A/2104/2004

ATAS/262/2005 du 30.03.2005 ( LAA ) , REJETE

Recours TF déposé le 26.05.2005, rendu le 16.12.2005, REJETE
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En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2104/2004 ATAS/262/2005

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

6ème Chambre

du 30 mars 2005

 

En la cause

Monsieur S__________, comparant par Me Guy ZWAHLEN en l’étude duquel il élit domicile

recourant

 

contre

CAISSE NATIONALE SUISSE D’ASSURANCE EN CAS D’ACCIDENTS, Fluhmattstrasse 1, 6002 Lucerne

intimée

 


EN FAIT

Monsieur S__________, né le 1er septembre 1944, d’origine italienne, marié, a travaillé à plein temps (45 h./sem) en tant que chef de chantier dès le 1er mars 1992 auprès de l’entreprise de son épouse, Madame S__________. A ce titre, il percevait un salaire annuel de 48'000 fr. (4'000 fr. x 12). Pour les accidents, il était assuré auprès de la CAISSE NATIONALE SUISSE D’ASSURANCE EN CAS D’ACCIDENTS (ci-après la SUVA) et était au bénéfice d’une assurance-maladie collective auprès de la WINTERTHUR.

Le 19 août 1997, alors qu’il préparait une fouille afin de poser une chambre pour le tirage de câbles, il a reçu un couvercle de fonte sur le pied gauche, puis, déséquilibré, s’est cogné le genou contre le trottoir et l’épaule droite contre la machine à faire la fouille, ce qui lui a occasionné diverses tuméfactions et dermabrasions. Il a consulté la doctoresse F__________ du centre médical de Meyrin, laquelle a diagnostiqué de multiples contusions ainsi qu’une entorse à la cheville et a constaté une incapacité de travailler à 100 % pour une période indéterminée.

Le 5 novembre 1997, le docteur A__________ a procédé à une imagerie par résonance magnétique (IRM) du genou gauche et a diagnostiqué une importante déchirure de la corne postérieure et moyenne du ménisque interne associée à une formation kystique allongée depuis le plateau tibial jusqu’au condyle fémoral, compatible avec un kyste méniscal. Après une IRM du pied gauche du même jour, ce praticien a également constaté une contusion discrète de la partie distale du 2ème métatarse gauche associée à un petit épanchement articulaire. Le 24 novembre 1997, l’assuré a subi une arthroscopie du genou effectuée par le docteur B__________ afin de régulariser la lésion méniscale postéro-interne.

Le 7 janvier 1998, l’assuré a été entendu par un employé de la SUVA auquel il a raconté le déroulement de l’accident avec précision. Il a relevé que, immédiatement après, son pied gauche s’était mis à gonfler. Pour son épaule droite, il avait effectué quelques séances de physiothérapie, qui avaient bien fonctionné dans la mesure où il ne ressentait plus de douleurs. En ce qui concernait le pied gauche, l’assuré a précisé qu’il avait toujours mal et qu’il avait reçu une infiltration le 18 décembre 1997 effectuée par le docteur B__________. Depuis lors, il avait l’impression que son pied s’endormait et il était retourné voir son médecin le 31 décembre 1997 parce qu’il avait trop mal. Il a également expliqué que, depuis l’accident, lorsqu’il marchait, il avait l’impression que le pied lâchait après quelques pas (7-8 pas) et qu’il existait un problème aux articulations des doigts de pied, ce qui provoquait un déséquilibre. Concernant le genou, il avait été surpris lorsque le médecin lui avait proposé une intervention chirurgicale car il ressentait surtout des douleurs au pied. Depuis l’intervention, il ne s’était pas plaint du genou.

Dans un rapport du 13 janvier 1998, la doctoresse F__________ a relevé la persistance de la douleur au niveau de l’avant-pied gauche en expliquant qu’un traitement de physiothérapie était toujours en cours. Un rendez-vous médical était prévu avec le docteur C__________.

Le 23 janvier 1998, le docteur D__________, spécialiste FMH en chirurgie et médecin d’arrondissement de la SUVA, a rédigé un rapport après avoir examiné l’assuré le 21 janvier 1998. Il a relevé qu’au status, la marche était effectuée avec une boiterie du membre inférieur gauche, le pas étant lourd de ce côté. A l’examen, il a constaté l’absence d’amyotrophie au quadriceps gauche, un genou gauche augmenté de volume de 2 cm, une augmentation de volume au niveau du mollet et de la cheville, un œdème prenant le godet jusqu’au tiers proximal de la jambe et un status variqueux bilatéral prédominant à gauche. Après contact téléphonique avec le médecin traitant, ils ont tous deux décidé d’organiser un examen phlébologique chez un spécialiste après l’examen du docteur C__________ pour le pied gauche. A la réception des rapports de consultation des deux examens, il serait alors possible de juger de l’état du membre inférieur gauche et de la capacité de travail.

Dans un rapport du 30 janvier 1998, la doctoresse E__________, spécialiste FMH en médecine interne et angiologie, a posé le diagnostic de status variqueux tronculaire bilatéral sur une insuffisance de crosse, plus important à gauche, probablement préexistant au traumatisme du pied gauche, mais peut-être plus visible et plus symptomatique en raison du status inflammatoire. Bien qu’il n’y avait pas de signes de thrombose veineuse profonde, cette affection avait pu survenir il y a quelques mois, le patient ayant signalé un tiraillement dans le mollet gauche à cette époque, et ce diagnostic ne pouvait donc être définitivement écarté. Elle a recommandé à l’assuré de porter un bas à varices jusqu’aux genoux pour diminuer l’œdème de la jambe gauche.

Dans un rapport du 4 février 1998, le docteur C__________, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, a diagnostiqué un status après choc direct sur la région médiotarsienne ayant probablement provoqué une fracture par compression de la région scapho-cunéenne. Il ne pensait pas qu’un traitement chirurgical puisse amener une amélioration. L’assuré présentait en outre une probable tendinite du tendon du jambier postérieur qui pourrait être soulagée par le port d’un support plantaire.

Lors d’un entretien téléphonique du 30 avril 1998 avec un responsable de la SUVA, la doctoresse F__________ a expliqué qu’elle estimait que l’assuré abusait de la situation, elle même n’ayant constaté aucun trouble pouvant justifier à l’heure actuelle une incapacité de travail de si longue durée. Elle pensait que l’assuré continuait son activité comme avant tout en étant payé par la SUVA. Elle souhaitait que la cure rééducative prévue à la clinique de BELLIKON soit maintenue, avec ensuite une reprise de travail à 100 %.

Après que l’assuré ait effectué un séjour d’un mois à la clinique de BELLIKON, soit du 17 juin au 15 juillet 1998, le docteur Q__________, chef de clinique et spécialiste en chirurgie orthopédique, a rédigé un rapport de sortie le 14 août 1998. Il a expliqué que, onze mois après l’accident, l’assuré était exempt de douleurs au niveau du genou gauche et de l’épaule droite. Le principal problème résidait dans les douleurs subjectives liées à la charge au niveau de l’ATT et des articulations à gauche. La scintigraphie osseuse du 14 juillet 1998 et les radiographies de face et de profil de l’articulation tibio-tarsienne du pied gauche du 1er juillet 1998 n’avaient révélé aucun trouble suffisant à expliquer les douleurs, et notamment pas de signes de fracture. Il avait été observé un pied plat valgus des deux côtés, plus accentué à gauche. L’assuré avait réagi à l’examen fonctionnel du pied gauche par un comportement douloureux nettement ostentatoire (mais inconstant) et des tressaillements. Sa prise en charge thérapeutique s’était révélée difficile et il avait notamment mal accepté les aides techniques telles que le bas de compression et les chaussures orthopédiques. Au niveau de la capacité de travail, ce praticien a expliqué que, d’après l’assuré, il travaillait dans une entreprise de bâtiment qu’il dirigeait avec son frère et qu’il passait 80 % de son temps sur les chantiers et 20 % à des tâches administratives. La discussion concernant sa capacité de travail s’était annoncée difficile car le patient estimait qu’il ne pouvait plus travailler sur les chantiers. Une reprise de travail à 50 % avait néanmoins été prévue pour le 17 août 1998.

Le 16 octobre 1998, la SUVA, après que l’assuré lui ait communiqué un certificat d’incapacité de travail à 100 % rédigé par la doctoresse F__________ du 17 août 1998, lui a recommandé de reprendre son travail à 50 % ainsi que cela avait été initialement prévu.

Le 6 novembre 1998, le docteur D__________ a rédigé un rapport après avoir examiné l’assuré le 5 novembre 1998 dans lequel il a relevé que la poursuite d’une incapacité de travail n’était plus justifiée et que, dès sa sortie de BELLIKON, l’assuré avait été en mesure de travailler à 50 % dès le 17 août 1998. La capacité de travail était aujourd’hui de 100 % depuis l’examen. Il a expliqué que, en ce qui concernait la contusion de l’épaule, elle avait déjà été considérée comme guérie lors du premier examen, ce qui avait été confirmé lors du séjour à BELLIKON. Au niveau du genou gauche, la fonction était déjà quasiment complète lors du premier examen et avait été considérée comme totalement fonctionnelle. Quant à la cheville et au pied gauches, les examens pratiqués s’étaient révélés négatifs et il fallait admettre la guérison de la fracture mise en évidence par le docteur C__________ le 4 février 1998. La persistance de douleurs alléguées à la marche n’avait pas de substrat organique, le status variqueux bilatéral prédominant à gauche était une affection à considérer comme antérieure à l’accident et les contusions du pied et de la cheville devaient être considérées comme guéries.

Par courrier du 18 novembre 1998, la SUVA a informé l’assuré qu’elle cessait tout versement des indemnités journalières et des soins médicaux dès le 6 novembre 1998 dès lors qu’il ne présentait plus de séquelles consécutives à l’accident. Les troubles déterminant encore une incapacité de travail et des soins ultérieurs n’étaient plus en relation de causalité avec l’accident.

Par courrier du 10 décembre 1998, l’assuré a contesté la prise de position de la SUVA par l’entremise de son conseil en s’opposant à la cessation du versement des indemnités journalières et de la prise en charge des soins médicaux.

Le 6 janvier 1999, l’assuré a sollicité l’octroi d’un délai avant de prendre une quelconque décision dans le dossier en relevant qu’il devait consulter un spécialiste à la fin du mois.

Le 1er mars 1999, la WINTERTHUR a demandé à pouvoir consulter le dossier de l’assuré, avec son autorisation, dès lors que ce dernier était en incapacité de travail pour cause de maladie dès le 6 novembre 1998. Le dossier lui a été transmis par la SUVA le 10 mars 1999.

Le 7 mai 1999, la doctoresse G__________, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique ayant examiné l’assuré à sa demande à plusieurs reprises, a rédigé un rapport. Après avoir essayé de confirmer son premier diagnostic d’éventuel syndrome du canal tarsien, elle n’a pu y parvenir, les deux examens effectués (examen électroneuromyographique et IRM) étant revenus normaux. Elle a encouragé le patient à porter des supports plantaires et, lors de leur dernière entrevue le 1er avril 1999, il lui avait affirmé avoir ressenti de l’amélioration, la boiterie ayant diminué. Cette praticienne a relevé avoir noté une nette exagération de la symptomatologie et surtout des plaintes du patient compte tenu du peu de découverte sur le plan clinique. Elle a estimé que l’on ne pouvait aller à l’encontre de l’avis du docteur D__________ dès lors que tous les examens objectifs attestant d’une souffrance par compression ou irritation du nerf tibial postérieur au niveau du canal tarsien étaient demeurés négatifs. En ce qui concernait l’avenir de l’assuré, elle a conseillé une reprise du travail à 100 % le plus rapidement possible, étant donné l’amélioration de la symptomatologie suite au port des supports plantaires.

Par déclaration d’accident du 26 juillet 1999, l’assuré a annoncé à la SUVA que, le 24 juillet 1999, il avait perdu l’équilibre en se rendant au jardin et qu’il était tombé sur une bordure, ce qui lui avait occasionné une coupure au pied gauche. Il a expliqué que la chute était due au fait que son pied n’avait pas été complètement guéri depuis l’accident.

Le 30 juillet 1999, il a écrit à la SUVA pour l’informer qu’il allait tenter une reprise de travail à 100 % dès lors que l’assurance estimait qu’il était apte à travailler à ce taux. Il a réservé tous ses droits et a précisé que si, par malheur, un accident devait arriver en raison du « lâchage » du pied, la SUVA serait entièrement responsable et devrait assumer toutes les conséquences tant financières que juridiques que cet accident pourrait entraîner.

Dans un rapport du 23 octobre 1999, le docteur NICA a diagnostiqué une plaie dans la région de la malléole interne de la cheville gauche à la suite d’un faux mouvement. Il a attesté d’un incapacité de travailler à 100 % de trois jours suite au second accident du 24 juillet 1999, le traitement ayant été terminé le 27 juillet 1999 et l’assuré ayant récupéré une capacité de travail entière dès cette date.

Le 18 août 1999, la SUVA a demandé à l’assuré de lui indiquer qu’elle avait été sa situation financière entre le 6 novembre 1998 et le 24 juillet 1999, date du second accident. Elle lui a demandé de lui faire parvenir une copie des fiches de paie ou les relevés des indemnités journalières versées par la caisse-maladie si cela avait été le cas.

Après plusieurs rappels de la SUVA, l’assuré lui a envoyé le 21 février 2000 copie de ses fiches de salaire depuis la cessation des versements d’indemnités journalières tout en précisant que le second événement était directement lié au premier accident puisqu’il s’agissait d’un problème de « lâchage de pied ». Lors d’un entretien au siège de l’assureur du même jour, il a prié la SUVA de revoir sa prise de position du 18 novembre 1998.

Dès le début du mois de mars 2000, l’assuré a repris le travail dans l’entreprise de son épouse à 25 %, soit à raison de 12 heures 30 par semaine.

Par décision du 17 mars 2000, la SUVA a informé l’assuré qu’elle n’allouerait pas de prestations d’assurance pour le second accident du 24 juillet 1999 dès lors que l’assurance avait cessé de produire ses effets le jour où l’accident s’était produit. Elle a expliqué que, après les indemnités journalières versées jusqu’au 6 novembre 1998 suite au premier accident, l’assuré n’avait pas retravaillé ni n’avait été au bénéfice d’indemnités de remplacement telles que des indemnités de l’assurance-maladie par exemple.

Par courrier du 18 avril 2000, l’assuré a formé opposition à cette décision par l’entremise de son conseil en relevant que la fin du droit aux indemnités à partir du 6 novembre 1998 était encore contesté, tant au niveau de l’assurance-accidents qu’au niveau de l’assurance-maladie, raison pour laquelle on ne pouvait encore affirmé qu’il n’avait pas touché de telles indemnités. Par ailleurs, il fallait vérifier s’il n’avait effectivement pas touché de salaire depuis cette date.

Le 15 mai 2000, l’assuré a précisé que la position de la SUVA était correcte uniquement en ce qui concernait le fait qu’il n’avait plus touché de salaire depuis le premier accident, mais qu’il n’existait en revanche aucune décision définitive quant à la cessation du paiement des indemnités journalières dès le 6 novembre 1998. Après avoir une nouvelle fois précisé que le second événement constituait une rechute du premier accident, il a souligné que le dossier devait demeurer en suspens jusqu’à ce que le dossier concernant le premier événement soit définitivement traité.

Le même jour, il a déposé une demande de prestations de l’assurance-invalidité auprès de l’office cantonal de l’assurance-invalidité (ci-après l’OCAI) en sollicitant l’octroi d’une rente. Il a relevé que la solution de réadaptation trouvée à sa situation était de demeurer dans l’entreprise étant donné son expérience, à hauteur de 25 %.

Par courrier du 18 mai 2000, la SUVA a répondu à l’assuré qu’elle ne pouvait en aucun cas considérer le deuxième événement comme une rechute du premier accident. Il ressortait en effet des documents médicaux figurant au dossier que l’assuré avait été totalement guéri à l’épaule droite ainsi qu’au genou et au pied gauche. Le spécialiste qu’il avait lui-même mandaté, la doctoresse G__________, l’avait d’ailleurs confirmé dans son rapport du 7 mai 1999 en relevant qu’il fallait envisager une reprise du travail à 100 % le plus rapidement possible. L’assureur a encore précisé que cet accident ne pouvait d’autant plus pas être considéré comme une rechute dès lors que l’assuré s’était blessé en trébuchant dans son jardin, ainsi que cela ressortait du rapport du médecin du 23 octobre 1999.

Le 15 janvier 2001, l’assuré a informé la SUVA qu’il devait encore consulter un spécialiste du pied avant de pouvoir prendre position par rapport au maintien ou non de son opposition.

Le 19 janvier 2001, l’assuré, au volant de son véhicule, a été heurté par un autre véhicule qui le suivait alors qu’il était à l’arrêt afin de tourner à une intersection et a été légèrement blessé aux cervicales. Après avoir été hospitalisé à l’Hôpital cantonal de Genève (ci-après HUG), il a consulté le docteur H__________, lequel a diagnostiqué une contusion de la moelle épinière cervicale ainsi qu’un traumatisme cranio-cérébral et cervical. L’assuré avait subi une perte de connaissance et présentait des cervicalgies et des paresthésies du membre supérieur et inférieur gauche. Il était en incapacité de travailler à 100 %.

Dans son rapport du 14 mars 2001, le docteur I__________ a relevé que l’ IRM cervicale effectuée par ses soins en date du 14 mars 2001 n’avait mis en évidence aucune fracture vertébrale, mais une discopathie C6-C7 avec petite hernie discale légèrement paramédiane droite.

Le 21 mars 2001, le docteur J__________, neurochirurgien FMH, a diagnostiqué des séquelles d’un coup du lapin dans un contexte assécurologique difficile. Il a relevé que l’examen du même jour avait été difficile à cause des douleurs évoquées, tout mouvement rachidien commandé étant impossible et s’accompagnant de grimaces importantes. Selon ce praticien, il n’y avait pas d’autre issue possible à la situation de l’assuré qu’une rente de l’assurance-invalidité, mais il proposait néanmoins une expertise auprès de la clinique de réhabilitation de la SUVA à Sion, avec une évaluation précise des éléments somatiques, des facteurs psychologiques négatifs ainsi que de sa capacité de travail.

Le 2 mai 2001, l’assuré a rempli le questionnaire de la SUVA intitulé « questionnaire pour l’éclaircissement des cas de la colonne cervicale » en décrivant de manière détaillée les circonstances de son accident de la circulation du 19 janvier 2001. Après que son véhicule ait été heurté par l’arrière, il avait immédiatement ressenti des douleurs dans la nuque, avec une difficulté à bouger la tête et une sensation de chaleur. Après quelques heures, il avait également ressenti des douleurs sur le dessus de l’épaule gauche, descendant jusqu’aux doigts, avec sensation de fourmis dans le petit doigt et l’annulaire gauche. Par ailleurs, depuis l’accident, il avait encore plus de problème avec son pied gauche qu’auparavant. Sur les conseils de son médecin, il essayait de marcher mais marchait au mieux un quart d’heure. En ce qui concernait la reprise du travail, l’assuré a expliqué qu’il n’y avait pas d’amélioration, qu’il poursuivait son traitement auprès du docteur J__________ et qu’une demande de rente auprès de l’assurance-invalidité était en cours.

Dans un rapport du 25 juin 2001, après avoir examiné l’assuré le 6 juin 2001, le docteur D__________ a relevé qu’il existait une fonction de la colonne cervicale encore conservée tant en flexion qu’en extension. Les réflexes ostéo-tendineux étaient présents, symétriques aux membres supérieurs et inférieurs avec une bonne conservation de la motricité. L’importance du choc subi par l’assuré lors de l’accident de circulation devait encore faire l’objet d’une expertise bio-mécanique et le traitement et l’incapacité de travail demeuraient pour l’instant à la charge de la SUVA. Le médecin d’arrondissement a relevé qu’un séjour à la clinique romande de réadaptation serait décidé ultérieurement.

Dans un rapport du 24 juillet 2001, le docteur J__________ a expliqué qu’il n’y avait pas beaucoup de modifications cliniques et que le tableau était surtout dominé par des signes subjectifs. Il a relevé que l’assuré ne se sentait pas apte à reprendre son travail de contremaître parce qu’il craignait de se déplacer dans les chantiers encombrés d’obstacles à cause de son pied. En ce qui concernait sa nuque, il n’osait pas monter sur des échafaudages ni lever la tête par crainte de perdre l’équilibre et de tomber. Il se plaignait également de céphalées importantes, en particulier le matin au réveil. Selon le médecin traitant, l’évaluation de la capacité de travail restait problématique et il recommandait de pratiquer une évaluation à la clinique de réhabilitation à Sion.

Le 25 octobre 2001, l’assuré a marché sur une pierre en se rendant à son véhicule et a perdu l’équilibre, ce qui lui a causé des douleurs au bas du dos et au pied gauche. Il a d’abord consulté le docteur K__________, lequel l’a ensuite renvoyé vers le docteur J__________ qui le suivait déjà. Ce dernier a rédigé un rapport le 12 novembre 2001, après avoir examiné l’assuré le 9 novembre. Il a relevé que le patient marchait avec une claudication importante déchargeant le membre inférieur gauche, mais qu’il n’y avait pas de tuméfaction au niveau du pied. Ce médecin a constaté une aggravation subjective avec, à l’examen clinique, surtout des douleurs et un syndrome musculaire au niveau scapulaire droit.

Le 19 mars 2002, le docteur J__________ a revu l’assuré en consultation et a expliqué que ce dernier avait été déséquilibré il y a trois semaines et qu’il avait fait une chute sur les genoux et plus particulièrement sur le genou droit, lequel était devenu douloureux et que, par répercussion, les cervicobrachialgies gauches s’étaient accentuées. Du point de vue de l’examen clinique, il n’y avait pas beaucoup d’évolution.

Par décision du 18 avril 2002, la SUVA a maintenu sa position du 18 novembre 1998 concernant le refus de prise en charge des frais médicaux et le versement des indemnités journalières suite au premier accident après le 6 novembre 1998. Elle a relevé qu’il n’y avait plus de séquelles consécutives à cet accident et que les troubles déterminant encore une incapacité de travail et pour lesquels des soins ultérieurs avaient été nécessaires n’avaient pas de lien de causalité avec le premier accident.

Par courrier du 17 mai 2002, l’assuré a formé opposition à cette décision en contestant qu’il n’existait plus de séquelles dès lors que la consultation des documents médicaux, et en particulier les attestations du médecin traitant, démontraient le contraire. Par ailleurs, il avait déposé une demande de prestations auprès de l’assurance-invalidité, raison pour laquelle il convenait d’attendre la détermination de l’office cantonal de l’assurance-invalidité et les résultats de la procédure médicale intentée par cette institution. L’assuré a formellement demandé la suspension de la procédure auprès de la SUVA jusqu’à l’achèvement de celle de l’assurance-invalidité ainsi que l’octroi d’un délai supplémentaire à l’issue de la procédure de l’assurance-invalidité afin de présenter des explications complémentaires.

Le 21 juin 2002, le docteur L__________ de la clinique romande de réadaptation de la SUVA a rédigé un rapport d’expertise pluridisciplinaire après le séjour de l’assuré du 13 au 16 mai 2002. Il a examiné l’intéressé le 13 mai 2002, a pris connaissance de son dossier médical de l’assurance-invalidité, de son dossier radiologique, des trois consilium psychiatrique ( Dr. M__________), neurologique (Dr. N__________) et orthopédique (Dr. O__________) et des observations aux ateliers. Avec ses confrères, il a diagnostiqué un trouble somatoforme douloureux, des cervicalgies séquellaires à un syndrome de whiplash, survenu il y a 15 mois et aggravées par le trouble somatoforme douloureux et par des troubles dégénératifs, des séquelles douloureuses du pied gauche après écrasement par plaque de fonte et fracture, des rachialgies sur troubles dégénératifs dorso-lombaires, une irritation du nerf cubital et des entorses à répétition de la cheville gauche avec troubles dégénératifs débutants (diagnostics influençant la capacité de travail). En ce qui concernait plus précisément l’examen orthopédique réalisé le 13 mai par le docteur O__________, il a relevé que ce dernier estimait que le cas devait être liquidé avec un capital sur le plan SUVA et une incapacité dans un travail adapté de 50 % au minimum. Dans le rapport de synthèse, le docteur L__________ a expliqué que les douleurs séquellaires du pied gauche étaient dues à un status après écrasement par plaque de fonte avec fracture-impaction du scaphoïde tarsien et fracture-séparation du 1er cunéiforme. Actuellement, des troubles dégénératifs tibio-astragaliens secondaires compliquaient la situation. L’ensemble du contexte somatique était majoré par un trouble somatoforme douloureux confirmé par le psychiatre et dans lequel des facteurs extra-médicaux intervenaient de façon prépondérante. Il existait une incapacité de travail de 20 % au moins depuis le premier accident le 19 août 1997, ce taux étant demeuré inchangé depuis lors. Compte tenu de toutes les affections, l’assuré ne pouvait plus reprendre un travail de force (conduite de machine de chantier ou travail de manœuvre) mais, dans une activité de surveillant de chantier ou dans une activité de bureau, il était encore apte à travailler à 50 %.

Le 3 octobre 2002, le docteur P__________ du Service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après le SMR Léman) a rédigé un rapport après avoir pris connaissance de l’expertise de la clinique de réadaptation de Sion. Il a relevé que l’appréciation consensuelle du cas était une capacité de travail exigible d’au moins 50 % dans une activité adaptée. Les experts avaient estimé que les cervicalgies séquellaires au wiplash étaient aggravées par le trouble somatoforme douloureux. En ce qui concernait la période du 7 novembre 1998 jusqu’au deuxième accident du 18 janvier 2001, les avis exprimés à cet époque avaient été concordants : les séquelles du traumatisme du pied gauche à elles seules ne justifiaient pas d’incapacité de travail dans son métier.

Après plusieurs rappels de la SUVA des 5 mai, 2 et 26 juin 2003 lui demandant sa détermination, l’assuré a finalement répondu le 30 juin 2003 que son opposition devait être traitée en rapport avec l’expertise du 21 juin 2002. Il en ressortait que les responsables médicaux estimaient qu’il existait des séquelles de l’accident du 19 août 1997 et en particulier une incapacité de travail de 20 % au moins depuis cette date. Dès lors toute décision sur opposition devrait prendre en compte l’expertise pluridisciplinaire à laquelle il faisait expressément référence.

Le 11 juillet 2003, la SUVA a demandé à l’OCAI de lui faire parvenir copie du dossier d’assurance-invalidité constitué sur l’assuré afin d’en prendre connaissance. L’OCAI a fait suite à sa demande le 28 juillet 2003.

Par décision sur opposition du 9 juillet 2004, la SUVA a rejeté l’opposition de l’assuré et confirmé sa décision du 18 avril 2002. Elle a expliqué qu’il ressortait de l’ensemble des pièces médicales du dossier, et notamment des rapports du docteur D__________ du 6 novembre 1998 et de la doctoresse G__________ du 7 mai 1999, qu’il n’existait plus de lien de causalité entre les troubles dont souffrait l’assuré et l’accident du 19 août 1997. Le rapport d’expertise du 21 juin 2002 de la clinique romande de réadaptation avait d’ailleurs relevé que des troubles dégénératifs tibio-astragaliens secondaires compliquaient la situation au niveau du membre inférieur gauche et que l’ensemble du contexte somatique était majoré par un trouble somatoforme douloureux. Concernant la surcharge psychique affectant l’assuré, la SUVA a précisé que, compte tenu de la jurisprudence en la matière, il y avait lieu d’admettre qu’il n’existait pas de lien de causalité adéquate avec l’accident, lequel devait être classé dans la catégorie des accidents de gravité moyenne à la limite de la banalité.

Par écriture du 13 octobre 2004, l’assuré a interjeté recours contre cette décision en concluant à son annulation et à la condamnation de la SUVA à lui verser une rente d’invalidité calculée sur la base d’une incapacité de gain de 20 % dès le 7 novembre 1998. Il s’est principalement référé à l’expertise effectuée au centre de réhabilitation de Sion du 21 juin 2002 en soulignant que les experts avaient relevé une incapacité de travail de 20 % au moins depuis la date de l’accident. A partir de ce moment, il n’avait plus été en mesure de travailler sur les chantiers en raison des atteintes à son pied gauche et il y avait lieu d’en tenir compte. Cette expertise remplissait parfaitement les conditions requises par la jurisprudence en matière de valeur probante et il n’y avait pas lieu de s’en écarter.

Par réponse du 11 novembre 2004, la SUVA a proposé le rejet du recours et le maintien de la décision attaquée. Le recourant n’avait amené aucun élément médical permettant de remettre en doute les appréciations du docteur D__________ et de la doctoresse G__________ et ne pouvait rien tirer à son avantage des conclusions des experts de la clinique romande de réadaptation, bien au contraire. En effet, il ne ressortait pas de ce rapport qu’il présenterait une incapacité de travail pour les seuls troubles organiques traumatiques au niveau du pied gauche. Le docteur P__________ du SMR Léman, dans son appréciation du 3 octobre 2002 établi à l’attention de l’OCAI, avait d’ailleurs précisé que les séquelles du traumatisme du pied gauche à elles seules ne justifiaient pas d’incapacité de travail dans son métier. En outre, le docteur L__________ avait précisé que c’était essentiellement la conjonction des troubles constatés au plan physique et majorés d’un trouble somatoforme douloureux qui induisait une incapacité de travail. La SUVA a ainsi conclu qu’il apparaissait que les séquelles douloureuses du pied gauche, séquelles qui ne s’expliquaient par aucun substrat organique, ne pouvaient être considérées comme ayant une influence sur la capacité de travail que dans le contexte des autres troubles diagnostiqués dans l’expertise et étaient aussi conditionnés par une surcharge psychique, soit le trouble somatoforme douloureux. C’est ce qu’avait d’ailleurs relevé le docteur O__________ dans son appréciation orthopédique en relevant que c’était davantage un problème psychologique qu’un problème somatique qui empêchait le recourant de reprendre le travail. Pour finir, la SUVA a précisé que le recourant ne pouvait rien déduire non plus du fait que l’expertise ait mentionné qu’il existait une incapacité de travail de 20 % dès le 19 août 1997 car il n’avait jamais été contesté qu’il avait présenté, dans les suites immédiates de l’accident, une incapacité de travail, même entière. Cela n’empêchait pas que les séquelles traumatiques à la cheville gauche étaient guéries en date du 6 novembre 1998.

Par courrier du 16 novembre 2004, le Tribunal de céans a invité le recourant à lui faire parvenir une éventuelle réplique d’ici au 16 décembre 2004. Le recourant n’y a pas donné suite.

Pour le surplus, les faits et allégués pertinents des parties seront repris, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » ci-après.

EN DROIT

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

Conformément à l’art. 56V al. 1 let a LOJ, le Tribunal cantonal des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 LPGA relatives à la LAA. Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

La LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant de nombreuses modifications dans le domaine de l’assurance-accidents. Aux termes de l'art. 82 al. 1, 1ère phrase, LPGA, les dispositions matérielles de cette loi ne sont pas applicables aux prestations en cours et aux créances fixées avant son entrée en vigueur. Cette norme de droit transitoire ne règle que de façon très fragmentaire les situations de droit intertemporel. Elle se borne à écarter du champ d'application matérielle de la loi les prestations en cours et les créances fixées avant son entrée en vigueur. S'agissant plus précisément des prestations, il faut entendre celles qui ont fait l'objet de décisions - en principe formelles - entrées en force. On ne peut pas dire, en effet, que des prestations sont «en cours» aussi longtemps qu'il n'a pas été définitivement statué à leur sujet. Dans un arrêt L. du 4 juin 2004 destiné à la publication dans le Recueil officiel (H 6/04), le TFA a précisé la portée de l'art. 82 al. 1 LPGA. Elle a retenu qu'on ne peut pas déduire a contrario de cette disposition que le moment où est prise la décision serait déterminant pour l'application des dispositions matérielles de la nouvelle loi en relation avec des prestations qui n'ont pas été fixées lors de son entrée en vigueur; en dehors de l'hypothèse spécifique envisagée par la disposition transitoire citée, il convient de se référer aux principes généraux selon lesquels on applique, en cas de changement de règles de droit, les dispositions en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques (ATFA non publié du 21 septembre 2004 en la cause K 158/03). En l’espèce, la réalisation de l'état de fait juridiquement déterminant a eu lieu en 1998, raison pour laquelle le présent litige sera en conséquence examiné à la lumière des dispositions de la LAA en vigueur à cette date.

En revanche, les règles de procédures sont immédiatement applicables (art. 82 LPGA ; ATF 127 V 427 consid. 1). En ce qui concerne le délai de recours, l’art. 60 LPGA prévoit que le recours doit être déposé dans les trente jours suivant la notification de la décision sujette à recours. L’art. 106 LAA prévoit cependant qu’en dérogation à l’art. 60 LPGA, le délai de recours est de trois mois pour les décisions sur opposition portant sur les prestations d’assurance. La décision dont est recours étant intervenue le 9 juillet 2004, mais notifiée au conseil du recourant le 14 juillet 2004, le recours du 13 octobre 2004 a été interjeté en temps utile et est dès lors recevable.

Le litige porte sur le droit aux prestations d’assurance découlant du premier accident subi par le recourant en date du 19 août 1997.

a) Selon l’art. 6 al. 1 LAA, les prestations d’assurance sont allouées en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle. L’assuré a notamment droit au traitement médical approprié des lésions résultant de l’accident et, s’il est totalement ou partiellement incapable de travailler à la suite de l’accident, à une indemnité journalière (art. 10 et art. 16 LAA). Par ailleurs, selon l’art. 18 al. 1 LAA, l’assuré a droit à une rente d’invalidité s’il devient invalide à 10 % au moins par suite d’un accident et, selon l’art. 24 al. 1 LAA, il a droit à une indemnité équitable pour atteinte à l’intégrité si, par suite de l’accident, il souffre d’atteinte importante et durable à son intégrité physique ou mentale. Le droit aux prestations suppose d’abord un rapport de causalité naturelle et adéquate entre l’accident et l’atteinte à la santé.

b) La causalité est naturelle lorsqu’il y a lieu d’admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu’il ne serait pas survenu de la même manière. Il n’est pas nécessaire, en revanche, que l’accident soit la cause unique ou immédiate de l’atteinte à la santé ; il faut et il suffit que l’événement dommageable, associé éventuellement à d’autres facteurs, ait provoqué l’atteinte à la santé physique ou psychique de l’assuré, c’est-à-dire qu’il se présente comme la condition sine qua non de celle-ci. Savoir si l’événement assuré et l’atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l’administration ou, les cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d’ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l’appréciation des preuves dans l’assurance sociale. Ainsi, lorsque l’existence d’un rapport de cause à effet entre l’accident et le dommage paraît possible, mais qu’elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations découlant de l’accident assuré doit être nié (ATF 119 V 337 consid. 1, 118 V 289 consid. 1b et les références).

c) La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 125 V 461 consid. 5a et les références). En présence d'une atteinte à la santé psychique non consécutive à des traumatismes tels que ceux de type « coup du lapin » à la colonne cervicale, d’un type analogue ou d'un traumatisme cranio-cérébral, la jurisprudence a dégagé des critères objectifs qui permettent de juger du caractère adéquat du lien de causalité. Elle a tout d'abord classé les accidents en trois catégories, en fonction de leur déroulement : les accidents insignifiants ou de peu de gravité (par ex. une chute banale); les accidents de gravité moyenne et les accidents graves. Pour procéder à cette classification des accidents, il convient non pas de s'attacher à la manière dont l'assuré a ressenti et assumé le choc traumatique, mais bien plutôt de se fonder, d'un point de vue objectif, sur l'événement accidentel lui-même. En présence d'un accident de gravité moyenne, il faut prendre en considération un certain nombre de critères, dont les plus importants sont les suivants : les circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le caractère particulièrement impressionnant de l'accident; la gravité ou la nature particulière des lésions physiques, compte tenu notamment du fait qu'elles sont propres, selon l'expérience, à entraîner des troubles psychiques; la durée anormalement longue du traitement médical; les douleurs physiques persistantes; les erreurs dans le traitement médical entraînant une aggravation notable des séquelles de l'accident; les difficultés apparues au cours de la guérison et des complications importantes; le degré et la durée de l'incapacité de travail due aux lésions physiques. Tous ces critères ne doivent pas être réunis pour que la causalité adéquate soit admise. Un seul d'entre eux peut être suffisant, notamment si l'on se trouve à la limite de la catégorie des accidents graves. Inversement, en présence d'un accident se situant à la limite des accidents de peu de gravité, les circonstances à prendre en considération doivent se cumuler ou revêtir une intensité particulière pour que le caractère adéquat du lien de causalité puisse être admis (ATF 115 V 140 consid. 6c/aa et 409 consid. 5c/aa).

d) En ce qui concerne la valeur probante d’un rapport médical, ce qui est déterminant c’est que les points litigieux aient fait l’objet d’une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées par la personne examinée, qu’il ait été établi en pleine connaissance de l’anamnèse, que la description du contexte médical et l’appréciation de la situation médicale soient claires et enfin que les conclusions de l’expert soient dûment motivées. Au demeurant, l’élément déterminant pour la valeur probante n’est ni l’origine du moyen de preuve ni sa désignation comme rapport ou comme expertise, mais bel et bien son contenu (ATF 125 V 352 consid. 3a, 122 V 160 consid. 1c et les références). Le juge peut ainsi accorder une valeur probante aux rapports et expertises établis à la demande de l’assureur-accidents aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu’aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé ou de douter de l’objectivité des appréciations portées (ATFA non publié du 23 mai 2003 en la cause U 267/02 consid. 4.2).

a) En l’espèce, il sied de constater en premier lieu que la plupart des rapports médicaux figurant au dossier répondent aux exigences en la matière posées par la jurisprudence et possèdent de ce fait pleine valeur probante. Il en va ainsi tant de l’expertise réalisée par le docteur Q__________ de la clinique de BELLIKON en date du 14 août 1998 et des rapports du docteur D__________ du 6 novembre 1998 et de la doctoresse G__________ du 7 mai 1999 que de l’expertise pluridisciplinaire réalisée sous l’égide du docteur L__________ de la clinique romande re réadaptation le 21 juin 2002. En effet, ces praticiens se sont tous prononcés après avoir pris connaissance du dossier de l’assuré et après l’avoir examiné (cf. pièces 36, 40, 59 et 85, dossier SUVA accident n° 11.32322.97.6). Ils ont établi son anamnèse personnelle et professionnelle et ont tenu compte des plaintes exprimées par le patient (cf. p. 1-2, pièce 40, pièce 59, p. 1-10, pièce 85). Par ailleurs, leur description du contexte médical et leur appréciation de la situation médicale sont claires (cf. p. 2, pièce 36, p. 2-3, pièce 40, pièce 59 et p. 10.19, pièce 85), tout comme leurs conclusions, dûment motivées (cf. p. 2-3, pièce 36, p. 4-5, pièce 40, pièce 59 et p. 20-24, pièce 85). Dans cette mesure, il n’y a pas lieu de les écarter en l’espèce, ce que le recourant ne conteste au demeurant pas.

b) Le Tribunal de céans relève que le lien de causalité naturelle entre l’atteinte physique que le recourant a subi au pied et à la cheville gauches et l’accident du 19 août 1997 doit être nié au-delà du 6 novembre 1998 dès lors que, au vu des documents médicaux susmentionnés, on ne peut le retenir selon un degré de vraisemblance prépondérante.

Tout d’abord, le docteur Q__________, chef de clinique et spécialiste en chirurgie orthopédique, a exposé dans son rapport du 14 août 1998 que la scintigraphie osseuse du 14 juillet 1998 et les radiographies de face et de profil de l’articulation tibio-tarsienne du pied gauche du 1er juillet 1998 n’avaient relevé aucun trouble suffisant à expliquer les douleurs, et notamment aucun signe de fractures. En outre, ce praticien a souligné que le recourant avait réagi à l’examen fonctionnel du pied gauche par un comportement douloureux nettement ostentatoire mais inconstant et par des tressaillements. Sa prise en charge thérapeutique s’était révélée difficile et le recourant avait mal accepté les aides techniques telles que le bas de compression et les chaussures orthopédiques. Sur ces bases, le médecin avait préconisé une reprise de travail à 50 % pour le 17 août 1998 (cf. pièce 36).

Amené à se déterminer sur le cas, le docteur D__________, spécialiste FMH en chrirurgie, a relevé dans son rapport du 6 novembre 1998 (cf. pièce 40) que la poursuite d’une incapacité de travail n’était plus justifiée et que le recourant avait été en mesure de travailler à 50 % dès sa sortie de la clinique de BELLIKON. Il a précisé que les examens pratiqués sur la cheville et le pied gauches s’étaient révélés négatifs et qu’il fallait dès lors admettre la guérison de la fracture mise en évidence le 4 février 1998. Selon ce praticien, la persistance de douleurs alléguées à la marche n’avait pas de substrat organique et les contusions du pied et de la cheville devaient être considérées comme guéries. Il a en outre expliqué que le status variqueux bilatéral prédominant à gauche était une affection à considérer comme antérieure à l’accident, se fondant en cela sur le rapport de la doctoresse E__________ du 30 janvier 1998. Celle-ci avait en effet expliqué que la maladie variqueuse était probablement préexistante au traumatisme du pied gauche (cf. pièce 26).

Par la suite, la doctoresse G__________, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique à l’instar du docteur Q__________, mandatée par le conseil du recourant, a expliqué dans son rapport du 7 mai 1999 que les deux examens effectués (IRM et examen électroneuromyographique) étaient normaux et que l’on ne pouvait aller à l’encontre de l’avis du docteur D__________. Après avoir relevé qu’il existait une nette exagération de la symptomatologie et des plaintes du recourant, elle lui a conseillé une reprise du travail à 100 % le plus rapidement possible (cf. pièce 59).

Par ailleurs, le docteur J__________, qui a examiné l’assuré pour ses autres affections, a toujours mis en évidence le contexte assécurologique difficile, le fait que l’assuré se plaignait souvent et que le tableau symptomatologique était surtout dominé par des signes subjectifs (cf. notamment rapports des 21 mars, 24 juillet et 12 novembre 2001, pièces 16, 24 et 28, fourre SUVA, accident n° 11.30247.01.2).

Finalement, dans l’expertise pluridisciplinaire du 21 juin 2002, le docteur L__________ a notamment diagnostiqué des séquelles douloureuses du pied gauche après écrasement par plaque de fonte et fracture ainsi que des entorses à répétition de la cheville gauche avec troubles dégénératifs débutants. Il s’est basé sur l’examen orthopédique réalisé le 13 mai 2002 par le docteur O__________, lequel a précisé que, concernant la capacité de travail de l’assuré, toute reprise de travail dans un métier lourd sur les chantiers lui semblait impossible, cela étant dû plus à un problème psychologique qu’à un problème somatique. Ce dernier a d’ailleurs expliqué que, dans le contexte général, le patient ne présentait en tout cas pas une incapacité de travail totale, voire même de 50 %, dans tout travail sédentaire lui permettant de se déplacer et mettant à profit l’intégrité de son intelligence et de ses deux membres supérieurs (cf. pièce 82, fourre SUVA, accident n° 11.32322.97.6). Le docteur L__________, lors de l’analyse globale des troubles, a précisé que l’ensemble du contexte somatique était majoré par un trouble somatoforme douloureux confirmé par le psychiatre et dans lequel des facteurs extra-médicaux intervenaient de façon prépondérante.

Au vu de l’ensemble de ces documents médicaux, il apparaît dès lors que le recourant ne présentait plus de séquelles physiques au pied et à la cheville gauche dès le 6 novembre 1998, date de l’examen du docteur D__________ et que les affections physiques mises en évidence par la suite n’ont pas de rapport de causalité naturelle avec l’accident du 19 août 1997.

Le Tribunal de céans relèvera que le fait que le docteur L__________ ait mis en évidence une incapacité de travail de 20 % au moins depuis la date de l’accident ne signifie pas que cette incapacité de travail, qui n’a d’ailleurs jamais été niée par la SUVA, laquelle a indemnisé l’assuré jusqu’au 6 novembre 1998, ait perduré à cause de cette accident. Il résulte bien plutôt des pièces médicales que les douleurs ressenties et les séquelles mises en évidence lors de l’expertise pluridisciplinaire du 21 juin 2002 soient dues à la présence du trouble somatoforme douloureux ainsi qu’aux troubles dégénératifs constatés et non à l’accident du 19 août 1997. Cette hypothèse est d’ailleurs renforcée par les constats des différents médecins appelés à se déterminer sur l’état de la cheville et du pied gauches du recourant, lesquels ont tous relevé des signes d’exagération et une aggravation subjective de la symptomatologie. Cela laisse supposer que le trouble somatoforme douloureux tel que mis en évidence s’est installé en 1998 déjà et qu’il a influencé la capacité de travail du recourant.

Il reste dès lors à déterminer si cette affection psychique présente un lien de causalité naturelle et adéquate avec l’accident du 19 août 1997.

c) La question de l'existence d'un lien de causalité naturelle entre les troubles psychiques dont souffre le recourant et l'accident peut néanmoins rester ouverte dès lors que l'existence d'un lien de causalité adéquate doit de toute façon être nié en l’espèce. En effet, sur le vu des circonstances de l'accident, telles qu'elles ressortent du rapport LAA adressé à la SUVA du 20 août 1997 (cf. pièce 1) ainsi que des explications du recourant du 7 janvier 1998 (cf. pièce 15), l'événement du 19 août 1997 doit être classé dans la catégorie des accidents de gravité moyenne. Par ailleurs, il apparaît que les critères objectifs posés par la jurisprudence en matière de troubles psychiques consécutifs à un accident de gravité moyenne précités ne sont pas réalisés en l'occurrence. En particulier, l'accident et les circonstances concomitantes sont dénués de tout caractère particulièrement impressionnant ou particulièrement dramatique. En outre, le recourant n'a pas subi de lésion physique grave, propre, selon l'expérience, à entraîner des troubles psychiques. En ce qui concerne la durée du traitement, force est de constater, sur le vu des rapports médicaux déjà mentionnés, que les troubles psychiques ont exercé une influence déterminante sur l'état de santé du recourant. Tous les médecins ont constaté une nette exagération de la symptomatologie et des plaintes du patient ou son comportement douloureux nettement ostentatoire, voire une contexte assécurologique difficile (cf. rapport de la doctoresse G__________ du 7 mai 1999, rapport du docteur Q__________ du 14 août 1998, rapport du docteur D__________ du 6 novembre 1998, différentes rapports du docteur J__________ et rapport des docteurs O__________ et L__________ des 13 mai et 21 juin 2002). Par ailleurs, aucune erreur dans le traitement médical n’a entraîné d’aggravation notable des séquelles de l'accident et aucune difficulté ni complication importante ne sont apparues au cours de la guérison. Quant à la durée de l'incapacité de travail due aux lésions physiques, elle apparaît effectivement longue, mais il s’agit de relever que la présence de ce seul critère ne permet pas d’admettre la causalité adéquate. Par ailleurs, le degré d’incapacité de travail a été de 20 % et non total. En résumé, le caractère adéquat du lien de causalité entre l'accident du 19 août 1997 et les troubles psychiques du recourant doit être nié, de sorte que celui-ci n'a pas droit à des prestations de l'assurance-accidents en raison de ces troubles.

Au vu de ces éléments, le recours sera rejeté et la décision sur opposition de la SUVA du 9 juillet 2004 confirmée.


 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

(conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ)

A la forme :

Déclare le recours du 13 octobre 2004 recevable ;

Au fond :

Le rejette ;

Confirme la décision sur opposition de la SUVA du 9 juillet 2004 ;

Dit que la procédure est gratuite ;

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu’il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l’enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

La greffière :

 

Nancy BISIN

 

La Présidente :

 

Valérie MONTANI

 

La secrétaire-juriste :

Flore PRIMAULT

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le