A/1836/2003

ATAS/515/2005 du 08.06.2005 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS

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En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1836/2003 ATAS/515/2005

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

4ème chambre

du 8 juin 2005

En la cause

Madame C__________, mais faisant élection de domicile en l’Etude de Me Christophe ZELLWEGER

recourante

contre

OFFICE CANTONAL DE L’ASSURANCE-INVALIDITE, rue de Lyon 97, 1201 GENEVE

intimé


EN FAIT

Madame C__________, née G__________ le 2 juillet 1974, a déposé une demande de prestations d’assurance-invalidité le 12 avril 1994 en raison d’une importante scoliose lui provoquant de fortes douleurs.

Elle exerçait, à cette époque, l’activité de secrétaire et, lors son dernier emploi chez X__________ SA, qui a pris fin le 8 février 1994, elle percevait un salaire mensuel de 3’500 fr.

Il ressort des rapports des 25 avril et 22 septembre 1994 des médecins traitants de l’assurée, le Dr A__________ et le Dr B__________, à l’Office cantonal de l’assurance-invalidité (ci après OCAI) que leur patiente souffrait d’une triple scoliose du rachis dorso-lombaire (dorsal, dorso-lombaire et lombaire). Le Dr A__________ estimait qu’il n’y avait pas d’incapacité de travail pour l’activité de secrétaire alors que le Dr B__________ considérait qu’à fin mars 1994, à six semaines de grossesse, l’incapacité de travail pouvait se chiffrer à 50% environ.

Selon le rapport d’expertise du 8 février 1995 du Dr C__________, mandaté par l’OCAI, la capacité de travail de l’assurée comme employée de bureau était de 50% dans une activité variée, permettant de fréquents changements de position et abstention du port de charges lourdes. Sa situation devait être réévaluée après une année en envisageant un reclassement professionnel.

Par décision du 20 juillet 1995, entrée en force, l’OCAI a octroyé à l’assurée une demi-rente extraordinaire simple d’invalidité et une demi-rente extraordinaire simple complémentaire pour enfant, depuis le 29 mars 1995.

Suite à une dénonciation anonyme non datée qui laissait entendre que l’assurée encaissait des revenus substantiels grâce à plusieurs activités dans le domaine de la prostitution, l’OCAI a entamé une procédure de révision de la rente d’invalidité de celle-ci en lui adressant un questionnaire en date du 10 septembre 2001.

Dans ce questionnaire, signé le 30 octobre 2001, l’assurée indiquait que son état de santé était toujours le même, qu’elle était toujours sans activité lucrative et qu’elle n’avait fait l’objet d’aucun changement professionnel pour des raisons de santé depuis l’octroi de la rente.

Selon le rapport du 24 avril 2002 du Dr D__________ à l’OCAI, l’état de santé de sa patiente était stationnaire, sans amélioration envisageable de sa capacité de travail. Le taux d’invalidité reconnu ne devait pas être modifié.

Le rapport intermédiaire du Dr E__________ du 28 janvier 2003 indiquait également que l’état de santé de sa patiente était stationnaire sans changements dans les diagnostics et sans évolution du statut.

Selon un rapport du 28 novembre 2002 de la police judiciaire, reçu par l’OCAI le 19 février 2003, Madame C__________ était recensée auprès de la brigade des mœurs depuis le 13 février 1997 et, à la date du rapport, elle semblait toujours exercer cette activité. Il y était également précisé qu’après avoir tenu un salon de massage à la rue de Carouge, elle dirigeait depuis plusieurs années l’agence d’escort-girls Y__________ et que ses revenus seraient loin d’être négligeables.

Par décision du 20 février 2003, l’OCAI a supprimé la rente avec effet rétroactif au 1er mars 1997, au motif que l’assurée avait repris une activité lucrative depuis le 13 février 1997 dont les gains se situeraient bien au-delà d’une activité de secrétaire.

L’assurée s’est opposée à cette décision par courrier du 24 février 2003 indiquant qu’elle ne vit que grâce à sa rente d’invalidité et à la pension qu’elle touche pour sa fille Natacha et qu’elle a environ 100'000 fr. de dettes et poursuites. Elle est par ailleurs suivie depuis un certain temps pour dépression nerveuse et boite depuis un accident dont elle a été victime en 2000.

Par courrier du 3 mars 2003, l’OCAI lui a proposé trois dates pour un entretien au cours duquel le gestionnaire pouvait répondre à ses questions. Aucune suite n’a été donnée à ce courrier.

Par décision sur opposition du 8 avril 2003, l’OCAI a maintenu la suppression de la rente, mais a fixé la date d’effet au 1er février 1998.

Par courrier du 7 mai 2003, l’assurée a recouru contre cette décision auprès de la Commission cantonale de recours assurance-invalidité, assurance-vieillesse et survivants, assurance perte de gain, etc.., alors compétente, (ci-après la Commission de recours) invoquant qu’hormis sa rente, les allocations familiales et la contribution d’entretien pour l’une de ses filles, elle n’avait aucun moyen de subsistance. Elle précisait qu’elle faisait occasionnellement du télétravail à domicile pour des raisons alimentaires mais qu’elle n’avait aucun travail fixe. Ses poursuites s’élevaient à 68'886 fr. 30.

Par décision du 9 mai 2003, l’OCAI a réclamé à l’assurée la restitution d’un montant de 74'324 fr., correspondant aux rentes indûment perçues du 1er février 1998 au 28 février 2003 et a précisé que la bonne foi n’étant pas admise, la demande de remise était d’emblée exclue. L’intéressée n’a pas formé opposition à cette décision.

Dans son préavis du 10 juillet 2003, l’OCAI rappelle qu’en 1995, l’expert concluait à une scoliose structurale idiopathique à triple courbure dorsolombaire avec discopathies L3-L4, L4-L5 avec rétrécissement relatif du canal lombaire et précisait qu’en tant que secrétaire une capacité de travail de 50% pouvait être admise, soit dans une activité variée, permettant de fréquents changements de position et l’abstention du port de charges lourdes. Ces éléments avaient conduit l’OCAI à allouer une demi-rente d’invalidité à la recourante avec effet au 1er mars 1995. Le rapport du médecin traitant du 24 avril 2002 précisait que la situation médicale de sa patiente n’avait pratiquement pas évolué et confirmait un taux d’incapacité de travail de 50% dans la profession de secrétaire. L’intimé indique en outre que c’est sur la base du rapport de la police judiciaire du 28 novembre 2002, reçu à l’OCAI le 19 février 2003, qu’il a prononcé la suppression de la rente allouée à la recourante avec effet rétroactif au 1er février 1998 et réclamé la restitution d’un montant de 74'324 fr.

L’intimé relève que d’après la jurisprudence du Tribunal fédéral des assurances (ci-après TFA), la rente est susceptible d’être révisée en cas de changement important des circonstances, soit non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque ce dernier est en soi le même mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important. Il se réfère également à l’obligation de communiquer immédiatement à l’Office AI tout changement d’importance pour le droit aux prestations qui lui permet, en cas de non-respect de cette obligation, de demander le remboursement des prestations auxquelles la recourante n’avait pas droit. Il conclut, sur la base du rapport de la police judiciaire et des tarifs figurant sur le site internet de l’agence Y__________, que la capacité de gain de la recourante a subi un changement notable depuis février 1997 et que les revenus sont largement supérieurs à ceux autrefois réalisés en tant que secrétaire. Compte tenu du non-respect de l’obligation de renseigner, la rente a été supprimée avec effet rétroactif au 1er février 1998, soit dans le délai de 5 ans depuis la connaissance du fait par l’OCAI.

19. Le dossier a été transmis d’office au Tribunal cantonal des assurances sociales le 1er août 2003.

20. Le 14 août 2003, Me Christophe ZELLWEGER s’est constitué pour la défense des intérêts de l’assurée, avec élection de domicile, et a sollicité un délai pour consulter le dossier.

Dans sa réplique du 18 septembre 2003, la recourante rappelle que sa situation médicale est restée stationnaire depuis qu’elle est au bénéfice d’une demi-rente d’invalidité. Les seuls éléments fournis par l’OCAI pour retenir un revenu mensuel de l’ordre de 30'000 fr. consistent en une lettre anonyme, une impression du site internet de l’Agence Y__________ et un rapport succinct de la brigade des mœurs indiquant qu’elle est dûment recensée et qu’elle exercerait toujours une activité dans le domaine de la prostitution. Ces éléments ne sont pas des éléments de preuves permettant de retenir qu’elle perçoit des gains substantiels. Elle admet toutefois que les difficultés financières auxquelles elle a été confrontée l’ont occasionnellement amenée à s’adonner à la prostitution, mais conteste formellement avoir exercé de quelconques fonctions dirigeantes dans des agences d’escorte lui permettant d’en tirer des salaires qui excèderaient un revenu d’appoint. Il ne se justifie donc pas de supprimer la rente d’assurance-invalidité avec effet rétroactif avec à la clé un remboursement de 74'324 fr. La remise devrait quoi qu’il en soit lui être accordée au vu de la bonne foi et du fait que la restitution la mettrait dans une situation difficile. Enfin, elle persiste dans les termes de son recours du 7 mai 2003 et conclut à l’annulation des décisions des 8 avril et 9 mai 2003.

21. Dans sa duplique du 21 octobre 2003, l’OCAI rappelle qu’une rente est susceptible d’être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque ce dernier est en soi le même mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important. Par ailleurs, la force probante d’un rapport de la police judiciaire, dont il ressort que l’assurée dirige une agence d’escort-girls depuis plusieurs années et qu’elle réalise des revenus non négligeables, n’a pas à être remise en cause.

22. Lors de son audition du 10 mars 2004, la recourante a confirmé s’être inscrite auprès de la brigade des mœurs, car elle s’adonnait à des stripteases ou très occasionnellement à de l’escort pour joindre les deux bouts. En 1997, elle a fait du striptease dans une dizaine de soirées privées pour un gain de 300 à 500 fr. par soirée. Elle a cessé cette activité après la naissance de son deuxième enfant en 1998. Etant informaticienne, elle a effectivement créé le site internet de l’agence Y__________ qui est un groupement de filles qu’elle avait rencontrées dans des soirées et qui lui avaient demandé de créer un site afin de faire connaître leurs activités. La rémunération convenue était de 100 fr. par mois et par fille. Au départ il y avait une dizaine de filles et actuellement elles sont entre 30 et 40. L’agence a été créée en 1997 et poursuit ses activités ; elle s’occupe toujours de la réactualisation du site et de la mise en page sur internet mais elle ne s’occupe plus des appels téléphoniques. Elle ne tient pas de comptabilité, au début elle « encourait des frais téléphoniques de 1'000 à 1'200 fr. » mais actuellement elle perçoit la moitié puisque c’est une autre personne qui s’occupe des appels téléphoniques. L’activité qu’elle déploie actuellement pour la mise à jour du site internet de l’agence lui prend quelques heures par semaine. Elle n’a pas cherché d’activité dans l’informatique car elle n’est pas sûre d’être performante sur le plan du marché du travail sans prendre des cours supplémentaires qui sont onéreux ; par ailleurs, elle devrait trouver des solutions de garde pour ses enfants âgées de 6 et 9 ans. Le salon de massage sis à la rue de Carouge ne lui appartient pas, elle a uniquement servi de prête-nom à des filles qui travaillaient dans le cadre de l’agence Y__________. S’agissant du salaire indiqué dans la déclaration d’accident à la Winterthur du 5 août 2003 de 96’00 fr., il correspond au salaire assuré sur la base duquel elle paie ses cotisations. Elle s’engage à produire la police d’assurance. Elle a précisé encore qu’elle s’est mariée en 1998 et a divorcé en 2001 et qu’elle n’a pas annoncé ses revenus à l’OCAI car pour elle ce n’était pas de véritables gains dans la mesure où elle avait juste assez pour acheter à manger.

L’OCAI a confirmé que la lettre anonyme a été à l’origine du déclenchement de la procédure de révision et que les gains de 30'000 fr. ne sont pas fondés sur d’autres sources que cette lettre. Il a persisté dans ses conclusions et rappelle que le rapport de police mentionne le fait que la recourante réalise des gains non négligeables. Il ne les a pas chiffrés mais rien n’empêche d’obtenir des renseignements complémentaires à la brigade des mœurs.

23. En date du 4 mars 2004, l’intimé a produit plusieurs documents transmis par la WINTERTHUR ASSURANCES, à savoir, une déclaration d’accident du 5 août 2003 mentionnant un salaire assuré de 96'000 fr., un rapport du 26 juin 2000 du Dr F__________ relatif à une rupture du tendon d’Achille en janvier 2000 duquel il ressort que la recourante indiquait exercer l’activité d’escort-girl et stripteaseuse à son compte depuis 3 ans, avec démonstration de danse dans des cabarets, en milieu privé et dans des groupes privés, ainsi qu’un courrier du 8 décembre 2000 du médecin susnommé duquel il résulte que la profession de celle-ci est celle de directrice d’un salon de massages telle que mentionnée sur la proposition d’assurance.

24. L’OCAI a adressé, le 25 mars 2004, à la juridiction de céans une copie de l’annonce parue dans la presse concernant l’agence Y__________ selon laquelle celle-ci proposerait 80 « modèles ».

25. Par courrier du 10 mai 2004, la recourante a demandé l’audition de son ex-mari et de son compagnon actuel et précisé qu’elle se heurtait à d’immenses difficultés pour obtenir les documents d’assurance et d’impôts sollicités. Elle a finalement produit, le 14 mai 2004, la police d’assurance-accidents complémentaire à la LAA faisant état, au titre de genre d’entreprise, de « salon de massage », avec un salaire annuel assuré de 96'000 fr.. Elle précise par ailleurs que le nombre de filles indiqué par elle-même (40) et celui supérieur de l’annonce de presse (80) n’est pas de nature à remettre en cause sa crédibilité.

26. Invitée par le Tribunal de céans à préciser le montant des revenus réalisés par la recourante ainsi que leurs sources, la brigade des mœurs a indiqué, le 8 mai 2004, qu’elle ne pouvait citer de chiffres ou d’estimation du fait qu’elle ne possédait pas la moindre preuve à ce sujet, mais a rappelé que la recourante dirigeait une des principales agences d’escort-girls de Genève et qu’auparavant elle s’occupait de salons de massage employant de nombreuses filles.

27. Sur demande du Tribunal de céans, la WINTERTHUR ASSURANCES a transmis une copie du rapport d’entretien du 17 octobre 2000 duquel il ressort que son assurée a exercé une activité d’escort-girl ainsi que de manager pour une cinquantaine de filles. L’appartement sinistré sert de lieu de rencontre de midi à minuit. Six filles exploitent les locaux avec une moyenne de 4 à 5 « entretiens » par jour, la recourante retenant entre 30 et 40% du prix facturé au client (entre 150 fr. et 1'000 fr.). Lors de l’entretien, elle a reçu de nombreux téléphones et il semblait aux inspecteurs que son activité principale consistait à gérer l’organisation et la planification des rendez-vous entre les clients et les filles.

28. Lors de l’audience d’enquêtes du 8 septembre 2004, le compagnon de la recourante a précisé qu’ils entretenaient une liaison depuis trois ans sans toutefois partager le même domicile. Il a confirmé que sa compagne s’occupait de la mise à jour du site internet de l’agence Y__________ mais qu’elle ne dirigeait pas cette agence. Il croit savoir qu’elle gagne 100 fr. par mise à jour sans connaître le rythme des mises à jour. Il a précisé qu’il ne savait pas si la recourante avait fait des séances de striptease à des fins lucratives depuis qu’ils étaient ensemble ; il l’aurait certainement mal pris. Il ne connaît pas ses ressources financières, mais sait seulement qu’elle vit très mal. Elle est locataire de l’appartement sis 89 rue de Carouge. Il sait qu’elle répondait au téléphone pour l’agence Y__________ il y a trois ans, mais qu’elle avait dû abandonner en raison de ses douleurs de dos. Il sait également que la recourante a des dettes mais en ignore le montant. Enfin, il a confirmé qu’elle s’occupait de ses deux enfants, qu’ils passaient quelques heures ensemble, mais ne sait pas ce qu’elle fait le reste de la journée.

29. Par courrier du 8 octobre 2004, l’intimé a conclu qu’il a été démontré, au degré de vraisemblance prépondérante prévalant dans le domaine des assurances sociales, que la recourante exerçait bel et bien une activité lucrative dont elle retirait un profit non négligeable et que la suppression de sa rente d’invalidité était pleinement justifiée, de même que la décision de restitution des prestations indûment touchées.

30. Dans ses écritures après enquêtes du 14 octobre 2004, la recourante rappelle que son état de santé n’a subi aucune amélioration depuis 1995 et que les décisions querellées des 8 avril et 9 mai 2003 sont exclusivement fondées sur le motif que la capacité de gain se serait considérablement accrue depuis février 1997, circonstance susceptible d’entraîner une révision du droit à la rente qu’elle aurait omis de signaler. Elle relève que le revenu mensuel faramineux de 30'000 fr. retenu par l’OCAI se fonde sur la lettre anonyme qui a été à l’origine de la procédure de révision et n’est étayé par aucun élément de preuve. Elle rappelle également que la question de l’évolution de ses revenus depuis l’octroi de la rente et en particulier depuis 1997 est l’élément central des débats qu’il convient d’examiner à la lumière des enquêtes. Il n’est pas contesté qu’elle a réalisé des revenus d’appoint en périphérie des activités d’escorte et d’animation de soirées privées. L’agence Y__________ n’est rien d’autre qu’un site internet, sans personnalité, ni locaux, ni employés, mais par l’intermédiaire duquel peuvent être contactées des escortes indépendantes. Le nombre de « modèles » annoncé par la Tribune de Genève ne doit pas être pris au pied de la lettre car il n’est fourni qu’à des fins publicitaires.

S’agissant du revenu de 96'000 fr. figurant sur la police d’assurance de la WINTERTHUR ASSURANCE, il s’agit d’un salaire contractuellement assuré en 1999 et non un gain effectivement réalisé en 2003.

Concernant le rapport confidentiel de ladite assurance relatif à un entretien du 17 octobre 2000 que des inspecteurs ont eu avec la recourante, il n’est pas daté et l’on ignore donc s’il a été rédigé après l’entretien ou quatre ans plus tard pour faire suite à la demande du Tribunal cantonal des assurances du 13 juillet 2004. Dans la deuxième hypothèse, l’exactitude et la véracité du contenu pourrait être mis en doute. Dans ses souvenirs, l’entretien avait porté sur ses activités propres par comparaison et par référence aux pratiques généralement suivies dans le métier, deux aspects qui ont été allègrement mélangés dans le rapport. Le contenu des documents transmis par les autorités fiscales genevoises et versés à la procédure est suffisamment explicite et les rapports de la brigade des mœurs confirmeraient le caractère clairement périphérique de ses activités en rapport avec les services d’escorte car il est difficilement imaginable que, compte tenu de la surveillance et du recensement systématique commandés par le règlement sur l’exercice de la prostitution, la brigade des mœurs ne puisse pas fournir une estimation des revenus s’il s’agit de personnes assumant des fonctions dirigeantes dans cette activité. En conclusion, la recourante admet la perception de revenus d’appoint pour lesquels elle n’a pas tenu de comptabilité qui consistait en une participation personnelle à une dizaine de soirées striptease facturées entre 300 fr. et 500 fr. et un montant de 100 fr. demandé mensuellement aux escortes pour une inscription sur le site internet Y__________. Vu le montant et le caractère aléatoire de ces revenus, elle ne s’est pas sentie obligée de les signaler, d’autant plus qu’une capacité de gain résiduelle lui a été reconnue. Enfin, compte tenu des poursuites dont elle fait l’objet, l’obligation de restituer 74'324 fr. serait clairement de nature à la mettre dans une situation difficile au sens de l’art. 25 LPGA.

31. Par ordonnance du 3 mars 2005, le Tribunal de céans a invité la WINTERTHUR ASSURANCES à produire les dossiers d’assurance concernant la recourante.

32. Par courrier du même jour, celle-ci a été invitée à préciser certains éléments relatifs à la progression du nombre de filles en lien avec le site internet de l’agence Y__________ et aux prestations couvertes par la rémunération de 100 fr. par fille et par mois. Il lui a également été demandé de clarifier certaines déclarations faites lors de sa comparution personnelle, notamment quant aux frais téléphoniques et ses activités d’escort-girl et de stripteaseuse. Enfin, elle était invitée à donner des précisions quant à ses dettes et à produire le bail relatif à l’appartement sis à la rue de Carouge.

33. La WINTERTHUR ASSURANCES a déposé les dossiers concernant la recourante en date du 21 mars 2005 et un délai a été octroyé aux parties au 12 avril 2005 pour la consultation de ceux-ci et le dépôt d’éventuelles observations.

34. En date du 30 mars 2005, la recourante a, en réponse au courrier du 3 mars du Tribunal de céans, précisé que le nombre de filles figurant sur le site internet avait varié entre 10 et 20 filles par mois entre 1997 et 2001, qu’il avait oscillé entre 20 et 30 en 2002 et 2003 et que la rémunération de 100 fr. par mois couvrait les annonces de presse, le standard téléphonique et l’insertion sur le site internet.

Concernant ses déclarations en comparution personnelle au sujet des frais téléphoniques, elle explique que, dans un premier temps, elle assumait elle-même la permanence téléphonique pour les rendez-vous et la charge y afférente, activité qu’elle a abandonnée par la suite au profit d’une permanence avec pour conséquence une réduction de sa charge personnelle de frais de téléphone de moitié.

S’agissant des contradictions entre ses déclarations au Tribunal de céans, les indications données au Dr F__________ et ses propos rapportés par les inspecteurs de la WINTERTHUR ASSURANCES, la recourante rappelle qu’il est surprenant que celle-ci soit en mesure de produire un rapport confidentiel alors qu’elle est dans l’incapacité de produire la proposition d’assurance concernée. Elle précise par ailleurs qu’elle est actuellement en litige ouvert avec ladite assurance.

Concernant ses activités, il faut comprendre qu’elle a passé progressivement d’une activité personnelle de strip-teaseuse et occasionnellement d’escorte à une activité de service pour d’autres filles consécutivement à la naissance de ses enfants et aux graves problèmes de santé qu’elle a rencontrés.

La recourante rappelle qu’elle n’a servi que de prête-nom pour le bail de l’appartement de la rue de Carouge au profit des filles qui y travaillent. Celles-ci n’ayant pas intégralement payé le loyer, la régie CASAMAR SA a donc engagé des poursuites à son encontre. Elle n’a pas produit le bail.

Elle ne se souvient plus du motif des poursuites initiées par MEDIA PRESSE PUB SA, créancier qui n’a à ce jour introduit aucune procédure tendant à la mainlevée provisoire ou définitive de l’opposition formée par elle-même au commandement de payer.

Enfin, la poursuite engagée par la WINTERTHUR ASSURANCES correspond à un montant réclamé par l’assurance au titre d’une prétendue surindemnisation qu’elle aurait accordée à la recourante en rapport avec son accident du 8 janvier 2000. A ce propos, celle-ci indique avoir passé du statut de débitrice de primes à celui de créancière d’indemnités.

35. La WINTERTHUR ASSURANCES a déposé les dossiers relatifs à trois polices d’assurance : un dossier n° 12.211.597 concernant l’assurance-accidents complémentaire à la LAA, un dossier n° 16.735.632 concernant une assurance casco relative à un véhicule Mercedes appartenant à la recourante et un dossier n° 3.398.191 couvrant les risques liés au salon de massage l’Angel’s Club.

Du dossier n° 12.211.597, il convient de retenir les pièces suivantes :

- une proposition d’assurance-accidents complémentaire à la LAA dans le cadre d’une activité de directrice d’un salon de massage pour un salaire annuel assuré de 96'000 fr. dont la prime annuelle s’élève à 1'570 fr., signée le 10 mai 1999, et dans laquelle l’assurée répondait « non » aux questions « êtes-vous malade ou incapable de travailler » ou « subissez-vous les suites d’une maladie ou d’un accident » ;

- une déclaration d’accident du 9 février 2000 relatif à un accident du 8 janvier 2000, au cours duquel l’assurée a eu le tendon d’Achille sectionné ;

- un courrier du 22 décembre 2000 de la WINTERTHUR ASSURANCES réclamant à son assurée la restitution de 14'334 fr. versés en trop, l’incapacité de travail ayant été examinée par rapport à l’activité d’escort-girl et de stripteaseuse avec démonstration de danse décrite dans l’expertise du Dr F__________ effectuée le 26 juin 2000, alors que l’activité assurée est celle de directrice de salon de massage.

Du dossier n° 3.398.191/2, il ressort les éléments suivants :

- le rapport complet du 17 octobre 2000 des inspecteurs des sinistres relatant un entretien avec l’assurée suite à un incendie criminel survenu dans l’appartement sis au 72-74 de la rue de Carouge, duquel il résulte que l’appartement en question sert de lieu de rencontre exploité par six filles qui ont en moyenne 4 à 5 « entretiens » par jour et dont l’assurée retient 30 à 40% de prix facturé au client (entre 150 fr. et 1'000 fr.), que la recourante a une activité d’escort-girl ainsi que de « manager » pour une cinquantaine de filles, qu’elle a environ 13'000 fr. de charges par mois entre le loyer (3'500 fr.), les téléphones, les annonces, etc. et que la totalité des bénéfices passe « au noir ». Le rapport indique que, lors de l’entretien, l’assurée a reçu de nombreux téléphones laissant penser que son activité réside dans l’organisation et la planification des rendez-vous entre les clients et les filles. Il fait enfin mention du montant de 8'000 fr. par mois versé suite à la rupture du tendon d’Achille en raison de l’activité de stripteaseuse - danseuse déclarée par l’assurée ;

- un extrait d’une page internet concernant une certaine Anaïs, pseudonyme de l’assurée selon la WINTERTHUR ASSURANCES, dont les tarifs s’élèvent à US$ 450 pour une heure à plus de US$ 3'000 pour une nuit ;

- une copie d’un article relatif à la prénommée Anaïs, paru dans l’Illustré du 24 janvier 2001, duquel il ressort que celle-ci s’est lancée dans la prostitution de luxe dès l’âge de 20 ans, après avoir fait une maturité, un apprentissage de secrétaire de direction et une formation d’agente de voyage qu’elle a abandonnés car « les salaires étaient minables » et qu’elle avait « besoin de beaucoup d’argent ». Selon l’article, cela fait six ans qu’elle fréquente les hautes sphères. Elle quitte le journaliste pour prendre le volant de sa Mercedes 500 ;

- la déclaration de sinistre relative à l’incendie sur laquelle figure le numéro de téléphone professionnel de la recourante, soit le 078.604.80.80, le même numéro que celui figurant sur la page internet d’Anaïs ;

- un courrier du 5 novembre 2002 de l’assurance informant la recourante qu’aucune indemnité ne lui sera versée dans le cadre de ce sinistre.

Enfin, du dossier n° 16.735.632/1 concernant le vol de la Mercedes 320 de la recourante à Lyon, il sied de relever :

- un courrier de l’assurance du 13 juin 2003 à son assurée faisant état de l’acceptation par l’assurée de la déduction du montant des indemnités versées en trop de 14'334 fr. des indemnités qui seront versées suite au vol de la voiture ;

- un courrier du 13 janvier 2004 de Protekta Protection juridique, intervenant en qualité de mandataire de la recourante, duquel il ressort qu’une convention d’indemnisation portant sur un montant de 35'000 fr. aurait dû être conclue ;

- une correspondance du 20 janvier 2004 de la WINTERTHUR ASSURANCES à Protekta Protection juridique constatant que les prétentions de son assurée sont prescrites ;

- une décision du 17 mars 2004 de la WINTERTHUR ASSURANCES procédant à la résolution du contrat d’assurance-accidents complémentaire LAA avec effet rétroactif au 10 mai 1999 et réclamant le remboursement intégral des prestations versées, soit un montant de 66'840 fr. 70, au motif qu’elle venait de découvrir que son assurée était au bénéfice d’une demi-rente d’invalidité depuis 1994, alors qu’elle avait expressément indiqué dans la proposition d’assurance qu’elle n’était pas incapable de travailler. Aucune suite n’a, semble-t-il, été donnée par la recourante à ce courrier.

36. Par courrier du 11 avril 2005, l’OCAI a constaté que les éléments nouvellement mis à jour dans le cadre de l’instruction de la cause confirment l’exercice d’une activité lucrative par la recourante de laquelle elle retire un profit non négligeable et qu’en conséquence la suppression de la rente et la restitution des prestations indûment touchées sont justifiées.

37. La cause a été gardée à juger le 20 avril 2005.

EN DROIT

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

Conformément à l'art. 56V al. 1 let. a ch. 2 LOJ, le Tribunal cantonal des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’article 56 LPGA qui sont relatives à la loi sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959. En application de l’art. 3 al. 3 des dispositions transitoires de la loi modifiant la LOJ, la présente cause, pendante par-devant la Commission cantonale de recours en matière AVS-AI, a été transmise d’office au Tribunal cantonal des assurances dès le 1er août 2003.

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA) et l'ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales (OPGA) sont entrées en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant des modifications législatives notamment dans le droit de l'assurance-invalidité. Du point de vue temporel, sont en principe applicables les règles de droit en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge des assurances sociales se fonde en principe, pour apprécier une cause, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision sur opposition litigieuse (ATF 129 V 4 consid. 1.2, 169 consid. 1, 356 consid. 1, et les arrêts cités).

La décision sur opposition est postérieure à l’entrée en vigueur de la LPGA, mais elle concerne des prestations allouées, pour la plus grande partie, avant le 1er janvier 2003. Au titre des dispositions transitoires de la LPGA, l'art. 82 al. 1 première phrase LPGA prescrit que les dispositions matérielles de la présente loi ne sont pas applicables aux prestations en cours et aux créances fixées avant son entrée en vigueur. Dans les travaux préparatoires de la LPGA, l'art. 25 LPGA (alors art. 32 du projet), relatif à la restitution des prestations indûment touchées est spécialement mentionné comme exemple d'une disposition qui ne serait pas applicable à des prestations déjà versées avant l'entrée en vigueur de la loi (FF 1991 II p. 266 sv). En revanche, selon Ueli Kieser (ATSG-Kommentar, note 9 ad art. 82), dans la mesure où la question de la restitution se pose après le 1er janvier 2003, le nouveau droit est applicable dès lors qu'il est statué sur la restitution après son entrée en vigueur et quand bien même la restitution porte sur des prestations accordées antérieurement.

La question du droit pertinent ratione temporis ne revêt toutefois pas une importance décisive, du moment que les principes applicables à la restitution selon la LPGA sont issus de la réglementation et de la jurisprudence antérieures (Ueli Kieser, op. cit., note 9 ad art. 82) (ATF 130 V 318).

La question du droit applicable ratione temporis se pose également en matière de suppression de rente lorsque – comme en l’espèce - la décision sur opposition est postérieure à l’entrée en vigueur de la LPGA, mais concerne des rentes versées avant et après le 1er janvier 2003. Les considérants relatifs au droit applicable en matière de restitution valent également en cas de suppression de rente, la LPGA n’ayant pas modifié la jurisprudence développée sous l’art. 41 LAI.

Par ailleurs, ratione temporis, les dispositions de la novelle du 21 mars 2003 modifiant la LAI (4ème révision), entrée en vigueur le 1er janvier 2004 (RO 2003 3852) ne sont pas applicables (ATF 127 V 467 consid. 1). Dans la mesure où elles ont été modifiées par la novelle, les dispositions ci-après sont donc citées dans leur version antérieure au 1er janvier 2004.

Interjeté dans le délai de 30 jours à compter de la décision sur opposition du 8 avril 2003, le recours est recevable (art. 56 et 60 LPGA).

Le litige porte sur la suppression du droit à la rente de la recourante, avec effet rétroactif au 1er février 1998.

Il y a lieu en effet de constater que la décision de restitution de la somme de 74'324 fr. rendue par l’OCAI en date du 9 mai 2003 n’a pas fait l’objet d’une opposition, de sorte qu’elle est entrée en force. Les conclusions de la recourante, invoquées pour la première fois dans la réplique du 18 septembre 2003, tendant à l’annulation de cette décision sont par conséquent irrecevables.

Selon l'art. 17 LPGA qui reprend l’art. 41 LAI, si le taux d'invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d'office ou sur demande, révisée pour l'avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée. Cela vaut également pour d'autres prestations durables accordées en vertu d'une décision entrée en force, lorsque l'état de fait déterminant se modifie notablement par la suite. Tout changement important des circonstances propre à influencer le degré d'invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l'art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l'état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 130 V 349 consid. 3.5, 113 V 275 consid. 1a; voir également ATF 112 V 372 consid. 2b et 390 consid. 1b). Le point de savoir si un tel changement s'est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu'ils se présentaient au moment de la décision initiale de rente et les circonstances régnant à l'époque de la décision litigieuse (ATF 130 V 351 consid. 3.5.2, 125 V 369 consid. 2 et la référence; voir également ATF 112 V 372 consid. 2b et 390 consid. 1b).

L'art. 17 LPGA n'a pas apporté de modification aux principes jurisprudentiels développés sous le régime de l'ancien art. 41 LAI, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002 (ATF 130 V 343 consid. 3.5). Si les conditions de la révision sont données, les prestations sont, conformément à l'art. 17 al. 1 LPGA, modifiées pour l'avenir dans le sens exigé par le nouveau degré d'invalidité. Chaque loi spéciale peut fixer le point de départ de la modification ou encore exclure une révision en s'écartant de la LPGA (Thomas Locher, Grundriss des Sozialversicherungsrechts, Berne 2003, p. 256 note marginale 10; Ueli Kieser, ATSG-Kommentar : Kommentar zum Bundesgesetz über den Allgemeinen Teil des Sozialversicherungsrechts vom 6. Oktober 2000, Zurich 2003, note 19 adart. 17).

Dans l'assurance-invalidité, l’effet d'une modification du droit aux prestations en cas de révision est fixé avec précision. En vertu de l'art. 88a RAI, la modification du droit à la prestation intervient en principe lorsqu'un changement déterminant du degré d'invalidité a duré trois mois, sans interruption notable. En vertu de l'art. 88bis al. 2 let. b RAI, la diminution ou la suppression de la rente prend effet rétroactivement à la date où elle a cessé de correspondre aux droits de l’assuré, s’il a manqué, à un moment donné, à l’obligation de renseigner qui lui incombe raisonnablement selon l’art. 77.

En l’espèce, l’OCAI a ouvert une procédure de révision sur la base d’une dénonciation anonyme non datée, reçue en 2001, aux termes de laquelle l’assurée exercerait diverses activités dont elle retirerait des gains substantiels. Ce fait nouveau justifiait en conséquence d’examiner si le taux d’invalidité de la recourante avait subi une modification notable depuis la décision initiale de rente.

Il résulte des pièces du dossier que la recourante exerçait jusqu’au 8 février 1994 une activité de secrétaire pour un salaire mensuel de 3'500 fr. Selon les rapports de ses médecins traitants à l’OCAI, elle ne pouvait plus exercer cette activité qu’à 50% ce qui lui a donné droit à une demi-rente d’invalidité depuis mars 1995.

Dans le cadre de la procédure de révision, les Dr. E__________ et D__________ ont confirmé que l’état de santé de leur patiente était stationnaire. Le Dr D__________ a précisé que la situation médicale de la recourante n’ayant pratiquement pas évolué depuis les rapports et l’expertise réalisés lors de la demande de rente d’invalidité, il n’y avait pas lieu de modifier le taux d’invalidité.

Or, les éléments recueillis en cours de procédure ont démontré que la recourante a recouvré une capacité de gain susceptible d’entraîner une modification du taux d’invalidité qu’il conviendra de déterminer.

La recourante a admis avoir exercé des activités en lien avec la prostitution, notamment des stripteases et de l’escort pour joindre les deux bouts depuis 1997. Elle est en effet recensée auprès de la brigade des mœurs depuis le 13 février 1997. Elle a reconnu avoir fait, en 1997, du striptease dans une dizaine de soirées privées pour un gain de 300 à 500 fr. par soirée. Elle a déclaré en comparution personnelle qu’elle avait cessé cette activité après la naissance de son deuxième enfant en 1998.

a) Elle a créé le site internet de l’agence Y__________, laquelle existe, selon la recourante, depuis 1997, alors que selon les indications figurant sur le site internet, l’agence Y__________ aurait été créée en 1994. L’agence comptait à sa création une dizaine de filles. Le nombre a varié entre 10 et 20 entre 1997 et 2001, puis il a oscillé entre 20 et 30 de 2002 à 2003. Lors de son audition du 10 mars 2004, elle indiquait : « actuellement elles sont entre 30 et 40 ». La rémunération convenue est de 100 fr. par mois et par fille, et couvre les annonces de presse, le standard téléphonique et l’insertion sur le site internet. Les frais téléphoniques s’élevaient à 1'000 fr. à 1'200 fr. lorsque la recourante gérait elle-même le standard, puis ses frais ont diminué de moitié lorsque la réception téléphonique a été confiée à une autre personne.

Ainsi, s’agissant de l’activité en lien avec l’agence Y__________, la recourante a gagné mensuellement entre 1'000 et 2'000 fr. de 1997 à 2001, puis de 2'000 à 3'000 fr. en 2002 et 2003 et enfin entre 3'000 et 4'000 fr. en 2004. Les frais de téléphones ont eux varié entre 500 et 1'200 fr.. Après déduction des frais, on peut estimé ses gains entre 800 et 1'500 fr. par mois de 1997 à 2001, puis de 1'500 à 2'500 fr. en 2002 et 2003 et 2'500 et 3'500 fr. à partir de 2004.

b) En 1997, elle a admis avoir fait en outre du striptease dans une dizaine de soirées privées pour un montant moyen de 400 fr. par soirée.

c) La recourante a perçu, en 2000, la somme de 66'840 fr. 70 de la WINTERTHUR ASSURANCES correspondant à une indemnité perte de gain mensuelle de 8'000 fr.

d) Concernant l’activité de la recourante en relation avec l’appartement de la rue de Carouge, l’Angel’s Club, il résulte du rapport confidentiel établi par les inspecteurs des sinistres le 17 octobre 2000, suite à un incendie d’origine criminel ayant détruit partiellement les locaux, que six filles exploitent ceux-ci avec une moyenne de 4 à 5 « entretiens » par jour, sauf le week-end. La recourante retient entre 30 et 40% du prix facturé au client lequel varie entre 150 fr. et 1'000 fr. Elle a environ 13'000 fr. de charges par mois, qui comportent le loyer de 3'500 fr. les téléphones, les annonces, etc.

Elle a précisé aux inspecteurs qu’elle exerçait une activité d’escort-girl ainsi que de « manager » pour une cinquantaine de filles, qu’elle gérait elle-même la comptabilité et que la totalité des bénéfices perçus passait « au noir ».

Les pièces fiscales produites par la recourante ne sont donc d’aucune utilité pour l’établissement de ses revenus.

Dans le domaine des assurances sociales notamment, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 195 consid. 2 et les références). Cette règle de preuve ne s'applique toutefois que lorsqu'il est impossible, en se fondant sur l'appréciation des preuves conformément au principe inquisitoire, d'établir un état de fait qui apparaisse au moins vraisemblablement correspondre à la réalité (ATF 117 V 264 consid. 3b et la référence; SVZ/RSA 68/2000 p. 202).

Selon la jurisprudence et la doctrine, l'autorité administrative ou le juge ne doivent considérer un fait comme prouvé que lorsqu'ils sont convaincus de sa réalité (Kummer, Grundriss des Zivilprozessrechts, 4e éd., Berne 1984, p. 136; Gygi, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2e éd., p. 278 ch. 5). Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible.

Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b, 125 V 195 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

D’autre part, si l'administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d'office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d'autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d'administrer d'autres preuves (appréciation anticipée des preuves; Kieser, Das Verwaltungsverfahren in der Sozialversicherung, p. 212, n° 450; Kölz/Häner, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2e éd., p. 39, n° 111 et p. 117, n° 320; Gygi, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2e éd., p. 274; cf. aussi ATF 122 II 469 consid. 4a, 122 III 223 consid. 3c, 120 Ib 229 consid. 2b, 119 V 344 consid. 3c et la référence). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d'être entendu selon l'art. 29 al. 2 Cst. (SVR 2001 IV n° 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l'empire de l'art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 94 consid. 4b, 122 V 162 consid. 1d et l'arrêt cité).

En l’occurrence, les doutes émis par la recourante quant à l’exactitude, la véracité et la date d’établissement du rapport transmis au Tribunal de céans dans un premier temps par l’assurance doivent être levés après la production des dossiers intégraux de la WINTERTHUR ASSURANCES dans lesquels figure un rapport complet daté du 17 octobre 2000, jour de l’entretien que l’assurée a eu avec les inspecteurs. On ne comprendrait en effet pas pourquoi deux inspecteurs de l’assurance auraient rédigé un rapport fantaisiste apportant autant de précisions quant aux activités, revenus et charges de leur assurée.

En considérant que l’assurée a estimé de façon optimiste ses gains en vue de retirer des prestations d’assurance confortables et en ne retenant que les éléments les plus favorables à la recourante, soit les montants inférieurs déclarés, on parvient à un bénéfice net de 8'600 fr. par mois (4 « entretiens » par jour et par fille, soit 24 entretiens par jour à 150 fr. l’entretien sur 5 jours par semaine et 4 semaines par mois, soit un total de 72'000 fr. par mois dont la recourante retient le 30%, soit un gain mensuel de 21'600 fr. duquel il convient de déduire les 13'000 fr. de frais payés par la recourante). Il est en effet plus que probable qu’un appartement en duplex de 4 chambres à coucher, d’un salon et d’une salle de jacuzzi accueillant plus d’une vingtaine de clients par jour puisse rapporter un tel bénéfice.

Dans ses dernières écritures, la recourante précise qu’elle a passé progressivement d’une activité personnelle de stripteaseuse et occasionnellement d’escorte à une activité de service pour d’autres filles et rappelle qu’elle a servi de prête-nom pour le bail de l’appartement de la rue de Carouge au profit des filles qui y travaillaient.

Ces déclarations sont en contradiction avec les pièces des dossiers produits par la WINTERTHUR ASSURANCES. On relèvera en particulier un article paru dans l’Illustré du 24 janvier 2001 et la page internet précisant les prestations et les tarifs d’une certaine Anaïs, en laquelle la WINTERTHUR ASSURANCES a identifié la recourante. Au vu des précisions données dans l’article sur l’âge de l’intéressée, sa situation familiale, à savoir deux enfants en bas âge, les études suivies, il apparaît hautement vraisemblable que la prénommée Anaïs est en réalité la recourante, ce que cette dernière n’a du reste pas démenti. A cela s’ajoute que le numéro de téléphone portable figurant sur la page internet d’Anaïs correspond au numéro de téléphone professionnel indiqué sur la déclaration de sinistre signée par la recourante le 16 octobre 2000 concernant l’incendie de l’appartement de la rue de Carouge et sur un courrier du 4 septembre 2002 de la recourante à la WINTERTHUR ASSURANCES.

Le Tribunal de céans retient dès lors que la recourante exerçait l’activité d’escort-girl depuis l’âge de 20 ans et jusqu’en 2001 en tout cas et non pas, comme elle l’affirme dans le cadre de la procédure, seulement jusqu’à la naissance de sa deuxième fille en janvier 1998. Il est en revanche impossible de chiffrer avec une vraisemblance suffisante l’importance des gains tirés de cette activité.

Il sied également de souligner que l’affirmation faite au Tribunal de céans de n’être intervenue que comme prête-nom pour la location de l’appartement de la rue de Carouge est contredite par les pièces du dossier de l’assurance relatives à l’incendie survenu dans celui-ci. Il résulte en effet dudit dossier que la recourante est intervenue à titre personnel en qualité de preneur d’assurance à de nombreuses reprises pour revendiquer le paiement des objets détruits lors de l’incendie. S’il ne s’était agi que d’un prête-nom, on ne prendrait pas pourquoi la recourante se serait investie de la sorte pour obtenir le paiement des dégâts.

10. La recourante n’a pas produit, comme cela lui avait été demandé, le bail de l’appartement, mais il ressort du rapport des inspecteurs de la WINTERTHUR ASSURANCES que l’Angel’s Club est assuré depuis le 10 mai 1999. Il sera donc admis que les activités de la recourante en lien avec l’Angel’s Club ont débuté au plus tard en mai 1999.

Enfin, il y a lieu de constater que l’acquisition et l’entretien d’une voiture de type Mercedes 320, suite au vol de laquelle l’assurance proposait le versement d’un montant de 35'000 fr., ne sont envisageables qu’avec des revenus substantiels réguliers mais en aucun cas avec les revenus déclarés par la recourante.

En conclusion, le Tribunal de céans considère que l’instruction a permis d’établir, avec un degré de vraisemblance prépondérante que, dès le mois de mai 1999, l’exploitation de l’Angel’s Club rapportait à la recourante un bénéfice net de 8'600 fr. par mois, auquel il convient d’ajouter, pour l’année 2000, 66'840 fr. d’indemnité perte de gain. Cette somme mensuelle de 8'600 fr. constitue un revenu minimum puisqu’il apparaît plus que vraisemblable que la recourante perçoit encore régulièrement des gains en lien avec son activité d’escort-girl dont les montants n’ont pu cependant être établis. A noter que la recourante disposait d’un moyen bien simple, cas échéant, de prouver le contraire, en produisant par exemple des extraits de ses comptes bancaires.

Il s’ensuit que la capacité de gain de la recourante, depuis mai 1999, était largement supérieure au salaire qu’elle aurait retiré d’une activité de secrétaire. Elle ne présentait plus d’invalidité et la suppression de sa demi-rente d’invalidité, assortie d’une rente complémentaire pour enfant, se justifiait pleinement.

11. Reste à examiner si les prestations pouvaient être supprimées avec effet rétroactif.

Selon l’art. 77 RAI, l’ayant droit a l’obligation de communiquer immédiatement à l’office AI tout changement important qui peut avoir des répercussions sur le droit aux prestations, en particulier les changements concernant la capacité de gain ou de travail.

Une violation de l’obligation qui incombe raisonnablement à l’assuré selon l’art. 77 RAI entraîne la suppression de la rente avec effet rétroactif à la date où elle a cessé de correspondre aux droit de l’assuré (art. 88 bis al. 2 let. b RAI).

En l’occurrence, compte tenu de l’importance des montants perçus par la recourante, à tout le moins depuis mai 1999, elle ne pouvait ignorer que ses gains pouvaient avoir des répercussions sur son droit à la rente d’invalidité et qu’elle avait l’obligation d’en informer l’OCAI.

En conséquence, la suppression de la demi-rente se justifie avec effet rétroactif au 1er mai 1999, soit à la date à laquelle il a pu être établi avec certitude, au degré de la vraisemblance prépondérante, que la recourante avait cessé d’y avoir droit.

Il appartiendra à l’OCAI de recalculer le montant à restituer à la lumière des considérants qui précèdent.

12. La recourante n’obtenant que très partiellement gain de cause, un montant de 500 fr. lui sera accordé à titre de dépens.


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ

A la forme :

Reçoit le recours.

Au fond :

L’admet très partiellement dans le sens des considérants.

Invite l’OCAI à recalculer le montant à restituer.

Déboute les parties de toutes autres ou contraires conclusions.

Condamne l’intimé à verser à Madame C__________ la somme de 500 fr. à titre de dépens.

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu’il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l’enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

Le greffier:

Walid BEN AMER

La Présidente :

Juliana BALDE

La secrétaire-juriste :

Catherine VERNIER BESSON

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le