A/1795/2003

ATAS/379/2005 du 19.04.2005 ( AI ) , ADMIS

Recours TF déposé le 09.06.2005, rendu le 18.08.2006, ADMIS, I 408/05
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En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1795/2003 ATAS/379/2005

ARRÊT

DU TRIBUNAL CANTONAL DES
ASSURANCES SOCIALES

1ère Chambre

du 19 avril 2005

 

 

 

 

En la cause

 

 

Monsieur F__________, domicilié à Chêne-Bourg –Genève, mais recourant

comparant par Maître Pierre GABUS en l’Etude duquel il élit domicile

 

 

 

contre

 

 

 

OFFICE CANTONAL DE L’ASSURANCE INVALIDITE, intimé

sis rue de Lyon 97 à Genève

 

 

 

 


EN FAIT

1 Monsieur F__________, né en 1964 au Portugal, a exercé depuis son arrivée en Suisse, soit depuis 1981, le métier de garçon d’office dans la restauration. Il a déposé le 27 septembre 1985 auprès de la Commission cantonale genevoise de l’assurance-invalidité, alors compétente, une demande visant à obtenir la prise en charge d’une orientation professionnelle, d’un reclassement dans une nouvelle profession, d’un placement ou l’octroi d’une rente, au motif qu’il avait été victime d’un accident de moto le 13 août 1984, à la suite duquel il avait souffert d’une déchirure totale des ligaments, ménisque bloqué et fracture du fémur.

2. Son médecin traitant, le Docteur L__________, spécialiste FMH en chirurgie-orthopédique, avait diagnostiqué une sévère gonarthrose droite post-traumatique avec instabilité importante et fixait le taux de son incapacité de travail à 100% (cf. rapports des 4 mars 1992 et 3 juin 1994).

3. L’assuré a été mis au bénéfice d’une rente entière d’invalidité dès le 1er août 1985. Diverses mesures ont également été prises en charge, tels un stage d’observation professionnelle dans le cadre des ateliers du CRPH, des cours de français, un stage de réentraînement au travail, un stage d’employé de bureau dans le cadre de la Fondation PRO.

La rente entière a été maintenue lors des différentes révisions survenues au cours des années. En 1992 notamment, l’Office régional de l’assurance-invalidité constatait qu’après deux ans de formation en école privée, l’assuré n’était même pas en mesure d’assumer un travail d’opérateur de saisie et proposait pour ce motif, de tenir compte d’une incapacité totale de travail, une perte de gain de plus de deux tiers ne pouvant être évitée (cf. rapport du 10 mars 1992).

3. Procédant à un nouvel examen du dossier, l’Office cantonal de l’assurance-invalidité (ci-après l’OCAI), compétent depuis 1993, a confié au Docteur M__________, spécialiste FMH en psychiatrie, le mandat d’examiner l’assuré. Du rapport établi le 15 juillet 1999, il ressort que la motivation pour une activité serait le seul facteur susceptible d’aider l’assuré à surmonter son handicap. Mais compte tenu de son anamnèse, de ses traits de personnalité, de son mode de vie actuel qui est satisfaisant pour lui, ainsi que de la tolérance de son entourage familial, on ne peut pas s’attendre au surgissement d’une telle disposition d’esprit. Mais il est très difficile aussi de considérer qu’il s’agisse-là d’un trait pathologique, en particulier parce qu’aucune souffrance ou détresse autre que physique n’est perceptible et que cette souffrance physique est congruente avec ses lésions. Il s’agit beaucoup plus d’une problématique à considérer sous l’angle social et familial : hormis la brève période pendant laquelle il a travaillé, il s’est toujours trouvé dans un milieu où sa passivité n’était pas contrariée, il n’a jamais été obligé de subvenir à ses propres besoins ou à ceux d’une famille. Aucun trouble psychique consécutif ou antérieur à l’accident n’a été mis en évidence.

4. Le 22 juin 2000, le Docteur N__________, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, a établi un rapport d’expertise, également mandaté par l’OCAI. Il a rappelé les diagnostics suivants :

- gonarthrose droite de nature post-traumatique sur laxité chronique récidivante après multiples interventions de plasties ligamentaires intra-articulaires et extra-articulaires (point d’angle postéro-externe et ligament latéral externe), méniscectomies et débridement.

- status après deux ostéotomies tibiales de valgisation successives (1988 et 1992),

- ancienne fracture du fémur droit médiodiaphysaire consolidée ayant été enclouée avec ablation de matériel,

- ossification tendino-musculaire supérieure du grand trochanter droit,

- épisode infectieux sur hématome parafémoral latéral (staphylococcus aureus).

Il a considéré que l’incapacité de travail en qualité de commis de cuisine était de 100%. Il a précisé que sur le plan orthopédique des activités légères à temps partiel, selon la fatigabilité ou à temps complet selon les déplacements ou possibilités de changement de position, assis, debout, petits déplacements, cependant sans montée ni descente d’escaliers, ni port de charges, des activités légères de classement ou peu intellectuelles, étaient possibles. Il a par ailleurs ajouté que dans les conditions actuelles, vu l’importante laxité du genou, il lui paraissait contre-indiqué d’envisager une arthroplastie totale du genou de type non contrainte ou semi-contrainte. Compte tenu de l’épisode infectieux et du jeune âge du patient, il ne lui semblait pas non plus judicieux de proposer une arthroplastie du genou contrainte (prothèse à charnière) sur laxité importante sans un bilan infectieux poussé, biologique et isotopique. Il signalait qu’en revanche, dans ce type d’arthrose du sujet jeune, il reste la proposition, certes réductrice sur le plan de la fonction du genou, que constitue l’arthrodèse (fixation définitive de l’articulation en position d’extension), une telle opération pouvant considérablement améliorer la symptomatologie douloureuse du genou droit. L’indication pour une telle intervention devait être toutefois mûrement pesée compte tenu des conséquences sur l’équilibre du bassin et de la colonne avec le risque de séquelles douloureuses au niveau de la colonne, d’une part, et du retentissement fonctionnel avec éventuelle dégradation du membre inférieur gauche actif et porteur, d’autre part. A la question de savoir si l’état physique avait changé de façon notable depuis 1997, l’expert a répondu que l’état physique de la hanche droite semblait stationnaire, que l’état physique du genou droit s’était aggravé avec réduction en F/E, difficilement comparable sur le plan de la laxité ou de la stabilité, compte tenu de l’examen précédent.

5. L’OCAI a à nouveau interrogé le Docteur L__________. Celui-ci a déclaré que l’état de santé ne s’était pas modifié de façon notable et a confirmé l’incapacité de travail à 100%, tout en précisant qu’une activité sédentaire sans mouvements, ni efforts, était éventuellement envisageable en théorie (cf. rapport du 4 juillet 2002).

La Division de réadaptation professionnelle de l’assurance-invalidité, après avoir récapitulé les conclusions des Docteurs L__________, M__________ et N__________, a alors proposé de soumettre l’assuré à un stage d’observation professionnelle dans l’atelier COPAI du Centre d’intégration professionnelle (CIP) du 21 octobre au 15 décembre 2002, afin d’apprécier quelles étaient les capacités résiduelles réelles de l’assuré dans un poste adapté (cf. rapport du 19 juillet 2002).

Selon le Docteur O__________, médecin consultant du COPAI :

« Après presque dix-neuf ans d’inactivité, il paraît effectivement très peu probable même si une capacité théorique de travail existe, que Monsieur F__________ redevienne un travailleur autonome. Comme il fallait s’y attendre, le stage effectué au COPAI a confirmé qu’il a une capacité résiduelle de travail estimée actuellement à 60%, qui devrait très vraisemblablement se rapprocher de la normale après un réentraînement dans une activité respectant les limitations objectives de la fonction du genou lésé. Cependant, ces considérations sont uniquement théoriques, compte tenu de la conviction de Monsieur F__________ de ne plus pouvoir exercer la moindre activité »

Il ressort du rapport final du CIP que les capacités de l’assuré sont compatibles avec un emploi simple, léger et pratique dans le circuit économique normal, sans port de charges, en position assise avec possibilité d’en changer. Il a été constaté qu’après une période d’adaptation et de formation, un rendement minimum de 80% sur six heures par jour était exigible dans un emploi adapté, tel que celui de contrôleur de produits finis, d’ouvrier à l’établi ou d’employé de bureau pour des tâches simples. Il est relevé que l’assuré n’ayant pas travaillé depuis dix-neuf ans, il fait preuve de peu de motivation à l’idée de reprendre une activité professionnelle et n’a aucun projet à cet égard.

La Division de réadaptation professionnelle de l’assurance-invalidité, estimant qu’il n’était pas judicieux d’entrer dans une démarche de reclassement, a directement procédé à la comparaison des gains. Elle s’est fondée sur le revenu issu de l’Enquête suisse sur la structure des salaires : ESS 2000, tableau TA 7, activité de l’hôtellerie, restauration N° 37, dans une activité de niveau 4 (activité simple et répétitive), soit, après réactualisation 2002 selon l’indice suisse des prix à la consommation, un salaire annuel de 41'184 fr. Pour déterminer le salaire que pourrait réaliser l’assuré dans une activité adaptée à ses handicaps, conformément aux conclusions du stage COPAI, la Division de réadaptation professionnelle a retenu le salaire mentionné dans l’Enquête suisse sur la structure des salaires 2000 (ESS), tableau TA 1, dans l’industrie manufacturière (15 – 37), dans une activité de niveau 4 (activité simple et répétitive), pour laquelle un homme peut espérer un salaire annuel de 55'416 fr. Le calcul a été effectué compte tenu d’une diminution de rendement de 40% et d’une réduction supplémentaire de 25%. Le taux d’invalidité obtenu est de 35,9%.

6. Par décision du 2 avril 2003, l’OCAI a informé l’assuré que ce degré d’invalidité de 35,9% ne permettait plus l’octroi d’une rente, de sorte que le droit à celle-ci s’éteignait dès le premier jour du deuxième mois suivant la date de la notification de la décision. L’OCAI a par ailleurs retiré l’effet suspensif à un éventuel recours.

7. L’assuré, représenté par Maître Pierre GABUS, a formé opposition à ladite décision. Il joint à son courrier un certificat du Docteur L__________, du 10 avril 2003, aux termes duquel

« il souffre d’une gonarthrose post-traumatique très invalidante. Il n’y a aucune amélioration depuis plusieurs années et le patient souffre particulièrement de douleurs mécaniques qui se péjorent lentement. Il présente des douleurs et des épanchements ainsi que des douleurs au niveau de la hanche droite. L’évolution est donc défavorable et l’incapacité de travail n’est nullement modifiée ».

L’assuré conclut dès lors à l’annulation de la décision litigieuse et requiert également le rétablissement de l’effet suspensif.

Le 4 juin 2003, l’assuré a complété son opposition. Il rappelle notamment que le Docteur P__________, mandaté par l’assureur LAA, avait déclaré en mai 1986 qu’

« il est probable que le patient ne soit plus capable d’effectuer totalement un travail aussi pénible que celui de sommelier ou d’aide de cuisine en raison de l’instabilité du genou droit qui avec le temps risque de provoquer une arthrose de ce genou ».

En novembre 1987, le même médecin estimait que l’invalidité pouvait d’ores et déjà être fixée à 100%

« car jamais le patient ne sera plus capable d’effectuer sa profession de garçon d’office ou de sommelier ».

Il a confirmé à nouveau cette conclusion en juillet 1988, en avril et novembre 1989.

Le Docteur R__________, spécialiste en orthopédie, a également constaté en octobre 1988 qu’aucune amélioration n’était à espérer.

L’assuré souligne enfin que dans un rapport du 26 juin 2002, le Docteur L__________ indique que son état de santé est resté stationnaire, qu’il ne s’est pas amélioré et que les diagnostics ne se sont pas modifiés.

Il ne comprend dès lors pas pour quelle raison l’OCAI a décidé de le soumettre à un stage d’observation COPAI. Il s’étonne au surplus que les maîtres d’atelier aient conclu « théoriquement » à une capacité résiduelle de travail de 60%, alors qu’il n’avait participé au stage qu’à 50% en raison de son état de santé.

8. Par décision incidente sur opposition du 20 juin 2003, l’OCAI a refusé de rétablir l’effet suspensif.

9. Par jugement du 23 septembre 2003, le Tribunal de céans a rejeté le recours quant à la question de l’effet suspensif. Saisi par le recourant, le Tribunal fédéral des assurances a, dans son arrêt du 23 février 2005, confirmé ledit jugement.

10. Par décision sur opposition du 20 août 2003, l’OCAI, se référant à l’expertise du 22 juin 2002 établie par le Docteur N__________, ainsi que sur le rapport du CIP, a confirmé le taux d’invalidité de 35,9% retenu.

11. L’assuré a interjeté recours le 19 septembre 2003 contre ladite décision sur opposition.

Il produit un nouveau certificat établi par le Docteur L__________ le 8 septembre 2003, selon lequel

« l’évolution non seulement est inchangée mais le patient vient me voir plus fréquemment pour une médication antalgique. Il continue de souffrir de son genou et de sa hanche. Il n’y a pas de traitement plus agressif, la seule issue étant une prothèse totale du genou pour laquelle le patient a décidé d’attendre encore un peu. En revanche, la médication anti-inflammatoire est nécessaire et augmente dans le temps. Je pense qu’un travail léger, même sédentaire, pourrait entraîner une augmentation des douleurs et l’augmentation de la prise d’anti-inflammatoire ».

Il considère que les conditions d’une révision ne sont pas réalisées, son état de santé s’étant au contraire plutôt aggravé. En outre, il conteste les montants sur lesquels s’est fondé l’OCAI pour procéder à la comparaison des gains.

12. Dans son préavis du 21 octobre 2003, l’OCAI a rappelé, s’agissant de ce dernier point litigieux, qu’il avait pris en considération une réduction du salaire de 25%, ce qui correspond à la déduction maximale admise par la jurisprudence rendue en la matière.

13. Le Docteur L__________ a été entendu par le Tribunal de céans le 25 janvier 2005 en qualité de témoin. Il conteste les conclusions de l’expertise du Docteur N__________ ainsi que celles du rapport CIP. Il confirme qu’il y a lente péjoration de l’état de santé sans qu’il soit possible de dire précisément depuis quand, le processus d’arthrose ayant en réalité débuté dès l’accident. Selon lui, des lésions cartilagineuses peuvent ne pas être mises en évidence au moment de l’accident mais exister néanmoins et participer à la péjoration constatée ultérieurement.

14. Le 18 mars 2005, le recourant a persisté dans ses conclusions. Son courrier a été transmis pour information à l’OCAI et la cause a été gardée à juger.

 

 

EN DROIT

1. La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

2. Conformément à l'art. 56 V al. 1 let. a ch. 2 LOJ, le Tribunal cantonal des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’article 56 LPGA qui sont relatives à la loi sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959.

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

3. La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine des assurances sociales. Sur le plan matériel, le point de savoir quel droit s'applique doit être tranché à la lumière du principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 130 V 328 consid. 2.2 et 2.3 ; 127 V 467 consid. 1, 126 V 136 consid. 4b et les références). En revanche, en ce qui concerne la procédure, et à défaut de règles transitoires contraires, le nouveau droit s'applique sans réserve dès le jour de son entrée en vigueur (ATF 117 V 93 consid. 6b, 112 V 360 consid. 4a; RAMA 1998 KV 37 p. 316 consid. 3b). C'est pourquoi les procédures pendantes au 1er janvier 2003 ou introduites après cette date devant un tribunal cantonal compétent en matière d'assurances sociales sont régies par les nouvelles règles de procédure contenues dans la LPGA et par les dispositions de procédure contenues dans les différentes lois spéciales modifiées par la LPGA.

Le recours, interjeté en temps utile, est recevable (articles 56 et 60 LPGA).

4. En l’espèce, l’assuré a été mis au bénéfice d’une rente entière d’invalidité depuis le 1er août 1985. Le droit à la rente entière a été confirmé lors de plusieurs révisions jusqu’à avril 2003, date à laquelle la décision litigieuse a été rendue.

L’invalidité telle qu’elle est définie à l’art. 4 LAI, est la diminution de la capacité de gain, présumée permanente ou de longue durée, qui résulte d’une atteinte à la santé physique ou mentale provenant d’une infirmité congénitale, d’une maladie ou d’un accident.

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d’invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l’incapacité fonctionnelle qu’il importe d’évaluer (ATF 110 V 275 consid. 4a, 105 V 207 consid. 2). Lorsqu’en raison de l’inactivité de l’assuré, les données économiques font défaut, il y a lieu de se fonder sur les données d’ordre médical, dans la mesure où elles permettent d’évaluer la capacité de travail de l’intéressé dans des activités raisonnablement exigibles (ATF 115 V 133 consid. 2, 105 V 158 consid.1).

Selon l’art. 28 al. 1 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 66 2/3 % au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins ; dans les cas pénibles, l’assuré peut, d’après l’art. 28 al. 1bis LAI, prétendre une demi-rente s’il est invalide à 40 % au moins.

L’art. 41 LAI (en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002 ; art. 17 LPGA), prévoit que si l'invalidité d'un bénéficiaire de rente se modifie de manière à influencer le droit à la rente, celle-ci est, pour l'avenir, augmentée, réduite ou supprimée. Tout changement important des circonstances, propre à influencer le degré d'invalidité, donc le droit à la rente, peut donner lieu à une révision de celle-ci. Le point de savoir si un tel changement s'est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu'ils se présentaient au moment de la décision initiale de rente et les circonstances régnant à l'époque de la décision litigieuse (ATF 125 V 369 consid. 2 et la référence; voir également ATF 112 V 372 consid. 2b et 390 consid. 1b).

Selon la jurisprudence, la rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l'état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 113 V 275 consid. 1a et les arrêts cités; voir également ATF 120 V 131 consid. 3b, 119 V 478 consid. 1b/aa). Tout changement important des circonstances propre à influencer le degré d'invalidité et donc le droit à la rente, peut motiver une révision. Si les conditions prévues à l'art. 41 LAI font défaut, la décision de rente peut être éventuellement modifiée d'après les règles applicables à la reconsidération de décisions administratives passées en force. Conformément à ces règles, l'administration peut en tout temps revenir d'office sur une décision formellement passée en force de chose jugée et sur laquelle une autorité judiciaire ne s'est pas prononcée sous l'angle matériel, à condition qu'elle soit sans nul doute erronée et que sa rectification revête une importance notable. Le juge peut, le cas échéant, confirmer une décision de révision rendue à tort pour le motif substitué que la décision de rente initiale était sans nul doute erronée et que sa rectification revêt une importance notable (ATF 125 V 369 consid. 2 et les arrêts cités).

D'après la jurisprudence, si la capacité de gain d'un assuré s'améliore, il y a lieu de considérer que ce changement supprime, le cas échéant, tout ou partie de son droit aux prestations dès qu'on peut s'attendre à ce que l'amélioration constatée se maintienne durant une assez longue période. Il en va ainsi lorsqu'un tel changement déterminant a duré trois mois déjà, sans interruption notable et sans qu'une complication prochaine soit à craindre (art. 88a RAI, en relation avec l'art. 41 LAI, applicable en l'espèce tel qu'avant son abrogation le 1er janvier 2003 par suite de l'entrée en vigueur de la LPGA; cf. ATF 127 V 467 consid. 1 et 121 V 366 consid. 1b). Ces principes valent également pour l'octroi, avec effet rétroactif, d'une rente dégressive et/ou temporaire (ATF 109 V 125; VSI 2001 p. 275 consid. 1a).

Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 125 V 261 consid. 4, 115 V 134 consid. 2, 114 V 314 consid. 3c, 105 V 158 consid.1

Dans un arrêt du 14 juin 1999 (ATF 125 V 351), le Tribunal fédéral des assurances a précisé sa jurisprudence relative à l’appréciation des preuves notamment dans le domaine médical. Il convient de rappeler ici que selon le principe de la libre appréciation des preuves, qui s’applique aussi bien en procédure administrative qu’en procédure de recours de droit administratif (art. 40 PCF en corrélation avec l’art. 19 PA ; art. 95 al. 2 OJ en liaison avec les art. 113 et 132 OJ), l’administration ou le juge apprécie librement les preuves, sans être lié par des règles formelles, en procédant à une appréciation complète et rigoureuse des preuves. Dès lors, le juge doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. Si les rapports médicaux sont contradictoires, il ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre.

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, la jurisprudence a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d’apprécier certains types d’expertises ou de rapports médicaux.

Ainsi, le juge ne s’écarte en principe pas sans motifs impératifs des conclusions d’une expertise médicale judiciaire, la tâche de l’expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l’éclairer sur les aspects médicaux d’un état de fait donné. Peut constituer une raison de s’écarter de l’expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu’une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d’autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l’expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d’une nouvelle expertise médicale.

5. En l’espèce, l’OCAI a supprimé le droit de l’assuré à la rente entière d’invalidité, considérant que celui-ci peut travailler dans un emploi adapté, soit simple, léger, pratique, sans port de charges, en position assise avec possibilité d’en changer, compte tenu d’une diminution de rendement de 40%.

Les médecins consultés peu après l’accident ont à l’unanimité déclaré qu’aucune amélioration ne pourrait être envisagée à l’avenir. Le Docteur L__________ a déclaré, dans son rapport du 4 juillet 2002, que l’état de santé de son patient était resté stationnaire. Il a cependant constaté en septembre 2003 une aggravation en ce sens que son patient venait le voir plus fréquemment pour une médication antalgique. Le Docteur N__________, dans son expertise du 22 juin 2000, a précisé que l’état physique de la hanche droite était stationnaire mais que l’état du genou gauche s’aggravait.

Le Tribunal de céans relève ainsi que l’état de santé de l’assuré n’a pas subi de modification notable, voire s’est aggravé. C’est ici le lieu de rappeler que l’atteinte à la santé n’est pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (MEYER-BLASER Bundesgesetz über die Invalidenversicherung, Zurich 1997, p. 8).

Il n’est pas contesté que l’assuré ne peut pas exercer son activité antérieure de sommelier. Reste à déterminer s’il est possible d’exiger de lui qu’il travaille dans un emploi adapté, étant rappelé que les assurés doivent de leur propre initiative faire tout ce qui est en leur pouvoir et que l’on peut raisonnablement leur demander pour améliorer leur capacité de gain.

Selon le Docteur N__________, il est possible d’envisager pour l’assuré une activité légère à temps partiel selon la fatigabilité ou à temps complet selon les déplacements ou possibilités de changement de position, assis, debout, petits déplacements, cependant sans montée ni descente d’escaliers, ni port de charges (cf. rapport d’expertise du 22 juin 2000).

Le Docteur L__________ admet qu’une activité sédentaire, sans mouvements ni efforts, est éventuellement envisageable en théorie (rapport du 4 juillet 2002).

Le CIP, dans son rapport final, conclut à un emploi simple, léger et pratique, sans port de charges, en position assise avec possibilité d’en changer et à un rendement minimum de 80% sur six heures par jour.

Le Docteur O__________ a confirmé une capacité résiduelle de travail de 60%, étant précisé que ces considérations sont théoriques, compte tenu de la conviction de l’assuré de ne plus pouvoir exercer la moindre activité.

Force est de constater que l’état de santé est pour l’essentiel resté le même ; l’appréciation quant aux possibilités d’exercer une activité seule a changé. Les conditions de l’art. 41 LAI ne sont dès lors pas réalisées. Une telle conclusion apparaît d’autant plus satisfaisante que d’une part l’octroi de la rente entière a été confirmé lors de plusieurs révisions successives et d’autre part, que l’appréciation qui est actuellement faite de la capacité de gain de l’assuré est contredite par l’échec des essais répétés de réadaptation dans l’électronique, dans l’horlogerie ou comme employé de bureau.

Le recours est en conséquence admis.

 

 


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

conformément à la disposition transitoire de l’article 162 LOJ

A la forme :

Déclare le recours recevable.

Au fond :

2. L’admet et annule la décision du 2 avril 2003.

3. Dit que le recourant a droit au maintien de la rente entière.

4. Dit que la procédure est gratuite.

5. Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu'il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l'enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

 

La greffière :

 

 

Marie-Louise QUELOZ

 

La Présidente :

 

 

Doris WANGELER

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales par le greffe le