A/1626/2003

ATAS/575/2005 du 22.06.2005 ( LAA ) , PARTIELMNT ADMIS

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En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1626/2003 ATAS/575/2005

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

4ème Chambre

du 22 juin 2005

En la cause

Monsieur K__________, domicilié à Carouge, représenté par Maître Guy ZWAHLEN, en l’Etude duquel il élit domicile

recourant

contre

ALLIANZ, domiciliée avenue du Bouchet 2; case postale 40,
1211 GENEVE 28

intimée


EN FAIT

Le 1er janvier 1994, M. K__________ (ci-après le recourant) a débuté une activité de chauffeur-livreur chez X__________ informatic SA, à raison de 4 heures par jour. En plus, il effectuait du travail supplémentaire à la demande et recevait un solde de salaire de l’assurance-chômage. En 1995, il a travaillé pour cette entreprise en moyenne 6 heures 30 par jour et a obtenu un salaire mensuel moyen de 3'345 fr., étant précisé qu’il ne recevait pas de treizième salaire. Le 12 novembre 1995, il a mis un terme à cette activité et, dès le lendemain, il s’est retrouvé au chômage complet.

Le 15 décembre 1995, l’assuré a glissé devant chez lui sur un trottoir enneigé, puis est tombé sur le poignet et l’épaule droits. Le même jour, il s’est rendu aux urgences de l’hôpital cantonal de Genève où la Dresse Ritter a diagnostiqué une entorse du poignet droit ainsi qu’une bursite de l’épaule droite et a attesté une incapacité de travail entière.

Pour la suite du traitement, l’assuré s’est adressé au Dr B__________, chirurgien-orthopédiste, qui a attesté une incapacité de travail entière. Le 4 janvier 1996, l’ancien employeur a déclaré l’accident à l’Elvia assurances (ci-après Elvia) qui a versé une indemnité journalière de 98 fr. dès la date de l’accident.

L’arthro-scanographie de l’épaule droite, effectuée le 8 janvier 1996, a montré une rupture complète de la coiffe des rotateurs impliquant les muscles sous-épineux et sous-scapulaire. Un traitement de physiothérapie a été instauré qui a permis une évolution favorable de l’affection. Toutefois, le Dr B__________ a continué à justifier une incapacité entière de travail.

Le 25 avril 1996, alors qu’il se trouvait en Israël à l’occasion du décès de sa mère, l’assuré a été victime d’un accident de la circulation. Il a effectué une manœuvre pour éviter un véhicule et a perdu le contrôle de son automobile qui a percuté la barrière de sécurité et a fait plusieurs tonneaux. Il a été transporté à l’hôpital Carmel à Haifa où il s’est plaint de douleurs à la colonne cervicale et au dos avec irradiation dans l’épaule gauche. Les médecins n’ont trouvé aucun signe de contusion extérieure et les radiographies de la colonne cervicale et dorsale n’ont montré aucun signe de fracture.

De retour en Suisse, l’assuré a consulté le Dr B__________ qui, le 7 mai 1996, a fait pratiquer des examens radiologiques des colonnes cervicale, dorsale et lombaire ainsi que des épaules. Ces examens ont montré une discarthrose C5-C6 avec uncarthrose droite, une petite côte cervicale des deux côtés, un tassement des corps vertébraux D3 et D4 sans atteinte apparente des murs, une spondylolyse bilatérale L5 avec antélisthésis du 1er degré, une discopathie L3-L4 et surtout L4-L5 ainsi que L5-S1, une omarthrose gauche débutante, un petit arrachement au niveau du bord antérieur de la glène.

Le 2 juillet 1996, l’assuré a annoncé son accident à l’Elvia qui a demandé au Dr C__________, le 31 juillet 1996, de procéder à une expertise médicale. Dans son rapport intermédiaire du 8 août 1996, le Dr B__________ a fait état d’une aggravation de l’affection de l’épaule droite à la suite de l’accident du 24 avril 1996. Pour sa part, dans son rapport d’expertise du 17 septembre 1996, le Dr C__________ a mentionné une évolution favorable de l’état de santé, sauf au niveau de l’épaule droite pour laquelle une suture de la coiffe des rotateurs était prévue. Le 24 octobre 1996, le Dr B__________ a procédé à une réparation-suture de la coiffe des rotateurs et à une acromioplastie de l’épaule droite.

Le 7 avril 1997, l’Elvia a demandé au Dr C__________ de réexaminer l’assuré. Une scintigraphie du rachis cervico-dorsal, pratiquée le 22 avril 1997, a permis d’exclure l’existence d’une algodystrophie au niveau dorsal. Dans son rapport d’expertise du 26 mai 1997, le Dr C__________ a posé un nouveau diagnostic de probable fracture des vertèbres D3-D4. Il a considéré que l’intervention chirurgicale avait amélioré l’état de l’épaule droite, mais de manière imparfaite. Il a estimé que la persistance de la symptomatologie au niveau dorsal était difficile à expliquer eu égard au peu de gravité des lésions traumatiques initiales. Il a suspecté une origine psychologique à cette mauvaise évolution. Quant à la capacité de travail, il l’a considérée comme nulle dans l’activité antérieure de manutentionnaire déménageur, partielle dans un premier temps dans un travail moins exigeant sur le plan physique, puis entière par la suite.

Le 12 janvier 1997, sur invitation de l’Elvia, l’assuré a présenté une demande de rente à l’assurance-invalidité qui, le 1er octobre 1997, a confié un mandat d’expertise au Dr D__________. Dans son rapport du 30 octobre 1997, l’expert a également conclu que, dans une activité sédentaire permettant de se lever régulièrement, évitant de porter et de lever des charges ainsi que les mouvements répétitifs du membre supérieur droit, il faudrait admettre une légère diminution de rendement de l’ordre de 10%.

Par décisions du 12 juin 1997, l’Elvia a alloué à l’assuré des indemnités pour atteinte à l’intégrité de 10% concernant le rachis dorsal et de 15% pour l’épaule droite, soit un montant total de 24'300 fr.

Dès le 3 octobre 1997, l’assuré a été suivi pour le rachis par le Dr E__________, neurochirurgien, qui a fait état d’acouphène bilatéral, de brachialgies droites permanentes et de lombalgies. Une IRM, pratiquée le 10 octobre 1997, a également montré une discarthrose en L1-L2 et une discarthrose en C6-C7.

Le 12 octobre 1998, en raison de fortes douleurs et de la limitation fonctionnelle de son épaule droite, l’assuré a subi une révision articulaire avec nouvelle suture de la coiffe des rotateurs qui n’a apporté aucune amélioration. Dans son rapport du 8 décembre 1998, le Dr F__________ a constaté un déficit massif de la force des rotateurs et de la mobilité active, difficilement explicable au vu du traumatisme et des deux opérations. Il a posé un diagnostic de syndrome douloureux chronique d’origine indéterminée et a adressé l’assuré au centre multidisciplinaire d’évaluation et de traitement de la douleur de l’hôpital cantonal qui a suivi l’assuré du 19 mai 1999 au 14 décembre 1999.

Dans son rapport d’expertise du 4 août 2000 demandée par l’Elvia, la Dresse G__________, spécialiste FMH en chirurgie, a considéré que les problèmes cervicaux et lombaires étaient sans rapport avec l’accident de 1996. Elle a estimé que la symptomatologie douloureuse et le mode de l’accident démontraient un contexte multifactoriel pour lequel un avis psychiatrique était nécessaire. Elle a également admis que l’assuré pouvait exercer une profession semi-sédentaire avec changement de position et sans port de charge.

Par décision du 8 juin 2001, sur la base du dossier médical et notamment de l’appréciation de son médecin-conseil, le Dr H__________, du 29 novembre 2000 se fondant sur les limitations fonctionnelles consécutives aux troubles du rachis et de l’épaule droite, l’assurance-invalidité a reconnu une invalidité de 100% et a alloué à l’assuré, avec effet rétroactif au 1er décembre 1996, une rente entière simple d’invalidité, une rente complémentaire pour son épouse, une rente simple complémentaire pour chacun de ses quatre enfants, étant précisé que la rente complémentaire pour le quatrième enfant a été octroyée dès le 1er décembre 1998.

Un nouveau mandat d’expertise a été confié par l’Elvia au Dr I__________, spécialiste FMH en chirurgie. Dans son rapport du 7 novembre 2001, l’expert a considéré que le tassement D3-D4 était une conséquence seulement possible de l’accident de 1996 qui avait très probablement entraîné uniquement une aggravation de l’épaule droite. En tenant compte des seules séquelles de cet accident, il a admis une incapacité de travail au maximum de 25% dans une occupation légère et bien adaptée, telle celle de surveillant ou de greffier. Il a précisé que le tassement de D3 et de D4 était si minime qu’il n’influençait pas la capacité de travail. Enfin, il a également fait état d’une très forte somatisation de la symptomatologie qui parlait en faveur de problèmes psychiatriques probables.

L’Elvia a également chargé le Dr J__________ d’une expertise psychiatrique. Dans son rapport d’expertise du 26 mars 2002, l’expert a diagnostiqué des troubles mixtes de la personnalité (paranoïaque et narcissique) et une névrose de rente. Il a précisé que le trouble mixte de la personnalité s’était développé dès l’adolescence et qu’il ne permettait pas à l’assuré d’assimiler l’accident et ses conséquences. Quant à la névrose de rente, elle découlait de son fonctionnement de base. Il a estimé que la capacité de travail de l’assuré était complète sur le plan psychique dans toute activité.

Par décision du 6 août 2002, l’Allianz (repreneur des activités de l’Elvia) a mis un terme au versement des indemnités journalières dès le 1er octobre 2002 et a retiré l’effet suspensif à une éventuelle opposition. L’assuré a formé opposition le 6 septembre 2002. Dans sa décision sur opposition du 28 mai 2003, l’Allianz a confirmé sa position en considérant que les suites de l’accident ne jouaient plus de rôle dans l’incapacité de travail de l’assuré.

Dans son recours formé le 2 septembre 2003, le recourant soutient qu’il existe un lien de causalité tant naturelle qu’adéquate entre l’accident de 1996 et son incapacité de travail totale. Par ailleurs, il conteste le diagnostic de névrose de rente estimant qu’il est erroné. Enfin, il conclut, à titre préalable, à la « constatation » de l’effet suspensif du recours.

Dans sa réponse du 30 octobre 2003, l’intimée confirme sa position. Au surplus, elle considère qu’il existe seulement un rapport de causalité possible entre les cervicalgies et l’accident de 1996. Enfin, elle estime que l’absence de reprise d’une activité professionnelle relève d’un manque de volonté sans lien de causalité avec l’accident. Elle conclut au rejet du recours et à la prise en charge par le recourant des frais de procédure et de dépens.

Dans sa réplique du 5 janvier 2004, le recourant soutient que les éventuelles affections dégénératives et psychiques préexistantes ont été décompensées par l’accident, raison pour laquelle l’intimée doit prendre en charge leurs effets sur sa capacité de gain. Enfin, il reproche à l’intimée de ne pas avoir calculé précisément sa perte de gain sur la base des statistiques de référence qui montrent un revenu mensuel de 2’625 fr. et permettent de fixer sa perte de gain à 63% par rapport à un revenu présumable de 7'000 fr. En définitive, il conclut à titre principal à l’octroi d’une rente d’invalidité à 100% dès le 1er octobre 2002 et à la condamnation de l’Allianz aux dépens. A titre subsidiaire, il conclut à l’octroi d’une rente d’invalidité de 63% dès la même date.

Dans sa duplique du 8 mars 2004, l’intimée explique que la réglementation concernant les affections préexistantes ne s’applique que lorsque l’accident et le facteur étranger ont joué ensemble un rôle dans l’atteinte à la santé. De plus, elle conteste tant le revenu statistique que le gain présumable mentionnés par le recourant en rappelant qu’avant l’accident, il avait obtenu un revenu mensuel de 1'600 fr. pour une activité exercée à mi-temps.

Le Tribunal de céans a ordonné la comparution personnelle des parties qui s’est tenue le 8 septembre 2004. Le recourant a retiré ses conclusions relatives à l’effet suspensif du recours. De plus, il a sollicité une contre-expertise psychiatrique. Il a précisé que, dans le cadre de son activité professionnelle au sein de l’entreprise X__________ SA, il travaillait en tant qu’informaticien et chauffeur-livreur pour un salaire mensuel de 3'600 fr. Enfin, il a contesté les salaires d’huissier retenus par l’intimée et a demandé de se référer aux statistiques utilisées par l’assurance-invalidité. Pour sa part, l’intimée s’est opposée à la mise en œuvre d’une nouvelle expertise psychiatrique et a maintenu l’ensemble de ses conclusions. Le Tribunal a réservé la suite de la procédure.

Le 27 septembre 2004, sur requête du Tribunal, le dossier de l’assurance-invalidité a été versé à la procédure. Un délai a été accordé aux parties pour consulter le dossier de l’assurance-invalidité et se déterminer à son sujet.

Dans ses observations du 12 novembre 2004, l’intimée relève que les critères médicaux retenus par l’assurance-invalidité ne correspondent pas aux conclusions des autres experts. Pour sa part, dans ses observations du 6 décembre 2004, le recourant précise que le médecin-conseil de l’assurance-invalidité n’a à aucun moment fait part de problèmes psychiques ce qui démontre leur inexistence.

Le 4 avril 2005, le recourant a fait parvenir au Tribunal de céans copie d’une communication que lui adressée le 7 janvier 2005 l’Office cantonal de l’assurance-invalidité (OCAI), dont il résulte qu’après avoir procédé à une révision, la rente d’invalidité a été maintenue sans changement.

Ce document a été transmis à l’intimée pour information.

EN DROIT

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

Conformément à l'art. 56 V al. 1 let. a ch. 5 LOJ, le Tribunal cantonal des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’article 56 LPGA qui sont relatives à la loi fédérale sur l’assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine des assurances sociales. Sur le plan matériel, le point de savoir quel droit s'applique doit être tranché à la lumière du principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 130 V 230 consid. 1.1, 335 consid. 1.2, 129 V 4 consid. 1.2, 127 V 467 consid. 1, 126 V 136 consid. 4b et les références). Etant donné que le présent recours concerne le droit à des prestations dès le 1er octobre 2002, c’est-à-dire dont le début est antérieur à l’entrée en vigueur de la LPGA, le cas d’espèce reste régi par la législation en vigueur jusqu’au 31 décembre 2002, étant précisé que les règles de procédure quant à elles s'appliquent sans réserve dès le jour de son entrée en vigueur (ATF 117 V 93 consid. 6b, 112 V 360 consid. 4a; RAMA 1998 KV 37 p. 316 consid. 3b).

Selon l’art. 60 al. 1 LPGA, le délai de recours est de trente jours. Toutefois, en dérogation à la LPGA, l’art. 106 LAA prévoit un délai de recours de trois mois. De plus, le délai de recours est suspendu du 15 juillet au 15 août, conformément à l'art. 38 al. 4 let. b LPGA sur renvoi de l'art. 60 al. 2 LPGA. Etant donné que la décision sur opposition du 28 mai 2003 a été reçue par le recourant au plus tôt le 29 mai 2003 et eu égard à la suspension du délai de recours du 15 juillet au 15 août 2003, le recourant a respecté le délai de l’art. 106 LAA en déposant son recours le 2 septembre 2003.

Le recourant conclut à l’octroi d’une rente d’invalidité dès le 1er octobre 2002. Pour sa part, dans sa décision sur opposition du 28 mai 2003, l’intimée a mis un terme à ses prestations dès le 1er octobre 2002 pour le motif que les suites de l’accident de 1996 ne jouent plus de rôle dans l’incapacité de travail actuelle du recourant. En conséquence, le litige porte sur le point de savoir si l’intimée était fondée à supprimer, dès le 1er octobre 2002, le droit du recourant à des prestations de l’assurance-accidents.

a) Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette exigence est remplie lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire, en revanche, que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé; il faut et il suffit que l'événement dommageable, associé éventuellement à d'autres facteurs, ait provoqué l'atteinte à la santé physique ou psychique de l'assuré, c'est-à-dire qu'il se présente comme la condition sine qua non de celle-ci. Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 129 V 181 consid. 3.1, 406 consid. 4.3.1, 119 V 337 consid. 1, 118 V 289 consid. 1b et les références).

b) Le droit à des prestations suppose en outre l'existence d'un lien de causalité adéquate. La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 181 consid. 3.2, 405 consid. 2.2, 125 V 461 consid. 5a et les références).

Lors de troubles d'ordre psychique consécutifs à un accident, l'appréciation de la causalité adéquate se fonde sur des critères différents selon que l'assuré a été victime ou non d'un traumatisme de type « coup du lapin » à la colonne cervicale, d'un traumatisme analogue (SVR 1995 UV n° 23 p. 67 consid. 2) ou d'un traumatisme cranio-cérébral.

En présence d'une atteinte à la santé psychique non consécutive à de tels traumatismes, la jurisprudence a dégagé des critères objectifs qui permettent de juger du caractère adéquat du lien de causalité. Elle a tout d'abord classé les accidents en trois catégories, en fonction de leur déroulement : les accidents insignifiants ou de peu de gravité (par ex. une chute banale), les accidents de gravité moyenne et les accidents graves. Pour procéder à cette classification des accidents, il convient non pas de s'attacher à la manière dont l'assuré a ressenti et assumé le choc traumatique, mais bien plutôt de se fonder, d'un point de vue objectif, sur l'événement accidentel lui-même. En présence d'un accident de gravité moyenne, il faut prendre en considération un certain nombre de critères, dont les plus importants sont les suivants : les circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le caractère particulièrement impressionnant de l'accident; la gravité ou la nature particulière des lésions physiques, compte tenu notamment du fait qu'elles sont propres, selon l'expérience, à entraîner des troubles psychiques; la durée anormalement longue du traitement médical; les douleurs physiques persistantes; les erreurs dans le traitement médical entraînant une aggravation notable des séquelles de l'accident; les difficultés apparues au cours de la guérison et des complications importantes; le degré et la durée de l'incapacité de travail due aux lésions physiques. Tous ces critères ne doivent pas être réunis pour que la causalité adéquate soit admise. Un seul d'entre eux peut être suffisant, notamment si l'on se trouve à la limite de la catégorie des accidents graves. Inversement, en présence d'un accident se situant à la limite des accidents de peu de gravité, les circonstances à prendre en considération doivent se cumuler ou revêtir une intensité particulière pour que le caractère adéquat du lien de causalité puisse être admis (ATF 115 V 140 consid. 6c/aa et 409 consid. 5c/aa).

Lors de l’accident du 25 avril 1996, le recourant s’est immédiatement plaint de douleurs dorsales et cervicales avec irradiation dans l’épaule gauche. Les examens radiologiques effectués le 7 mai 1996, au retour de l’assuré en Suisse, ont montré une discarthrose C5-C6 avec uncarthrose droite, une fracture-tassement en D3 et D4, une spondylolyse bilatérale L5 avec antélisthésis du 1er degré, des discopathies L3-L4, L4-L5 et L5-S1, enfin une omarthose débutante à gauche avec un petit arrachement au niveau du bord antérieur de la glène et l’absence de lésion à l’épaule droite. Au début août 1996, le recourant s’est également plaint de son épaule droite qui a été opérée le 24 octobre 1996. Parmi ces diverses lésions, il y a lieu de déterminer, sur la base des divers renseignements médicaux contenus dans le dossier, celles qui sont en relation de causalité naturelle avec l’accident d’avril 1996.

Dans son rapport médical du 24 novembre 1997, le Dr E__________ conclut que la spondyloyse L5 et les lésions dégénératives sont congénitales. En outre, il considère que les fractures-tassements D3-D4 sont certainement des lésions traumatiques et que la hernie C5-C6 est une conséquence possible de l’accident. Selon la Dresse G__________, pour le problème cervical, il n’existe pas de causalité naturelle, car, sur la base des clichés radiologiques de 1996, il s’agit d’une atteinte dégénérative donc préexistante à l’accident de 1996. L’expert précise également que les plaintes immédiates après l’accident ainsi que la symptomatologie ultérieure sont atypiques d’une hernie discale d’apparition brutale d’autant plus que le traumatisme est inapproprié. Quant au problème lombaire, pour les mêmes motifs, elle arrive également à la conclusion qu’il s’agit de troubles préexistants à l’accident de 1996. Pour la colonne dorsale, elle estime, en revanche, que l’aspect cunéïforme des vertèbres et la mention d’une probable fracture permettent de retenir une causalité vraisemblable avec l’accident de 1996. Elle admet également que la décompensation de l’épaule droite est en relation vraisemblable de causalité avec l’accident de 1996. Dans son rapport d’expertise du 7 novembre 2001, le Dr I__________ conclut que la cervicarthrose avec hernie discale C5-C6, la spondylolyse et le listhésis L5-S1, la discopathie et la discarthrose lombaire étagée sont des facteurs étrangers à l’accident de 1996 ou, autrement dit, ne sont pas en rapport de causalité naturelle avec ledit accident. Il admet, en revanche, que l’état de l’épaule droite est une conséquence vraisemblable de l’accident. Quant au tassement D3-D4, il estime qu’il s’agit d’une conséquence seulement possible de cet accident. A cet égard, il précise que les clichés radiologiques effectués en Israël, le 25 avril 1996, montrent une légère cunéïformisation de D3 et D4, sans qu’il soit possible de déterminer s’il s’agit d’une fracture. Toutefois, en comparant les clichés avec ceux effectués en mai 1996, il conclut plutôt à un aspect constitutionnel des vertèbres en précisant qu’il n’y a aucun indice d’irrégularité ou de sclérose des plateaux, voire d’ostéophytose permettant de confirmer la présence d’une fracture ancienne.

Les conclusions des Drs E__________, G__________ et I__________ sont unanimes quant à l’existence d’un lien de causalité naturelle entre l’aggravation de l’épaule droite et l’accident de 1996, étant précisé que l’intimée elle-même admet un tel rapport de causalité naturelle. Les conclusions de ces médecins sont également concordantes quant à l’absence d’un rapport de causalité naturelle entre les troubles des vertèbres lombaires et l’accident. Ces médecins sont tout aussi unanimes quant à l’absence, au degré de la vraisemblance prépondérante, d’un lien de causalité naturelle entre les troubles des vertèbres cervicales et l’accident. En effet, le Dr E__________ ne fait état que d’un lien possible de causalité, ce qui est insuffisant au regard de la règle de preuve de la vraisemblance prépondérante. En conséquence, il faut admettre qu’il existe un lien de causalité naturelle avec l’accident de 1996 pour l’aggravation de l’épaule droite, mais pas pour les troubles des vertèbres cervicales et lombaires.

Par ailleurs, il y a divergence entre les Drs E__________ et G__________, d’une part, et le Dr I__________, d’autre part, quant à l’existence d’un lien de causalité naturelle entre les troubles des vertèbres dorsales et l’accident. Pour sa part, le recourant considère que les cervicalgies et les cervico-brachialgies ont été occasionnées par l’accident de 1996. De plus, il estime que les atteintes arthrosiques étaient asymptomatiques avant l’accident de 1996 et ont été décompensées par ce dernier. A cet effet, il se réfère aux rapports des Drs P__________, B__________, S__________ et de T__________.

En ce qui concerne la valeur probante d'un rapport médical, ce qui est déterminant c'est que les points litigieux aient fait l'objet d'une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées par la personne examinée, qu'il ait été établi en pleine connaissance de l'anamnèse, que la description du contexte médical et l'appréciation de la situation médicale soient claires et enfin que les conclusions de l'expert soient dûment motivées. Au demeurant, l'élément déterminant pour la valeur probante n'est ni l'origine du moyen de preuve ni sa désignation comme rapport ou comme expertise, mais bel et bien son contenu (ATF 125 V 352 consid. 3a, 122 V 160 consid. 1c et les références). Lorsque, au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé. En outre, au sujet des rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATFA du 10 octobre 2003 en la cause U 278/02).

En l’espèce, le certificat médical du Dr B__________ daté du 25 juin 2003 atteste que le recourant souffre de cervicalgies, dorsalgies, douleurs de l’épaule droite et d’une tendinite plantaire à la suite d’autres traumatismes. Il fait référence à des traumatismes sans mentionner leur date et n’est pas du tout motivé. Plus précisément, bien qu’ayant rédigé son attestation postérieurement aux diverses expertises, le Dr B__________ n’explique pas pourquoi il prend d’autres conclusions. Quant aux rapports des Dr S__________ du 23 avril 1997 et de T__________ du 25 mars 2002, il s’agit de rapports radiologiques et non pas de rapports médicaux discutant la question du lien de causalité naturelle sur la base d’une anamnèse détaillée, raison pour laquelle ils n’ont aucune force probante sur cette question. De plus, dans son expertise du 7 novembre 2001, le Dr I__________ a motivé sa position quant à l’absence d’un rapport de causalité naturelle entre les troubles des vertèbres dorsales et l’accident de 1996, en expliquant qu’il écartait l’hypothèse d’un tel lien de causalité après comparaison des clichés radiologiques datant du jour de l’accident avec ceux effectués en Suisse en mai 1996. A cet égard, il y a lieu de relever que le Dr U__________ qui a rédigé le rapport radiologique du 8 mai 1996 ne fait que suspecter des tassements anciens des corps vertébraux D3 et D4, en raison de leur aspect cunéïforme, sans pouvoir prendre de conclusions définitives à ce sujet. L’avis du Dr I__________ est convaincant puisqu’il n’existe effectivement aucun indice d’irrégularité ou de sclérose des plateaux, voire d’ostéophytose permettant de confirmer la présence d’une fracture ancienne. En conséquence, il faut admettre qu’il n’existe pas de lien de causalité naturelle entre les troubles des vertèbres dorsales et l’accident de 1996. Enfin, aucun de ces rapports médicaux ne considère que les atteintes arthrosiques ont été aggravées par l’accident de 1996. A ce sujet, le recourant confond la notion de causalité et celle de manifestation de troubles dégénératifs antérieurs à l’accident.

Sur le plan psychiatrique, le Dr J__________ retient l’existence d’un trouble mixte de la personnalité (paranoïaque et narcissique) et une névrose de rente. Il conclut à l’absence certaine d’un lien de causalité naturelle entre le trouble de la personnalité et l’accident de 1996, eu égard à l’antériorité de ce trouble et à l’existence de conséquences négatives avant cet événement. Quant à la névrose de rente, il considère qu’elle découle du fonctionnement de base du patient ou, autrement dit, qu’elle est sans relation de causalité naturelle avec l’accident de 1996. Par ailleurs, il précise que le trouble de la personnalité ne permet pas à l’assuré de vivre adéquatement l’accident qu’il a ressenti comme un échec cuisant et d’assimiler l’accident ainsi que ses conséquences de par son fonctionnement rigide et son moi hypertrophié.

En l’espèce, l'expert indique que le trouble de la personnalité existait avant l'accident, lequel n'a joué aucun rôle dans son développement. Cependant, dans la mesure où il affirme par ailleurs que sa personnalité narcissique et paranoïaque ont empêché le recourant d'assimiler psychiquement de manière adéquate le vécu de l'accident et les suites physiques de celui-ci, il est possible que l'événement en cause apparaisse comme une des causes des troubles actuels (cf. arrêt du TFA du 12 août 2003, U 190/02, consid. 4.1). Toutefois, la question de l'existence d'un lien de causalité naturelle entre les troubles psychiques et l'accident peut rester indécise, dès lors que la causalité adéquate fait défaut, pour les motifs exposés ci-après.

Ont été considérés comme des accidents moyens, à la limite des accidents graves, une violente collision frontale, suivie d'une collision latérale avec une troisième voiture (ATFA D. du 30 décembre 1998) et une sortie de route pour éviter un véhicule arrivant en sens inverse, suivie d'un choc contre un talus, puis contre un arbre, entraînant la destruction totale du véhicule (ATFA Z. du 7 juin 1999, U 88/98). En l’espèce, il y a lieu de constater qu’il n’existe pas de rapport de police dans le dossier du recourant et que les seules descriptions de l’accident proviennent des déclarations du recourant lui-même. Il ressort de ses dires que l’accident du 25 avril 1996 est justement une sortie de route pour éviter un véhicule venant en sens inverse, suivie d’un choc contre une barrière de sécurité et de plusieurs tonneaux, soit un accident très similaire à celui mentionné par la jurisprudence, de sorte qu’il doit être classé dans la catégorie des accidents de gravité moyenne à la limite des accidents graves. Par ailleurs, il apparaît que les critères objectifs posés par la jurisprudence en matière de troubles psychiques consécutifs à un accident de gravité moyenne ne sont pas réalisés en l'occurrence. En particulier, aucun élément dans le dossier ne permet de retenir que l'accident et les circonstances concomitantes auraient eu un caractère particulièrement impressionnant ou particulièrement dramatique. En outre, le recourant n'a pas subi de lésion physique grave, propre, selon l'expérience, à entraîner des troubles psychiques. En effet, selon le Dr C__________ (rapport d’expertise du 26 mai 1997), les lésions traumatiques initiales sont de peu de gravité. Quant à la durée de l'incapacité de travail due aux lésions physiques, elle n'apparaît pas particulièrement longue eu égard au type d’activité professionnelle exercée par le recourant qui devait éviter tout port de charges et mouvements susceptibles de retarder la guérison de son épaule droite. Après la réparation-suture de la coiffe des rotateurs et l’acromioplastie de l’épaule droite pratiquées le 24 octobre 1996, le recourant a suivi plusieurs mois de physiothérapie, puis l’évolution a été décrite comme favorable (cf. rapport du Dr B__________ du 23 janvier 1997). En effet, en mai 1997, l’expert estimait que la capacité de travail du recourant était en tout cas partielle dans une activité moins exigeante sur le plan physique, puis probablement entière. Enfin, en ce qui concerne la durée du traitement, force est de constater, sur le vu du rapport du Dr C__________ déjà cité, que les troubles psychiques ont exercé très tôt une influence déterminante sur l'état de santé du recourant. En effet, en mai 1997, l’expert a considéré que la persistance de la symptomatologie au niveau dorsal était difficile à expliquer et a estimé que le caractère mal vécu du deuxième accident avait peut-être des conséquences psychologiques. Dès lors, il faut admettre que la persistance des douleurs est imputable à l’affection psychique et que la persistance du traitement ainsi que de l’incapacité de travail ne sont plus motivées par l’affection de l’épaule, mais bien par les troubles psychiques. Etant donné qu’aucun des critères posés par la jurisprudence n’est rempli, l'existence d'un lien de causalité adéquate entre les troubles psychiques et l’accident doit être niée.

Le recourant soutient que le diagnostic de névrose de rente retenu par le Dr J__________ dans son rapport d’expertise du 26 mars 2002 serait erroné pour le motif que c’est le seul médecin à retenir ce diagnostic, qu’il est le médecin de l’intimée et que son acceptation de se faire opérer démontre sa volonté de recommencer à travailler. Les arguments du recourant ne sont pas suffisants pour remettre en question le diagnostic posé par l’expert. En effet, bien que l’intimée ait confié un mandat d’expertise au Dr J__________, celui-ci est un médecin indépendant et ne peut pas être considéré comme l’expert de l’intimée. De plus, il est normal qu’il soit le seul à retenir ce diagnostic dans la mesure où il est le seul psychiatre à avoir examiné le recourant et s’être prononcé sur la question du lien de causalité naturelle. Enfin, le fait que le recourant accepte de se faire opérer n’est pas un motif suffisant permettant de douter du diagnostic posé par l’expert. En effet, cette acceptation est vraisemblablement avant tout liée à l’espoir que les douleurs vont diminuer ce qui n’a encore aucune incidence sur la volonté du recourant de reprendre ou non une activité lucrative. Par ailleurs, ce diagnostic n’a que peu d’effet sur le droit du recourant à des prestations puisque la névrose de rente découle du fonctionnement de base du recourant et surtout de ses troubles de la personnalité qui ne lui permettent pas de vivre adéquatement et d’assimiler l’accident ainsi que ses conséquences, troubles de la personnalité qui ne sont au demeurant pas contestés.

a) Selon l'art. 18 LAA dans sa teneur en vigueur au 1er mars 1998 qui est déterminante en l'espèce (cf. ATF 128 V 174 consid. 4a), si l'assuré devient invalide à la suite d'un accident, il a droit à une rente d'invalidité (al. 1). Est réputé invalide celui dont la capacité de gain subit vraisemblablement une atteinte permanente ou de longue durée. Pour l'évaluation de l'invalidité, le revenu du travail que l'assuré devenu invalide par suite d'un accident pourrait obtenir en exerçant l'activité qu'on peut raisonnablement attendre de lui, après exécution éventuelle de mesures de réadaptation et compte tenu d'une situation équilibrée du marché du travail, est comparé au revenu qu'il aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide (al. 2). Est en principe déterminant pour le calcul des rentes le salaire que l'assuré a gagné durant l'année qui a précédé l'accident (art. 15 al. 2 LAA, seconde phrase). De plus, l’art. 19 al. 1 LAA prévoit que le droit à la rente prend naissance dès qu’il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de l’assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité ont été menées à terme. Le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente. Celle-ci est allouée pour tout le mois au cours duquel le droit à la rente est né.

b) Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 125 V 261 consid. 4, 115 V 134 consid. 2, 114 V 314 consid. 3c, 105 V 158 consid. 1).

c) Ainsi que le Tribunal fédéral des assurances l'a déclaré à maintes reprises, la notion d'invalidité est, en principe, identique en matière d'assurance-accidents, d'assurance militaire et d'assurance-invalidité. Dans ces trois domaines, elle représente la diminution permanente ou de longue durée, résultant d'une atteinte à la santé assurée, des possibilités de gain sur le marché du travail équilibré qui entrent en ligne de compte pour l'assuré. La définition de l'invalidité est désormais inscrite dans la loi. Selon l'art. 8 al. 1 LPGA, est réputée invalidité l'incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée.

En raison de l'uniformité de la notion d'invalidité, il convient d'éviter que pour une même atteinte à la santé, assurance-accidents, assurance militaire et assurance-invalidité n'aboutissent à des appréciations divergentes quant au taux d'invalidité. Cela n'a cependant pas pour conséquence de les libérer de l'obligation de procéder dans chaque cas et de manière indépendante à l'évaluation de l'invalidité. En aucune manière un assureur ne peut se contenter de reprendre simplement et sans plus ample examen le taux d'invalidité fixé par l'autre assureur car un effet obligatoire aussi étendu ne se justifierait pas.

D'un autre côté, l'évaluation de l'invalidité par l'un des assureurs ne peut être effectuée en faisant totalement abstraction de la décision rendue par l'autre. A tout le moins, une évaluation entérinée par une décision entrée en force ne peut pas rester simplement ignorée. Elle doit au contraire être considérée comme un indice d'une appréciation fiable et, par voie de conséquence, prise en compte ultérieurement dans le processus de décision par le deuxième assureur. Aussi, l'assureur doit-il se laisser opposer la présomption de l'exactitude de l'évaluation de l'invalidité effectuée, une appréciation divergente de celle-ci ne pouvant intervenir qu'à titre exceptionnel et seulement si certaines conditions sont réalisées. En particulier, peuvent constituer des motifs suffisants de s'écarter d'une telle évaluation le fait que celle-ci repose sur une erreur de droit ou sur une appréciation insoutenable ou encore qu'elle résulte d'une simple transaction conclue avec l'assuré. A ces motifs de divergence déjà reconnus antérieurement par la jurisprudence, il faut ajouter des mesures d'instruction extrêmement limitées et superficielles, ainsi qu'une évaluation pas du tout convaincante ou entachée d'inobjectivité (ATF 126 V 293 consid. 2d; VSI 2004 p. 185 consid. 3; RAMA 2001 n° U 410 p. 73 s. consid. 3, 2000 n° U 406 p. 402 s. consid. 3).

d) Le taux d’invalidité de 100% retenu par l’assurance-invalidité ne peut pas être repris sans autre dans le domaine de l’assurance-accidents qui, au contraire de l’assurance-invalidité, ne couvre pas tous les troubles de santé invalidants de l’assuré, mais seulement ceux qui sont en rapport de causalité avec un accident ou une maladie professionnelle. En l’espèce, il ressort du dossier de l’assurance-invalidité qu’elle a reconnu une invalidité de 100% en raison de toutes les limitations fonctionnelles du rachis et de l’épaule droite du recourant. Or, l’intimée ne répond actuellement plus que des suites de l’affection de l’épaule droite, à l’exclusion des autres troubles tels ceux du rachis cervical, dorsal et lombaire. En conséquence, le taux d’invalidité retenu pas l’assurance-invalidité n’est d’aucun secours dans le présent litige.

e) Dans son rapport du 31 janvier 2003 rédigé après avoir pris connaissance de l’expertise du Dr J__________, le Dr I__________ a confirmé les conclusions de son rapport d’expertise du 7 novembre 2001, à savoir que le recourant présente une diminution de sa capacité de travail de 25% au maximum et que dans des conditions optimales, à savoir dans un travail de manutention légère, de greffier ou de surveillant, la diminution de la capacité de travail serait nulle. Il a précisé qu’il n’y avait aucun traitement susceptible d’apporter une amélioration, ni un soulagement durable à l’épaule du patient. Par ailleurs, dans son rapport d’expertise du 7 novembre 2001, le Dr I__________ a estimé que la profession de livreur n’est plus possible en raison de l’état actuel de l’épaule et cela de façon définitive.

f) En l’espèce, selon le dossier, le recourant présente une capacité résiduelle de gain au minimum de 75%, voire même entière dans des conditions optimales, à savoir dans un travail de manutention légère, de greffier ou de surveillant. En vertu de son obligation de diminuer le dommage (ATF 123 V 96 et ss consid. 4c ; SVR 1995 UV n° 35 p. 106 consid. 5b; comp. 123 V 233 consid. 3c), on peut exiger du recourant qu’il mette à profit sa capacité de travail résiduelle de 100% dans une occupation adaptée, à dire de la majorité des experts, à savoir dans une activité de manutention légère, de greffier ou de surveillant.

g) On doit donner raison au recourant lorsqu'il reproche à l’intimée, d’avoir, sans même procéder à une évaluation chiffrée de son invalidité, dénié purement et simplement tout droit à des prestations d'assurance (in casu : une rente). En effet, la notion légale de l'invalidité est avant tout économique (voir consid. 9a supra). Quand bien même un assuré jouit-il d'une capacité de travail entière dans une activité adaptée à son atteinte à la santé, cela ne signifie pas encore qu'il ne subit aucune diminution de sa capacité de gain. Une fois que le taux de la capacité de travail résiduelle exigible est déterminé, il importe encore d'évaluer ses conséquences économiques (revenus hypothétiques avec et sans invalidité).

h) Le revenu d'invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l'intéressé. En l'absence d'un revenu effectivement réalisé, la jurisprudence considère que le revenu d'invalide peut être évalué sur la base de statistiques salariales (ATF 126 V 75 consid. 3b), singulièrement à la lumière de celles figurant dans l'enquête suisse sur la structure des salaires, publiée par l'Office fédéral de la statistique (ATF 124 V 321). La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits, dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et taux d'occupation) et résulte d'une évaluation dans les limites du pouvoir d'appréciation. Une déduction globale maximum de 25 % sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc).

i) En l’espèce, le recourant n’a plus du tout exercé d’activité lucrative depuis le 13 novembre 1995. Lorsque l'assuré n'a pas repris d'activité professionnelle, il y a lieu de se référer aux données statistiques, telles qu'elles résultent des enquêtes sur la structure des salaires de l'Office fédéral de la statistique (ATF 126 V 75 consid. 3b/aa et bb). On se réfère alors à la statistique des salaires bruts standardisés, en se fondant toujours sur la médiane ou valeur centrale. En l'occurrence, il y a lieu de déterminer le revenu d’invalide pour l’année 2002 à partir de laquelle le recourant a droit à une rente d’invalidité. En effet, le droit à la rente débute le 1er octobre 2002, puisque l’intimée a mis un terme au versement de l’indemnité journalière dès cette date et qu’à dire d’expert, il n’y a plus aucun traitement susceptible d’apporter une amélioration de l’état de l’épaule (cf. art. 19 al. 1 LAA). Compte tenu de l'activité légère de substitution que pourrait exercer le recourant, le salaire de référence est celui auquel peuvent prétendre les hommes effectuant des activités simples et répétitives dans le secteur privé, à savoir 4’557 fr. par mois, part au 13ème salaire comprise (tableaux statistiques ESS table TA1, niveau de qualification 4). Ce salaire mensuel hypothétique représente, compte tenu du fait que les salaires bruts standardisés se basent sur un horaire de travail de quarante heures, soit une durée hebdomadaire inférieure à la moyenne usuelle dans les entreprises en 2002 (41,8 heures; Enquête suisse sur la population active en 2002 de l'office fédéral de la statistique, ESPA 2002), un revenu d'invalide de 4’762 fr. par mois (4’557 : 40 x 41.8).

j) En l'espèce les circonstances personnelles et professionnelles du cas justifient une réduction du revenu d'invalide qui ne saurait excéder 15 % (comp. RAMA 1998 N° U 320 p. 600 ss). En effet, les personnes handicapées, même dans l'accomplissement de travaux auxiliaires légers, sont désavantagées sur le plan de la rémunération et doivent généralement tabler sur un salaire proportionnellement moins élevé. Compte tenu d'une diminution de 15%, le revenu d'invalide s'élève en définitive à 4’048 fr. par mois.

k) Le recourant avait un revenu mensuel de 3'345 fr. en 1995 avant son accident pour une activité exercée à raison de 32 heures 30 par semaine. Pour pouvoir comparer le revenu de valide avec celui d’invalide, il y a donc lieu de calculer le revenu de valide selon un horaire de 41,8 heures tel qu’il était usuel en 2002, ce qui donne un revenu mensuel de 4'302 fr. par mois. De plus, il y a lieu de l’adapter à l’augmentation des salaires nominaux jusqu’en 2002. En effet, l’indice des salaires nominaux pour un ouvrier masculin adulte s’élevait en 1995 à 1929 et il a passé en 2002 à 2078 (table T1A.39 de l'office fédéral de la statistique). En conséquence, le revenu hypothétique de valide en 2002 peut être fixé à 4'634 fr. 50 (4’302.20 x 2078 : 1929). Contrairement à ce que prétend le recourant, un revenu mensuel sans invalidité de 7'000 fr. n’est pas établi au degré de preuve de la vraisemblance prépondérante, puisqu’il n’a jamais réalisé un revenu de cet ordre depuis son arrivée en Suisse. De plus, selon la décision de l’assurance-invalidité du 8 juin 2001, le revenu annuel moyen basé sur 6 années de cotisations donne un montant déterminant de 37'080 fr., soit un revenu mensuel de 3’090 fr. très éloigné des 7'000 fr. invoqués. En définitive, le taux d’invalidité est de 13% (4'634.50 – 4'048 : 4'634.50 x 100 ), de sorte que le recourant a droit à une rente d’invalidité correspondant à ce taux (cf. art. 18 al. 1 LAA). En conséquence, il y a lieu de renvoyer la cause à l’intimé pour qu’elle établisse le calcul de la rente.

Au vu de ce qui précède, le recours sera admis et la décision sur opposition du 28 mai 2003 sera annulée.

Le recourant obtenant gain de cause, une indemnité de 2'000 fr. lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens.

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

(conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ)

A la forme :

Déclare le recours recevable.

Au fond :

L’admet partiellement.

Annule la décision sur opposition du 28 mai 2003 dans la mesure où elle met fin à toutes prestations dès le 1er octobre 2002..

Dit que le recourant a droit à une rente d’invalidité correspondant à un degré d’invalidité de 13% dès le 1er octobre 2002, sous réserve de surindemnisation. Au besoin condamne l’intimée à verser une telle rente au recourant.

Renvoie la cause à l’intimée pour le calcul de la rente.

Condamne l’intimée à verser au recourant une indemnité de 2’000 fr. à titre de participation à ses frais et dépens.

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée ; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision ; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu’il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l’enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

Le greffier

Walid BEN AMER

La Présidente :

Juliana BALDE

Le secrétaire-juriste :

Philippe LE GRAND ROY

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le