A/2022/2004

ATAS/410/2005 du 11.05.2005 ( CHOMAG ) , ADMIS

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En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2022/2004 ATAS/410/2005

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

4ème chambre

du 11 mai 2005

En la cause

Monsieur A__________

recourant

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHOMAGE, rue de Montbrillant 40, 1201 Genève

intimée


EN FAIT

Monsieur A__________, né en 1981, s’est inscrit auprès de l’Office cantonal de l’emploi (OCE) en date du 12 février 2004 en vue de percevoir des indemnités de chômage. L’intéressé a joint à sa demande des attestations d’emploi auprès des entreprises Freeman et Visions du Réel, ainsi qu’une attestation du Centre de Formation aux Métiers du Son (ci-après CFMS) certifiant qu’il avait suivi le programme de cours de préparation aux examens du Brevet fédéral de technicien du son du mois de février 2002 au mois de juillet 2003.

Par décision du 5 avril 2004, la caisse cantonale de chômage (ci-après la caisse) a rejeté sa demande, au motif que durant les deux années précédant son inscription, soit du 12 février 2002 au 11 février 2004, il ne justifiait avoir travaillé que durant 9 mois et 20 jours, de sorte qu’il ne comptait pas une période de cotisations de 12 mois au minimum. D’autre part, les cours qu’il suivait étaient dispensés en dehors des heures normales de travail, de sorte qu’il pouvait exercer une activité salariée durant la journée. Aucun motif de libération relative à la période de cotisation n’entrait en ligne de compte.

L’intéressé a formé opposition le 19 avril 2004, faisant valoir que les cours dispensés par le CFMS ne suffisent pas pour acquérir une formation complète, car les conditions d’admission à l’examen du brevet fédéral professionnel de technicien du son exigent deux ans d’expérience pratique dans le domaine audio. Il a produit divers documents et exposé qu’il avait effectué, en sus des cours, divers travaux personnels en home studio ainsi que des stages en radio et sonorisation afin de compléter sa formation. Il était ainsi occupé à plein temps, raison pour laquelle il était dans l’impossibilité d’exercer une activité salariée durant la journée. Il estimait remplir les conditions de libération et celles lui permettant de percevoir des indemnités de chômage.

A la demande de la caisse, l’intéressé a produits des documents complémentaires et précisé que les horaires effectués à Radio Cité étaient irréguliers, de sorte qu’il lui était difficile d’en dresser la liste. Il s’agissait d’un stage non rémunéré et son temps de travail était variable. De plus, il avait travaillé en home studio, en dehors de ses heures à Radio Cité, afin de remplir les conditions d’admission à l’examen du brevet fédéral de technicien du son. Il était en conséquence dans l’impossibilité d’exercer une activité salariée durant sa formation professionnelle qui l’occupait à plein temps.

Par décision du 31 août 2004, la caisse a rejeté l’opposition formée par l’intéressé, au motif que les cours dispensés par le CFMS à raison d’un jour par semaine et de 6 semaines intensives ne l’empêchaient pas de travailler. De surcroît, la caisse a considéré que les stages non rémunérés et les divers travaux personnels effectués en home studio ne pouvaient en aucun cas être considérés comme faisant partie de la formation, n’étant pas obligatoires pour la préparation du brevet fédéral de technicien du son.

Par acte du 28 septembre 2004, posté le 30 septembre, l’intéressé a interjeté recours. Il a exposé qu’il avait travaillé temporairement, durant les vacances scolaires, et que le reste du temps il avait dû effectuer des stages non rémunérés, mis à part celui d’une semaine pour Visions du Réel, afin de remplir les conditions de deux années d’expérience pratique, dans le domaine de l’audio, exigées pour se présenter aux examens du brevet fédéral. Il a précisé qu’il n’existait pratiquement pas de stage rémunéré dans la branche, pour une personne en formation. Ces stages, obligatoires, font partie intégrante de la formation et il avait bénéficié du remboursement de ses frais d’écolage par le Service des allocations d’études et d’apprentissage.

Dans sa réponse du 29 octobre 2004, la caisse a persisté dans ses conclusions, relevant que le lien de causalité entre l’absence de rapport de travail de durée suffisante et la formation à temps partiel faisait défaut.

Le Tribunal de céans a entendu les parties en audience de comparution personnelle le 2 mars 2005. Le recourant a expliqué qu’au moment de son inscription aux cours, en janvier 2002, il ne comptait que six mois d’expérience pratique et qu’il lui fallait dès lors impérativement la compléter pendant la durée de sa formation pour remplir les conditions d’admission à l’examen du brevet fédéral en août 2003, qu’il a réussi. Le Brevet fédéral de technicien du son lui a été délivré le 12 novembre 2003. Il a exposé qu’il lui avait été très difficile de trouver des stages à valider pour l’expérience pratique. Le seul stage rémunéré et qui a compté comme expérience pratique était celui d’une semaine effectué pour le festival Visions du Réel en avril 2003. Il a été très content d’avoir pu finalement trouver un stage non rémunéré auprès de Radio Cité qui l’occupait entre 16 à 20 h par semaine. En dehors des stages, il devait effectuer des travaux pratiques en home studio, ce qui lui prenait aussi du temps; il a ainsi créé trois CD d’environ 25 titres chacun, qui ont été soumis à la Commission d’examens pour validation. L’intimée a déclaré que théoriquement, l’assuré aurait pour trouver une activité lucrative dans son domaine, fût-ce à temps partiel.

A la requête du Tribunal, le recourant a produit des documents attestant ses recherches de stage dans sa branche.

Invitée à se déterminer, l’intimée a persisté dans ses conclusions. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

Conformément à l'art. 56 V al. 1 let. a ch. 8 LOJ, le Tribunal cantonal des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’article 56 de la loi fédérale sur la partie générale des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA) qui sont relatives à la loi fédérale sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité du 25 juin 1982 (LACI).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

Interjeté dans la forme et le délai prévu par la loi, le recours est recevable (art. 56 et 60 LPGA).

Pour bénéficier de l’indemnité de chômage, un assuré doit, entre autres conditions, remplir celles relatives à la période de cotisation ou en être libéré conformément à l’art. 8 al. 1 let. e LACI. Lesdites conditions sont remplies si, dans les limites du délai-cadre de cotisations de deux ans (art. 9 al. 3 LACI), l’assuré a exercé durant douze mois au moins une activité soumise à cotisations (art. 13 al. 1 LACI, teneur en vigueur dès le 1er juillet 2003).

En l’occurrence, il n’est pas contesté que durant la période de deux ans du délai-cadre de cotisation, soit du 12 février 2002 au 11 février 2004, le recourant n’a pas exercé d’activité lucrative soumise à cotisations durant douze mois au moins. Le recourant a du reste signalé une erreur commise par l’employeur Freeman dans l’indication de la durée d’emploi qui est, en réalité, inférieure à 5 mois. Dans ces conditions, le recourant ne peut prétendre aux indemnités de chômage au sens de l’art. 13 al. 1 LACI.

Reste à examiner si le recourant peut être libéré des conditions de libération relatives à la période de cotisation.

L’art. 14 al. 1 let. a LACI prévoit qu’un assuré peut être libéré des conditions relatives à la période de cotisation si, dans les limites du délai-cadre et pendant plus de douze mois au total, il n’était pas partie à un rapport de travail et n’a pu s’acquitter des cotisations en raison d’une formation scolaire, reconversion ou professionnelle, et à la condition qu’il ait été domicilié en Suisse pendant dix ans au moins.

Selon la jurisprudence constante, il doit exister un lien de causalité entre les motifs de libérations mentionnés à l’art. 14 al. 1 LACI et l’absence d’une durée minimale de cotisation (ATF 125 V 125 consid. 2a, 472 consid. 1, 121 V 344 consid. 5c/bb ; SVR 2000 ALV no. 15 p. 42 consid. 6b; DTA 2000 no. 18 p. 90 consid. 2). La preuve stricte de la causalité, dans une acception scientifique, ne doit pas être exigée ; l’existence d’un lien de causalité doit déjà être admise lorsqu’il apparaît crédible et convenable que l’une des circonstances énumérées à l’art. 14 al. 1 LACI a empêché l’intéressé d’exercer une activité soumise à cotisation ou, en d’autres termes, qu’il n’était pas possible ni raisonnablement exigible pour l’assuré d’exercer une activité, même à temps partiel (ATF 121 V 344, consid. 5c/bb, 119 V 55 consid. 3b ; GERHARDS, Kommentar zum Arbeitslosenversicherungsgesetzt, tome 1, Berne, no. 10 ad art. 14; NUSSBAUMER, Arbeitslosenversicherung, in : Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, ch. 197; ATFA du 26 janvier 2000, cause C 288/99). C’est d’ailleurs en considération de cette exigence que le législateur a voulu que l’empêchement dure plus de douze mois au moins : en cas d’empêchement de plus courte durée, l’assuré dispose, en règle ordinaire, d’un laps de temps suffisant pour exercer une activité soumise à cotisation de 12 mois au moins (Message concernant une nouvelle loi fédérale sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité, FF 1980 III 567).

Le temps nécessaire à l’amélioration d’un travail de diplôme ou à la préparation d’examens est également pris en considération dans la durée de la formation, pour autant que les travaux ou préparations requièrent un temps considérable, qu’ils empêchent l’assuré de remplir les exigences de contrôle et qu’ils soient suffisamment vérifiables (ATF 108 V 103). L’achèvement des études est admis dès que l’étudiant a connaissance de la réussite de son examen final (SVR 1995 ALV no. 46 p. 135 consid. 2a et 3b). Ainsi, pour déterminer la période pendant laquelle un assuré ne peut remplir les conditions relatives à la période de cotisation pour raison de formation, on tient compte non seulement de la durée effective des études, mais aussi du laps de temps qui précède la communication des résultats (ATFA du 26 janvier 2000, cause C 288/99).

Le recourant a entrepris, dès le mois de février 2002, un programme de préparation aux examens du brevet fédéral de technicien du son dispensé par le CFMS à Lausanne. Il avait auparavant suivi un cours préparatoire au CFSM d’octobre 2001 à janvier 2002.

Il résulte des pièces produites par le recourant que ce brevet est le seul titre suisse reconnu officiellement dans les métiers de l’audio ; il a été mis en place par l’Office Fédéral de la Formation Professionnelle et de la Technologie (OFFT) et la section suisse de l’Audio Engineering Society (AES) afin de garantir aux futurs employeurs un niveau élevé de compétences des détenteurs du diplôme dans un large éventail des disciplines de l’audio. La formation a lieu tous les deux ans et débute en février des années paires. La formation dispensée par le CFMS est de 18 mois, à raison d’un jour par semaine plus 6 semaines intensives (1 semaine entière tous les 2 mois ; cf. PV de comparution personnelle des parties du 2 mars 2005 ; pièces nos. 1a, 10 caisse).

En dehors des cours, le recourant a effectué des travaux en home studio, ainsi que des stages non rémunérés, notamment auprès de RADIO CITE.

L’intimée a considéré que les stages non rémunérés ainsi que les divers travaux personnels effectués en home studio par le recourant ne pouvaient en aucun cas être considérés comme faisant partie de la formation professionnelle, dès lors qu’ils n’étaient pas obligatoires pour la préparation du brevet fédéral, ce que le recourant conteste.

Selon les pièces figurant au dossier, les conditions d’admission à l’examen du brevet fédéral de technicien du son sont les suivantes :

a) être titulaire d’un CFC d’électronicien radio-TV, d’électricien radio-TV, d’électronicien audio-vidéo, de mécanicien-électronicien, d’électronicien ou d’informaticien et pouvant attester d’au moins 18 mois d’expérience pratique dans les domaines des techniques du son ;

b) être titulaire d’un CFC, d’une maturité, d’un diplôme d’ingénieur ou un diplôme de commerce et pouvant attester d’au moins 2 ans d’expérience pratique dans les domaines des techniques du son.

La quantité d’expérience requise au moment de débuter la formation est réduite de 18 mois, étant donné qu’une activité professionnelle dans les domaines des techniques du son peut être exercée en parallèle avec la formation (cf. pièce no. 1a caisse).

En l’occurrence, le recourant était au bénéfice d’un diplôme de l’Ecole de culture générale (ECG) délivré en 2000. Il devait ainsi attester d’au moins 2 ans d’expérience pratique dans les domaines des techniques du son pour être admis à l’examen du brevet fédéral, dont au moins 6 mois au moment de débuter sa formation en février 2002, ce qui a été son cas. Au vu de la formation de base du recourant, il n’y a pas lieu de remettre en cause les 6 mois validés avant le début de sa formation. Il lui restait en conséquence à acquérir une période de 18 mois d’expérience pratique dans les techniques du son avant de se présenter aux examens du brevet fédéral d’août 2003, ce qu’il a fait en accomplissant un stage non rémunéré à RADIO CITE depuis le 1er octobre 2001, ainsi que des travaux en home studio. Il sied de relever que le travail pratique doit être confirmé par les employeurs respectifs, ainsi que par les échantillons du travail effectué par l’étudiant (CD, etc.) et soumis à la Commission d’examen (cf. pièce no. 12 e caisse). Selon le recourant, les horaires effectués pendant le stage étaient irréguliers, mais l’occupait à raison de 16 à 20 heures par semaine, en-dehors des cours et des travaux réalisés en home studio dont il a donné le descriptif (cf. pièce no. 12 f caisse).

Le Tribunal de céans constate que l’expérience pratique, qui peut être acquise en cours de formation par des stages - rémunérés ou non - dans les métiers de la technique du son, est une condition impérative à l’inscription du brevet fédéral de technicien du son. Compte tenu du fait que le recourant a dû acquérir une période de 18 mois d’expérience pratique dans la branche en cours de formation, il y a lieu d’admettre que le stage non rémunéré qu’il a accompli ainsi que les travaux personnels en home studio font partie intégrale de la formation, ainsi que le directeur du CFSM l’a confirmé dans un courrier du 25 novembre 2004. Enfin, au vu du temps consacré par le recourant à son stage et à ses travaux personnels qui ne lui a permis de travailler que pendant les vacances scolaires, le Tribunal de céans considère que ces activités étaient incompatibles avec l’exercice simultané d’une activité lucrative, même à temps partiel. Le recourant ayant été empêché d’exercer une activité soumise à cotisation pendant plus de douze mois au total dans le délai-cadre de deux ans, il remplit les conditions de libération de l’art. 14 al. 1 let. b LACI. Il a ainsi droit aux indemnités de chômage.

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES

Statuant conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ

A la forme :

Déclare le recours recevable ;

Au fond :

L’admet ;

Annule la décision sur opposition du 31 août 2004 ainsi que celle du 5 avril 2004 ;

Renvoie la cause à l’intimée afin qu’elle calcule le montant des indemnités de chômage dues à Monsieur A__________ et rende une nouvelle décision ;

Dit que la procédure est gratuite ;

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par plis recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu’il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l’enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

Le greffier :

Walid BEN AMER

La Présidente :

Juliana BALDE

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties et au Secrétariat d’Etat à l’économie par le greffe le