A/1638/2003

ATAS/230/2005 (3) du 29.03.2005 ( LAMAL ) , REJETE

Recours TF déposé le 02.05.2005, rendu le 05.09.2005, REJETE, 2P.122/2005
Descripteurs : ; ALLOCATION SOCIALE ; BARÈME ; DOMICILE À L'ÉTRANGER ; LOI FÉDÉRALE SUR L'ASSURANCE-MALADIE ; CONDITION DU DROIT À LA PRESTATION D'ASSURANCE ; SALAIRE DÉTERMINANT ; DROIT À LA PRESTATION D'ASSURANCE ; DÉNUEMENT ; ACCORD SUR LA LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES
Résumé : Il est convenu d'appliquer par analogie l'art. 24 al. 1 LaLAMal concernant les assurés imposés à la source aux recourants qui ne disposent pas d'une attestation de l'AFC.
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En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1638/2003 ARRET ATAS/230/2005

DU TRIBUNAL CANTONAL

DES ASSURANCES SOCIALES

5ème chambre

du 24 mars 2005

En la cause

Mme L__________, domiciliée à F-74140 VEIGY-FONCENEX,

recourants

M. L__________, domicilié à F-74140 VEIGY-FONCENEX, soit pour lui sa mère L__________,

 

Mlle L__________, domiciliée à F-74140 VEIGY-FONCENEX, soit pour elle sa mère L__________,

 

Mlle L__________, domiciliée à F-74140 VEIGY-FONCENEX, soit pour elle sa mère L__________,

Tous comparant par Me Nicolas JUGE, en l'étude duquel ils élisent domicile.

 

contre

SERVICE DE L'ASSURANCE-MALADIE, Route de Frontenex 62, 1207 Genève

intimé

EN FAIT

1.        Madame L__________, suissesse, mariée et mère de trois enfants nés respectivement en juillet 1997, octobre 1998 et août 2002, était domiciliée dans le canton de Genève jusqu'au 31 janvier 2002. Le 1er février 2002, l'assurée, son conjoint et leurs enfants ont quitté la Suisse pour vivre à Veigy-Foncenex en France.

2.        Selon les décisions du 12 novembre 2001 du Service de l'assurance-maladie (ci-après le SAM), l'assurée et ses enfants ont été mis au bénéfice de subsides de l'assurance-maladie pour l'année 2002, soit une réduction sur les primes mensuelles de 60 fr la concernant et de 95 fr. s'agissant de chacun des deux enfants (déjà nés alors). En raison de leur déménagement en France, quoique toujours assurés auprès de la Caisse maladie Suisse SANITAS (ci-après : la caisse), leur droit aux subsides a été supprimé dès février 2002. Les montants déduits pendant les premiers mois ont été remboursés par l'intéressée à la caisse. Le mari de cette dernière s'est affilié, quant à lui, à une assurance-maladie privée française (AZUR Assurances).

3.        Par courriers des 22 juillet et 28 août 2002, l'assurée, invoquant son statut de frontalière, a demandé au SAM l'octroi de subsides pour l'année 2002 en faveur de ses enfants et d'elle-même. Elle a invoqué qu'en date du 1er juin 2002 était entré en vigueur l'Accord sectoriel sur la libre circulation des personnes du 21 juin 1999 conclu entre la Communauté européenne et ses Etats membres d'une part, et la Confédération suisse d'autre part (ALCP). Aux termes dudit accord, les frontaliers exerçant une activité lucrative en Suisse et les membres de leur famille ne travaillant pas pouvaient à nouveau être mis au bénéfice de subsides de l'assurance-maladie suisse dès le 1er juin 2002 dès lors qu'en vertu du principe de l'affiliation au lieu de travail, ils étaient désormais soumis à l'obligation d'assurance en Suisse.

4.        Dans une lettre du 29 août 2002, le SAM a confirmé à l'assurée que les frontaliers pouvaient être mis au bénéfice de subsides de l'assurance-maladie s'ils remplissaient les conditions requises, lesquelles seraient connues aussitôt que la loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 29 mai 1997 (LaLAMal) aurait été modifiée. Il a ajouté qu'une lettre explicative ainsi qu'un formulaire concernant le droit d'option allaient être adressés aux frontaliers suisses afin qu'ils lui communiquent leur choix quant à leur affiliation.

5.        Au mois de février 2003, le SAM a adressé à l'assurée le formulaire permettant à chaque frontalier d'exercer son droit d'option (droit qui déroge au principe de l'affiliation au lieu de travail et qui permet de rester affilié au système d'assurance-maladie du pays de résidence). Le 25 mars 2003, il a enregistré le choix de l'assurée de rester affiliée à l'assurance obligatoire des soins en Suisse, choix entraînant simultanément l'affiliation de ses trois enfants au système d'assurance-maladie suisse.

6.        En date du 23 mai 2003, le Département des assurances sociales et de la santé (ci-après le DASS) a publié dans la Feuille d'avis officielle (FAO) un arrêté transitoire concernant la détermination du revenu déterminant des assurés domiciliés à l'étranger pour le calcul des subsides.

7.        Par décision du 19 juin 2003, se basant sur l'arrêté transitoire du DASS, le SAM a refusé l'octroi de subsides pour l'année 2002 à l'assurée et à ses trois enfants. Il a motivé son refus par le fait que le revenu déterminant obtenu était supérieur au seuil limite de 68'000 fr fixé pour un couple ou une personne avec trois enfants à charge fiscalement. Il ne s'est pas prononcé sur l'octroi des subsides 2003.

8.        Le 23 juin 2003, l'assurée a formé opposition contre la décision du 19 juin 2003, contestant le mode de calcul de son revenu déterminant, considérant notamment qu'il convenait, en l'espèce, de prendre en considération le revenu annuel net et non pas le revenu annuel brut. Elle en a conclu que sa famille avait le droit d'obtenir un subside pour l'année 2002.

9.        Par décision du 8 juillet 2003, le SAM a rejeté cette opposition. Il a exposé que, selon l'arrêté transitoire du DASS, il convenait de prendre en considération le revenu brut du groupe familial réalisé en Suisse et à l'étranger après une déduction forfaitaire de 15%. Le SAM a constaté qu'en l'espèce le revenu brut figurant sur l'avis de taxation 2001 était de 104'515 fr dont il fallait déduire 15%, de sorte que ce revenu s'élevait désormais à 88'837 fr 75. La limite maximale pour l'obtention d'un subside pour un couple ou une personne avec trois enfants à charge était cependant de 68'000 fr. Le revenu déterminant de l'assurée se situant au-delà dudit seuil limite, elle ne pouvait obtenir de subsides depuis le mois de juin 2002. Le SAM a souligné que, s'agissant d'un subside pour l'année 2003, celui-ci n'avait pas encore fait l'objet d'une décision.

10.    En date du 7 août 2003, l'assurée a formé recours, en son nom et celui de ses enfants, contre la décision précitée et conclu principalement à l'octroi de subsides de l'assurance-maladie du 1er juin 2002 au 31 décembre 2003 à elle-même et ses enfants, ainsi qu'au versement d'intérêts moratoires. Elle a fait valoir d'une part l'absence de base légale de l'arrêté transitoire paru le 23 mai 2003 dans la FAO, le fait qu'il ne lui était pas opposable, car il n'était pas assorti d'un effet rétroactif, de sorte qu'elle avait droit aux subsides de l'assurance-maladie pour l'année 2002 sur la base des décisions prises en 2001. D'autre part, dans l'hypothèse où cet arrêté lui serait tout de même opposable, elle a maintenu que le revenu déterminant de sa famille était inférieur au seuil limite de 68'000 fr fixé pour l'obtention d'un subside s'agissant d'un couple avec trois enfants. A cet égard, elle a soutenu qu'il convenait de prendre en considération le revenu annuel net, soit un montant de 69'988 fr dont à déduire le 15% d'où un revenu déterminant de 59'489.90 fr. Subsidiairement, elle a soulevé une inégalité de traitement par rapport aux confédérés domiciliés en Suisse à propos de l'application d'un facteur de correction pour les résidants français.

11.    Dans son préavis du 6 octobre 2003, le SAM s'est prévalu de la compétence du DASS pour l'adoption de l'arrêté provisoire précité et a repris ses arguments antérieurs. Il a par ailleurs invoqué l'irrecevabilité du recours en tant qu'il concluait à l'octroi d'un subside pour l'année 2003 dès lors qu'il n'avait pas rendu de décision concernant celui-ci. Il a rejeté l'argument de l'inégalité de traitement et finalement souligné qu'il n'y avait pas d'intérêts moratoires en matière d'assurance-maladie.

12.    Par courrier du 13 novembre 2003, la recourante a maintenu sa position.

13.    En date du 12 janvier 2004, l'intimé a persisté dans les termes de ses précédentes écritures.

14.    Par décision du 31 août 2004, le SAM a refusé à la recourante et ses enfants l'octroi de subsides de l'assurance-maladie pour l'année 2003, son revenu déterminant 2002 étant supérieur au seuil limite pour l'obtention desdits subsides.

15.    Le 6 octobre 2004, la recourante a déposé un « recours complémentaire » contre la décision rendue le 31 août 2004 par le SAM relativement au subside 2003, invoquant les mêmes motifs que dans son recours du 7 août 2003. Subsidiairement, elle a indiqué que ce « recours complémentaire » devait être considéré comme une opposition à la susdite décision.

16.    Par lettre du 11 octobre 2004, l'intimé a conclu à l'irrecevabilité dudit « recours complémentaire », le SAM n'ayant pas rendu de décision sur opposition concernant l'octroi d'un subside pour l'année 2003.

17.    Par courrier du 6 janvier 2005, la recourante a informé le Tribunal de céans qu'elle avait reçu une « inutile » décision sur opposition du SAM datée du 7 décembre 2004 et l'a invité à traiter son « recours complémentaire » du 6 octobre 2004 comme un recours contre cette décision.

 

EN DROIT

1.        La loi genevoise sur l'organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l'annulation de l'élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l'attente de l'élection de nouveaux juges assesseurs.

Conformément à l'art. 56 V al. 1 let. a ch. 4 de la LOJ, le Tribunal cantonal des assurances sociales connaît en instance unique des contestations relatives à la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal).

Par ailleurs, l'art. 36 LaLAMal prévoit que les décisions sur opposition du SAM peuvent faire l'objet d'un recours auprès du Tribunal de céans.

Sa compétence pour juger du cas d'espèce est ainsi établie.

2.        Le Tribunal de céans est saisi de deux recours, l'un dirigé contre la décision du 8 juillet 2003 du SAM concernant l'octroi de subsides de l'assurance-maladie pour l'année 2002, et le second contre la décision du 7 décembre 2004, concernant les subsides dus pour l'année 2003.

3.        En vertu de l'art. 70 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA), l'autorité peut, d'office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune. Tel est en l'occurrence le cas, dans la mesure où les deux recours ont trait à la détermination du revenu déterminant des assurés domiciliés à l'étranger, en vue de l'examen de leur droit aux subsides. Aussi convient-il de joindre ces recours.

4.        a) Interjeté dans les délai et forme prévus par la loi, le recours contre la décision du SAM du 8 juillet 2003 est recevable.

b) En ce qui concerne le recours dirigé contre la décision sur opposition du 7 décembre 2004 du SAM concernant l'octroi des subsides pour l'année 2003, il est vrai que les recourants avaient interjeté recours déjà contre la décision initiale, par acte du 6 octobre 2004. Il ne fait pas de doute que ce recours était prématuré et partant irrecevable dans la mesure où, selon l'art. 36 LaLAMal, seules les décisions sur opposition peuvent faire l'objet d'un recours auprès du Tribunal de céans. Toutefois, à réception de la décision sur opposition du 7 décembre 2004 de l'intimé, les recourants ont communiqué au Tribunal de céans qu'il convenait de traiter leur recours complémentaire du 6 octobre 2004 comme un recours contre cette décision. Cette communication est parvenue au Tribunal de céans dans le délai légal de trente jours dès la notification de la décision sur opposition du 7 décembre 2004. Les formes requises par la loi étant également respectées, il convient dès lors de considérer que le recours contre la seconde décision est également recevable.

5.        Le présent litige porte sur la question de savoir si le SAM devait faire bénéficier les recourants des subsides à l'assurance-maladie durant la période courant du 1er juin au 31 décembre 2002, ainsi qu'en 2003.

6.        Selon la jurisprudence, la législation applicable en cas de changement de règles de droit reste celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques (ATF 127 V 467 consid. 1, 126 V 166 consid. 4b). Il s'ensuit qu'en l'espèce le droit aux prestations des recourants est régi par les dispositions légales applicables en 2002 et 2003.

7.        a) Aux termes de l'art. 65 al. 1 LAMal, les cantons accordent des réductions de primes aux assurés de condition économique modeste.

Le 1er juin 2002 est entré en vigueur l'ALCP entraînant l'obligation d'assurance des frontaliers exerçant une activité lucrative en Suisse et celle des membres de leur famille ne travaillant pas, conformément au principe de l'affiliation au lieu de travail prévu dans cet accord.

A la suite de l'entrée en vigueur de l'ALCP, la LAMal a été complétée par l'art. 65a, lequel prévoit que les cantons accordent également une réduction des primes aux frontaliers, lorsqu'il s'agit d'assurés de condition économique modeste, ainsi qu'aux membres de leur famille qui résident dans un Etat membre de la Communauté européenne, en Islande ou en Norvège (let. a). Cette disposition est entrée en vigueur en même temps que l'ALCP, à savoir le 1er juin 2002.

b) Au niveau cantonal, à la date de l'entrée en vigueur de l'ALCP, l'art. 19 LaLAMal prévoit que l'Etat de Genève accorde des subsides destinés à la couverture totale et partielle des primes de l'assurance-maladie des assurés de condition économique modeste en vertu des art. 65 et 66 LAMal. Selon l'art. 21 al. 1 LaLAMal, l'assuré a droit aux subsides lorsque le revenu déterminant ne dépasse pas les limites fixées par le Conseil d'Etat. En vertu de l'al. 2 de cette disposition, le revenu déterminant est égal au revenu annuel net, augmenté d'un quinzième de la fortune nette, en Suisse et à l'étranger. Le revenu annuel net est défini comme le revenu total qui sert à déterminer le taux d'imposition cantonal avant les déductions personnelles et charges de famille. Est considérée comme fortune nette, la fortune qui sert à déterminer le taux d'imposition cantonal. L'art. 23 LaLAMal, toujours dans sa teneur valable au 1er juin 2002, prescrit que l'administration fiscale cantonale est chargée d'établir chaque année une attestation qui est adressée à tout contribuable dont les ressources sont comprises dans les limites de revenus fixées conformément à l'art. 21, et qu'elle adresse au SAM la liste des attestations délivrées à la fin de chaque année. La validité de l'attestation s'étend à la fin de l'année civile qui suit l'année de taxation. Sa délivrance n'implique cependant pas un droit aux subsides, notamment en cas de remise tardive de l'attestation à l'assureur (al. 3). Lorsque la situation économique change, le SAM peut octroyer des subsides et, dans ce cas, la procédure concernant les assurés imposés à la source est applicable (art. 23 al. 5 et 28 LaLAMal).

Concernant les assurés imposés à la source, il est prévu à l'art. 24 al. 1 LaLAMal, dans sa teneur au 1er juin 2002, que ceux-ci ne reçoivent pas d'attestation. Selon alinéa 2 de cette disposition, leur revenu déterminant comprend l'ensemble des revenus imposables du groupe familial pendant l'années fiscale de référence, après une déduction forfaitaire de 15%. Le montant ainsi obtenu est augmenté d'un quinzième de la fortune nette imposable du groupe familial, en Suisse et à l'étranger. En vertu de l'art. 2 al. 1 de la loi sur l'imposition à la source des personnes physiques et morales du 23 septembre 1994, l'impôt à la source est calculé sur le revenu brut, lequel comprend « tous les revenus provenant d'une activité pour le compte d'autrui, y compris les revenus accessoires tels que les indemnités pour prestations spéciales, les allocations, les primes pour ancienneté de service, les pourboires et autres avantages appréciables en argent, de même que les revenus acquis en compensation telles que les indemnités journalières des assurances-maladie, d'assurances contre les accidents ou de l'assurance-chômage » (al. 2). L'ensemble des revenus imposables tel que mentionné à l'art. 24 al.3 LaLAMal concerne donc les revenus bruts.

Aux termes de l'art. 25 LaMAL, dans son ancienne teneur, la procédure applicable aux assurés imposés à la source s'applique également aux nouveaux contribuables qui ont atteint leur majorité avant le 1er janvier de l'année civile.

Après l'entrée en vigueur de l'ALCP, le DASS a adopté un arrêté transitoire qui a été publié le 23 mai 2003 dans la FAO et qui est entré en vigueur le lendemain de sa publication. Selon cet arrêté, il est fait application par analogie de l'art. 24 al. 3 de la LaLAMal, pour la fixation du revenu déterminant des assurés domiciliés à l'étranger. Cet arrêté prescrit également que ce revenu déterminant est corrigé en fonction de la différence du pouvoir d'achat entre la Suisse et le pays de résidence sur la base du pouvoir d'achat dans le pays de résidence, et qu'à cet effet il est fait application du facteur de correction défini chaque année par le Département fédéral de l'intérieur pour chaque Etat membre de la Communauté européenne ainsi que pour l'Islande et la Norvège, en vertu de l'art. 6 de l'ordonnance fédérale concernant la réduction des primes dans l'assurance-maladie en faveur des rentiers qui résident dans un Etat membre de la Communauté européenne, en Islande ou en Norvège. Le DASS a en outre prévu une limite de validité de cet arrêté, lequel est abrogé de plein droit dès l'entrée en vigueur du projet de loi modifiant les diverses lois sociales cantonales compte tenu de l'entrée en vigueur de l'ALCP.

La LaLAMal et son règlement d'application n'ont été modifiés qu'avec effet au 15 avril 2004, à la suite de l'adoption de l'ALCP. Selon l'art. 24A al. 1 LaLAMal, dans sa nouvelle teneur, l'assuré domicilié à l'étranger de condition économique modeste doit présenter une requête dûment motivée au SAM, accompagnée des documents justifiant de sa condition de revenu et de sa fortune. Selon l'art. 24A al. 2 LaLAMal, le Conseil d'Etat détermine les revenus et la fortune qui doivent être pris en compte pour le calcul du revenu déterminant le droit aux subsides de l'assuré domicilié à l'étranger. Le revenu pris en compte est corrigé en fonction de la différence du pouvoir d'achat entre la Suisse et les pays de résidence de l'assuré sur la base du pouvoir d'achat dans les pays de résidence. Enfin, l'art. 3 de cette disposition prescrit que le droit aux subsides naît le 1er jour du mois du dépôt de la requête sous réserve de situations particulières. L'art. 13 al. 1 du règlement d'application, dans la teneur dès le 1er avril 2004, prévoit que le revenu déterminant des assurés domiciliés à l'étranger comprend l'ensemble des revenus imposable du groupe familial réalisé en Suisse et à l'étranger pendant l'année fiscale de référence, après une déduction forfaitaire de 20%, ainsi qu'un quinzième de la fortune nette imposable.

8.        L'intimé ayant considéré que les recourants n'avaient pas droit aux subsides pour les années 2002 et 2003 sur la base de l'arrêté provisoire promulgué par le DASS se pose en premier lieu la question de la validité de cet arrêté.

a) Il convient en premier lieu de constater que l'ancienne LaLAMal n'a pas réglé la définition du revenu déterminant des assurés domiciliés à l'étranger, dans la mesure où auparavant seules pouvaient bénéficier des subsides à l'assurance-maladie les personnes domiciliées dans le canton ( art. 1 al. 2 let. a aLaLAMal), et que l'on est dès lors en présence d'une lacune authentique ou proprement dite que le juge est autorisé de combler, en se limitant à ce qui est nécessaire pour trancher le cas d'espèce (ATF K 66/01du 19 octobre 2001; ATF 125 III 425 consid. 3a p.427-428 et les arrêts cités ; ATA/59/2003 du 28 janvier 2003). Pour ce faire il convient de s'inspirer du but de la loi et des règles adoptées en d'autres matières ou domaines (MOOR, op. cit., p. 155 ch. 2.4.4).

b) Quant à l'arrêté en cause il doit être qualifié d'ordonnance législative d'exécution et constitue donc un complément d'une loi formelle dont il dépend quant à son contenu. (Blaise KNAPP, Précis de droit administratif, Bâle 1991, p. 74 ch. 350 et 351). Les exécutifs sont habilités à adopter des règles d'exécution en vertu des dispositions qui, dans la Constitution, leur confèrent le droit de veiller à l'exécution des lois (KNAPP op. cit., p. 75 ch. 353). Ce pouvoir est attribué à Genève au Conseil d'Etat, en vertu de l'art. 116 de la Constitution de la République et Canton de Genève. Il peut être subdélégué aux départements, conformément aux conditions déterminées par le droit cantonal (Pierre MOOR, Droit administratif, vol. I, Berne 1994, p. 255 ch. 3.3.3.5).

A Genève, l'art. 3 al. 2 let. i) LaLAMal prescrit que la définition des assurés de condition économique modeste et la détermination du montant des subsides accordés à ces assurés relèvent de la compétence du Conseil d'Etat. L'art. 1 al. 1 du règlement d'application charge le DASS de l'exécution de la loi. Toutefois, l'al. 2 de cette disposition réserve expressément les compétences attribuées au Conseil d'Etat en vertu de l'art. 3 de la loi. Par ailleurs, le revenu déterminant était fixé dans l'ancienne LaLAMal dans la loi elle-même, ce qui ne laissait en principe plus aucune place à un pouvoir réglementaire de l'exécutif. Ce n'est que l'art. 24A al. 2 LaLAMal qui est entré en vigueur le 1er avril 2004 qui confère au Conseil d'Etat le pouvoir de définir le revenu déterminant des assurés domiciliés à l'étranger. Il convient ainsi de considérer que la LaLAMal dans son ancienne teneur n'avait pas déléguée au DASS le pouvoir de définir le revenu déterminant. Seul le Conseil d'Etat était à la rigueur habilité à adopter les nouvelles dispositions réglementaires dans ce domaine, dès lors qu'il peut être considéré que la définition des limites de revenus englobe également la détermination du revenu déterminant.

Se pose néanmoins la question de savoir dans quelle mesure il n'y a pas lieu de concéder à l'administration le pouvoir d'adopter des arrêtés, lorsque la loi contient une lacune authentique, dès lors que l'autorité est amenée à combler cette lacune dans chaque cas d'application concrète qui lui est soumis. En pareille hypothèse, il faut admettre que la voie d'un arrêté publié a l'avantage de la transparence et garantit l'égalité de traitement de tous les administrés. Toutefois, cette question peut en l'occurrence rester ouverte, dans la mesure où il résulte de ce qui suit que la lacune a été comblée par le DASS conformément à l'esprit et au but de la loi, à savoir des dispositions de la LaLAMal et de son règlement valables jusqu'à leur abrogation en date du 15 avril 2004.

c) Dans sa systématique, la LaLAMal fait une distinction entre les assurés au bénéfice d'une attestation fiscale concernant le revenu déterminant et ceux qui ne le sont pas. Pour les premiers est déterminant le revenu imposable établi selon la loi sur l'imposition des personnes physiques et pour les seconds le revenu calculé en application de l'art. 24 al. 3 LaLAMal dans son ancienne teneur, soit selon la procédure applicable aux assurés imposés à la source. Selon cette procédure était calculé non seulement le revenu déterminant des assurés imposés à la source, mais également celui des nouveaux contribuables et celui de ceux dont la situation économique a changé en cours d'année.

Dans la mesure où les assurés qui ne sont pas domiciliés dans le canton ne disposent en principe pas d'une telle attestation fiscale, il est conforme à l'esprit et au but de la loi de leur appliquer par analogie l'art. 24 al. 3 aLaLAMal, tel que cela était prévu par l'arrêté provisoire promulgué par le DASS.

Se pose cependant la question de la procédure applicable aux assurés qui étaient au bénéfice d'une telle attestation jusqu'au déplacement de leur domicile à l'étranger, comme cela est le cas de la recourante. Le Tribunal de céans est de l'avis que, dans cette hypothèse, il y a lieu de traiter les assurés selon leur nouveau statut, soit celui de la personne domiciliée à l'étranger, en application du principe de l'égalité de traitement. En effet, aucune raison objective justifie de traiter un assuré qui déplace son domicile l'étranger en cours d'année différemment de celui qui y est établi depuis une plus longue durée.

9.        a) Au vu des considérations qui précèdent, le revenu déterminant des recourants doit être calculé en application de l'art. 24 al. 3 aLaLAMal. Sont dès lors à prendre en considération l'ensemble des revenus imposables du groupe familial, après une déduction forfaitaire de 15%. Comme relevé ci-dessus sont déterminants les revenus bruts.

b) En l'espèce, le revenu brut figurant sur l'avis de taxation 2001 de la recourante est de 104'515 fr. dont il faut déduire 15%, de sorte que ce revenu s'élève à 88'837 fr 75. Il n'est pas utile ici d'augmenter ce montant d'un quinzième de la fortune nette imposable ni d'appliquer le facteur de correction vu qu'il est déjà supérieur au seuil limite de 68'000 fr.

En effet, selon l'article 10 du règlement d'application, la limite pour l'obtention d'un subside pour un couple avec trois enfants fiscalement à charge est de 68'000 fr. Le revenu déterminant de l'assurée se situant au-delà dudit seuil limite, elle ne saurait obtenir de subside pour elle-même et ses enfants depuis le mois de juin 2002, de telle sorte que la décision du 19 juin 2003 ainsi que la décision sur opposition du 8 juillet 2003 sont fondées.

c) En ce qui concerne le revenu déterminant pour l'année 2003, celui-ci s'est élevé à 114'646 fr. et s'établit dès lors, après la déduction forfaitaire de 15%, à 97'449 fr. 10. Avec l'intimé, il convient par conséquent d'admettre que ce revenu dépasse le seuil limite de 68'000 fr., de sorte que le droit aux subsides n'est pas donné.

d) Dès lors que le facteur de correction n'a pas été appliqué en l'occurrence, la question de la conformité au droit d'une telle façon de faire, avant l'introduction formelle de ce facteur de correction en date du 15 avril 2004, peut rester ouverte.

10.    Cela étant, les recours seront rejetés et les décisions attaquées confirmées.

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

(conformément à la disposition transitoire de l'art. 162 LOJ)

A la forme :

1.        Déclare les recours recevables.

Au fond :

2.        Les rejette ;

3.        Dit que la procédure est gratuite ;

 

La greffière:

 

Yaël BENZ

 

La Présidente :

 

Maya CRAMER

 

 

 

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral de la santé publique par le greffe le