A/1993/2005

ATAS/144/2006 (2) du 14.02.2006 ( AVS ) , ADMIS

Descripteurs : ; AVS ; ACTIVITÉ LUCRATIVE INDÉPENDANTE ; TRAVAILLEUR ; STATUT ; PREUVE ; MOYEN DE PREUVE ; APPRÉCIATION DES PREUVES ; COTISATION AVS/AI/APG ; COTISATION(EN GÉNÉRAL)
Normes : LAVS5.1; LAVS8.1
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En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1993/2005 ATAS/144/2006

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

Chambre 2

du 14 février 2006

 

En la cause

Monsieur H___________

recourant

 

contre

CAISSE DE COMPENSATION AVS-AI-APG, (FACO), chemin Rieu 18, 1211 GENEVE 17

intimée

 


EN FAIT

Monsieur H___________ (ci-après le recourant) a été collaborateur auprès de l'ALPINA Assurances durant de longues années, depuis le 1er novembre 1986.

Dans le courant de l'année 2002, il a décidé de devenir indépendant, et a adhéré, le 10 juillet 2002 à la CAISSE INTERPROFESSIONNELLE DE LA FÉDÉRATION DES ARTISANS ET COMMERÇANTS (ci-après FACO) à laquelle il a été affilié pour les cotisations AVS/AI/APG/AC/AF/AMAT dès le 1er août 2002.

En date du 11 mai 2005, la FACO a notifié au recourant une décision de cotisations personnelles pour l'année 2003.

Suite à l'opposition du recourant, la FACO a confirmé sa décision en date du 24 mai 2005. La FACO rappelait que pour l'année 2002, elle n'était pas en mesure de taxer définitivement le recourant, puisqu'une réclamation avait été déposée contre la taxation fiscale 2002. S'agissant de 2003, l'administration fiscale lui avait transmis une communication IFD pour l'année 2003, mentionnant le revenu de 95'000 fr. provenant d'une activité indépendante, communication qui fonde la décision contestée. La FACO se basait sur l'article 8 de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants (ci-après LAVS), ainsi que 23, al. 4 de son règlement (ci-après RAVS). Or, la taxation fiscale 2003 a été faite d'office par décision du 6 septembre 2004 qui n'a pas fait l'objet d'opposition, et est donc passée en force.

Dans son recours du 6 juin 2005, le recourant s'oppose à cette décision de cotisations d'indépendant en reprenant les explications données à réitérées reprises à la FACO, selon lesquelles malgré sa volonté d'entamer une activité d'indépendant en août 2002, il est resté salarié auprès de son employeur jusqu'au 31 décembre 2003, la prise d'une activité lucrative d'indépendant ayant été reportée jusqu'en janvier 2004. Il n'est donc pas question qu'il paie à double des cotisations, or, durant toute l'année 2003, des cotisations de salariés ont été prélevées sur son revenu. Finalement, son changement de statut a pris effet au 1er janvier 2004, date à laquelle il a ouvert officiellement son propre bureau de courtage.

Dans sa réponse du 30 juin 2005, la FACO ne se détermine pas sur le recours, mais transmet au Tribunal copie de son dossier.

Par ordonnance du 5 juillet 2005, le Tribunal a invité le recourant a produire toute pièce utile à établir son statut de salarié pour les années 2002 et 2003, et a réservé la suite de la procédure.

Par courrier du 22 juillet 2005, le recourant a produit une attestation de la ZÜRICH COMPAGNIE D'ASSURANCES, avec laquelle l'ALPINA Assurances a fusionné le 1er avril 2004, selon laquelle le recourant a été collaborateur de cette assurance du 1er novembre 1986 au 31 décembre 2003, et a cotisé pour les assurance sociales pendant cette période.

Par pli du 3 août 2005, le Tribunal a sollicité de la Caisse cantonale genevoise de compensation les comptes individuels (CI) du recourant. Il ressort du rassemblement des CI, produit le 15 septembre 2005, que les cotisations salariales ont été versées sur le compte individuel du recourant pour toute l'année 2002 et toute l'année 2003.

Le Tribunal a ordonné la comparution personnelle des parties qui s'est tenue le 4 octobre 2005. A cette occasion, le recourant a indiqué avoir reçu récemment un courrier de l'Administration fiscale attestant de ce qu'il était inconnu auprès d'elle en tant qu'indépendant jusqu'à l'année fiscale 2004. De même, le bail du local commercial, loué à l'origine pour l'été 2002, a été résilié. La représentante de la Caisse a indiqué qu'à réception de ces documents, la FACO était prête à annuler la décision de cotisation dont est recours.

Le recourant a produit une lettre non datée, adressée à la société FUTUR Sàrl, dénonçant le bail à loyer en raison du report de l'activité indépendante à une date ultérieure, ainsi qu'à un fax de l'Administration fiscale cantonale du 12 octobre 2005 attestant avoir reçu la déclaration fiscale 2004 du recourant, et mentionnant "En outre, une activité indépendante en tant que H___________-Courtier est bien déclarée avec un bouclement des comptes au 31 décembre 2004".

Par pli du 20 octobre 2005, le Tribunal de céans s'est adressé à l'Administration fiscale cantonale, service des indépendants, le priant de confirmer que le statut d'indépendant du recourant n'avait pris effet qu'au 1er janvier 2004.

Par pli du 16 décembre 2005, la Direction générale de l'Administration fiscale cantonale a répondu au Tribunal de céans que "Monsieur H___________ est arrivé dans le canton de Genève en provenance du canton de Vaud en date du 1er janvier 2001. Il a fait l'objet de taxation d'office pour les années 2001 à 2003. En conséquence, son statut dépendant/indépendant ne nous est pas connu pour ces années. En ce qui concerne l'année fiscale 2004, Monsieur H___________ a fait également l'objet d'une taxation d'office. Toutefois, il a réclamé contre cette taxation le 20 août 2005 en déposant une déclaration fiscale 2004. Il en ressort que Monsieur H___________ a exercé une activité lucrative indépendante en 2004".

Par pli du 22 décembre 2005, le Tribunal de céans a prié le recourant de produire, d'ici au 23 janvier 2006, la preuve de ce que la location d'un bureau de 40m2 initialement prévue du 1er août 2002 au 31 juillet 2007 avait été reportée au 1er janvier 2004.

Par pli du 22 décembre 2005, le recourant a produit la copie d'un courrier de FUTUR Sàrl au recourant du 10 janvier 2006, confirmant que le bail, qui avait été signé avec entrée en vigueur au 1er août 2002, n'avait jamais pris effet, car il était resté employé de la ZURICH Assurances. Etait annexée la copie du contrat de bail conclu entre ETHYS Cabinet Conseil et le recourant, pour un local dans l'immeuble route de Saint-Julien 176 bis dès le 1er janvier 2004 pour une durée d'une année renouvelable, conclu le 10 janvier 2004, et signé par les parties à cette date.

Après communication de ces pièces à la FACO le 19 janvier 2006, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

Conformément à l'art. 56V al. 1 let. a ch.1 LOJ, le Tribunal cantonal des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’article 56 LPGA qui sont relatives à la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946.

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine des assurances sociales. Sur le plan matériel, le point de savoir quel droit s'applique doit être tranché à la lumière du principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 130 V 230 consid. 1.1; 335 consid. 1.2; ATF 129 V 4 consid. 1.2; ATF 127 V 467 consid. 1, 126 V 136 consid. 4b et les références). Les règles de procédure quant à elles s'appliquent sans réserve dès le jour de son entrée en vigueur (ATF 117 V 93 consid. 6b, 112 V 360 consid. 4a; RAMA 1998 KV 37 p. 316 consid. 3b). La LPGA s’applique donc au cas d’espèce.

Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 à 60 LPGA).

Aux termes de la LAVS, les assurés sont tenus de payer des cotisations tant qu'ils exercent une activité lucrative (art. 3, al. 1 LAVS). Les cotisations des assurés qui exercent une activité lucrative sont calculées en pourcent du revenu provenant de l'exercice de l'activité dépendante et indépendante (art. 4, al. 1 LAVS). La cotisation est de 4.2 % sur le revenu provenant d'une activité dépendante (art. 5, al. 1 LAVS), et de 7.8% sur le revenu provenant d'une activité indépendante (art. 8, al. 1 LAVS). Les cotisations sont fixées pour chaque année de cotisation, l'année de cotisation correspondant à l'année civile (art. 22, al. 1 RAVS).

Les caisses de compensation sont liées par les données des autorités fiscales cantonales. Si les autorités fiscales cantonales ne peuvent pas communiquer le revenu, les caisses de compensation estiment le revenu déterminant pour fixer les cotisations et le capital propre engagé dans l'entreprise, sur la base des données dont elles disposent (art. 23, al. 4 et 5 RAVS). Pour toutes les personnes exerçant une activité indépendante qui leur sont affiliées, les caisses de compensation demandent aux autorités fiscales cantonales de leur communiquer les indications nécessaires au calcul des cotisations (art. 27, al. 1 RAVS).

D'après la jurisprudence, toute taxation fiscale est présumée conforme à la réalité; cette présomption ne peut être infirmée que par des faits. Dès lors que les caisses de compensation sont liées par les données fiscales, et que le juge des assurances sociales examine, en principe, uniquement la décision de la caisse quant à sa légalité, le juge ne saurait s'écarter des décisions de taxation entrées en force que si celles-ci contiennent des erreurs manifestes et dûment prouvées, qu'il est possible de rectifier d'emblée, ou s'il s'impose de tenir compte d'éléments de fait sans pertinence en matière fiscale mais déterminants sur le plan des assurances sociales. A cet égard, de simples doutes sur l'exactitude d'une taxation fiscale ne suffisent pas. La détermination du revenu est, en effet, une tâche qui incombe aux autorités fiscales, et il n'apartient pas au juge des assurances sociales de procéder lui-même à une taxation. L'assuré exerçant une activité lucrative indépendante doit donc faire valoir ses droits en matière de taxation - avec les effets que celle-ci peut  avoir sur le calcul des cotisations AVS - en premier lieu dans la procédure judiciaire fiscale (ATF 110 V 86 consid. 4 et 370 s., 106 V 130 consid. 1, 102 V 30 consid. 3a; VSI 1997 p. 26 consid. 2b et la référence ; ATFA du 17.04.2000 H. 331/99).

Par ailleurs, s'agissant de l'établissement des faits et de l'appréciation des preuves, selon la jurisprudence et la doctrine, l’autorité administrative ou le juge ne doivent considérer un fait comme prouvé que lorsqu’ils sont convaincus de sa réalité (Kummer, Grundriss des Zivilprozessrechts, 4ème édition Berne 1984, p. 136 ; Gygi, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2ème édition, p. 278 ch. 5). Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5 let. b 125 V 195 consid. ch. 2 et les références). Aussi, n’existe-t-il pas en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 322 consid. 5 let. a).

En l'espèce, le Tribunal constate que le recourant, après avoir envisagé de passer d'une activité lucrative à une activité indépendante en été 2002, a reporté son projet, qui s'est finalement réalisé au 1er janvier 2004. Ces faits sont confirmés tant par l'ancien employeur, qui atteste de la poursuite de l'activité lucrative jusqu'au 31 décembre 2003 - confirmée également par le compte individuel du recourant - que par les pièces au dossier selon lesquelles un contrat de bail préalablement conclu pour le mois d'août 2002 a été annulé, et un contrat de bail conclu avec effet au 1er janvier 2004.

Par ailleurs, la communication fiscale sur laquelle se fonde la caisse est en réalité vierge, à l'exception d'une mention manuscrite, en ces termes: "ICC et IFD = T.O.S/fr. 95'000." Il faut en déduire que, selon l'administration fiscale, la taxation doit se faire sur un montant de 95'000 fr. Or, ce montant correspond au salaire obtenu par le recourant pour son activité salariée en 2003. A contrario on ne peut en déduire que le montant de 95'000 correspondrait à un bénéfice de société, puisque précisément, la communication IFD est muette à ce sujet (cf. pièce 8 FACO).

Cela justifie de s'écarter de la communication fiscale, non pertinente en l'espèce, et de tenir pour établi que le statut d'indépendant n'a été mis en œuvre qu'au 1er janvier 2004.

Par conséquent, la décision de cotisations personnelles pour 2003 sera annulée, et le recours admis.

 


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

(conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ)

A la forme :

Déclare le recours recevable.

Au fond :

L'admet.

Annule la décision de cotisations personnelles du 11 mai 2005, ainsi que la décision sur opposition du 24 mai 2005.

Dit que la procédure est gratuite.

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu’il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l’enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

 

Le greffier

 

 

 

 

Pierre RIES

 

La présidente

 

 

 

 

Isabelle DUBOIS

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe