.20), ce qui, comparé à la limite de surindemnisation de 111'314 fr. 70, fait ressortir une surindemnisation de 14'010 fr. (125'324 - 111'314), soit une surindemnisation quasiment identique à celle obtenue sur la base des statuts de la CIA (14'972 fr. 30). En conséquence, il y a lieu de confirmer le calcul de la CIA nonobstant la très légère différence de résultat due à l'arrondissement du pourcentage de surindemnisation, qui n'a aucune influence sur le résultat final.

Compte tenu de ce qui précède, la demande doit être rejetée.

 

***

 


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

(conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ)

A la forme :

Déclare la demande recevable.

Au fond :

La rejette.

Dit que la procédure est gratuite.

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu’il devra déclarer irrecevable.
Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l’enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

La greffière

 

 

 

 

Janine BOFFI

 

La Présidente :

 

 

 

 

Karine STECK

 

Le secrétaire-juriste :

 

Philippe LE GRAND ROY

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe