A/1443/2000

ATAS/26/2005 (1) du 13.01.2005 ( AVS ) , ADMIS

Descripteurs : ; AVS ; ASSURANCE-VIEILLESSE, SURVIVANTS ET INVALIDITÉ ; RESPONSABILITÉ DE L'EMPLOYEUR(AVS) ; COTISATION AVS/AI/APG ; DOMMAGE ; DOMMAGE PUREMENT ÉCONOMIQUE ; ACTION RÉCURSOIRE ; OFFICE DES FAILLITES
Normes : LAVS.52
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En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1443/2000 ATAS/26/2005

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

3ème chambre

du 13 janvier 2005

 

En la cause

CAISSE INTERPROFESSIONNELLE D’ASSURANCE VIEILLESSE ET SURVIVANTS DE LA FEDERATION DES ENTREPRISES ROMANDES, 98, rue de Saint-Jean, 1201 Genève

 

 

demanderesse

contre

Monsieur G___________, comparant par Me Anna SOUDOVTSEV-MAKAROVA, avocate en l’Etude de laquelle il élit domicile

et

 

Madame C___________

Défendeur

Ex-administrateur de Nouvelle X___________ SA (faillie)

appelée en cause

 


EN FAIT

 

X___________ SA (ci-après : la société) a été inscrite au registre du commerce de Genève (ci-après : RC) le 13 juillet 1994. Elle avait pour but le commerce de produits et articles de consommation, l’exploitation d’un commerce de produits de consommation et plus particulièrement dans le domaine textile, à l’enseigne « X___________ » à Genève, ainsi que l’ouverture et l’exploitation d’autres points de vente. La société s’est affiliée à la Caisse interprofessionnelle d’assurance-vieillesse et survivants de la Fédération des syndicats patronaux (devenue depuis lors la Caisse interprofessionnelle d’assurance-vieillesse et survivants de la Fédération des entreprises romandes ; ci-après : la caisse).

A l’origine, soit dès le 13 juillet 1994, Madame I___________ était administratrice. Monsieur G___________ l’a remplacée dès le 29 septembre 1994. Le 25 juillet 1994, Madame C___________ a été inscrite en tant que directrice. Tant Monsieur G___________ que Madame C___________ étaient au bénéfice d’une signature individuelle.

Dès le mois de décembre 1995, la société a commencé à accuser des retards dans le paiement des cotisations sociales, au point que la caisse lui a fait notifier des commandements de payer dès le mois de juin 1996.

En 1996, la société a ouvert une succursale à Lausanne, une boutique de prêt-à-porter, affiliée à la même caisse de compensation.

Lors de l’assemblée générale du 18 novembre 1996, l’administrateur a indiqué qu’une perte modérée apparaissait pour l’année 1995. Des tensions se faisaient jour au sujet du règlement de certains fournisseurs et autres créanciers.

Dans un courrier du 23 mars 1997 à l’attention de la Société de Banque Suisse (ci-après : la banque), la société a indiqué différer volontairement les paiements à certains de ses créanciers – caisse de compensation, banques et assurances - au profit des fournisseurs, plus importants commercialement.

Le 6 août 1997, la société a envoyé à la banque une « ventilation des paiements au 21 juillet 1997 » dont il ressort qu’elle n’a rien versé à la caisse durant cette période. Elle prévoyait de commencer à verser des acomptes de Fr. 7'000.- par mois à partir d’août 1997.

Le 15 septembre 1997 a eu lieu une assemblée générale ordinaire au cours de laquelle l’administrateur a expliqué que le retard dans le paiement de divers créanciers était dû aux investissements importants que la société avait consentis dans le courant de l’année 1996 (acquisition d’une arcade à Lausanne et ouverture d’une seconde boutique à Genève). Deux postes de travail avaient été supprimés pour alléger les charges salariales. Le retard concernant le principal fournisseur de la société avait été intégralement résorbé, ce qui s’était fait au détriment d’autres créanciers (loyers, AVS, TVA, 2ème pilier).

Le 31 octobre 1997, Monsieur G___________ a demandé à la caisse de pouvoir bénéficier d’un plan de remboursement, expliquant toutefois que la trésorerie de la société ne permettait pas, en l’état, de prévoir des acomptes importants dans les prochains mois.

Le 13 novembre 1997, la caisse a transmis à l’administrateur les conditions d’octroi d’un sursis au paiement et l’a informé que les arriérés de cotisations s’élevaient à Fr. 54'755.95 pour la société et à Fr. 18'181.20 pour sa succursale.

Par courrier du 14 janvier 1998, la caisse a fait savoir à l’administrateur que le versement de Fr. 1'425.55 opéré par la société était nettement insuffisant pour permettre un sursis au paiement de l’arriéré ; les montants dus à ce moment-là s’élevant à plus de Fr. 80'000.-, un versement minimum de Fr. 20'000.- était exigé.

Le 3 février 1998, l’administrateur a répondu qu’un versement de Fr. 20'000.- n’était pas possible mais que le rétablissement des arriérés de paiement était concrètement envisageable, le retard important des paiements en faveur de la caisse étant dû aux fournisseurs qu’il avait fallu privilégier. Les exigences des fournisseurs empêchaient de trouver dans l’immédiat de nouvelles modalités de rétablissement de la situation.

Par jugement du 21 avril 1998, le Tribunal de première instance de la République et canton de Genève (TPI) a rejeté une requête de faillite sans poursuite préalable déposée par la bailleresse de la société, au motif que la preuve de la suspension des paiements n’avait pas été apportée. La bailleresse a fait appel devant la Cour de justice.

Le 16 juin 1998, l’administrateur a transmis au TPI un avis de surendettement assorti d’une requête d’ajournement de faillite et sollicité un délai au 15 juillet 1998 pour présenter un plan d’assainissement.

Par arrêt du 18 juin 1998, la Cour de justice a annulé le jugement du TPI et prononcé la faillite de la société sans poursuite préalable. Selon la Cour, la société n’était pas en état de surendettement au sens de la loi, mais ses dettes connues s’élevaient à plus de Fr. 350'000.-. Par ailleurs, la société avait délibérément choisi de privilégier certains créanciers au détriment d’autres, dont la caisse, qui était pourtant un créancier incontestable dont l’éviction entraînerait à court terme la cessation de l’activité commerciale. Cette manière d’agir n’était pas acceptable et équivalait à une suspension des paiements.

Dans le cadre de la procédure de faillite, l’Office des poursuites et faillites (OP) a informé la caisse par avis du 7 avril 1999 que ses productions concernant la société et la succursale étaient admises pour Fr. 38'433.85, respectivement Fr. 21'147.80. Aucun dividende n’était prévu pour les créanciers chirographaires.

Le 5 avril 2000, la caisse a notifié à Monsieur G___________ ainsi qu’à Monsieur et Madame C___________ des décisions en réparation du dommage, pour un montant de Fr. 28'460.30 (société) et Fr. 18'278.95 (succursale, dont Fr. 882.40 au titre d’allocations familiales impayées). En raison de la faillite personnelle de Madame C___________, la décision de réparation la concernant a été notifiée à l’OP, qui n’a pas fait opposition.

Par courrier du 1er mai 2000, Monsieur C___________ a formé opposition en son nom, alléguant qu’il n’était qu’un employé de l’entreprise et n’exerçait aucune responsabilité dans la gestion ou l’administration. Toutes les décisions étaient prises par les deux administrateurs.

Le 5 mai 2000, Monsieur G___________ a à son tour formé opposition, faisant valoir qu’aucune faute ou négligence ne pouvait lui être opposée dans l’exécution de ses obligations d’administrateur de la société. Les premières difficultés financières étaient apparues en été 1996 et tout avait été fait pour ne pas aggraver la situation. Il a contesté que la société ait délibérément choisi de ne pas payer certains créanciers, alléguant qu’elle y aurait été contrainte, sous la menace constante d’une faillite. Par ailleurs, tout avait été également entrepris pour que les problèmes d’arriérés de paiement soient résolus, notamment par l’obtention d’un sursis au paiement auprès de la caisse.

Le 31 mai 2000, la caisse a déposé auprès de la Commission cantonale de recours en matière d’assurance-vieillesse et survivants une requête en mainlevée de l’opposition de Monsieur G___________. Elle a fait valoir que la société et ses organes avaient failli à leurs obligations d’employeur, ceci dès le mois de janvier 1997. La première menace de dénonciation pénale avait eu lieu le 10 septembre 1996 déjà, période à laquelle la société avait requis un premier plan de paiement, qui n’avait pas été respecté. Un nouveau plan de paiement convenu en mars 1998 avait été respecté durant quatre mois, soit jusqu’à la faillite de la société. En ne procédant pas ou en ne faisant pas procéder au paiement régulier des cotisations dues, l’administrateur avait fait supporter à la caisse le risque d’exploitation de l’entreprise, de sorte que sa responsabilité était avérée.

Dans sa réponse du 5 juillet 2000, l’administrateur s’est référé aux arguments invoqués dans son opposition motivée du 5 mai 2000. Il souhaitait être entendu par la Commission de recours et souhaitait faire citer des témoins.

Le 3 avril 2001, l’OP a notifié à la caisse deux actes de défaut de biens, pour des montants de Fr. 21'339.80 et Fr. 33'349.85.

Le 1er août 2003, la cause a été transmise au Tribunal cantonal des assurances sociales, qui a entendu les parties en comparution personnelle le 24 juin 2004.

Des déclarations de Monsieur G___________, il ressort qu’il a été pris au dépourvu par la procédure de faillite sans poursuite préalable. Il a regretté de n’avoir pas été plus combatif vis-à-vis de l’OP, qui a, selon lui vraisemblablement mal géré le dossier. En ce qui le concerne, il souligne qu’il s’agissait de sa première expérience d’administrateur, mais reconnaît n’avoir rien ignoré des problèmes rencontrés par la société. Il se défend toutefois d’avoir été un administrateur complaisant ou passif. Il dit avoir rappelé notamment le principe de la priorité des créances sociales, auquel il a cependant fallu déroger pour payer les traites. Les difficultés les plus importantes sont apparues lors de l’achat d’une seconde boutique, cela d’autant plus que la banque a soudain mis fin à son crédit, après avoir accepté dans un premier temps.

Le 23 septembre 2004, le Tribunal a procédé à l’audition de Monsieur B___________ et Madame C___________, entendus à titre de témoins.

Madame C___________ a indiqué que son travail consistait à s’occuper des achats et de la vente, mais également de l’administration. Elle a expliqué que les difficultés étaient apparues lors de l’achat de la deuxième boutique à Lausanne et que se posait un problème de cash flow. En 1997, la banque avait refusé de continuer à tolérer un découvert. Madame C___________ était en contact avec le gestionnaire de l’OP, à qui elle réglait les dettes les plus urgentes, afin d’éviter que la marchandise ne soit bloquée. Elle a reconnu avoir favorisé les fournisseurs, mais elle dit y avoir été obligée par le fait que ceux-ci ne travaillaient que sur traite. Elle a confirmé que Monsieur G___________ avait insisté sur l’importance du paiement des cotisations AVS, mais allégué que les liquidités ne permettaient pas de tout régler. L’accumulation de dettes était devenue objectivement inquiétante à la fin de l’année 1996. Madame C___________ a enfin fait part de sa conviction que le dommage avait été aggravé par la manière dont l’OP avait procédé à la liquidation. Au lieu de vendre directement la société à une personne que Madame C___________ savait être intéressée, l’OP l’a cédée à une tierce personne qui l’a ensuite revendue sous forme de deux sociétés distinctes à la personne qui avait déjà fait montre de son intérêt, la première pour Fr. 250'000.- (juin 1998) et la seconde pour Fr. 545'000.- (février 1999). Madame C___________ estime que ces montants auraient pu être versés à la masse si l’OP avait agi différemment.

Monsieur  B___________, administrateur de la fiduciaire mandatée par Monsieur G___________, a pour sa part expliqué ne pas s’être occupé personnellement du dossier et ne pouvoir donner que peu d’informations, si ce n’est confirmer que la fiduciaire avait été contactée en mars 1998 par Monsieur G___________.

Par courrier du 7 octobre 2004, le défendeur a demandé à ce qu’il soit procédé à une instruction complémentaire, alléguant que la question d’une éventuelle responsabilité de l’OP dans l’aggravation du dommage restait posée. Il a sollicité l’apport de la procédure de poursuite et l’audition des personnes responsables du dossier auprès de l’office.

Par courrier du 20 octobre 2004, le Tribunal de céans a fixé au défendeur un délai pour se déterminer sur la question de sa propre responsabilité.

Dans sa détermination du 5 novembre 2004, le défendeur a fait valoir qu’il était intervenu avec insistance auprès de la directrice dès qu’il avait été informé du retard dans le paiement des cotisations sociales, cela parallèlement à ses démarches en vue d’assainir la société. Il avait posé le principe de la priorité du paiement des cotisations sociales, auquel il avait fallu déroger pour la bonne marche des affaires. Le retard dans le versement des cotisations dues devait être rattrapé selon un plan de paiement, qui avait été interrompu par la déclaration inattendue de la faillite. Lui-même et la directrice avaient entrepris de nombreuses démarches pour résoudre le problème de liquidités. Il a soutenu qu’à aucun moment dans l’exploitation de la société, on ne pouvait croire raisonnablement à un échec. La fiduciaire avait d’ailleurs indiqué que la société pouvait être considérée comme rentable si les problèmes de liquidités étaient résolus. Selon lui, l’importance des dettes de la société lors de la faillite ne signifie pas pour autant que ses organes ont commis une négligence grave en relation de causalité adéquate avec le dommage subi par la caisse. En conclusion, le défendeur a contesté sa responsabilité, considérant qu’aucune faute, intentionnelle ou par négligence grave, ne pouvait lui être imputée.

Par ordonnance du 16 novembre 2004, le Tribunal de céans a appelé en cause Madame C___________ et lui a imparti un délai pour se déterminer.

Le 26 novembre 2004, cette dernière a transmis au Tribunal sa détermination, ainsi que diverses pièces. Elle a expliqué que la décision de ne pas s’opposer à la décision de la caisse a été prise par la masse de sa propre faillite personnelle. L’opposition qu’elle a elle-même déposée a été déclarée irrecevable. Par ailleurs, elle a allégué que le dommage subi par la caisse résulte de la manière dont a été liquidée la société et non d’une négligence de sa part ou de celle de l’administrateur. Avant la faillite, le paiement des dettes était difficile en raison des exigences des fournisseurs et du paiement des salaires et autres frais fixes nécessaires. Pour le surplus, les arrangements avec la caisse et avec l’OP avaient été respectés, l’interruption n’étant intervenue qu’en raison de la déclaration inattendue de faillite. Elle a affirmé que tout avait été fait pour qu’une situation financière saine soit retrouvée, ce d’autant plus que la fiduciaire avait considéré que la société pouvait être rentable. La liquidation des actifs de la société s’était déroulée au détriment des créanciers, puisque les deux boutiques avaient été cédées gratuitement à un tiers qui les avait immédiatement revendues pour un montant de Fr. 795'000.- à un acheteur. Ce dernier se proposait depuis 1998 de reprendre les boutiques contre un engagement financier (règlement des factures fournisseurs, règlement des loyers arriérés et caution financière de Fr. 200'000.- déposée en mains de l’office). Elle l’avait présenté au gestionnaire de l’OP, mais son offre n’avait pas été retenue, alors qu’elle aurait eu le mérite de réduire la dette de la société et de permettre le réengagement immédiat de l’ensemble du personnel.

Cette écriture a été transmise aux parties le 30 novembre 2004 par le Tribunal qui a ensuite gardé la cause à juger.

 

 

EN DROIT

 

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales (TCAS), composé de cinq juges, dont un président et un vice-président, cinq suppléants et seize juges assesseurs (art. 1 let. r et 56T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des seize juges assesseurs par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente (art. 162 LOJ) permettant au TCAS de siéger sans assesseurs, à trois juges titulaires, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

Conformément à l’art. 3 al. 3 des dispositions transitoires, les causes introduites avant l’entrée en vigueur de la loi et pendantes devant la Commission cantonale de recours ont été transmises d’office au Tribunal cantonal des assurances sociales, statuant en instance unique sur les contestations en matière d’assurance-vieillesse et survivants (cf. art. 56 V LOJ). Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de l’AVS, notamment en ce qui concerne l’article 52 de la loi fédérale du 20 décembre 1946 sur l'assurance-vieillesse et survivants (LAVS). Désormais, la responsabilité de l’employeur y est réglée de manière plus détaillée qu’auparavant à et les articles 81 et 82 du règlement sur l’assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (ci-après : RAVS) ont été abrogés. Le cas d’espèce reste toutefois régi par les dispositions en vigueur jusqu’au 31 décembre 2002, eu égard au principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminant se sont produits (ATF 127 V 467 consid. 1). Les dispositions légales seront dès lors citées dans leur ancienne teneur.

a) Aux termes de l’art. 82 al. 1er RAVS, le droit de demander la réparation d’un dommage se prescrit lorsque la caisse de compensation ne le fait pas valoir par une décision de réparation dans l’année après qu’elle a eu connaissance du dommage et, en tout cas, à l’expiration d’un délai de cinq ans à compter du fait dommageable. Contrairement à la teneur de cette disposition, il s’agit en l’occurrence d’un délai de péremption à considérer d’office (ATF 113 V 181 = RCC 1987, p. 607, ATF 112 V 8, consid. 4 c = RCC 1986, p. 493). Lorsque ce droit dérive d’un acte punissable soumis par le code pénal à un délai de prescription de plus longue durée, ce délai est applicable (art. 82 al. 2 RAVS).

Le Tribunal fédéral des assurances (ci-après : TFA) a posé le principe qu’une caisse de compensation a « connaissance du dommage » au sens de la disposition précitée, à partir du moment où elle doit reconnaître, en y prêtant l’attention qu’on est en droit d’attendre d’elle et en tenant compte de la pratique, que les circonstances ne lui permettent plus de recouvrer les cotisations, mais pourraient justifier une obligation de réparer le dommage (ATF 116 V 75, consid. 3b ; 113 V 181, consid. 2 ; 112 V 8 consid. 4d, 158 ; 108 V 52, consid. 5 ; RCC 1983, p. 108). Le fait déterminant est donc de constater qu’il n’y a « rien dont on puisse tirer profit, rien à distribuer » (FRITSCHE, Schuldbetreibung und Konkurs II, 2ème éd. p. 112), d’où résulte la perte de la créance de la caisse.

En cas de faillite ou de concordat par abandon d’actifs, la caisse n’a pas nécessairement connaissance du dommage au moment seulement où elle peut consulter le tableau de distribution et le compte final établis par l’Office des faillites ou le liquidateur, ou à la date à laquelle elle reçoit un acte de défaut de biens. En effet, celui qui subit une perte dans une faillite ou dans une procédure concordataire et veut intenter une action en dommages-intérêts a, en général, selon la pratique des tribunaux, déjà suffisamment connaissance du dommage, au moment où la collocation des créances lui est notifiée, ou à celui où l’état de collocation et l’inventaire ont été déposés et peuvent être consultés. A ce moment-là, le créancier est, ou devrait être en général, en mesure de connaître l’état des actifs, la collocation de sa créance et le dividende probable (ATF 119 V 92 consid. 3 ; 108 V 196 consid. 3a ; VSI 1995, p. 169-170, consid. 2 ; ATF 116 II 161, consid. 4a ; 116 V 75, consid. 3b = RCC 1990, p. 415).

Les termes « en général » signifient que, en principe, la caisse de compensation est en mesure d’estimer suffisamment l’étendue de son dommage au moment du dépôt de l’état de collocation. Il se peut toutefois que cette estimation ne soit possible que dans une phase ultérieure de la liquidation, par exemple parce que le montant des actifs dépend du produit de la vente de biens immobiliers et que l’administration de la faillite ne peut fournir aucune indication à propos du dividende prévisible (RCC 1992, p. 266, consid. 5c ; NUSSBAUMER, Les caisses de compensation en tant que parties à une procédure de réparation d’un dommage selon l’art. 52 LAVS, RCC 1991, p. 406). Inversement, la partie lésée peut exceptionnellement, en raison de circonstances spéciales, acquérir la connaissance nécessaire avant le dépôt de l’état de collocation ; c’est en particulier le cas lorsqu’elle apprend de l’administration de la faillite, à l’occasion d’une assemblée des créanciers, qu’aucun dividende ne pourra être distribué aux créanciers de la caisse. L’existence de telles circonstances ne sera cependant admise qu’avec retenue : de simples rumeurs ou des renseignements provenant de personnes non autorisées ne permettent pas encore de fonder et de motiver une demande en justice (ATF 118 V 196 consid. 3b).

Par ailleurs, s’il faut, à juste titre, se montrer sévère dans l’appréciation de la responsabilité d’un employeur – et, par extension, de celle de ses organes s’il s’agit d’une personne morale – qui occasionne un dommage à la caisse de compensation en n’observant pas, intentionnellement ou par négligence grave, des prescriptions de la LAVS (ATF 114 V 220 sv.), il faut de même se montrer exigeant à l’égard de l’administration en ce qui concerne le respect des conditions formelles de l’action en responsabilité fondée sur l’art. 52 LAVS (ATF 119 V 96 = VSI 1993 p. 110).

b) En l’espèce, ce n’est effectivement qu’en date du 8 avril 1999, jour de la réception de l’avis de dépôt de l’état de collocation et de distribution de l’OP lui annonçant qu’aucun dividende n’était prévisible pour les créanciers chirographaires, que la caisse a eu connaissance de son dommage. Les décisions notifiées le 5 avril 2000 sont par conséquent intervenues dans le délai péremptoire d’un an prescrit par l’art. 82 al. 1er RAVS.

Le défendeur a pour sa part formé opposition par acte posté le 5 mai 2000, de sorte qu’il a également agi en temps utile.

Enfin, la caisse ayant déposé sa requête en mainlevée le 31 mai 2000, il s’ensuit que tant l’opposition que la requête en mainlevée sont recevables à la forme (art. 81 al. 3 et 82 al. 2 RAVS).

Aux termes de l’art. 52 LAVS, l’employeur doit couvrir le dommage qu’il a causé en violant les prescriptions intentionnellement ou par négligence grave. Il sied de rappeler que l’art. 52 LAVS est une disposition spéciale (RCC 1989, p. 117).

En l'espèce, le dommage consiste en la perte de la créance de cotisations subie par la caisse en raison de la faillite de la société, soit Fr. 46'739.25, conformément aux décomptes qu’elle a joints à ses décisions du 5 avril 2000 et qui ne sont pas contestés par le défendeur.

a) L'art. 14 al. 1er LAVS en corrélation avec les art. 34 et suivants RAVS, prescrit l'obligation pour l'employeur de déduire sur chaque salaire la cotisation du salarié et de verser celle-ci à la caisse de compensation avec sa propre cotisation. Les employeurs doivent envoyer aux caisses, périodiquement, les pièces comptables concernant les salaires versés à leurs salariés, de manière à ce que les cotisations paritaires puissent être calculées et faire l'objet de décisions.

L'obligation de payer les cotisations et de fournir les décomptes est, pour l'employeur, une tâche de droit public prescrite par la loi. A cet égard, le Tribunal fédéral des assurances a déclaré, à réitérées reprises, que la responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 LAVS est liée au statut de droit public (ATF 112 V 155, consid. 5; RCC 1987, p. 220). L'employeur qui ne s'acquitte pas de cette tâche commet une violation des prescriptions au sens de l'art. 52 LAVS, ce qui entraîne pour lui l'obligation de réparer entièrement le dommage ainsi occasionné (ATF 111 V 173, consid. 2; 108 V 186, consid. 1a, 192 consid. 2a; RCC 1985, p. 646, consid. 3a).

b) Lorsque l'employeur est une personne morale, ses organes répondent solidairement, à titre subsidiaire, du dommage causé par celui-ci, notamment quand la personne morale n'existe plus au moment où la responsabilité est engagée (No 6003 des directives de l’Office fédéral des assurances sociales sur la perception des cotisations, ci-après : DP; ATF 114 V 79, consid. 3; 113 V 256, consid. 3c; RCC 1988, p. 136, consid. 3c; ATF 111 V 173, RCC 1985, p. 649, consid. 2.).

Par "organe", il faut entendre toute personne physique qui représente la personne morale à l'extérieur ou qui peut exercer une influence décisive sur le comportement de celle-ci (no 6004 DP). Lorsqu'il est saisi du cas d'une société anonyme, le TFA s'est toujours référé à l'art. 754 al. 1er CO, en corrélation avec l'art. 759 al 1er CO. Conformément à ces articles, toutes les personnes chargées de l'administration, de la gestion ou du contrôle, répondent, à l'égard de la société, de même qu'envers chaque actionnaire ou créancier social, du dommage qu'elle leur cause en manquant intentionnellement ou par négligence à leurs devoirs et les personnes qui répondent d'un même dommage en sont tenues solidairement. Sont réputés chargés de l'administration ou de la gestion au sens de l'art. 756 CO "non seulement les organes de décision désignés expressément comme tels, mais également les personnes qui prennent effectivement des décisions relevant des organes, ou qui assument la gestion proprement dite et ont ainsi une part prépondérante à la formation de la volonté au sein de la société" (ATF 107 II 353, consid. 5a; ATF 112 II 1985 et l'arrêt du 21 avril 1988 en la cause A; FORSTMOSER, Die aktienrechtliche Verantwortlichkeit, 2ème éd., p. 209ss).

c) Le TFA a affirmé expressément que l'obligation légale de réparer le dommage ne doit être reconnue que dans les cas où le dommage est dû à une violation intentionnelle ou par négligence grave, par l'employeur, des prescriptions régissant l'assurance-vieillesse et survivants (RCC 1978, p. 259; RCC 1972, p. 687). La caisse de compensation qui constate qu'elle a subi un dommage par suite de la non-observation de prescriptions peut admettre que l'employeur a violé celles-ci intentionnellement ou du moins par négligence grave, dans la mesure où il n'existe pas d'indice faisant croire à la légitimité de son comportement ou à l'absence d'une faute (ATFA du 28 juin 1982, RCC 1983, p. 101).

A cet égard, il sied de rappeler qu’un administrateur ne peut se libérer de sa responsabilité de veiller personnellement à ce que les cotisations paritaires afférentes aux salaires versés soient payées à la caisse en soutenant qu’il faisait confiance à ses collègues chargés de l’administration du personnel de l’entreprise et du versement desdites cotisations à la caisse de compensation. Il a au contraire le devoir d’exercer la haute surveillance sur les personnes chargées de la gestion pour s’assurer notamment qu’elles observent la loi, les statuts, les règlements et les instructions données (art. 716 a al. 1 ch. 5 CO). Si les membres du conseil d’administration qui ne sont pas chargés de la gestion ne sont certes pas tenus de surveiller chaque affaire des personnes chargées de la gestion et de la représentation mais peuvent se limiter au contrôle de la direction et de la marche des affaires, ils doivent cependant, entre autres obligations, se mettre régulièrement au courant de la marche des affaires, exiger des rapports et les étudier minutieusement et, au besoin, demander des renseignements complémentaires et essayer de tirer au clair d’éventuelles erreurs (ATF 114 V 223 consid. 4a ; ATF non publié H 265/02 du 3 juillet 2003).

De jurisprudence constante, le TFA a reconnu qu’il y a négligence grave lorsque l'employeur ne se conforme pas à ce qui peut être raisonnablement exigé de toute personne capable de discernement, dans une situation identique et dans les mêmes circonstances (cf. RCC 1972, p. 690). La mesure de ce que l'on est en droit d'exiger à cet égard doit donc être évaluée d'après ce que l'on peut ordinairement attendre, en matière de comptabilité et de gestion, d'un employeur de la même catégorie que l'intéressé-e. Lorsqu’il s’agit d’une société anonyme, on peut, par principe, poser des exigences sévères en ce qui concerne l’attention qu’elle doit accorder au respect des prescriptions (cf. RCC 1972, p. 690 ; RCC 1978, p. 261). Une différenciation semblable s’impose également, lorsqu’il s’agit d’apprécier la responsabilité subsidiaire des organes de l’employeur (ATF 108 V 202 consid. 3a; RCC 1985, p. 51, consid. 2a et p. 648, consid. 3b).

d) On relèvera encore que l'art. 52 LAVS institue une responsabilité solidaire, de sorte que la caisse jouit d'un concours d'actions en cas de pluralité de responsables. Autrement, dit, elle peut rechercher tous les débiteurs, quelques-uns ou un seul d'entre eux, à son gré (ATF 119 V 87 consid. 5a, 112 V 262 consid. 2b).

Selon la jurisprudence, le juge des assurances sociales saisi d'une action en réparation du dommage au sens de l'art. 52 LAVS devrait en principe inviter à participer à la procédure, à titre de co-intéressées, les personnes dont la responsabilité solidaire pour le dommage subi par la caisse entre raisonnablement en considération. Il rend à cet effet, d'office ou sur demande, une décision procédurale invitant le tiers intéressé à participer au procès, sauf si celui-ci ne s'est pas vu adresser de décision de réparation du dommage ou si la caisse a renoncé à ouvrir contre lui une action en réparation du dommage. En revanche, devra au besoin être appelé en cause le responsable qui n'a pas fait opposition à la décision en réparation du dommage (ATFA du 3 novembre 2000 en la cause H 134/00).

En vertu de cette jurisprudence, le Tribunal a donc appelé en cause Madame C___________, puisque la responsabilité de cette dernière envers la caisse est susceptible d’être affectée par la responsabilité de l’administrateur. En revanche, seule la responsabilité de ce dernier fait l’objet du présent litige.

a) Le défendeur a été inscrit au RC en qualité d’administrateur de la société faillie dès le 29 septembre 1994 et jusqu’à la faillite de la société. Il avait ainsi indiscutablement la qualité d’organe de la société, ce qu’il ne conteste au demeurant pas. Reste encore à examiner s’il peut être tenu pour responsable du dommage de la caisse.

b) Relativement rapidement, à savoir dès la fin de l’année 1995, la société a commencé à éprouver des difficultés de trésorerie et a notamment pris du retard dans le versement des cotisations sociales. Ces difficultés financières n’étaient pas inconnues de l’administrateur, ainsi qu’en attestent les nombreuses pièces du dossier. Il ne nie d’ailleurs pas sa parfaite connaissance de la situation financière de la société, mais indique avoir continué en espérant une amélioration de la trésorerie. Ainsi, en 1998, alors que la société accusait des retards de paiement totalisant plus de Fr. 350'000.- (dont plus de Fr. 70'000.- de loyer et Fr. 45'000.- de charges sociales), il a persisté à compter sur une hypothétique amélioration des affaires, lesquelles allaient en se dégradant depuis plusieurs années. Un administrateur diligent se serait inquiété plus sérieusement de la capacité de la société à rembourser ses dettes exigibles qui augmentaient au fur et à mesure de l’écoulement du temps. Cela est d’autant plus vrai que le défendeur se rendait parfaitement compte des difficultés pratiquement insurmontables auxquelles la société aurait à faire face pour respecter ses engagements.

Certes, on peut envisager qu’un employeur cause un dommage à la caisse de compensation en violant intentionnellement les prescriptions en matière d’AVS sans que cela n’entraîne pour autant une obligation de réparer le préjudice. Tel est le cas lorsque l’inobservation des prescriptions apparaît au vu des circonstances comme légitime et non fautive (ATF 108 V 186 consid. 1b ; RCC 1985 p. 603 consid. 2, 647 consid. 3a). Il peut ainsi arriver qu’en retardant le paiement de cotisations, l’employeur parvienne à maintenir son entreprise en vie, par exemple lors d’une passe délicate dans la trésorerie. Mais il faut alors, pour qu’un tel comportement ne tombe pas ultérieurement sous le coup de l’art. 52 LAVS que l’on puisse admettre que l’employeur avait au moment où il a pris sa décision des raisons sérieuses et objectives de penser qu’il pourrait s’acquitter des cotisations dues dans un délai raisonnable (ATFA 277/01 du 29 août 2002 consid. 2 ; ATF 108 V 188). La jurisprudence n’admet en réalité que de manière très exceptionnelle qu’un employeur puisse décider de retarder le paiement des cotisations afin de maintenir son entreprise en vie lors d’une passe délicate dans la trésorerie (ATFA 154/00 du 22 août 2000 consid. 2c).

Tel n’est pas le cas en l’occurrence. Il ressort du dossier, et plus particulièrement des écritures du défendeur, que le paiement des cotisations paritaires a été volontairement différé pour maintenir l’entreprise en vie. Refusant de reconnaître que les difficultés traversées n’étaient pas de simples problèmes de trésorerie et qu’il lui serait vraisemblablement impossible d’en sortir, le défendeur s’est refusé à mettre un terme à l’exploitation de l’entreprise, provoquant ainsi une augmentation conséquente du dommage subi par la caisse. Certes, il a effectivement envoyé quelques courriers de recommandations en 1998, mais il devait bien se douter qu’ils ne seraient suivis d’aucun effet vu la trésorerie de la société.

L’administrateur n’a pris aucune mesure particulière pour empêcher la survenance du dommage. Au contraire, il a permis à la société de se lancer dans une politique d’investissements importants (acquisition d’une arcade à Lausanne, ouverture d’une seconde boutique à Genève, engagement de nouveaux collaborateurs), alors qu’elle avait déjà une dette envers la caisse. L’on ne pouvait pas parler d’absence momentanée de ressources, puisque le manque de liquidités a toujours constitué le problème majeur de la société et que les responsables de n’ont jamais été en mesure de le régler. Force est par ailleurs de constater que le délai qui s’est écoulé depuis le moment où sont apparues les difficultés et la faillite n’est pas raisonnable, puisqu’il s’élève à plusieurs années.

Ces faits importants constituent déjà un motif suffisant pour admettre la responsabilité du défendeur. L’argument visant à affirmer que la société était rentable selon les calculs de la fiduciaire ne peut être retenu lorsque l’on sait que l’endettement de cette société a justifié le prononcé d’une faillite sans poursuite préalable. A ce moment, comme on l’a vu ci-dessus, les dettes atteignaient plusieurs centaines de milliers de francs et la situation ne pouvait plus être assainie. Par ailleurs, les rendez-vous qu’ont eu les animateurs de la société avec les banques afin d’obtenir des lignes de crédit plus importantes ne leur sont d’aucun secours sur le plan de la responsabilité dans la survenance du dommage.

On notera également que le défendeur a reconnu, lors de la comparution personnelle, avoir attiré l’attention de la directrice sur les dispositions légales en vigueur, mais n’avoir pu se résoudre à des dispositions plus sévères. En n’observant pas les obligations que lui imposait sa charge d’administrateur, il a agi par négligence grave.

Le défendeur et l’appelée en cause invoquent une possible responsabilité de la part de l’OP, lequel aurait contribué à aggraver – voire à causer – le dommage en en liquidant pas la société aux meilleures conditions. Selon eux, il est vraisemblable que l’office se serait rendu coupable de plusieurs manquements graves dans la gestion du dossier.

A cet égard, le Tribunal estime que des investigations supplémentaires ne sont pas de son ressort. En effet, même si les accusations lancées s’avéraient fondées, tant l’administrateur que la directrice ne s’en trouveraient pas libérés pour autant au sens de l’art. 52 LAVS. En effet, leur négligence est sans aucun doute en relation de causalité avec le dommage puisque la manière dont la société a été gérée a abouti à sa mise en faillite sans poursuite préalable et à sa mise en liquidation alors que les montants dus à l’assurance sociale étaient dus. De ce point de vue, le dommage est la conséquence directe du comportement des organes de la société.

La question de savoir, s’il eût été possible de diminuer le montant de ce dommage par la suite en réalisant de manière optimale les actifs de la masse n’a pas à être élucidée ici. Il n’appartient en effet pas au Tribunal de céans de juger de la conformité de la procédure de liquidation. Selon la jurisprudence applicable en matière de responsabilité selon 52 LAVS, l’obligation de réparer le dommage ne peut en effet être réduite que dans la mesure où il existe un rapport de causalité adéquate entre une violation grave de ses devoirs par la caisse et la création ou l’aggravation du dommage (VSI 1996 p. 314 consid. 3c).

Le droit fédéral exclut la possibilité pour l'employeur de faire valoir, dans le cadre d'une procédure en réparation du dommage et au moyen d'une dénonciation du litige, une prétention récursoire contre un tiers responsable.

Selon la jurisprudence, il incombe uniquement à la caisse de compensation de décider si elle attaquera un employeur pour lui demander la réparation du dommage subi et, éventuellement quelles personnes elle mettra en cause s'il existe une pluralité de responsabilités; en ce dernier cas, elle jouit d'un concours d'actions et le rapport interne entre les coresponsables ne la concerne pas; si elle ne peut prétendre qu'une seule fois la réparation, chacun des débiteurs répond solidairement envers elle de l'intégralité du dommage et il lui est loisible de rechercher tous les débiteurs, quelques-uns ou un seul d'entre eux, à son choix. Cependant, cette jurisprudence ne vise que les rapports juridiques existant entre la caisse de compensation et l'employeur ; elle ne restreint en aucune manière le droit de ce dernier d'intenter, le cas échéant, une action récursoire contre un tiers qui n'a pas été mis en cause selon la procédure prévue par l’art. 81 RAVS (RCC 1987 consid. 2b p. 510).

Le moyen juridictionnel visé par l’art. 81 al. 3 RAVS tient tout à la fois de l'action de droit administratif, c'est-à-dire d'une demande adressée à un organe judiciaire et tendant à la constatation du droit de la caisse de compensation à la réparation du dommage et de la demande en mainlevée de l'opposition du droit des poursuites. Bien que la dénonciation de litige soit en règle ordinaire possible dans les procédures administratives sur action, la faculté pour l'employeur de faire valoir, dans le cadre de l'action principale, une prétention récursoire supposerait que le juge des assurances sociales fût compétent pour connaître de celle-ci. La procédure en réparation du dommage, telle qu'elle est prévue par l’art. 81 RAVS est uniquement destinée à établir l'étendue des droits de l'administration contre l'employeur (ou, subsidiairement, contre ses organes). On doit donc considérer, logiquement, qu'une éventuelle prétention récursoire ne relève pas de l'autorité cantonale compétente selon l’art. 81 al. 3 RAVS, soit de l'autorité qui connaît généralement des recours contre les décisions des caisses de compensation prises en application de la LAVS. C'est dire que le droit fédéral n'accorde pas au juge des assurances sociales le pouvoir de se prononcer sur le recours interne entre plusieurs responsables en vertu de l’art. 52 LAVS, ce qui suffit en principe à exclure une dénonciation de litige. Et dans l'hypothèse où le droit cantonal de procédure conférerait un tel pouvoir au juge désigné par l’art. 85 al. 1 LAVS, en sus des attributions habituelles de ce dernier, il ne serait de toute façon pas acceptable, sous l'angle de la LAVS, que la prétention récursoire soit instruite et jugée conjointement avec le procès en responsabilité selon l’art. 52 LAVS, notamment par l'appel en cause des garants. Saisi de deux voire de plusieurs litiges distincts, le juge aurait l'obligation d'administrer d'office ou sur requête, toutes les preuves nécessaires à l'élucidation des faits propres à chacune des causes. Pour ce faire, il devrait appliquer tout à la fois le principe inquisitoire, qui gouverne le contentieux des assurances sociales, et les règles traditionnelles sur la répartition du fardeau de la preuve, qui prévalent dans un procès civil ordinaire.

D'autre part, vu la complexité des rapports juridiques qui peuvent exister entre les coresponsables et la diversité des normes de droit public et de droit privé, susceptibles d'entrer en considération, l'autorité de recours ne serait pas toujours en mesure de statuer à bref délai, voire dans un délai raisonnable. Une jonction des causes aurait donc pour effet d'allonger la durée du procès entre la caisse de compensation et l'employeur actionné par celle-ci, ainsi que de compliquer la tâche du juge cantonal, ce qui irait à l'encontre des principes de simplicité et de rapidité de la procédure imposés aux cantons par l’art. 85 al. 1 a LAVS, auquel renvoie l’art. 81 al. 3 RAVS. On doit donc admettre que l'employeur n'est pas habilité à évoquer en garantie un tiers responsable, même si cette faculté lui est réservée par la législation cantonale (RCC 1987 consid. 2c p. 511s).

Ainsi, il appartient aux organes de se retourner, le cas échéant, contre l’OP s’ils estiment que la responsabilité de ce dernier est engagée. C’est l’occasion de relever qu’ils n’ont entrepris aucune action - alors que les faits datent de plusieurs années - auprès de l’office, d’une autorité de surveillance, voire même d’un tribunal civil ou pénal. Sur ce point du dossier également, une certaine négligence peut leur être reprochée, ce que le défendeur a d’ailleurs admis en reconnaissant qu’il aurait dû faire preuve de plus de combativité. Ils ne sauraient donc aujourd’hui exiger du Tribunal de céans qu’il se penche sur des objets ne relevant pas de sa compétence, l’objet du litige étant limité par la détermination de la responsabilité de l’administrateur et de la directrice, ainsi que la conformité au droit de la décision de réparation du dommage.

Dès lors, le grief doit être rejeté.

Il ressort des considérations qui précèdent que le défendeur et l’appelée en cause n’ont pas pris les mesures nécessaires et que l’on pouvait raisonnablement attendre d’eux, alors même qu’ils connaissaient parfaitement la gravité de la situation financière de la société. Force est dès lors de constater qu’ils ont de la sorte causé un dommage à la caisse au sens de l’art. 52 LAVS, dont ils sont tenus à réparation, raison pour laquelle la demande de mainlevée est admise, à concurrence de Fr. 28'460.30 pour la société et Fr. 17’396.55 pour la succursale, ce dernier montant étant réduit de Fr. 882.40 au titre des allocations familiales qui ne font pas l’objet de la présente procédure.


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Satuant

(conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ)

A la forme :

Déclare recevable la demande en mainlevée déposée le 31 mai 2000 par la Caisse interprofessionnelle d’assurance-vieillesse et survivants de la Fédération des entreprises romandes contre Monsieur G___________.

Au fond :

Accorde à la caisse la levée de l’opposition formée par Monsieur G___________ à hauteur de Fr. 28'460.30 et 17’396.55 ;

Déboute les parties de toutes autres ou contraires conclusions ;

Dit que la procédure est gratuite ;

Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu'il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l'enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

 

La greffière:

 

Janine BOFFI

 

La Présidente :

 

Karine STECK

 

 

Le secrétaire-juriste :

 

 

Marius HAEMMIG

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe