A/1434/2002

ATAS/29/2005 (1) du 19.01.2005 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : ; AI(ASSURANCE) ; PRESTATION COMPLÉMENTAIRE ; PC ; RENTE(EN GÉNÉRAL) ; RENTE ORDINAIRE ; COMPENSATION DE CRÉANCES ; RESTITUTION DE LA PRESTATION ; RESTITUTION(EN GÉNÉRAL)
Normes : LAI50.1; LAVS20; LAVS45
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En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1434/2002 ATAS/29/2005

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

5ème chambre

du 19 janvier 2005

 

En la cause

Monsieur N___________

recourant

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L’ASSURANCE-INVALIDITE, rue de Lyon 97, 1211 Genève 1

intimé

 


EN FAIT

Monsieur N___________, né en septembre 1944, marié, est au bénéfice d’une rente entière de l’assurance-invalidité (ci-après rente AI) depuis le 1er mai 1979 versée par la caisse de compensation du canton de Fribourg (ci-après la Caisse). Après une amélioration de son degré d’invalidité en 1990 ayant conduits à la suppression de son droit à une rente entière, son état de santé s’est aggravé et il a de nouveau perçu une rente à 100 % dès le 19 février 1992, rente qu’il perçoit encore à ce jour.

Le 26 novembre 1993, l’assuré a déposé une demande de prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité auprès de l’Office des allocations aux personnes âgées, aux veuves, aux orphelins et aux invalides (actuellement l’office cantonal des personnes âgées, ci-après l’OCPA). S’agissant de ses revenus et dépenses, il a indiqué être au bénéfice d’une rente AI mensuelle d’un montant de 1'459 fr., d’une rente AI pour conjoint de 438 fr. et d’une rente LPP (2e pilier). Ses cotisations d’assurance-maladie étaient de 4'128 fr. par année. Il ne disposait que de peu de fortune et s’acquittait d’une pension annuelle de 3'000 fr. envers son ex-épouse.

Par décision du 8 avril 1994, l’OCPA lui a octroyé des prestations complémentaires fédérales à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité (ci-après PCF) d’un montant de 749 fr. par mois dès le 1er juin 1992 et lui a refusé l’octroi de prestations complémentaires cantonales (ci-après PCC). L’assuré a ensuite bénéficié des PCF chaque année jusqu’au 31 octobre 2000 dont les montants ont varié en fonction de ses revenus et de l’état de sa fortune. Dès le 1er avril 1996, il a en outre bénéficié du versement de PCC et de subsides d’assurance-maladie.

Par décision du 6 novembre 2000, l’OCPA a supprimé le versement des prestations en cours à partir du 31 octobre 2000 en relevant que le dossier de l’assuré devait être examiné dans la mesure où ce dernier n’avait pas communiqué certains changements intervenus dans sa situation patrimoniale. Il l’a informé qu’une enquête aurait lieu afin de procéder au recalcul des prestations.

Suite au rapport d’enquête du 28 novembre 2000 indiquant que l’intéressé n’avait pas déclaré la totalité de ses revenus (rente 3e pilier annuelle de 12'000 fr., rente d’invalidité LPP annuelle de quelques 20'000 fr., rente viagère et revenus d’une activité lucrative), l’OCPA a rendu les 4 et 9 avril 2001 treize décisions de restitution des PCF, des PCC et des subsides d’assurance-maladie versés indûment dès le 1er janvier 1996, soit un montant de 157'371 fr. 25. L’assuré n’a pas formé opposition à ces décisions, lesquelles sont entrées en force.

Après un premier rappel de l’OCPA du 15 juin 2001, l’assuré a sollicité le 17 septembre 2001 un plan de paiement lui permettant de rembourser la somme due à hauteur de 1'000 fr. par mois. L’OCPA lui a accordé ce plan de remboursement, le premier versement de 1'000 fr. devant être effectué le 5 décembre 2001. Après un premier acompte en décembre 2001, l’assuré a cessé tout versement, ce qui a amené l’OCPA à lui réclamer le montant dû les 19 février et 3 avril 2002. Le 18 juillet 2002, il l’a menacé de s’adresser directement à sa caisse de compensation afin d’obtenir une retenue sur sa rente AI en amortissement de la dette.

Sans nouvelles de l’intéressé, l’OCPA a demandé à la Caisse de compensation du canton de Fribourg (ci-après la caisse) le 21 août 2002 de procéder à des retenues mensuelles de 1'000 fr. sur la rente AI de l’assuré jusqu’à extinction de sa créance. Il a expliqué lui avoir octroyé des avances du 1er janvier 1996 au 30 octobre 2000 en attente d’une décision de l’assurance-invalidité et que c’était suite aux décisions AI qu’un calcul avait été établi, lequel faisait ressortir que l’assuré ne pouvait pas prétendre aux prestations octroyées.

Par décision du 17 septembre 2002, l’Office cantonal de l’assurance-invalidité (ci-après l’OCAI) a informé l’assuré qu’une retenue mensuelle de 1'000 fr. serait opérée dès le 1er octobre 2002 sur la rente d’assurance-invalidité en cours versée par la caisse, jusqu’à amortissement de la créance de l’OCPA d’un montant de 156'371 fr. 25.

Par courrier du 23 septembre 2002, l’intéressé a interjeté recours par devant la Commission cantonale de recours en matière de PC (ci-après la Commission) en expliquant qu’il ne comprenait pas pourquoi l’OCPA avait attendu plus de cinq ans avant de lui signaler qu’il n’avait plus droit à une rente complémentaire. Il a en outre souligné qu’il ne voyait pas comment vivre avec une rente AI amputée de 1'000 fr., étant donné un loyer mensuel de 1'458 fr., des cotisations à l’assurance-maladie de 710 fr. par mois et tous les autres frais tels que les frais d’électricité, de téléphone, les médicaments, la nourriture, les vêtements, les transports etc. dont il devait s’acquitter.

Par courrier du 11 décembre 2002, la caisse a informé l’OCPA que la décision de compensation rendue par l’OCAI avait fait l’objet d’un recours et l’a prié de lui transmettre la feuille de calcul 2002 du recourant lui ayant permis de demander une retenue mensuelle de 1'000 fr. afin d’opérer la compensation. Le justificatif de l’OCPA lui a été envoyé le 6 janvier 2003. Il ressortait des calculs de l’OCPA que le recourant percevait une rente AI mensuelle de 2'028 fr., une rente LPP annuelle de 20'964 fr. et des rentes diverses annuelles de 12'000 fr. ainsi qu’une rente viagère annuelle de 4'122 fr. Sa fortune mobilière s’élevait à 706 fr. et son loyer annuel était de 11'424 fr. (952 fr. par mois). Ses besoins vitaux étaient de 24'690 fr. (2'057 fr. 50 par mois).

Par préavis du 14 janvier 2003, la caisse a proposé le rejet du recours en relevant que, selon les informations obtenues de la part de l’OCPA, les ressources du recourant dépassaient notablement ses dépenses et permettaient d’opérer la retenue de 1'000 fr. sur la rente AI. La compensation demandée n’entamait pas son minimum vital.

Par courrier du 24 février 2004, le Tribunal de céans a demandé au recourant la production de son contrat de bail, ses certificats d’assurance-maladie et accidents ainsi que ceux de son épouse, sa dernière décision de cotisations AVS, le certificat de salaire de son épouse pour 2003 et les décomptes de salaire pour les mois de janvier et février 2004, ses justificatifs pour le montant de la rente AI en 2004 ainsi que les relevés du compte postal et des comptes bancaires au 31 janvier 2004.

Le 5 mars 2004, l’assuré a fourni plusieurs documents desquels ils ressortaient qu’il percevait une rente AI mensuelle de 1'637 fr. ainsi qu’une rente complémentaire mensuelle pour épouse de 491 fr., que ses cotisations d’assurance-maladie et celles de son épouse étaient de 748 fr. (374 fr. x 2), qu’il avait un retard de 2'782 fr. 85 de cotisations personnelles AVS auprès de la caisse cantonale genevoise de compensation et que son loyer s’élevait à 1'284 fr. Il a encore expliqué que son épouse ne travaillait pas, n’ayant aucune qualification et l’aidant dans les actes de la vie les plus courants depuis son problème de santé. Elle s’occupait également des tâches ménagères. Concernant la rente versée par la WINTHERTUR ASSURANCE, le recourant a produit un document attestant qu’il avait annulé le contrat d’assurance y relatif depuis le 8 novembre 2002 et qu’il l’avait racheté afin de percevoir de l’argent pour payer des factures en souffrance. Il ressortait de l’extrait de son compte postal arrêté au 31 décembre 2003 un solde négatif de 40 centimes, et les extraits de son compte personnel auprès de l’Union des banques suisses et de la Banque cantonale de Genève indiquaient respectivement un solde négatif de 190 fr. 24 et un solde positif de 3 fr. 50.

Invité par le Tribunal de céans à se déterminer sur le minimum vital du recourant le 10 mars 2004, l’OCPA a rendu un préavis en date du 14 mai 2004 en proposant le rejet du recours et le maintien de la décision attaquée au motif qu’au moment où il avait demandé la retenue sur la rente, il n’avait pas porté atteinte au minimum vital calculé sur la base des normes d’insaisissabilité, le recourant bénéficiant encore d’un excédent de revenus de 2'118 fr. 55 par mois. Afin de fixer les revenus et les charges de l’assuré, l’OCPA s’est basé tant sur les documents produits en cours de procédure par le recourant que sur les documents en sa possession, notamment suite à son rapport d’enquêtes du 19 novembre 2000.

Par courrier du 22 mai 2004, le recourant a souligné que son loyer était de 1'284 fr. et non de 750 fr. comme retenu par l’OCPA dans son calcul du minimum vital en produisant un courrier de sa gérance du 25 mars 2004. Il a demandé au Tribunal de céans de contrôler tous les documents en sa possession.

Le 26 mai 2004, l’OCAI a indiqué n’avoir aucune observation particulière à formuler suite au préavis du 14 mai 2004 de l’OCPA.

Par courrier du 6 octobre 2004, le Tribunal de céans a demandé à l’OCPA de lui fournir le détail des prestations versées au recourant, afin de pouvoir distinguer les sommes versées à titre de PCC et celles versées à titre de PCF.

Par courrier du 3 novembre 2004, l’OCPA a produit le détail exact du montant à restituer comportant un décompte séparé des PCC et des PCF. Le montant final réclamé s’élevait à 114'109 fr., dont 61'566 fr. de PCF versées en trop et 52'543 fr. de PCC. L’OCPA a par ailleurs expressément souligné que les subsides d’assurance-maladie dont il demandait la restitution étaient des subsides de PCF.

Pour le surplus, les faits et allégués pertinents des parties seront repris, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » ci-après.

EN DROIT

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

Conformément à l’art. 3 al. 3 des dispositions transitoires de la loi modifiant la loi sur l’organisation judiciaire du 14 novembre 2002, les causes introduites avant l’entrée en vigueur de la loi et pendantes devant la Commission cantonale de recours ont été transmises d’office au TCAS, statuant en instance unique sur les contestations en matière de PCF et PCC (cf. art. 56 V LOJ). Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

La LPGA, qui a entraîné des modifications de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI), de son règlement du 17 janvier 1961 (RAI) ainsi que de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS), n’est pas applicable en l’espèce, dès lors que le juge des assurances sociales n’a pas à prendre en considération les modifications du droit ou de l’état de fait postérieures à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 127 V 467, consid. 1, 121 V 386, consid. 1b ; cf. également dispositions transitoires, art. 82 al. 1 LPGA). Le présent litige sera en conséquence examiné à la lumière des dispositions de la LAI et de son règlement en vigueur jusqu’au 31 décembre 2002 . Les dispositions légales seront dès lors citées dans leur ancienne teneur.

En outre, interjeté dans les forme et délai légaux, le recours est recevable (art. 69 LAI et 84 LAVS).

Le Tribunal de céans relève par ailleurs en ce qui concerne la compétence que c’est à juste titre que l’OCAI a rendu la décision de compensation litigieuse du 17 septembre 2002 dès lors que, selon l’art. 75 RAI, tout acte administratif portant sur les droits ou les obligations d’un assuré doit être notifié sous la forme d’une décision écrite rendue par l’office AI. Le chiffre 10.10.2.1 des Directives concernant les rentes de l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité fédérale (DR) édictées par l’Office fédéral des assurances sociales (ci-après l’OFAS), état au 1er janvier 2002, précise à cet égard que, s’agissant des décisions de compensation, l’ayant droit doit être avisé de la compensation, par la caisse de compensation, au moyen d’une annotation dans la décision de rente ou d’une décision spéciale comportant l’exposé des moyens de droit. En cas d’octroi d’une rente AI, cette tâche incombe à l’office AI compétent pour rendre une décision de rente.

Le litige porte sur la compensation de la créance en restitution d’un montant de 157'371 fr. 25 de prestations versées en trop, ayant fait l’objet de treize décisions de l’OCPA des 4 et 9 avril 2001, avec le versement de la rente AI versée au recourant par l’OCAI. Il sied de préciser que les décisions de restitution sont entrées en force faute d’opposition de l’assuré dans les trente jours.

a) Aux termes de l’art. 50 al. 1 LAI, les articles 20 et 45 de la LAVS sont applicables par analogie à l’emploi des prestations et à leur compensation. Selon l’art. 20 al. 1 LAVS, le droit aux rentes est incessible et ne peut être donné en gage; il est soustrait à toute exécution forcée. Toute cession ou mise en gage est nulle et de nul effet, l’art. 45 étant réservé. Peuvent toutefois être compensées avec des prestations échues de l’assurance-invalidité les créances en restitution des prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité (art. 20 al. 2 let. b LAVS et 27 de l’ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 [OPC-AVS/AI]).

Selon la jurisprudence, il faut admettre que cette disposition de la loi a un caractère obligatoire et que la caisse de compensation a non seulement le droit, mais aussi le devoir, dans le cadre des prescriptions légales, de compenser les créances en restitution avec des prestations échues (ATFA 1961, p. 29, RCC 1961, p. 117, RCC 1986 p. 304). Cependant, la compensation est liée aux conditions suivantes:

- La créance doit appartenir à une caisse de compensation. Il est indifférent à cet égard que la caisse débitrice des prestations soit elle-même créancière ou non. Une créance de la caisse A peut être compensée avec les rentes versées par la caisse B (cf. chiffre 10504 DR) ;

- Il faut que l’on puisse faire valoir la créance contre le bénéficiaire de rente personnellement ou que celle-ci se trouve en étroite corrélation avec la rente (chiffre 10505 DR) En effet, la possibilité de compenser présuppose non seulement la réunion des qualités de créancier et de débiteur sur la tête de la même personne, mais encore un rapport de fait étroit du point de vue du droit ou de la technique des assurances, entre le droit à la prestation et la créance invoquée (RCC 1956, p. 194 = ATFA 1956 V 60, Michel VALTERIO, « Commentaire de la loi sur l’assurance-vieillesse et survivants », tome II, éd. « Réalités sociales 1988 », p. 235)

- La créance doit être échue et non prescrite (chiffre 10508 DR, RCC 1977, p. 477). Ainsi, par exemple, la caisse ne saurait procéder à la compensation d’une créance qu’elle n’a pas fait valoir avant le terme du délai de prescription prévu à l’art. 47 al. 2 LAVS. De même, elle ne saurait procéder à la compensation de versements touchés à tort au-delà du délai de cinq ans prévu par cet article (VALTERIO, op. cit., p. 236)

- La compensation n’a lieu que pour les créances nées en vertu du droit fédéral. Ainsi, elle est exclue dans la mesure où la créance englobe des créances en restitution fondées sur le droit cantonal (ATFA 1969, p. 214 consid. 3 = RCC 1970, p. 453 ; RCC 1978, p. 320). La créance doit notamment avoir pour objet les prestations complémentaires à restituer en vertu de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 19 mars 1965 (LPC) (chiffre 10509 et 10512 DR). Toutes les créances à compenser ont leur source dans le domaine des assurances sociales et relèvent du droit fédéral. Les caisses de compensation ne peuvent procéder à la compensation de créances relevant du droit cantonal ou d’autres normes du droit public fédéral. Il ne leur est ainsi pas possible de compenser des prestations échues avec d’autres créances de droit public et cela même avec le consentement du débiteur car il s’agirait là d’éluder l’interdiction de céder les rentes prévues à l’art. 20 al. 2 LAVS (VALTERIO, op., cit., p. 236).

En ce qui concerne l’étendue de la mesure de compensation, le Tribunal fédéral des assurances (TFA) a maintes fois rappelé que la compensation d’une rente est admissible dans la mesure où l’administration ne doit pas entamer le minimum vital de la personne tenue à restituer ; à cet égard, la notion du minimum vital est celle qui ressortit au droit de la poursuite et de la faillite (RCC 1986, p. 304, RCC 1983, p. 69 ; RCC 1981, p. 320). Le moment déterminant pour juger s’il y a un état de gêne est celui où le débiteur devrait s’acquitter de sa dette, soit celui où la décision de compensation est passée en force et par conséquent éventuellement celui où l’autorité cantonale de recours ou le TFA statue sur cette question (cf. ATFA du 6 janvier 2000 en la cause H 164/99 consid. 3). S’il résulte d’une enquête effectuée en cours de procédure ou lors d’un renvoi de la cause à l’administration par le juge que les revenus du débiteur n’ont en aucun moment dépassé le minimum vital selon le droit des poursuites pour dettes, toute compensation est exclue et la caisse de compensation doit restituer les montants compensés. En revanche, s’il s’avère qu’elle aurait été en droit de compenser, mensuellement, une somme inférieure à celle qu’elle a retenue, mais que, dans l’éventualité d’une compensation correctement effectuée jusqu’à concurrence d’un montant plus faible, la dette serait déjà éteinte au moment de l’instruction complémentaire, il convient de s’en tenir à la compensation effectivement opérée. En effet, bien que le minimum vital n’ait pas été garanti dans la compensation effectuée, le débiteur ne se trouve pas, au moment de l’instruction, dans une situation différente que celle qui se serait présentée en cas de compensation correcte (RCC 1986, p. 301 ; VALTERIO, op. cit., p. 238).

b) En l’espèce, il y a lieu d’opérer une distinction entre les types de prestations versées par l’OCPA dès lors que les créances en restitution portent diversement sur des PCF (61'566 fr.), des PCC (52'543 fr.), des subsides d’assurance-maladie (37'664 fr. 60, dont 18'480 fr. versés par l’OCPA et 19'184 fr. 60 versés par le service de l’assurance-maladie, ci-après SAM) et des frais de maladie de 5'597 fr. 65.

aa) En ce qui concerne tout d’abord la compensation de la créance en restitution de PCC d’un montant de 52'543 fr. avec la rente AI du recourant, le Tribunal de céans constate qu’elle n’est pas possible, conformément aux dispositions légales précitées. A cet égard, il y a lieu de souligner que les PCC n’ont pas été versées à titre d’avances dans l’attente du versement d’une rente AI comme l’a prétendu à tort l’OCPA dans son courrier à la Caisse du 21 août 2002 (pièce 26, fourre OCPA). Elles l’ont été dans le cadre de PCC pour un assuré dont le revenu annuel déterminant n’atteint pas le revenu minimum cantonal d’aide sociale applicable, bien que déjà au bénéfice d’une rente AI, conformément à l’art. 4 de la loi sur les prestations cantonales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 25 octobre 1968 (LPCC). La créance en restitution se fonde ainsi en réalité sur le fait que l’OCPA avait versé des PCC en trop, le recourant ne lui ayant pas déclaré certains revenus (rente 3e pilier annuelle de 12'000 fr., rente d’invalidité LPP annuelle de quelques 20'000 fr., rente viagère et revenus d’une activité lucrative) ainsi que cela ressort des pièces 14, 15 et 16 OCPA et notamment de son rapport d’enquêtes du 28 novembre 2000. Cette nuance est d’importance puisque l’art. 50 al. 2 LAI déroge à l’art. 20 al. 1 LAVS en autorisant le versement de prestations arriérées AI à des institutions ou à des tiers qui ont accordé des avances dans l’attente de l’octroi des prestations de l’assurance-invalidité, ce à certaines conditions. Or, le cas du recourant n’a manifestement rien à voir avec les cas prévus par l’art. 50 al. 2 LAI si bien que le terme d’ « avances » n’avait pas à être utilisé par l’OCPA.

bb) En ce qui concerne ensuite la compensation de la créance en restitution de PCF d’un montant de 61'566 fr. avec la rente AI du recourant, force est de reconnaître que les conditions prévues par la loi et la jurisprudence sont remplies. Ainsi, la créance appartient à l’OCPA, puisque c’est cette dernière qui a versé les PCF et elle en dès lors la créancière. En outre, l’OCPA fait valoir sa créance contre le bénéficiaire personnellement, soit le recourant. Pour terminer, la créance est échue et non prescrite, les décisions de restitution ayant été rendues les 4 et 9 avril 2001, soit dans le délai de cinq ans prévu à l’art. 47 al. 2 LAVS, et la compensation a lieu avec des créances nées en vertu du droit fédéral. Il reste ainsi à examiner si le recourant risque de tomber dans le besoin par suite de la compensation.

En vertu du paragraphe I des normes d’insaisissabilité pour l’année 2005, du 28 octobre 2004, les frais pour l’alimentation, les vêtements et le linge y compris leur entretien, les soins corporels et de santé, l’entretien du logement, les frais culturels ainsi que les dépenses pour l’éclairage, le courant électrique ou le gaz pour la cuisine représentent, dans le revenu mensuel du débiteur vivant en couple, le montant de base absolument indispensable de 1'550 fr., lequel doit être exclu de la saisie au sens de l’art. 93 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du 11 avril 1889. Font également partie du minimum vital le loyer effectif pour le logement ou une chambre sans les charges pour l’éclairage, le courant électrique ou le gaz pour la cuisine qui sont compris dans le minimum de base, les frais de chauffage et les cotisations sociales telle que AVS/AI et assurance-maladie (paragraphe II ch. 1, 2 et 3). Il sied par ailleurs de relever que, en vertu de la procédure prévue par les directives en la matière, il appartenait effectivement à l’OCPA de vérifier que le minimum vital du recourant n’était pas entamé par la compensation. En effet, si la caisse de compensation créancière ne verse pas elle-même la rente, elle adresse par écrit à la caisse débitrice de la rente un mandat de compensation. Il appartient toutefois à la caisse de compensation créancière de déterminer au préalable, si et dans quelle mesure une compensation est possible, et cela en veillant à ce que l’assuré ne tombe pas au-dessous du minimum vital (chiffre 10925 DR). C’est dès lors à juste titre que l’OCPA a procédé à la vérification prévue dans son préavis au Tribunal de céans du 14 mai 2004.

Au vu des divers documents figurant au dossier, les dépenses et revenus du recourant peuvent être établies comme suit :

Montant de base mensuel pour un couple + 1’500 fr.)

Loyer + 1’284 fr.

(courrier de la gérance immobilière municipale du 17 octobre 2002)

Assurances-maladies des époux + 748 fr.

Cotisations AVS/AI/APG dues + 232 fr.

Cotisations AVS/AI/APG en cours 52 fr.

Total des dépenses 3’816 fr.

 

Rente AI du recourant et de son épouse + 1’828 fr.)

Rente d’invalidité LPP versé par la SSR + 1’747 fr.

(cf. rapport d’enquêtes du 19 octobre 2000, pièce 15, fourre OCPA)

Rente viagère Rentenanstalt + 343 fr.

(cf. rapport d’enquêtes du 19 octobre 2000, pièce 15, fourre OCPA)

Total des revenus 3’918 fr.

Il y a lieu de préciser que la rente 3e pilier de la WINTHERTUR existante auparavant ne peut plus être comptabilisée dans les revenus du recourant dès lors que ce dernier a procédé au rachat de sa prévoyance libre ainsi que l’atteste le certificat de prévoyance du 20 novembre 2002 figurant au dossier et qu’il ne perçoit plus de rente.

Au vu des calculs effectués, il apparaît que l’OCPA peut recevoir un montant de 102 fr. par mois à titre de compensation.

cc) Quant à la compensation des créances en restitution portant sur les frais de maladie de 5'597 fr. 65, le Tribunal de céans constate que les conditions susmentionnées autorisant la compensation sont également remplies.

En effet, selon l’art. 3 LPC, les PCF se composent de la prestation complémentaire annuelle, versée mensuellement et du remboursement des frais de maladie et d’invalidité. L’art. 19 OPC-AVS/AI énumère les frais remboursables inhérents aux frais de maladie, dans lesquels figurent notamment les frais payés au titre de la participation aux coûts selon l’art. 64 de la loi fédérale du 18 mars 1994 sur l’assurance-maladie (LAMal). Les subsides d’assurance-maladie, versés en vertu du droit fédéral, constituent dès lors des prestations fédérales compensables avec une rente AI. Par ailleurs, la créance en restitution, appartenant à l’OCPA, est échue et non prescrite.

dd) En ce qui concerne la créance en restitution de subsides d’assurance-maladie versés en trop par le service d’assurance-maladie (ci-après SAM) d’un montant de 19'184 fr., il convient de relever qu’elle appartient en réalité au SAM et non à l’OCPA, raison pour laquelle cet office n’était pas habilité à en demander la restitution et ne peut dès lors en réclamer la compensation. Jusqu’au 1er janvier 1999, il incombait à l’OCPA de verser directement les subsides aux assurés et non au SAM. Dès cette date, vu le changement instauré par le législateur, les subsides ont été versés directement aux assureurs par le SAM, conformément au nouvel art. 29 al. 1 de la loi genevoise d’application de la loi fédérale sur l’assurance-maladie (LaLAMal), l’OCPA devant établir annuellement, sur support informatique, à l’attention du SAM et des assureurs, les listes des personnes ayant droit au subside (nouvel art. 23A LaLAMal). En effet, ainsi que cela ressort des débats sur les modifications législatives susmentionnées (Mémorial du Grand Conseil - MGC 1998 28/IV p. 3506 ss), l’objet du projet de loi était précisément de modifier les modalités de paiement du subside en organisant le versement direct aux assureurs-maladie des primes d’assurance des bénéficiaires de l’OCPA, contrairement à ce qui prévalait auparavant, les bénéficiaires des prestations complémentaires AVS/AI ayant toujours reçu jusqu’alors de l’OCPA à la fois leurs prestations complémentaires et la somme correspondant à leurs primes d’assurance-maladie. En l’espèce, l’OCPA ne peut ainsi se fonder sur aucune base légale pour réclamer la compensation des subsides versés par le SAM, dès lors que, d’une part, le recourant n’a jamais perçu cette somme de l’OCPA et que, d’autre part, l’intimé n’a manifestement aucun droit légal à la restitution et, par conséquent, à la compensation. C’est l’art. 33 LaLAMal qui règle la question des subsides indûment touchés ainsi que leur restitution, et par analogie leur compensation, et la décision de la réclamer en incombe au SAM, conformément à l’art. 1 al. 1 du règlement d’exécution de la loi d’application de la loi fédérale sur l’assurance-maladie. Au vu de ces explications, il appartiendra le cas échéant au SAM d’intervenir auprès de l’OCAI afin qu’une décision de compensation pour le montant qu’il a versé en trop au recourant à hauteur de 19'184 fr. soit rendue.

Quant à l’étendue de la compensation des créances en restitution de 18'480 fr. (subsides) et de 5'597 fr. 65 (frais de maladie) versés par l’OCPA, elle doit être déterminée conformément aux calculs déjà effectués. Le solde disponible pour opérer la compensation sera de 102 fr. par mois.

Au vu de ces éléments, le recours sera partiellement admis et le montant mensuellement compensable ramené à 102 fr. conformément à ce qui a été développé ci-avant. Par ailleurs, le Tribunal de céans constate que seul un montant total de 85'643 fr. 65 peut être compensé avec la rente AI versée au recourant, étant précisé que, pour la créance en restitution des subsides versés par le SAM de 19'184 fr., l’OCAI devra rendre une nouvelle décision de compensation sur requête du SAM.


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ

A la forme :

Déclare le recours recevable ;

Au fond :

L’admet partiellement ;

Ordonne la compensation de la créance en restitution de l’OCPA à l’encontre du recourant d’un montant total de 85'643 fr. 65 avec la rente d’invalidité versée à ce dernier par la Caisse de compensation du canton de Fribourg, à concurrence de 102 fr. par mois jusqu’à l’extinction de ladite créance ;

Annule la décision dont est recours en ce qu’elle a ordonné la compensation d’une créance supérieure et fixé une retenue sur la rente d’invalidité du recourant plus élevée ;

Dit que la procédure est gratuite ;

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu’il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l’enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

 

 

 

La greffière :

 

 

 

Yaël BENZ

 

La Présidente :

 

 

 

Maya CRAMER

 

La secrétaire-juriste :

 

Flore PRIMAULT

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe