A/1611/2003

ATAS/364/2005 du 03.05.2005 ( LAA ) , REJETE

Pdf
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1611/2003 ATAS/364/2005

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

1ère chambre

du 3 mai 2005

En la cause

Monsieur C__________, comparant par Me Elisabeth ZIEGLER, avocate, en l’Etude de laquelle il élit domicile

recourant

contre

CAISSE NATIONALE SUISSE D’ASSURANCE EN CAS D’ACCIDENTS (SUVA), sise Fluhmattstrasse 1 à Lucerne

intimée


EN FAIT

Monsieur C__________, né en février 1952, est employé en tant que maçon par la société X__________ ENTREPRISE GENERALE DE CONSTRUCTIONS SA depuis le 14 septembre 1998. En raison de douleurs dorsales, celui-ci a été totalement empêché de travailler dès le 16 avril 2002.

En date du 16 mai 2002, l’assuré a fait une chute de vélo à la suite de laquelle il a ressenti des douleurs du membre supérieur droit, en particulier au coude, ainsi qu’au poignet. Cet événement a été annoncé le 31 mai 2002 à la CAISSE NATIONALE SUISSE D’ASSURANCE EN CAS D’ACCIDENTS (ci-après : SUVA).

Le 23 mai 2002, suite à une radiographie, le Dr L__________, radiologue, a indiqué qu’il existait une forte suspicion de dislocation de la syndesmose temporo-malaire droite, post-traumatique. En date du 31 mai 2002, suite à une tomodensitométrie cérébrale, ce médecin a conclu à une fracture de l’arcade zygomatique droite, sans déplacement du fragment libre et sans répercussion sur les tissus avoisinants.

Le 11 juin 2002, l’assuré a consulté le Dr M__________, neurologue, lequel a pratiqué un EMG. Dans son rapport du 14 juin 2002 ce médecin a conclu que l’EMG avait montré des anomalies bilatérales des neurographies sensitives, probablement en relation avec une polyneuropathie. Il était possible que la branche superficielle du cubital droit ait une souffrance supplémentaire d’origine traumatique, ce qui serait la seule anomalie en relation avec l’accident.

Dans un rapport du 7 août 2002 à l’attention de la SUVA, la Dresse N__________ a diagnostiqué une fracture du malaire, une suspicion de dislocation de la syndesmose temporo-malaire droite, ainsi qu’une polyneuropathie du nerf cubital post traumatique. Le patient était totalement incapable de travailler et une reprise à 50% était envisageable dès le 1er septembre 2002.

Le 9 septembre 2002, dans un rapport intermédiaire, la Dresse N__________ a indiqué que le patient se plaignait de céphalées et de troubles de la mastication. Une expertise était souhaitable pour évaluer la reprise du travail.

Le Dr O__________, chirurgien et médecin-conseil de la SUVA, a examiné l’assuré le 2 octobre 2002. Dans son rapport du lendemain, ce médecin a relevé de discrètes douleurs dans la région de la mâchoire et une réduction globale de la mobilité de l’épaule, du coude, du poignet et de la main à droite avec un manque de force. Une réduction de la mobilité de la cheville était connue depuis un accident de 1990, suite auquel la SUVA avait accordé à l’assuré une indemnité pour atteinte à l’intégrité, de même qu’une rente de 25%. Le Dr O__________ a indiqué que l’état n’était pas stabilisé et a proposé un séjour à la Clinique romande de réadaptation (ci-après : CRR). L’incapacité de travail restait justifiée en fonction des troubles au membre supérieur droit.

Du 16 octobre au 8 novembre 2002, l’assuré a séjourné à la CRR. Il ressort de l’avis de sortie du 12 novembre 2002 rédigé par le Dr P__________ que l’assuré était toujours totalement incapable de travailler en raison d’une crise de goutte polyartriculaire encore active qui empêchait d’évaluer ses limitations fonctionnelles. Suite à un consilium psychiatrique du 21 octobre 2002, le Dr Q__________, psychiatre, a diagnostiqué un vraisemblable trouble de l’adaptation avec humeur dépressive. Il n’y avait toutefois pas de mesures thérapeutiques à proposer.

Dans le rapport final de la CRR du 19 novembre 2002, les Dr R__________ et P__________ ont diagnostiqué des thérapies physiques et fonctionnelles (diagnostic primaire). Ils ont relevé qu’un accident sur la voie publique avait notamment causé des contusions et une fracture de l’arcade zygomatique droite (diagnostics secondaires). A partir du 27 octobre 2002, une crise de goutte polyarticulaire avait pu être mise en évidence. Ce diagnostic avait déjà été évoqué par d’autres médecins auparavant, mais n’avait jamais été recherché par une ponction articulaire. D’un point de vue théorique, une reprise de l’activité professionnelle au taux habituel serait possible au décours de l’atteinte arthritique. Cependant, il existait une accumulation des problèmes médicaux-chirurgicaux et psychosociaux chez le patient qui présentait de faibles ressources et s’orientait vers un processus d’invalidation, ce qui constituait un mauvais pronostic quant à la reprise du travail.

Après avoir réexaminé l’assuré le 8 janvier 2003 pour le compte de la SUVA, le Dr O__________ a relevé une réduction de la mobilité du membre supérieur droit, tant au niveau de l’épaule, du coude et de la main, associée à une certaine enflure de la main. Le diagnostic de goutte posé par la CRR correspondait à une maladie sans rapport de causalité certaine ou probable avec l’accident du 16 mai 2002. Cette affection de nature maladive entraînait une incapacité de travail, alors qu’il n’y avait plus d’incapacité de travail à retenir sur le plan de l’accident. Les troubles résiduels au niveau de la face et de la mandibule n’avaient pas de répercussion sur la capacité de travail, mais ne pouvaient être considérés comme stabilisés.

Dans un certificat intermédiaire du 8 janvier 2003, la Dresse N__________ a indiqué que l’état de son patient était stationnaire et qu’une expertise neurologique était souhaitable.

Par décision du 15 janvier 2003, la SUVA a informé l’assuré qu’elle arrêterait le paiement des indemnités journalières dès le 1er février 2003 et que ses prestations se limiteraient au versement de la rente d’invalidité de 25% qui lui était allouée depuis 1992. Concernant le traitement médical, seuls des contrôles médicaux espacés de la face et de la mandibule seraient encore pris en charge par la SUVA.

Par courrier du 23 janvier 2003, l’assuré s’est opposé à cette décision, mais a admis que son cas serait stabilisé au 31 janvier 2003. Par contre, il estimait avoir droit à une rente pour les séquelles de son accident qui consistaient en une perte de force et de mobilité du membre supérieur droit, ainsi qu’une perte de la capacité de préhension de la main droite. Par ailleurs, il souffrait également de maux de tête avec sinusite récalcitrante en raison de l’accident.

Le 31 mars 2003, l’assuré a déclaré maintenir son opposition et demandé à la SUVA de déterminer son taux d’invalidité consécutif à l’accident. A l’appui de sa demande, il a produit un rapport de la Dresse N__________ du 31 mars 2003, signé par le Dr S__________. Selon ce rapport, l’assuré ne pouvait exercer aucune activité physique qui entraînait le mouvement du membre supérieur droit. Une expertise médicale orthopédique et neurologique était nécessaire. Par ailleurs, l’alcoolisme chronique de l’assuré était un facteur déclenchant de crises de goutte.

Dans un rapport intermédiaire du 14 avril 2003, la Dresse N__________ a rappelé qu’une expertise neurologique était souhaitable et que son patient était toujours en incapacité totale de travailler.

Par décision du 3 juin 2003, la SUVA a rejeté l’opposition et confirmé sa décision initiale. Il n’était pas contestable que l’assuré souffrait notamment de la maladie de la goutte, sous une forme polyarticulaire. Ce diagnostic avait été confirmé par tous les médecins ayant examiné le patient, soit les Dr O__________, R__________, P__________ et N__________. Le Dr O__________ avait affirmé que cette maladie était sans rapport avec l’événement assuré. L’assuré n’avait amené aucun élément médical déterminant permettant de douter du bien-fondé de la conclusion du Dr O__________ sur ce point. Aucune atteinte neurologique résultant de l’accident n’avait été mise en évidence à la lecture du dossier et la Dresse N__________ ne faisait état que d’une suspicion de lésion du nerf cubital droit. Les seuls troubles résiduels résultant de l’accident ne causaient plus d’incapacité de travail au-delà du 31 janvier 2003 et l’assuré n’avait pas amené d’élément attestant d’une incapacité de travail due aux maux de tête et sinusites. La SUVA pouvait par ailleurs renoncer à administrer des preuves supplémentaires si elle avait la conviction que certains faits matériels atteignaient un degré de vraisemblance prépondérante.

Par acte du 28 août 2003, l’assuré a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal de céans concluant à ce que la SUVA continue à lui verser des prestations au-delà du 31 janvier 2003. A l’appui de son recours, l’assuré a produit un certificat du Dr T__________, chef de clinique adjoint au Département des Neurosciences de l’Hôpital Cantonal, établi le 21 août 2003. Il ressortait de ce document que l’assuré présentait des séquelles importantes d’une chute survenue le 17 mai 2002 se manifestant par une diminution des amplitudes du rachis cervical et de l’épaule droite ainsi que du poignet chez un droitier. Devant un tel tableau, il était cliniquement difficile d’envisager une reprise de l’activité de maçon.

Dans sa réponse du 30 septembre 2003, la SUVA a conclu au rejet du recours. Selon la SUVA, le rapport du Dr O__________ du 9 janvier 2003 remplissait les exigences jurisprudentielles en matière de valeur probante. Ce médecin avait conclu que les troubles du membre supérieur droit étaient d’ordre maladif et non traumatique et que les séquelles accidentelles peu importantes n’entraînaient pas d’incapacité de travail. Cette appréciation avait été confirmée par le Dr U__________, spécialiste en chirurgie orthopédique de la médecine des assurances de la SUVA, à qui le dossier avait été soumis pour appréciation suite au recours et qui s’était prononcé après avoir fait une anamnèse détaillée et en se référant à la doctrine médicale topique. Le Dr U__________ était parvenu aux mêmes conclusions que le Dr O__________. Il avait également expliqué en quoi l’opinion du Dr T__________ était mal fondée et devait être écartée, de même que celle de la Dresse N__________. Enfin, l’origine du vraisemblable trouble de l’adaptation avec humeur dépressive relevé par les médecins de la Clinique de réadaptation ne résidait en aucun cas dans la chute du 16 mai 2002. Ainsi, en l’absence de rapport médical probant susceptible de contredire l’avis étayé des Dr O__________ et U__________, il y avait lieu de suivre leurs conclusions.

Le 16 janvier 2005, le recourant a transmis au Tribunal de céans un rapport du 14 décembre 2004 du Service de Rééducation de l’Hôpital Cantonal, suite à une hospitalisation récente en raison d’un mal épileptique. Selon les Dr V__________ et W__________, cet état de mal épileptique était resté d’origine indéterminée. Il n’avait pas été possible de déterminer s’il avait entraîné des contusions hémorragiques ou si, à l’inverse, une rupture d’anévrisme avait entraîné, secondairement, l’état de mal épileptique. Les médecins retenaient comme étiologie la plus vraisemblable un état de mal épileptique, dans le contexte de l’ancien traumatisme crânio-cérébral de 2002, ayant entraîné des contusions hémorragiques. L’assuré avait été hospitalisé du 1er novembre au 3 décembre 2004, période durant laquelle il n’avait pas consommé d’alcool. Selon les médecins, il était important de rediscuter avec lui d’une prise en charge ambulatoire à la Policlinique d’Alcoologie, afin de réduire au maximum le risque de récidive épileptique.

Par détermination du 24 mars 2003, la SUVA a confirmé le contenu de ses conclusions et de son mémoire-réponse du 30 septembre 2003. Elle a indiqué avoir soumis le rapport des Dr V__________ et W__________ au Dr U__________. Dans son appréciation du 17 mars 2005, ce dernier a indiqué qu’il était prématuré de conclure que l’étiologie la plus vraisemblable de la crise développée par l’assuré était de nature post traumatique et qu’elle se rattachait à l’accident de 2002. Il existait à tout âge un faible risque de développement spontané d’une crise d’épilepsie. Certains facteurs de risque étaient bien connus et l’alcoolisme y participait. Un diagnostic d’éthylisme chronique avait été posé chez l’assuré en 2002 déjà. L’atteinte cérébrale traumatique était un autre facteur de risque bien connu de l’épilepsie, qualifiée alors de post traumatique. Il découlait d’une vaste étude que le risque de souffrir d’une épilepsie des suites d’une commotion cérébrale était extrêmement faible. S’agissant de l’assuré, on ne pouvait évoquer un diagnostic d’épilepsie post traumatique vu l’absence de données anamnestiques témoignant qu’il ait subi une commotion cérébrale le 16 mai 2002, même mineure. De ce fait, on devait conclure que la crise d’épilepsie qu’il avait faite n’était pas une séquelle tardive et probable de sa chute à vélo, sans étayer cette hypothèse, alors que l’origine maladive était tout aussi plausible. Cette appréciation avait été rédigée après avoir pris conseil auprès d’un spécialiste en neurologie, le Dr Y__________.

Le 14 avril 2005, cette écriture a été transmise au recourant et la cause a été gardée à juger par le Tribunal de céans.

EN DROIT

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

Le Tribunal cantonal des assurances sociales statue, en instance unique, sur les contestations relatives à la loi fédérale sur l’assurance-accidents du 20 mars 1981 notamment (ci-après LAA ; art. 56V al. 1 lettre a LOJ).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

La loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant de nombreuses modifications dans le domaine de l’assurance accident. Aux termes de l’art. 118 al. 1er LAA, les prestations d’assurances allouées pour les accidents qui sont survenus avant l’entrée en vigueur de la loi sont régies par l’ancien droit. L’accident ayant eu lieu le 16 mai 2002, le présent litige sera en conséquence examiné à la lumière des dispositions de la LAA en vigueur jusqu’au 31 décembre 2002. En revanche, les règles de procédure sont immédiatement applicables (art. 82 LPGA ; ATF 127 V 427 consid. 1).

En ce qui concerne le délai de recours, l’art. 60 LPGA prévoit que le recours doit être déposé dans les trente jours suivant la notification de la décision sujette à recours. L’art. 106 LAA précise cependant qu’en dérogation à l’art. 60 LPGA, le délai de recours est de trois mois pour les décisions sur opposition portant sur les prestations d’assurance. Déposé dans les forme et délai imposés par la loi, le présent recours est recevable.

Le litige porte sur le droit du recourant à des prestations d'assurance de la SUVA. Il s'agit, singulièrement, de déterminer si c’est à juste titre que la SUVA a mis fin aux prestations de l’assurance-accidents avec effet au 31 janvier 2003.

En vertu de l'art. 6 al. 1 LAA, l'assureur accidents ne répond des atteintes à la santé que lorsqu'elles sont en relation de causalité non seulement naturelle, mais encore adéquate avec l'événement assuré (ATF 119 V 335 consid. 1 p. 337). Dans l'éventualité où le lien de causalité naturelle n'a pas été prouvé, il est alors superflu d'examiner s'il existe un rapport de causalité adéquate (ATF 119 V 335 consid. 4c p. 346).

Par accident, on entend tout atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire. Par ailleurs, pour autant qu’elles ne soient pas manifestement imputables à une maladie ou à des phénomènes dégénératifs, certaines lésions corporelles, sont assimilées à un accident, même si elles ne sont pas causées par un facteur extérieur de caractère extraordinaire. Il en va ainsi notamment des déchirures de muscles, des déchirures de tendons et des lésions de ligaments (art. 9 de l’ordonnance sur l’assurance-accidents du 20 décembre 1982 - OLAA)

Le droit à des prestations découlant d'un accident suppose donc d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette exigence est remplie lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire, en revanche, que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé; il faut et il suffit que l'événement dommageable, associé éventuellement à d'autres facteurs, ait provoqué l'atteinte à la santé physique ou psychique de l'assuré, c'est-à-dire qu'il se présente comme la condition sine qua non de celle-ci. Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 119 V 335 consid. 1 p. 337; 118 V 286 et les références).

La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré est propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat apparaissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 123 III 110 consid. 3a p. 112; 122 V 415 consid. 2a p. 416; 121 V 45 consid. 3a p. 49; 119 V 401 consid. 4a p. 406 et les références).

Selon la jurisprudence, si le rapport de causalité avec l'accident est établi selon la vraisemblance requise, l'assureur n'est délié de son obligation d'octroyer des prestations que si l'accident ne constitue plus la cause naturelle et adéquate de l'atteinte à la santé. De même que pour l'établissement du lien de causalité naturelle fondant le droit à des prestations, la disparition du caractère causal de l'accident eu égard à l'atteinte à la santé de l'assuré doit être établie au degré habituel de la vraisemblance prépondérante requis en matière d'assurances sociales. La simple possibilité que l'accident n'ait plus d'effet causal ne suffit pas. Dès lors qu'il s'agit dans ce contexte de la suppression du droit à des prestations, le fardeau de la preuve n'appartient pas à l'assuré mais à l'assureur (ATFA non publié du 7 juillet 2004 en la cause U 179/03 ; RAMA 2000 n° U 363 p. 46 consid. 2).

En relation avec les prestations dont le recourant prétend au versement (prestations pour soins, remboursement de frais et indemnités journalières), il convient d'ajouter qu'en vertu de l'art. 36 al. 1 LAA, ces dernières ne sont pas réduites lorsque l'atteinte à la santé n'est que partiellement imputable à l'accident assuré. En effet, la jurisprudence a souligné à cet égard (ATFA non publié du 9 juillet 2002 en la cause U 157/01) que lorsqu'un état maladif préexistant est aggravé ou, de manière générale, apparaît consécutivement à un accident, le devoir de l'assurance-accidents d'allouer des prestations cesse si l'accident ne constitue pas la cause naturelle (et adéquate) du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (status quo ante) ou à celui qui serait survenu tôt ou tard même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (status quo sine) (cf. RAMA 1992 n° U 142 p. 75 consid. 4b; MAURER, Schweizerisches Unfallversicherungsrecht, p. 469 nos 3 et 4; DEBRUNNER/RAMSEIER, Die Begutachtung von Rückenschäden, Berne 1990, p. 52; MEYER-BLASER, Die Zusammenarbeit von Richter und Arzt in der Sozialversicherung, Bulletin des médecins suisses 71/1990, p. 1093).

L'autorité administrative ou le juge ne doivent considérer un fait comme prouvé que lorsqu'ils sont convaincus de sa réalité (KUMMER, Grundriss des Zivilprozessrechts, 4ème édition, Berne 1984, p. 136; GYGI, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2ème édition, p. 278, ch. 5). Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 121 V 47 consid. 2a, 208 consid. 6b et la référence). Aussi n'existe-t-il pas en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (RAMA 1999 n° U 349, p. 478 consid. 2b, ATFA non publié du 25 juillet 2002 en la cause U 287/01).

En ce qui concerne la valeur probante d’un rapport médical, ce qui est déterminant c’est que les points litigieux aient fait l’objet d’une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées par la personne examinée, qu’il ait été établi en pleine connaissance de l’anamnèse, que la description du contexte médical et l’appréciation de la situation médicale soient claires et enfin que les conclusions de l’expert soient dûment motivées. Au demeurant, l’élément déterminant pour la valeur probante n’est ni l’origine du moyen de preuve ni sa désignation comme rapport ou comme expertise, mais bel et bien son contenu (ATF 125 V 352 consid. 3 a, 122 V 160 consid. 1c et les références).

De jurisprudence constante, lorsqu’aucun indice concret ne permet de douter du bien-fondé des appréciations émises par les médecins de la SUVA, les rapports de ces derniers ont valeur de preuve et cela, dans la mesure où la caisse n'était pas partie à la procédure au moment où ils ont été établis (ATF 104 V 209).

Le juge peut accorder une valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins de la SUVA aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard d'un assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés (ATF 125 V 353 consid. 3b/ee).

En l’espèce, le fait que le recourant a subi un accident le 16 mai 2002 est admis par les parties. Se pose la question de savoir si les troubles dont il a souffert au-delà du 31 janvier 2003 sont toujours dans un rapport de causalité avec cet événement.

Le médecin d’arrondissement de la SUVA, le Dr O__________, s’est prononcé à deux reprises sur le dossier après avoir procédé à deux examens complets et minutieux de l’état de santé de l’assuré. Il est parvenu à la conclusion qu’il n’y avait plus d’incapacité de travail à retenir qui soit due à l’accident du 16 mai 2002. Un diagnostic de goutte polyarticulaire touchant principalement le membre supérieur droit avait été posé par la Clinique de réadaptation, dans laquelle l’assuré avait passé un mois sur proposition du Dr O__________. Ce diagnostic correspondait à une maladie sans rapport avec l’accident, mais entraînait une incapacité de travail. S’agissant des troubles résiduels au niveau de la face et de la mandibule, ils n’avaient pas de répercussion sur la capacité de travail, mais justifiaient encore une prise en charge de contrôles espacés par la SUVA. Pour parvenir à ces conclusions, le Dr O__________ avait en ses mains les rapports des médecins ayant examiné l’assuré avant lui, dont ceux de la Clinique de réadaptation. Il s’est appuyé sur l’entier du dossier, de sorte qu’on ne peut que constater que ses rapports se basent sur un dossier bien étayé Son appréciation prend en considération les plaintes exprimées par l’assuré et a été établi en pleine connaissance de l’anamnèse. Tant la description du contexte médical que son appréciation sont claires et ses conclusions sont motivées. Dans la mesure où la SUVA n’était pas partie à la procédure au moment où ce rapport a été rendu et qu’il remplit les conditions jurisprudentielles, il doit se voir reconnaître pleine force probante.

Dans le cadre de la procédure, le Dr U__________, spécialiste en chirurgie orthopédique et en médecine des assurances, s’est également prononcé sur le dossier de manière extrêmement complète à deux reprises. Dans son premier rapport du 23 septembre 2003, il a commencé par rappeler l’anamnèse de l’assuré en détail et a examiné de manière approfondie tous les certificats médicaux des médecins s’étant prononcés sur le cas. Ensuite, il s’est appuyé sur la doctrine médicale topique pour expliquer ses conclusions, qui rejoignaient celles du Dr O__________ et qu’il a confirmées en tant que besoin. La diminution douloureuse des amplitudes articulaires du membre supérieur droit s’inscrivait vraisemblablement dans le cadre d’une évolution vers la chronicité d’une goutte polyarticulaire, entretenue en partie du fait qu’un des facteurs déclenchant ces crises, à savoir l’alcoolisme, n’avait pas pu être éradiqué. Par contre, des sinusites maxillaires pourraient encore apparaître, puisqu’il arrivait qu’elles se manifestent jusqu’à trois ans après l’accident. Ces épisodes devraient dans un tel cas être traités médicalement et cela à la charge de la SUVA. Cela n’influençait toutefois pas la capacité de travail et ne justifiait pas non plus le versement d’une indemnité pour atteinte à l’intégrité. Tout comme celui du Dr O__________, ce rapport remplit les exigences jurisprudentielles permettant de lui reconnaître pleine force probante. Bien que le Dr U__________ n’ait pas personnellement examiné l’assuré, son rapport est même plus complet et ses conclusions mieux motivées. Dans la mesure où il confirme celui du Dr O__________, il en constitue un complément véritablement décisif.

S’agissant du rapport du Dr T__________, sur lequel se base principalement le recourant pour justifier ses conclusions, on ne peut que constater qu’il est bien moins précis tant en ce qui concerne l’analyse du contexte médical qu’en ce qui concerne la justification des conclusions du médecin. En particulier, il ne tient pas du tout compte des conclusions des spécialistes de la Clinique de réadaptation, dans laquelle l’assuré a séjourné plus de trois semaines, et qui permettent d’expliquer pour quelle raison celui-ci souffre de certaines articulations. Pour le surplus, elles ne sont pas motivées. Pour ces raisons, le rapport du Dr T__________ ne saurait remettre en doute les conclusions des Dr O__________ et U__________ de la SUVA.

A ce sujet, il y a lieu de mentionner que les certificats médicaux de la Dresse N__________ ne sont pas suffisamment probants pour se prononcer sur la question qui se pose dans le cadre de la présente procédure. Ils sont en effet succincts et ne tiennent jamais compte du contexte médical dans son ensemble. Aucune explication n’est donnée entre le lien de causalité qui pourrait exister entre les problèmes dont se plaint l’assuré et l’événement accidentel du 16 mai 2002. L’appréciation de ce médecin devra donc également être écartée.

S’agissant du deuxième rapport du Dr U__________ du 17 mars 2005, suite à l’hospitalisation du recourant en raison d’un état de mal épileptique, il explique de manière convaincante pour quelle raison l’assureur-accidents ne saurait entrer en matière pour admettre une origine traumatique aux troubles épileptiques dont a souffert l’assuré. Le rapport de causalité entre l’accident et l’état de mal épileptique n’apparaît que comme possible, et les médecins du Secteur de Neurorééducation se contentent de poser des hypothèses dans leur rapport du 14 décembre 2004, soutenant principalement que l’état de mal épileptique était d’origine indéterminée.

Le Dr U__________ explique quant à lui longuement, en se fondant sur une doctrine médicale récente et étayée, qu’il était prématuré de conclure que l’étiologie la plus vraisemblable de la crise développée par l’assuré était de nature post traumatique et qu’elle se rattachait à l’accident de 2002. Il existait à tout âge un faible risque de développement spontané d’une crise d’épilepsie et certains facteurs de risque comme l’alcoolisme dont souffrait l’assuré y participaient. S’agissant de l’assuré, on ne pouvait évoquer un diagnostic d’épilepsie post traumatique vu l’absence de données anamnestiques témoignant qu’il ait subi une commotion cérébrale le 16 mai 2002, même mineure. La crise d’épilepsie ne pouvait donc pas être considérée comme une séquelle tardive et probable de la chute à vélo, alors que l’origine maladive était tout aussi plausible. Enfin, on soulignera que l’appréciation du Dr U__________ a été rédigée après avoir pris conseil auprès d’un spécialiste en neurologie, le Dr Y__________.

Au bénéfice de ce qui précède, les conclusions initiales du Dr O__________, confirmées par l’appréciation du Dr U__________ doivent être suivies. Dès lors, c’est à juste titre que la SUVA a décidé que l’accident du 16 mai 2002 n’entraînait pas de diminution de la capacité de gain au-delà du 31 janvier 2003 pour ce qui concerne l’assurance-accidents, à l’exception de contrôles médicaux des troubles de la face et de la mandibule.

Le recours doit donc être rejeté.


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

(conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ)

A la forme :

Déclare le recours recevable.

Au fond :

Le rejette.

Dit que la procédure est gratuite.

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu’il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l’enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

La greffière:

Marie-Louise QUELOZ

La Présidente :

Doris WANGELER

Le secrétaire-juriste :

Marius HAEMMIG

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe