A/1509/2001

ATAS/406/2005 du 16.04.2005 ( AVS ) , ADMIS

Recours TF déposé le 28.08.2005, rendu le 26.01.2007, REJETE, H 100/05
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En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1509/2001 ATAS/406/2005

ARRÊT

DU TRIBUNAL CANTONAL DES
ASSURANCES SOCIALES

1ère Chambre

du 26 avril 2005

 

 

 

En la cause

 

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION, demanderesse

sise route de Chêne 54 à Genève en mainlevée

d’opposition

 

 

contre

 

 

Monsieur K__________, domicilié c/o Mr et Mme M__________, défendeurs

anciens

administrateurs

Madame et Monsieur H__________, de la société

Monsieur D__________, tous trois représentés par Monsieur Scanmediavision SA

O__________, Y__________SA, (faillie)

à Genève

 

 

 


EN FAIT

La société X__________SA, ayant pour but la fabrication et le commerce d’instruments de mesures électroniques, de logiciels et de fourniture de service pour le contrôle de qualité, a été créée à Genève le 31 janvier 1991. Cette société est issue d’une entreprise exploitée sous la raison individuelle « Compac fabrique d’appareils de mesure, H__________», entreprise fondée en 1941. Le 18 mai 1998 Monsieur K__________ a repris X__________ SA. Le 1er septembre 1998, X__________SA est devenue Z__________ SA société ayant pour but le commerce et les prestations de service dans le domaine de l’audio-visuel, ainsi que les opérations et les mandats fiduciaires. La société est déclarée sans personnel depuis le 1er novembre 1998.

Par jugement du 26 janvier 1999, le Tribunal de première instance a prononcé la faillite de la société.

Le 8 mai 2000, la Caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après la Caisse) a produit une créance de Fr. 204'943,95 auprès de l’Office des poursuites et faillites, représentant les cotisations paritaires AVS-AI restées impayées durant les années 1994 à 1998. Cet office l’a informée le 25 octobre 2000 que sa créance était admise en 3ème classe et qu’aucun dividende n’était prévisible.

La Caisse a dès lors, par décisions du 3 juillet 2001, réclamé à Messieurs H__________ et D__________ et à Madame H__________, tous trois administrateurs de la société X__________SA jusqu’au 18 mai 1998, le paiement de la somme de 200'768 fr. 30, à titre de réparation du dommage subi ensuite du non paiement des cotisations dues par la société de 1994 jusqu’au 30 avril 1998. Elle a notifié le même jour à Monsieur K__________, administrateur du 18 mai 1998 jusqu’à la faillite une décision en réparation du dommage pour le montant de 204'943 fr. 95.

Monsieur K__________ a formé opposition le 11 juillet 2001, alléguant que puisqu’il n’avait été administrateur que du 18 mai 1998 au 26 janvier 1999, sa responsabilité n’était engagée que pour les cotisations impayées durant la période en question. Les trois autres intéressés, représentés par Y__________SA, ont fait savoir qu’ils avaient également l’intention de s’opposer à la décision.

La Caisse a déposé le 17 août 2001 une requête auprès de la Commission cantonale de recours AVS-AI, juridiction alors compétente, requête visant à la levée de l’opposition formée par Monsieur K__________. Elle considère que celui-ci a engagé sa responsabilité au sens de l’art. 52 LAVS, rappelant notamment qu’un organe répond aussi des cotisations qui étaient déjà échues au moment où il commence à assumer son mandat. La cause a été enregistrée sous le N° 519/2001, devenu A/1509/2001.

Invité à déposer ses observations, Monsieur K__________ s’est borné à persister dans ses conclusions.

Le 3 septembre 2001, Messieurs H__________ et D__________ ainsi que Madame H__________ ont confirmé s’opposer à la décision du 3 juillet.

Le 2 octobre 2001, la Caisse a également requis la levée de leur opposition. Elle a rappelé que pour l’année 1994, le solde dû par X__________SA s’était élevé à 20'822 fr. 75 ; que l’année suivante, la dette avait passé à 63'218 fr. 30 ; qu’en 1996 et 1997, les trois intéressés avaient été menacés d’une dénonciation pénale, la part salariale s’élevant respectivement à 9'559 fr. 80 et 23'785 fr. 70 ; qu’en 1998, le montant dû à la Caisse avait été de 5'054 fr. 95. La cause a été enregistrée sous le N° 654/2001, devenu A/1510/2001.

La greffière-juriste alors en charge de l’instruction des deux dossiers a prié l’Office des poursuites et faillites de lui communiquer les comptes 1995 à 1998 de la société et copies des procès-verbaux des assemblées générales et des rapports de l’organe de révision (cf. courriers des 20 décembre 2001, 30 janvier et 11 mars 2002).

Par courrier du 11 avril 2002, l’Office des poursuites et faillites a déclaré n’être en possession d’aucune pièce comptable de la société.

Messieurs H__________ et D__________ ainsi que Madame H__________ se sont déterminés le 5 juin 2002 sur la requête en mainlevée. Ils décrivent précisément l’historique de la société X__________SA devenue Z__________ SA. Ils ont plus particulièrement expliqué que Madame H__________ avait financé la société par l’apport notamment d’une promesse de vente d’un terrain lui appartenant signée avec le groupe SUTER & SUTER AG. Cette promesse avait dû être ultérieurement renégociée pour un prix inférieur, avec un partenaire supplémentaire, C. ZSCHOKKE SA. L’un des créanciers hypothécaires, la SBS avait exigé de Madame H__________ qu’elle prenne toute mesure utile afin d’assurer la survie de X__________SA pendant la durée du projet immobilier.

Ils soulignent notamment qu’en 1992, X__________SA avait conclu des contrats importants pour la fourniture de produits qu’elle fabriquait et qu’il était dès lors raisonnable de penser que, grâce à ces contrats, la situation s’améliorerait rapidement. De fait, de 1992 à 1995, une amélioration progressive avait pu être constatée pour atteindre finalement un résultat positif en 1995. Il s’est finalement avéré en 1995 que la promesse de vente n’a pas été honorée. Des financements ont alors été recherchés auprès de la Banque Cantonale de Genève (pièce 7), d’une société coopérative de financement aux PME (pièces 8 et 9) et d’une société vaudoise de financement (pièce 10), mais en vain. D’autres solutions, telles que la fusion ou l’absorption avec ou par des entreprises de la branche ont également été envisagées parallèlement dès 1993.

Les trois intimés rappellent que dès 1992, ils étaient en contacts réguliers avec le service contentieux de la Caisse, que dès 1993, X__________SA versait chaque année approximativement l’équivalent des cotisations salariales de l’année en cours, qu’un accord était intervenu en date du 3 mars 1998, que X__________SA avait dûment payé les premiers acomptes convenus jusqu’à ce que Monsieur K__________ les remplace comme administrateur. Ils avaient fait la connaissance de Monsieur K__________ en décembre 1997. A ce moment-là, ils avaient cédé une partie des actifs à W__________SA et le bilan devait être déposé. Monsieur K__________ leur avait expliqué qu’il désirait utiliser la société pour une autre activité, qui devait permettre de rembourser, du moins en partie, les créanciers. Convaincus, les actionnaires lui avaient transféré le capital actions de la société et à partir de ce moment, ils n’étaient plus responsables des décisions prises par la société. Ils dressent enfin la liste des divers investissements par eux consentis à titre personnel.

La Caisse n’a pas souhaité se déterminer.

Les autres allégués des parties seront repris en tant que de besoin dans la partie « en droit » qui suit.

 


 

EN DROIT

1. La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

2. Conformément à l'art. 56 V al. 1 let. a ch.1 LOJ, le Tribunal cantonal des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 LPGA qui sont relatives à la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946. Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

3. La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de l’AVS, notamment en ce qui concerne l’art. 52 LAVS. Désormais, la responsabilité de l’employeur est réglée de manière plus détaillée qu’auparavant à l’art. 52 LAVS et les articles 81 et 82 du Règlement sur l’assurance vieillesse et survivants (RAVS) ont été abrogés. Le cas d’espèce reste toutefois régi par les dispositions en vigueur jusqu’au 31 décembre 2002, eu égard au principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminant se sont produits (ATF 127 V 467 consid. 1).

4. Aux termes de l'art. 82, al. 1 RAVS, le droit de demander la réparation d'un dommage se prescrit lorsque la caisse de compensation ne le fait pas valoir par une décision de réparation dans un délai d'une année à compter du moment où elle a eu connaissance du dommage et, en tout cas, à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter du fait dommageable.

Contrairement à la teneur de cette disposition, il s'agit en l'occurrence d'un délai de péremption à considérer d'office (cf. ATF 112 V 8, consid. 4c; RCC 1986 p. 493). Lorsque ce droit dérive d'un acte punissable soumis par le code pénal à un délai de prescription de plus longue durée, ce délai est applicable (art. 82, al. 2 RAVS).

Le Tribunal fédéral des assurances (TFA) a posé le principe qu'une caisse de compensation a "connaissance du dommage" au sens de la disposition précitée, à partir du moment où elle doit reconnaître, en y prêtant l'attention qu'on est en droit d'attendre d'elle et en tenant compte de la pratique, que les circonstances ne lui permettent plus de recouvrer les cotisations, mais pourraient justifier une obligation de réparer le dommage (ATF 116 V 75, consid. 3b; 113 V 181, consid. 2; 112 V 8, consid. 4d, 158; 108 V 52, consid. 5; RCC 1983, p. 108). Le fait déterminant est donc de constater qu'il n'y a "rien dont on puisse tirer profit, rien à distribuer" (cf. FRISCHE : "Schuldbetreibung und Konkurs II, 2ème éd. p. 112), d'où résulte la perte de la créance de la Caisse.

En cas de faillite ou de concordat par abandon d'actifs, la caisse n'a pas nécessairement connaissance du dommage au moment seulement où elle peut consulter le tableau de distribution et le compte final établis par l'Office des faillites ou le liquidateur, ou à la date à laquelle elle reçoit un acte de défaut de biens. En effet, celui qui subit une perte dans une faillite ou dans une procédure concordataire et veut intenter une action en dommages-intérêts a, en général, selon la pratique des tribunaux, déjà suffisamment connaissance du dommage, au moment où la collocation des créances lui est notifiée, ou à celui où l'état de collocation et l'inventaire ont été déposés et peuvent être consultés. A ce moment-là, le créancier est, ou devrait être en général, en mesure de connaître l'état des actifs, la collocation de sa créance et le dividende probable (cf. ATF 116 II 161 consid. 4a; 116 V 75, consid 3b = RCC 1990, p. 415, ATF 113 V 182 consid. 2 avec réf. = RCC 1987, p. 607).

Selon la jurisprudence, le dommage est réputé survenu lorsque les cotisations dues ne peuvent plus être perçues, pour des motifs juridiques ou de fait (ATF 113 V 258, consid. 3c; RCC 1988, p. 137; BGE 109 V 92, consid. 9 et les arrêts cités; RCC 1983, p. 477). Lorsque les cotisations demeurent impayées en raison de l'insolvabilité de l'employeur (personne morale), le dommage est réputé survenu au moment où les créances de cotisations sont irrécouvrables, c'est-à-dire au moment où, eu égard à l'insolvabilité de l'employeur, les cotisations ne peuvent plus être perçues selon la procédure ordinaire (ATF 112 V 157, consid. 2; Maurer, Schweizerisches Sozialversicherungsrecht, volume II, p. 69).

5. En l’espèce la faillite a été prononcée le 26 janvier 1999. L’Office des poursuites et faillites a informé la Caisse le 25 octobre 2000 qu’aucun dividende n’était prévisible pour les créanciers 3ème classe. C’est à ce moment-là que la demanderesse a su qu’elle subirait un dommage. Force dès lors est de constater que par son action en réparation du dommage notifiée le 3 juillet 2001, la Caisse a respecté le délai de péremption d’un an dès la connaissance du dommage prévu à l’art. 82 al. 1 RAVS (RCC 1990, p. 302).

Selon l’art. 82 RAVS, le délai de péremption de cinq ans débute en revanche au moment où survient le dommage. Le dommage survient dès que l'on doit admettre que les cotisations dues ne peuvent plus être recouvrées pour des motifs juridiques ou des motifs de fait (ATF 126 V 444 consid. 3a, 121 III 384 consid. 3bb, 388 consid. 3a). Ainsi en cas de faillite, en raison de l'impossibilité pour la caisse de récupérer les cotisations dans la procédure ordinaire de recouvrement, le dommage subi par la caisse est réputé être survenu le jour de la faillite; le jour de la survenance du dommage marque celui de la naissance de la créance en réparation (ATF 123 V 16 consid. 5c) et la date à partir de laquelle court le délai de 5 ans de l'art. 82 al. 1 in fine RAVS (fait dommageable). La faillite ayant été prononcée le 26 janvier 1999, le délai de cinq ans a également été respecté.

Monsieur K__________ a formé opposition le 11 juillet 2001, Messieurs H__________, D__________ et Madame H__________ le 3 septembre 2001, soit en temps utile (art. 81 al. 2 RAVS), compte tenu de la suspension des délais du 15 juillet au 15 août (ATFA non publié R.F.H. du 27 février 1996).

6. La Caisse a déposé une requête en mainlevée de l’opposition formée par Monsieur K__________ le 17 août 2001 et de l’opposition formée par Messieurs H__________ et D__________ ainsi que Madame H__________ le 2 octobre 2001, soit dans le délai de 30 jours, de sorte qu’elles sont recevables à la forme (art. 81 al. 3 RAVS).

7. Vu l’étroit lien de connexité existant entre ces deux requêtes, il se justifie de joindre les deux causes.

8. Celles-ci ont été transmises d’office au présent Tribunal le 1er août 2003 conformément à l’art. 3 al. 3 LOJ.

9. Aux termes de l'art. 52 LAVS, l'employeur doit couvrir le dommage qu'il a causé en violant les prescriptions intentionnellement ou par négligence grave. Il sied de rappeler que l'art. 52 LAVS est une disposition spéciale (RCC 1989 p. 117).

10. En l’espèce, le dommage consiste en la perte de la créance de cotisations subie par la Caisse dans la faillite de la société Z__________ SA pour un montant de Fr. 204'934,95 représentant les cotisations paritaires AVS-AI encore dues par la société de 1994 à 1998, y compris les frais et les intérêts moratoires. Le décompte établi par la Caisse se présente comme suit :

 

Salaires de 1994 Fr. 629'426,35

Cotisations Fr. 77'433,45

Versements Fr. 68'004,20

Solde dû: Fr. 20'822,75

 

Salaires de 1995 Fr. 651'406,80

Cotisations Fr. 86'580,20

Versements Fr. 34'144,--

Solde dû: Fr. 63'218,30

 

Salaires de 1996 Fr. 575'322,60

Cotisations Fr. 76'500,35

Versements Fr. 37'559,80

Solde dû: Fr. 45'184,65

 

Salaires de 1997 Fr. 596'376,95

Cotisations Fr. 79'703,65

Versements Fr. 15'200,--

Solde dû: Fr. 70'663,30

 

Salaires de 1998 Fr. 92'455,90

Cotisations Fr. 12'104,45

Versements Fr. 7'159,50

Solde dû: Fr. 5'054,95

dont 879 fr. 30 sont échus au 30 avril 1998.

Le paiement du montant total, soit 204'943 fr. 35, est réclamé à Monsieur K__________. Seul en revanche ce qui correspond aux cotisations échues au 30 avril 1998, soit 200'768 fr. 30, l’est aux trois autres défendeurs. Les montants en tant que tels ne sont pas contestés.

11. L'art 14 al. 1 LAVS, en corrélation avec les art. 34 et ss. RAVS, prescrit l'obligation pour l'employeur de déduire sur chaque salaire la cotisation du salarié et de verser celle-ci à la caisse de compensation avec sa propre cotisation. Les employeurs doivent envoyer aux caisses périodiquement les pièces comptables concernant les salaires versés à leurs salariés, de manière à ce que les cotisations paritaires puissent être calculées et faire l'objet de décisions.

L'obligation de payer les cotisations et de fournir des décomptes est, pour l'employeur, une tâche de droit public prescrite par la loi. A cet égard, le Tribunal fédéral des assurances (TFA) a déclaré, à réitérées reprises, que la responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 LAVS est liée au statut de droit public (ATF 112 V 155, consid. 5 ; RCC 1987 p. 220). L'employeur qui ne s'acquitte pas de cette tâche commet une violation des prescriptions au sens de l'art. 52 LAVS, ce qui entraîne pour lui l'obligation de réparer entièrement le dommage ainsi occasionné (ATF 111 V 173, consid. 2 ; 180 V 186, consid. 1a, 192 consid. 2a ; RCC 1985 p. 646, consid. 3a).

Le TFA a affirmé expressément que l’obligation légale de réparer le dommage ne doit être reconnue que dans les cas où le dommage est dû à une violation intentionnelle ou par négligence grave, par l’employeur, des prescriptions régissant l’AVS (RCC 1978, p. 259 ; RCC 1972, p. 687). La caisse de compensation qui constate qu’elle a subi un dommage par suite de la non-observation de prescriptions peut admettre que l’employeur a violé celles-ci intentionnellement ou du moins par négligence grave, dans la mesure où il n’existe pas d’indice faisant croire à la légitimité de son comportement ou à l’absence d’une faute (cf. ATFA du 28 juin 1982, RCC 1983, p. 101).

12. Lorsque l'employeur est une personne morale, ses organes répondent solidairement, à titre subsidiaire, du dommage causé par celui-ci, notamment quand la personne morale n'existe plus au moment où la responsabilité est engagée (cf. No 6003 des directives de l'OFAS sur la perception des cotisations - DP; ATF 114 V 79, consid. 3; 113 V 256, consid. 3c; RCC 1988, page 136, consid. 3c; ATF 111 V 173, RCC 1985, page 649, consid. 2.).

Par "organe", il faut entendre toute personne physique qui représente la personne morale à l'extérieur ou qui peut exercer une influence décisive sur le comportement de celle-ci (cf. no 6004 DP). Lorsqu'il est saisi du cas d'une société anonyme, le TFA s'est toujours référé à l'art. 754 al.1, en corrélation avec l'art. 759 al. 1 CO. Conformément à ces articles, toutes les personnes chargées de l'administration, de la gestion ou du contrôle, répondent, à l'égard de la société, de même qu'envers chaque actionnaire ou créancier social, du dommage qu'elle leur cause en manquant intentionnellement ou par négligence à leurs devoirs et les personnes qui répondent d'un même dommage en sont tenues solidairement.

En l’occurrence, selon l’extrait du registre du commerce, Madame H__________ ainsi que Messieurs H__________ et D__________ étaient administrateurs de la société jusqu’en mai 1998, date à laquelle Monsieur K__________ a repris la fonction, ce jusqu’à la faillite. Ils ont dès lors tous les quatre indiscutablement la qualité d’organes formels de la société anonyme (cf. FORSTMOSER, op. cit. N° 654 et 655, p. 2089 ; GUHL, MERZ & KUMMER, Das schweizerische Obligationenrecht, 7ème édition, p. 691; ATF 86 II 271 et 93 II 22).

13. De jurisprudence constante, le TFA a reconnu qu’il y a négligence grave lorsque l'employeur ne se conforme pas à ce qui peut être raisonnablement exigé de toute personne capable de discernement, dans une situation identique et dans les mêmes circonstances (RCC 1972, p. 690). La mesure de ce que l'on est en droit d'exiger à cet égard doit donc être évaluée d'après ce que l'on peut ordinairement attendre, en matière de comptabilité et de gestion, d'un employeur de la même catégorie que l'intéressé-e. Lorsqu’il s’agit d’une société anonyme, on peut, par principe, poser des exigences sévères en ce qui concerne l’attention qu’elle doit accorder au respect des prescriptions (RCC 1972, p. 690 ; RCC 1978, p. 261). Une différenciation semblable s’impose également, lorsqu’il s’agit d’apprécier la responsabilité subsidiaire des organes de l’employeur (ATF 108 V 202 consid. 3a; RCC 1985, p. 51, consid. 2a et p. 648, consid. 3b).

Selon la jurisprudence du TFA, pour admettre l’existence d’un comportement intentionnel, il suffit que l’administration d’une société en difficulté ait fait passer avant le paiement des cotisations d’autres dépenses qu’elle jugeait – à tort ou à raison – absolument indispensables à la survie de l’entreprise cela même si elle a été chargée d’intervenir dans une situation déjà compromise qu’il s’agissait de redresser et qu’elle a dû parer au plus pressé pour éviter la faillite. On doit admettre dans ces conditions que l’administration a commis une faute ou à tout le moins une négligence grave lorsqu’au moment où elle a pris en mains la gestion puis tout au long de son activité la survie de la société n’était pas raisonnablement envisageable (ATFA non publié A. SA. du 21.04.1988). Il peut arriver qu’en retardant le paiement de cotisations, l’employeur parvienne à maintenir son entreprise en vie par exemple lors d’une passe délicate dans la trésorerie. Il faut pour qu’un tel comportement ne tombe pas ultérieurement sous le coup de l’art. 52 LAVS que l’on puisse admettre que l’employeur avait au moment où il a pris sa décision des raisons sérieuses et objectives de penser qu’il pourrait s’acquitter de sa dette dans un délai raisonnable (RCC 1985, p. 604). Le TFA a jugé que ce n’était pas le cas lorsque l’exercice de la première année concernée s’est soldé par une perte et que la situation n’a fait que s’aggraver. Il a en effet considéré qu’on ne peut parler dans ces conditions d’une absence momentanée de ressources qui ferait apparaître comme non-fautive une violation des prescriptions en matière d’AVS (ATFA non publié M.W. du 20.05.1988).

L’administrateur qui consent à un prêt relativement important à la société pour lui permettre de faire face à des engagements pressants, mais qui ne prend aucune mesure en vue de mettre réellement fin à la gestion illicite, commet une faute grave (RCC 1983, p.102).

14. Les défendeurs allèguent que Madame H__________ a financé la société par l’apport d’une promesse de vente d’un terrain dont elle était propriétaire signée le 9 février 1990, promesse qu’il lui a fallu cependant renégocier en 1992 pour un prix inférieur, et à la condition qu’elle assure la survie de X__________ SA pendant la durée du projet immobilier concerné. Il apparaît ainsi en réalité que les défendeurs ont pris le risque d’aggraver le dommage causé à la caisse en attendant que la vente se réalise. Ils ont vraisemblablement espéré qu’ils seraient en mesure alors de s’acquitter de l’arriéré des charges sociales. Le nouveau prix convenu de 8'150'000 fr. aurait certes couvert le montant des charges sociales dues par la société même après déduction de la dette hypothécaire. Il ne s’agissait cependant là que d’une promesse de vente qui n’a du reste finalement pas été honorée, ce en 1995 déjà. On ne peut dans ces conditions admettre que l’employeur a poursuivi l’exploitation parce qu’il pensait qu’il pourrait s’acquitter de sa dette de cotisations dans un délai raisonnable.

Le Tribunal de céans considère que la poursuite de l’exploitation de l’entreprise dans ces conditions était pour le moins hasardeuse, d’autant que le premier exercice comptable s’était soldé par une perte. Les intimés soulignent que les résultats comptables s’étaient progressivement améliorés entre 1992 et 1995. Force est cependant de relever que la situation financière restait précaire vu l’importance des dettes. Dès sa création, la société a rencontré de grandes difficultés de trésorerie de sorte qu’elle s’était rapidement endettée (dettes fiscale, sociale et de fournisseurs). La dette a crû chaque année, précisément parce que les défendeurs, bien que s’acquittant effectivement des cotisations courantes, ne versaient pas de montants suffisants pour couvrir l’ensemble de l’arriéré. Il y a ainsi lieu de relever que pour chaque année le montant des cotisations courantes dépassait sensiblement celui des versements. Le fait que les cotisations 1994 et 1995 n’aient pas été acquittées en totalité alors même que la situation s’était progressivement améliorée jusqu’à atteindre un résultat positif en 1995 démontre bel et bien la volonté de favoriser d’autres créanciers au détriment de la Caisse.

Force est de reconnaître que toute personne raisonnable dans leur situation n’aurait pas poursuivi ses activités au sein de la société au vu des difficultés financières durables auxquelles celle-ci devait faire face. Il y a lieu à cet égard de relever qu’en février 1994, la situation financière de la société est décrite par un employé comme catastrophique (cf. pièce 175 chargé Caisse).

Il est enfin possible de qualifier de légère la négligence commise par l’administrateur si les cotisations n’ont pas été payées seulement pendant une courte période (VSI 1996, p. 228). Or en l’espèce, l’arriéré dû remonte à l’année 1994 déjà et porte sur un montant de 204'943 fr. 95.

Les intimés font valoir leurs recherches de financement auprès de diverses institutions et d’autres solutions de fusion, absorption avec ou par des entreprises de la branche. Ils n’ont cependant pris aucune mesure en vue de mettre réellement fin à la gestion illicite. Ils allèguent avoir diminué les charges sociales. Une telle diminution ne se constate cependant guère sur le décompte de la Caisse, lui-même fondé sur les attestations de salaire annuelles fournies par la société, à l’exception de 1998. Il y a par ailleurs lieu de relever qu’en 1996 et 1997, la Caisse a été contrainte de les menacer du dépôt d’une plainte pénale afin qu’ils s’acquittent de la part pénale des cotisations sociales.

Ils ont certes sollicité de la Caisse des plans de paiement mais aucun n’a été sérieusement suivi. Ils relèvent avoir dûment payé les premiers acomptes convenus dans le cadre d’un arrangement intervenu le 3 mars 1998, et n’avoir pu continuer que parce que leur mandat prenait fin en mai 1998. Il paraît abusif de prétendre que leur responsabilité ne serait pas engagée.

Au vu de ces considérations et de la jurisprudence susmentionnée Madame H__________, Messieurs H__________ et D__________ doivent être tenus responsables du dommage causé à la Caisse. Leur opposition sera par conséquent levée.

20. Monsieur K__________ considère quant à lui qu’il n’a pas à répondre du dommage subi par la Caisse, du fait qu’il n’a été administrateur que du 18 mai 1998 au 26 janvier 1999.

S’agissant de la quotité du dommage au sens de l’art. 52 LAVS, le TFA prévoit que l’administrateur d’une société anonyme répond du dommage depuis le jour de son entrée au conseil d’administration, sans égard à la date d’inscription au registre du commerce (VSI 1998 p.166). Le conseil d’administration répond aussi des cotisations des assurances sociales dues par l’entreprise, même si celles-ci sont déjà échues au moment où il commence d’assumer son mandat. En effet, lorsqu’il prend en charge son mandat, le membre d’un conseil d’administration assume la responsabilité aussi bien des charges d’assurances sociales en cours que de celles qui sont restées impayées par l’entreprise et qui portent sur des années antérieures. Il est de son devoir de veiller à ce que soient payées non seulement les cotisations en cours, mais également les cotisations échues dues depuis des années. Il n’y a pas de raisons de faire la différence entre ces deux sortes d’obligations : il y a, dans les deux cas, un lien de cause à effet entre l’inaction de l’organe et le non-paiement des cotisations dues pour la période antérieure (arrêt du TFA du 25 mars 1992, en la cause W. et A. H. ; RCC 1992, page 269 ad consid. 7b).

Le TFA a précisé cette jurisprudence dans un arrêt publié dans le VSI 1994, 212 selon lequel un membre du conseil d’administration n’encourt pas de responsabilité fondée sur l’art. 52 LAVS pour le dommage causé à la caisse avant son entrée au conseil d’administration, dans le cas où celui-ci était déjà réalisé (la société était insolvable) et que le nouvel administrateur n’y pouvait rien changer. En revanche, sa responsabilité doit être reconnue pour le dommage survenu postérieurement à son entrée au conseil d’administration.

Il est difficile de déterminer si la société était ou non insolvable au moment où Monsieur K__________ en est devenu administrateur, soit en mai 1998, aucune pièce comptable n’ayant pu être produite. Il appert cependant de la partie en fait qui précède que le 19 décembre 1997, la société avait cédé ses actifs à Z__________SA et que lorsque Monsieur K__________ est devenu administrateur, la société s’apprêtait à déposer le bilan. Il convient également de rappeler qu’en février 1994 déjà, la situation financière était décrite comme catastrophique.

Il y a dès lors lieu de tenir compte du fait que Monsieur K__________ n’a été administrateur que du 18 mai 1998 au 26 janvier 1999.

Monsieur K__________ ne conteste pas au fond avoir engagé sa responsabilité au sens de l’art. 52 LAVS. Il n’a invoqué aucun motif qui permettrait de rendre son comportement excusable, sinon de soutenir que sa responsabilité ne porterait que sur la duré limitée de son mandat d’administrateur. Son opposition sera dès lors levée à concurrence du montant représentant les cotisations restées impayées du 18 mai 1998 jusqu’à fin 1998, soit 4'175 fr. 65.

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ

Préalablement :

Ordonne la jonction des causes A/1509/2001 et A/1510/2001 sous le N° A/1509/2001.

A la forme :

Déclare recevable les demandes en mainlevée déposées les 17 août et 2 octobre 2001 par la Caisse cantonale genevoise de compensation dirigées contre Monsieur K__________ d’une part et, Madame H__________, Messieurs H__________ et D__________ d’autre part.

Au fond :

3. Lève l’opposition formée par Monsieur K__________ à concurrence de 4'175 fr. 65.

4. Lève l'opposition formée par Madame H__________ et Messieurs H__________ et D__________ à concurrence de 200'768 fr. 30.

5. Déboute les parties de toutes autres ou contraires conclusions.

6. Dit que la procédure est gratuite.

7. Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu'il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l'enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

La greffière :

Marie-Louise QUELOZ

 

La Présidente :

Doris WANGELER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales par le greffe le