A/223/2005

ATAS/417/2005 du 17.05.2005 ( LAA ) , REJETE

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En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/223/05 ATAS/417/2005

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

2ème chambre

du 17 mai 2005

En la cause

Monsieur C__________, mais comparant avec élection de domicile par Me H. NANCHEN, avocat

recourant

contre

SWICA ASSURANCES, ayant son siège Römerestrasse 37 à Winterthur/Zürich

intimée


EN FAIT

Monsieur C__________ (ci-après le recourant) est assuré auprès de la SWICA ASSURANCES (ci-après l’assurance) pour l’assurance-accident obligatoire, en sa qualité d’employé de la société Z__________ SA.

En date du 4 septembre 2004, alors qu’il séjournait en Grèce, il s’est cassé une dent et blessé la gencive en consommant un plat de coquillages dans un restaurant de la région. Il a sollicité la prise en charge de ses frais de traitement par l’assurance, par déclaration d’ »accident-bagatelle » du 6 septembre 2004, indiquant que l’accident était survenu en raison de la présence d’« un tout petit caillou » dans le plat consommé.

Considérant que l’événement ne correspondait pas à la définition juridique d’un accident, l’assurance a refusé la prise en charge par courrier du 27 septembre 2004.

Le recourant fit opposition à cette décision, arguant de ce qu’il est tout à fait exceptionnel de trouver un corps étranger dans un organisme vivant comme un coquillage, précisément équipé pour expulser les corps étrangers. La situation serait toute autre s’agissant, par exemple, d’un plomb de chasse trouvé dans un gibier.

Par décision sur opposition du 2 novembre 2004, l’assurance a confirmé son refus. Se référant à la jurisprudence rendue en la matière par le Tribunal fédéral des assurances (ci-après TFA), elle rappelle l’arrêt « pizza aux fruits de mer » du 26 février 2004 (U 305/02), et considère qu’en l’espèce la présence de sable et de petites pierres dans un produit de la mer non cuisiné ne revêt pas le caractère extraordinaire nécessaire à une prise en charge par l’assurance-accident.

Par acte du 25 janvier 2005, le recourant conclut à ce que la décision soit annulée, et qu’il soit dit et constaté qu’il a droit au remboursement de ses frais médicaux de 780 euros, avec suite de dépens. Il rappelle les arrêts du TFA ayant admis le caractère extraordinaire d’éléments trouvés dans la nourriture. En l’espèce, le petit caillou est un corps étranger à toute nourriture, qui n’y a jamais sa place et auquel on ne peut donc s’attendre. Il est déjà exceptionnel de trouver un tel caillou dans un coquillage, cela est d’autant plus le cas dans un plat de coquillage correctement préparé comme dans un restaurant, et pour le surplus cuisiné. Le fait que le caillou soit « tout petit » n’enlève rien au caractère extraordinaire de sa présence.

Dans sa réponse du 15 mars 2005, l’assurance reprend son argumentation et conclut au rejet du recours.

Le Tribunal a ordonné la comparution des parties, qui a eu lieu, après un report d’audience dû à l’absence du recourant de Genève, en date du 3 mai 2005, en l’absence de l’assurance. A cette occasion le recourant a donné au Tribunal les précisions suivantes :

« C’est en mangeant dans un petit restaurant en Grèce que l’accident est survenu ; il s’agit d’un petit restaurant de pêcheurs qui servait uniquement des coquillages et des poissons, directement pêchés par les membres de la famille qui tenaient le restaurant. Le plat en question consistait en un plateau de coquillages, ressemblant aux palourdes coquilles comprises, et cuits au court-bouillon, dans leur coquille. Lors de l’événement, j’ai senti, après la douleur, deux corps étrangers dans ma bouche, soit le bout de la dent cassée et un petit caillou ; par caillou, j’entends un petit bout de roche. Je précise que seule la partie inférieure de la coquille était encore présente. Le caillou n’était donc pas sur le coquillage mais entre la coquille inférieure et le crustacé ».

Par pli du 11 mai 2005, le Tribunal a transmis le procès-verbal à l’assurance, et la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

Conformément à l'art. 56 V al. 1 let. a ch. 5 LOJ, le Tribunal cantonal des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’article 56 LPGA qui sont relatives à la loi fédérale sur l’assurance-accident du 20 mars 1981.

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

La LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine des assurances sociales. Sur le plan matériel, le point de savoir quel droit s'applique doit être tranché à la lumière du principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V 467 consid. 1, 126 V 136 consid. 4b et les références). En revanche, en ce qui concerne la procédure, et à défaut de règles transitoires contraires, le nouveau droit s'applique sans réserve dès le jour de son entrée en vigueur (ATF 117 V 93; RAMA 1998 KV 37 p. 316 consid. 3b). En l’occurrence la LPGA s’applique pleinement au cas d’espèce.

Interjeté dans les forme et délai légaux, le présent recours est recevable (art. 106 LAA, 56 et 60 LPGA). 

La question qui se pose en l'espèce est de savoir si un événement répondant à la notion d'accident est à l'origine de la lésion dentaire subie par le recourant le 4 septembre 2004.

Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique ou mentale ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA).

Selon la jurisprudence constante du TFA, les éléments caractéristiques de l'accident doivent être clairement reconnaissables. Il faut d'autre part que les causes directes du dommage corporel puissent être trouvées dans les circonstances concrètes particulièrement manifestes (telles qu'une chute ou un coup). Il faut qu'il y ait un facteur extérieur, lequel est considéré comme exceptionnel ou extraordinaire lorsqu'il excède, dans le cas particulier, le cadre des événements et des situations que l'on peut objectivement qualifier de quotidiens ou d'habituels (RAMA 1986 p. 300).

Selon le TFA, le bris d'une dent lors d'une mastication normale est réputé accidentel lorsqu'il s'est produit au contact d'un élément dur extérieur à l'aliment consommé, de nature à causer la lésion incriminée. La dent ne doit pas nécessairement être parfaitement saine, il suffit qu'elle remplisse normalement sa fonction (ATF 114 V 169 consid. 3b; RAMA 1988 no K 787, p. 419; A. MAURER, Schweizerisches Unfallversicherungsrecht, 1985, p. 168 let. d).

Le TFA a admis l'existence d'une cause extérieure extraordinaire et, par conséquent, le caractère accidentel du bris d'une dent sur un fragment de coquille se trouvant dans du pain aux noix (ATF 114 V 169 précité) - au motif que cet aliment n'est pas supposé contenir de telles esquilles et que la présence de ce résidu pouvait, partant, être considérée comme un facteur exceptionnel - de même que sur une coquille de noisette se trouvant dans un birchermüesli (ATF Nationale Suisse Assurance contre C. du 4 août 1999), ainsi que sur un bris d’os dans un saucisson car la chair en est, plus ou moins finement, hachée (cf. ATA du 4 mars 1998 cause A/1052/1997-ASSU et ses références). En revanche ne sont pas considérés comme facteurs exceptionnels un éclat de coquille dans des moules marinières, un grain de maïs non éclaté dans du pop-corn ou un noyau de cerise dans un gâteau confectionné avec des fruits non dénoyautés, ou encore le fait de se casser une dent en mangeant un biscuit contenant des morceaux de noix et de chocolat (ATF 112 V 201 consid. 3a p. 204; ATF non publié G. du 15 mai 1998, U 70/97; RAMA 1988 K n° 787 p. 420 consid. 2b).

Dans l’arrêt de « la pizza aux fruits de mer », cité par les parties, le TFA a nié tout caractère accidentel au bris d’une dent survenu lors de la consommation d’une pizza aux fruits de mer, par la morsure d’un éclat de coquille de moule, parce que le caractère extraordinaire se rapporte au facteur extérieur lui-même et non aux effets de celui-ci sur le corps humain (« Weil sich das Merkmal der Ungewöhnlichkeit nur auf den äusseren Faktor selbst, nicht aber auf dessen Wirkungen auf den menschlichen Körper bezieht (BGE 122 V 233 Erw. 1), liegt kein Unfall vor »). Or, il était certes exceptionnel qu’un client se casse une dent en mordant sur un tel éclat lors de la consommation de cette pizza, mais il n’était pas exceptionnel qu’un tel éclat s’y trouvât.

En l’espèce, au vu de la jurisprudence susmentionnée et des faits tels qu’ils ont été établis, le Tribunal constate que le facteur extérieur ne revêt ici aucun caractère extraordinaire. La présence d’un petit caillou ou bout de roche dans un coquillage, même cuisiné, n’est en effet pas extraordinaire, surtout lorsque l’on sait qu’il s’agit de coquillages fraîchement pêchés par le restaurateur lui-même ou les membres de sa famille. Lors de la pêche, toutes sortes de résidus sont ramenés. Ils sont pour la plupart éliminés par le nettoyage des produits avant leur cuisson. Il n’est pas extraordinaire cependant qu’un tel résidu subsiste, et se loge entre le crustacé et la coquille inférieure comme en l’espèce. En consommant un plat de coquillage dans un restaurant de bord de mer, dont les produits de la mer sont la spécialité, le consommateur doit ainsi, sinon s’attendre à trouver un tel résidu, du moins en concevoir la possibilité.

En conséquence, le bris de la dent du recourant, en date du 4 septembre 2004, ne constitue pas un événement extraordinaire, et donc pas un accident au sens de l’art. 4 LPGA. Le recours sera donc rejeté.

***

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

(conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ)

A la forme :

Déclare le recours recevable.

Au fond :

Le rejette.

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu’il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l’enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

Le greffier:

Pierre Ries

La Présidente :

Isabelle Dubois

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe