A/2325/2003

ATAS/336/2005 du 25.04.2005 ( AI )

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En fait
En droit

 

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2325/2003 ATAS/336/2005

ORDONNANCE D’EXPERTISE

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

6ème Chambre

du 25 avril 2005

 

En la cause

Monsieur R__________, comparant par Me Marc MATHEY-DORET en l’étude duquel il élit domicile

recourant

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L’ASSURANCE-INVALIDITE, rue de Lyon 97, Genève

intimé

 


EN FAIT

M. R__________, né le 14 décembre 1961, réfugié yougoslave, marié et père de deux enfants, travaillait depuis le 16 novembre 1994 au Musée d’Arts et d’Histoire en tant que commis administratif 2 (surveillant) et assuré à ce titre contre les accidents auprès de la Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (CNA).

Le 24 avril 1995, l’assuré a glissé sur son lieu de travail dans l’escalier, a chuté sur la tête et perdu connaissance. Il a été transporté aux urgences de l’Hôpital cantonal de Genève (HUG). Diverses radiographies n’ont pas mis en évidence de lésions traumatiques. Il est sorti de l’HUG le même jour. Il a consulté ensuite le Dr A__________.

L’accident a été annoncé le 26 mai 1995 à la CNA.

Le 16 juin 1995, le Dr B__________, spécialiste en neurologie électroencéphalographie, a attesté avoir vu le patient le 15 juin 1995. Il s’agissait d’une céphalée post-traumatique à laquelle s’ajoutait une composante tensionnelle liée peut-être à la situation professionnelle et politique.

Le 22 juillet 1995, le Dr A__________ a attesté de très violents maux de tête avec contracture réflexe de la colonne cervicale et de la région sus-capulaire droite. Des douleurs costales inférieures droites et des douleurs au niveau de la tête du péroné, ainsi qu’un status après commotion cérébrale, vertiges, nausées, acouphène. Le patient était en incapacité de travail totale depuis l’accident. Depuis celui-ci, l’amélioration n’était que très faible et le patient présentait toujours de très importantes céphalées, de violents vertiges, des acouphènes, des nucalgies et des crampes de la mâchoire.

Depuis le 4 décembre 1995, l’assuré a été suivi par le Dr Bernard ROSA à Annemasse lequel a attesté de myoclonies cervicales qui pourraient expliquer les douleurs.

Depuis mai 1996, l’assuré a bénéficié de prestations de l’Hospice Général.

Du 2 au 20 décembre 1996, l’assuré a séjourné à la clinique de Bellikon. Le rapport de sortie relève la persistance d’un tableau avec céphalées et douleurs nucales ainsi que troubles vertigineux. Il n’y avait pas de trouble fonctionnel sur le plan neuropsychologique. Le patient présentait une extension des symptômes et un manque de coopération. On pouvait supposer qu’il était à même d’effectuer des travaux légers à plein temps.

Le 13 janvier 1997, l’assuré a déposé une demande de prestations AI.

Par décision du 4 avril 1997, la CNA a mis un terme à ses prestations au 13 avril 1997. Elle a rejeté l’opposition de l’assuré le 28 mai 1998.

Selon un rapport médical du Dr A__________ du 5 décembre 1997, l’assuré avait souffert en 1979 d’une tuberculose pulmonaire, d’une maladie de Basedow et d’une hyperthyroïdie en 1993. Il présentait actuellement des céphalées type migraineuses, de violents vertiges, des acouphènes, une raideur de la nuque, des crampes à la mâchoire, des douleurs dorso-thoraciques, des brachialgies, des lombalgies mal-systématisées et des fourmillements dans les deux membres inférieurs.

Saisi d’un recours de l’assuré contre la décision de la CNA du 28 mai 1998, le Tribunal administratif a constaté le 10 novembre 1998 que le recours était devenu sans objet, la CNA ayant décidé de reprendre l’instruction de la cause.

Le 17 novembre 1998, le Dr C__________, médecin-conseil de l’OCAI, a déclaré qu’il n’y avait pas d’incapacité de travail dans le métier de l’assuré dès décembre 1996. Il s’agissait uniquement de plaintes subjectives. Il proposait une demande de renseignements complémentaires au Dr A__________.

Le 6 avril 2000, le service de neurologie du centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) a rendu à la demande de la CNA un rapport d’expertise. Le patient avait présenté le 24 avril 1995 un traumatisme cranio cérébral mineur. Les différents examens pratiqués ne permettaient pas d’observer d’anomalie organique structurelle pouvant expliquer les différents symptômes du patient. Cinq ans après le TCC, la symptomatologie ne pouvait plus être considérée comme d’origine post-traumatique. Une prise en charge psychiatrique était proposée.

Le 28 avril 2000, le Dr D__________, médecin associé au département de psychiatrie adulte de l’université de Lausanne, a rendu un rapport d’expertise à la demande de la CNA. Il a posé le diagnostic de céphalées chroniques d’origine indéterminée, apparues le jour même de l’accident, d’état dépressif récurrent, épisode actuel moyen avec syndrome somatique – qui s’était installé progressivement après l’accident et était clairement réactionnel aux céphalées persistantes et à leurs conséquences – ainsi qu’une personnalité narcissique. L’assuré ne souffrait pas d’une affection psychique avant l’accident. La personnalité narcissique entretenait certainement pour une partie l’état dépressif. Celui-ci s’était développé en raison de la persistance de la symptomatologie douloureuse intense qui atteignait, de plus, les facultés de mémoire et de concentration. Il ne pouvait actuellement exercer aucune activité professionnelle et on ne pouvait attendre que les troubles psychiques s’amendent avec le temps.

Le 29 mai 2000, le Dr A__________ a attesté que la capacité de travail dans la profession exercée était nulle en raison de céphalées ainsi que dans une autre profession (raison illisible).

Le 11 août 2000, la CNA a rendu une nouvelle décision par laquelle elle mettait un terme à ses prestations au 13 avril 1997. L’assuré y a fait opposition le 13 septembre 2000 et la CNA a rejeté l’opposition le 4 décembre 2000. L’assuré a recouru contre cette dernière décision le 2 mars 2001 au Tribunal administratif (A/206/2001), lequel a suspendu la cause dans l’attente du dossier AI, alors au COMAI.

Le 8 février 2001, le Dr A__________ a attesté qu’il y avait une incapacité de travail totale depuis le 25 avril 1995. Il a relevé la présence de céphalées post-traumatique, de contractures cervicales réflexes et une limitation fonctionnelle sur translation latérale droite de C1 par rapport aux masses latérales de C2 (selon une radiographie de la colonne cervicale du 20 décembre 1999 effectuée par les Drs NAIMI et MEGRET), un état dépressif récurrent, une perte de mémoire, des difficultés de concentration, des acouphènes intermittents et une lombosciatalgie du membre inférieur gauche. Son état le forçait à un isolement afin d’éviter les bruits exacerbant ses céphalées de base.

Le 30 décembre 2002, le COMAI a rendu un rapport d’expertise suite à l’examen du patient les 8, 10 et 15 avril 2002. Celui-ci se plaignait de céphalées en casque, de cervicalgies et de lombalgies. Tous les traitements essayés n’avaient jamais permis d’atténuer les douleurs d’une façon satisfaisante.

Les diagnostics étaient les suivants :

- avec influence essentielle sur la capacité de travail :

Syndrome somatoforme douloureux persistant.

Etat dépressif récurrent, épisode actuel moyen avec somatisations.

Possible personnalité narcissique.

Hypothyroïdie secondaire à un traitement de maladie de Basedow.

- sans influence essentielle sur la capacité de travail :

Malaise ou chute avec perte de connaissance le 25 avril 1995.

Tuberculose pulmonaire traitée en 1979.

Oesophagite peptique en 1992.

D’un point de vue rhumatologique, le Dr E__________ a relevé que l’appréciation de la capacité de travail restait difficile compte tenu que c’étaient les douleurs, phénomène subjectif non mesurable qui entraînaient de fortes limitations fonctionnelles, sans mise en évidence de lésion anatomique significative. D’un point de vue psychiatrique, la Dresse F__________ a diagnostiqué des céphalées chroniques suite à un accident, un état dépressif récurrent, épisode actuel moyen, avec syndrome somatique et une probable personnalité de type narcissique. Il y avait une incapacité totale de travail.

Dans l’appréciation du cas, les experts relèvent qu’il n’y a pas la certitude de l’existence d’un trouble cranio cérébral (TCC) en 1995 mais que la nature et le mode d’installation des plaintes étaient très suggestifs de ce diagnostic. Aucune explication physio-pathologique n’avait pu être apportée pour expliquer la persistance des symptômes d’un syndrome post-commotionnel. Ceux-ci s’intégraient plus dans le cadre d’un trouble somatoforme douloureux persistant, voire d’un syndrome de majoration des symptômes (extension de la symptomatologie en « tache d’huile »). Ce tableau clinique était marqué par une discordance très importante entre les symptômes et les signes cliniques et paracliniques objectifs. Il n’était pas possible d’exclure totalement une part d’amplification volontaire des symptômes, motivée peut-être par la recherche d’une compensation financière à la suite de l’accident. On était en présence ici du diagnostic différentiel entre syndrome douloureux somatoforme persistant en majoration de symptômes physiques pour des raisons psychologiques, ce dernier diagnostic incluant la névrose de compensation. La capacité de travail était de l’ordre de 50 % comme gardien de musée en raison des douleurs, de l’état dépressif et une hypothyroïdie imparfaitement substituée. Cette appréciation s’écartait de celle de la Dresse F__________ et du Dr D__________ pour lesquels l’incapacité de travail était totale. En effet, la prise en charge pourrait être optimalisée d’un point de vue médical pour les troubles dépressifs (traitement minimum d’un an) et l’hypothyroïdie (traitement à vie) ce qui pourrait avoir un impact favorable, bien que partiel, sur les troubles de l’assuré. A l’évidence, le patient n’était pas compliant et ceci était clairement démontré par la non détection d’amitryptiline lors du dosage sanguin effectué dans le cadre de l’expertise. Le patient était actuellement hypothyroïdien, ce qui voulait dire qu’il n’avait pas une substitution optimale. Un réentraînement au travail serait probablement nécessaire pour atteindre un taux de 50 % de travail. Une réévaluation de la situation devrait être effectuée après 2 ans. Il faut en effet que le traitement antidépresseur ait pu être instauré de façon efficace. Par ailleurs, si l’on devait entrer dans le cadre d’un névrose de compensation, le syndrome ne disparaît pas toujours rapidement même lorsque la revendication est satisfaite. Pour cette raison aussi, il est préférable de refaire une réévaluation après au moins deux ans.

Le 14 mars 2003, le Dr C__________ a rédigé une note suite à l’expertise du COMAI. L’assuré avait manifestement majoré ses plaintes dans un but évident. Il simulait des troubles de façon flagrante, trompait les experts et ne disait pas la vérité. Il faillait s’écarter des conclusions du COMAI qui ne prenaient pas en compte les discordances manifestes constatées, lesquelles entraient dans le cadre d’une simulation, dans le but évident d’obtenir une rente AI.

Par décision du 23 avril 2003, l’OCAI a rejeté la demande de l’assuré. Les troubles de santé de l’assuré n’atteignaient pas une intensité suffisante pour diminuer de manière significative sa capacité de travail et de gain. En outre, il n’avait pas soigné de manière adéquate l’affection psychique et les troubles thyroïdiens, contrairement à son obligation de diminuer le dommage. En conclusion, l’incapacité de gain n’était pas en relation de causalité avec l’atteinte à la santé.

Le 23 mai 2003, l’assuré a fait opposition à cette décision en relevant que contrairement à l’avis de l’OCAI, il ressortait du rapport COMAI que l’incapacité de gain était clairement en relation de causalité avec les différents diagnostics posés. Par ailleurs, le Dr E__________ avait estimé la capacité de travail du seul point de vue rhumatologique à 50 % et les psychiatres F__________ et D__________ à 0 %.

Le 31 octobre 2003, l’OCAI a rejeté l’opposition en relevant que l’assuré, bien que se considérant comme invalide, avait pu se marier en 1999 et avoir deux enfants nés en 1999 et 2000. Par ailleurs, il y avait selon les experts COMAI une discordance très importante entre les symptômes et les signes cliniques et paracliniques objectifs. L’assuré ne prenait pas son traitement médicamenteux.

Le 4 décembre 2003, l’assuré a recouru auprès du Tribunal cantonal des assurances sociales à l’encontre de la décision sur opposition de l’OCAI. En contradiction avec les appréciations des Drs E__________ et F__________, le rapport COMAI avait retenu que son accident était sans influence essentielle sur la capacité de travail alors même qu’il indiquait la date de l’accident comme point de départ de la réduction de la capacité de travail. Celle-ci était limitée à 50 % dès lors que plusieurs des critères posés par le TFA en matière de trouble somatoforme douloureux étaient remplis. Par ailleurs, la pharmacie Victoria lui avait délivré du Muxol à la place du Deroyat, cela le 7 avril 2002, soit la veille de l’expertise COMAI, ce qui expliquait le reproche de non-compliance.

Le 6 janvier 2004, l’OCAI a conclu au rejet du recours en se référant à sa décision sur opposition.

Le 29 janvier 2004, l’assuré a répliqué en relevant que l’OCAI ne répondait pas à ses arguments et n’expliquait pas pourquoi il se permettait de ne pas suivre l’expertise du COMAI. En particulier, une dépression récurrente d’intensité moyenne constituait une affection à la santé d’une gravité suffisante pour justifier à elle seule une incapacité de travail.

Le 7 mars 2005, le Tribunal de céans a entendu le recourant en audience de comparution personnelle des parties à laquelle l’OCAI avait déclaré ne pas pouvoir assister.

Le recourant a déclaré que : « mon état de santé s’est plutôt empiré depuis l’expertise du COMAI. Les douleurs sont plus fréquentes. Je suis toujours suivi par le même médecin traitant, le Dr A__________. Je prends depuis l’accident plusieurs médicaments, soit des antalgiques (Tramal et Zildar) en alternant ainsi que du Temesta. J’explique la remarque du COMAI concernant le fait que je n’aurais pas suivi le traitement médicamenteux sérieusement par le fait que la veille de l’expertise je me suis rendu à la pharmacie pour chercher mes médicaments et qu’il m’a été remis un médicament laxatif à la place des antidépresseurs. J’ai pris ce médicament pendant 2 jours et c’est la pharmacie qui m’a téléphoné (cf. pièce 6, chargé recourant)

Je prends également des médicaments pour mon hypothyroïdie (L’eltroxine) depuis 4, 5 ans et de façon régulière, ainsi que des médicaments contre le cholestérol (sortis 20mg). Je suis obligé d’alterner les médicaments en raison de leur effet secondaire. Je conteste ne pas avoir suivi régulièrement un traitement médicamenteux.

J’ai été suivi par le Dr G__________, psychiatre, jusqu’à il y a une année. Actuellement c’est le Dr A__________ qui me prescrit les antidépresseurs prescrits antérieurement par le Dr G__________. J’ai arrêté le traitement car il ne me donnait pas satisfaction. Mon état ne s’était pas amélioré. Je pense que j’ai à nouveau besoin d’un traitement psychique.

A la maison je fais le strict minimum. Je regarde un peu la télévision, je n’arrive pas vraiment à lire car après un paragraphe l’écriture se brouille. Je sors un peu, je fais quelques promenades. Je suis séparé de mon épouse depuis octobre 2003. je ne vois plus du tout mes enfants. Je n’ai plus envie de sortir. Il ne me reste que quelques amis que je vois de temps en temps. Petit à petit j’ai de moins en moins envie de vivre.

Les douleurs dont je souffre débutent à la tête et descendent dans le dos et dans tout le corps. La crise peut durer plusieurs heures. J’ai plusieurs crises par jour et également la nuit. Je n’ai pas trouvé ce qui les déclenchaient. Je prends des médicaments au moment des crises, cela les calment un peu, sinon je me pendrais ».

28. Le 11 avril 2005, le dossier complet de la CNA ainsi que le dossier du Tribunal administratif (cause A/206/2001) ont été versés à la procédure pendante devant le Tribunal de céans.

29. Informées par le Tribunal de céans de son intention d’ordonner deux expertises, l’une confiée au Dr H__________, l’autre au Dr I__________, les parties ont répondu qu’elles acceptaient les deux experts et n’avaient pas de remarques à formuler concernant les questions posées aux experts.

EN DROIT

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

Conformément à l’art. 56 V al. 1 let. a LOJ, le Tribunal cantonal des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 LPGA relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959, dans sa nouvelle teneur selon le chiffre 8 de l’annexe à la LF du 6 octobre 2000 (RS 830.1).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine des assurances sociales. Sur le plan matériel, le point de savoir quel droit s'applique doit être tranché à la lumière du principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V 467 consid. 1, 126 V 136 consid. 4b et les références). En revanche, en ce qui concerne la procédure, et à défaut de règles transitoires contraires, le nouveau droit s'applique sans réserve dès le jour de son entrée en vigueur (ATF 117 V 93 consid. 6b, 112 V 360 consid. 4a; RAMA 1998 KV 37 p. 316 consid. 3b). C'est pourquoi les procédures pendantes au 1er janvier 2003 ou introduites après cette date devant un tribunal cantonal compétent en matière d'assurances sociales sont régies par les nouvelles règles de procédure contenues dans la LPGA et par les dispositions de procédure contenues dans les différentes lois spéciales modifiées par la LPGA.  

Dans le cas d’espèce, les faits déterminants ayant conduit à l’adoption de la décision litigieuse du 31 octobre 2003 remontent à l’accident du 24 avril 1995. Sur le plan matériel, le cas d’espèce reste donc régi par la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI) dans sa version en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002. Toutefois, en ce qui concerne la procédure, celle-ci était pendante au 1er janvier 2003, de sorte que le cas d’espèce est régi par les nouvelles règles de procédure contenues dans la LPGA et par les dispositions de procédure contenues dans les différentes lois spéciales modifiées par la LPGA.  

Interjeté dans les formes et délai légaux, le recours est recevable conformément aux art. 56, 59 et 60 LPGA.

L’art. 4 al. 1 LAI stipule que l’invalidité est la diminution de la capacité de gain, présumée permanente ou de longue durée, qui résulte d’une atteinte à la santé physique, ou mentale provenant d’une infirmité congénitale, d’une maladie ou d’un accident. Pour qu’une invalidité soit reconnue, il est nécessaire, dans chaque cas, qu’un diagnostic médical pertinent soit posé par un spécialiste et que soit mise en évidence une diminution importante de la capacité de travail (et de gain) (ATF 127 V 299). Ainsi, pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 125 V 261 consid. 4, 115 V 134 consid. 2, 114 V 314 consid. 3c, 105 V 158 consid. 1).

Selon la jurisprudence et la doctrine, l’autorité administrative ou le juge ne doit considérer un fait comme prouvé que lorsqu’ils sont convaincus de sa réalité (Kummer, Grundriss des Zivilprozessrechts, 4ème édition Berne 1984, p. 136 ; Gygi, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2ème édition, p. 278 ch. 5). Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5 let. b 125 V 195 consid. ch. 2 et les références).

En principe, le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale, a fortiori judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice ou de l’administration afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise (judiciaire) le fait que celle-ci contienne des contradictions, ou qu'une sur expertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 125 V 352 consid. 3b/aa et les références).

En effet, conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, l'administration est tenue d'ordonner une instruction complémentaire lorsque les allégations des parties et les éléments ressortant du dossier requièrent une telle mesure. En particulier, elle doit mettre en oeuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 283 consid. 4a; RAMA 1985 K 646 p. 240 consid. 4). En revanche, si l'administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d'office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d'autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d'administrer d'autres preuves (appréciation anticipée des preuves; Kieser, Das Verwaltungsverfahren in der Sozialversicherung, p. 212, n° 450; Kölz/Häner, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2e éd., p. 39, n° 111 et p. 117, n° 320; Gygi, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2e éd., p. 274; cf. aussi ATF 122 II 469 consid. 4a, 122 III 223 consid. 3c, 120 Ib 229 consid. 2b, 119 V 344 consid. 3c et la référence). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d'être entendu selon l'art. 29 al. 2 Cst. (SVR 2001 IV n° 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l'empire de l'art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 94 consid. 4b, 122 V 162 consid. 1d et l'arrêt cité).

Selon la jurisprudence, des troubles somatoformes douloureux peuvent, dans certaines circonstances, conduire à une incapacité de travail (ATF 120 V 119 consid. 2c/cc; RAMA 1996 no U 256 p. 217 ss consid. 5 et 6). De tels troubles entrent dans la catégorie des affections psychiques, pour lesquelles une expertise psychiatrique est en principe nécessaire quand il s'agit de se prononcer sur l'incapacité de travail qu'ils sont susceptibles d'entraîner (VSI 2000 p. 160 consid. 4b; arrêt N. du 12 mars 2004, destiné à la publication, I 683/03, consid. 2.2.2 et les arrêts cités). Compte tenu des difficultés, en matière de preuve, à établir l'existence de douleurs, les simples plaintes subjectives de l'assuré ne suffisent pas pour justifier une invalidité (entière ou partielle). Dans le cadre de l'examen du droit aux prestations de l'assurance sociale, l'allégation des douleurs doit être confirmée par des observations médicales concluantes, à défaut de quoi une appréciation de ce droit aux prestations ne peut être assurée de manière conforme à l'égalité de traitement des assurés (arrêt N. précité, consid. 2.2.2).

Un rapport d'expertise attestant la présence d'une atteinte psychique ayant valeur de maladie - tels des troubles somatoformes douloureux - est une condition juridique nécessaire, mais ne constitue pas encore une base suffisante pour que l'on puisse admettre qu'une limitation de la capacité de travail revêt un caractère invalidant (arrêt N. précité consid. 2.2.3; Ulrich Meyer-Blaser, Der Rechtsbegriff der Arbeitsunfähigkeit und seine Bedeutung in der Sozialversicherung, namentlich für den Einkommensvergleich in der Invaliditätsbemessung, in : René Schauffhauser/Franz Schlauri (éd.), Schmerz und Arbeitsunfähigkeit, St. Gall 2003, p. 64 sv., et note 93).

En effet, selon la jurisprudence, les troubles somatoformes douloureux persistants n'entraînent pas, en règle générale, une limitation de longue durée de la capacité de travail pouvant conduire à une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI (voir sur ce point Meyer-Blaser, op. cit. p. 76 ss, spéc. p. 81 sv.). Une exception à ce principe est admise dans les seuls cas où, selon l'estimation du médecin, les troubles somatoformes douloureux se manifestent avec une telle sévérité que, d'un point de vue objectif, la mise en valeur de sa capacité de travail ne peut, pratiquement, - sous réserve des cas de simulation ou d'exagération (SVR 2003 IV no 1 p. 2 consid. 3b/bb; voir aussi Meyer-Blaser, op. cit. p. 83, spéc. 87 sv.) – plus raisonnablement être exigée de l'assuré, ou qu'elle serait même insupportable pour la société (ATF 102 V 165; VSI 2001 p. 224 sv. consid. 2b et les références; arrêt N. précité consid. 2.2.3 et les arrêts cités; cf. aussi ATF 127 V 298 consid. 4c in fine).

Admissible seulement dans des cas exceptionnels, le caractère non exigible d'un effort de volonté en vue de surmonter la douleur et de la réintégration dans un processus de travail suppose, dans chaque cas, soit la présence manifeste d'une comorbité psychiatrique d'une acuité et d'une durée importantes, soit le cumul d'autres critères présentant une certaine intensité et constance. Ce sera le cas (1) des affections corporelles chroniques ou d'un processus maladif s'étendant sur plusieurs années sans rémission durable, (2) d'une perte d'intégration sociale dans toutes les manifestations de la vie, (3) d'un état psychique cristallisé, sans évolution possible au plan thérapeutique, marquant simultanément l'échec et la libération du processus de résolution du conflit psychique (profit primaire tiré de la maladie), ou enfin (4) de l'échec de traitements ambulatoires ou stationnaires conformes aux règles de l'art et de mesures de réhabilitation, cela en dépit de la motivation et des efforts de la personne assurée pour surmonter les effets des troubles somatoformes douloureux (VSI 2000 p. 155 consid. 2c; arrêt N. précité, consid. 2.2.3 in fine; Meyer-Blaser, op. cit. p. 76 ss, spéc. 80 ss).

Dans le cas d’espèce le COMAI a estimé dans son rapport du 30 décembre 2002 que le recourant présentait une capacité résiduelle de travail de 50% dans son activité antérieure de gardien de musée.

Toutefois, le Tribunal de céans estime que deux nouvelles expertises sont nécessaires pour les raisons suivantes :

Le recourant a établi que la pharmacie Victoria lui avait délivré le 7 avril 2002 un médicament laxatif (Muxol) en lieu et place du Deruxat prescrit par le Dr A__________ le 3 avril 2002. La constatation des experts selon laquelle le recourant ne suivait pas correctement son traitement médicamenteux est ainsi remise en cause par l’erreur précitée et on ne saurait dans ces conditions faire ce reproche au recourant.

A cet égard, cette constatation est importante car elle influe sur l’opinion que se font les experts de l’assuré, ainsi que sur la possibilité d’amélioration de l’état de santé de l’intéressé si le traitement était correctement suivi.

Par ailleurs, les experts du COMAI eux-mêmes suggèrent clairement qu’une réévaluation du cas soit effectuée deux ans plus tard, c’est-à-dire début 2005 afin de pouvoir évaluer l’impact d’un traitement médicamenteux sérieux ainsi que l’existence ou non d’une névrose de compensation.

Enfin, le recourant a expliqué en audience de comparution personnelle que son état de santé s’était plutôt aggravé depuis 2002 et qu’il souffrait quotidiennement ainsi que la nuit de crises de douleurs aiguës, débutant à la tête et s’étendant sur tout le corps, pouvant durer plusieurs heures.

Pour toutes ces raisons, le Tribunal de céans ordonnera une expertise qui sera confiée au Dr H__________, médecin spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, route de Berne 73, 1010 Lausanne.

Par ailleurs, le recourant souffrant aussi de la maladie de Besedow dont les effet ont été considérés par le COMAI comme ayant une influence sur la capacité de travail, le Tribunal de céans ordonnera une autre expertise auprès du Dr I__________, médecin spécialiste en endocrinologie-diabétologie, place de Cornavin 18, 1201 Genève.

 


 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

(conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ)

A la forme :

Déclare le recours recevable ;

Préparatoirement :

Ordonne une expertise médicale. La confie au Dr H__________, médecin spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, route de Berne 73, 1010 Lausanne . Dit que la mission d’expertise sera la suivante :

a. Prendre connaissance du dossier de la cause.

b. Si nécessaire prendre tous renseignements auprès des médecins ayant traité M. R__________.

c. Examiner M. R__________.

d. Etablir un rapport détaillé et répondre aux questions suivantes:

e. Quelle est l’anamnèse détaillée du cas ?

f. Quelle est l’atteinte à la santé dont souffre M. R__________ d’un point de vue psychiatrique ?

g. En cas de trouble psychique, quel est le degré de gravité de celui-ci (faible, moyen, grave) ?

h. Ce(s) trouble(s) psychique(s) (ont) a-t-il(s) valeur de maladie en tant que telle ?

i. M. R__________ présente-t-il une névrose de compensation ? Si oui, décrire cette affection.

j. Confirmez-vous le diagnostic de trouble somatoforme douloureux ? Si oui :

Existe-t-il une comorbidité psychiatrique importante ?

Existe-t-il des affections corporelles chroniques ?

Existe-t-il un processus maladif s’étendant sur plusieurs années, sans rémission durable ?

M. R__________ subit-il une perte d’intégration sociale et, cas échéant, dans quelle mesure et de quelle manière ?

Existe-t-il chez M. R__________ un état psychique cristallisé, sans évolution possible au plan thérapeutique, marquant simultanément l’échec et la libération du processus de résolution du conflit psychique (profit primaire tiré de la maladie) ?

Constatez-vous l’échec des traitements ambulatoires ou stationnaires conforme aux règles de l’art ?

Des mesures de réhabilitation seraient-elles utiles ?

Dans quelle mesure peut-on exiger de M. R__________ qu’il mette en œuvre toute sa volonté pour surmonter ses douleurs et réintégrer le monde du travail ?

k. Y-a-t-il un traitement adapté aux troubles de M. R__________ ? Si oui, ce traitement a-t-il déjà été prescrit à l’assuré et ce dernier s’y est-il conformé sérieusement ?

l. Malgré les plaintes alléguées et compte tenu de la constitution psychique de l’assuré et de votre diagnostic, celui-ci pourrait-il exercer une activité lucrative ? Si oui, laquelle ? A quel taux ? L’activité de gardien de musée est-elle encore exigible ? Si oui, à quel taux ? Quel est votre pronostic quant à l’exigibilité de la reprise d’une activité lucrative ?

m. Au vu du dossier, vos réponses aux questions susmentionnées sont-elles identiques à la date de la décision rendue par l’Office cantonal de l’assurance-invalidité, soit en octobre 2003 ? Si non, pourquoi et quelles sont les réponses qui varient ? Si oui, pourquoi ?

n. Y-a-t-il eu une modification de l’état de santé de M. R__________  depuis le mois de décembre 2002, date de l’expertise du COMAI ? Si oui, décrire cette modification.

o. Faire toutes autres observations ou suggestions utiles.

Ordonne une seconde expertise médicale. La confie au Dr I__________, médecin spécialiste en endocrinologie-diabétologie, place de Cornavin 18, 1201 Genève. Dit que la mission d’expertise sera la suivante :

a. Prendre connaissance du dossier de la cause.

b. Si nécessaire prendre tous renseignements auprès des médecins endocrinologues ayant traité M. R__________.

c. Examiner M. R__________.

d. Etablir un rapport détaillé et répondre aux questions suivantes :

e. D’un point de vue endocrinologue, quelle est l’atteinte à la santé dont souffre M. R__________ ?

f. Confirmez-vous le diagnostic de maladie de « Basedow » ? Depuis quand M. R__________ souffre-t-il de cette maladie ? Celle-ci est-elle restée stable ? Si oui, décrire cette maladie et les symptômes présentés par M. R__________.

g. Quel est le traitement indiqué ? M. R__________ suit-il un tel traitement ?

h. Considérez-vous que M. R__________ se soigne sérieusement ? Si non, quel traitement devrait-il suivre ?

i. Cette maladie ou toute autre affection endocrinologique constatée a-t-elle une influence sur la capacité de travail de M. R__________ ? Si oui, dans quelle mesure ?

j. En tenant uniquement compte d’une affection endocrinologique quelle capacité de travail présente M. R__________ dans son ancienne activité de gardien de musée ?

k. Dispose-t-il d’une capacité de travail dans une autre activité ? Si oui, laquelle et à quel taux ?

l. Cette capacité de travail peut-elle augmenter si M. R__________ se soumet à un traitement adéquat ? Si oui, dans quelle mesure ?

m. La situation s’est-elle modifiée depuis décembre 2003, date de la décision de l’OCAI ? Si oui, décrire cette modification.

Réserve le sort des frais jusqu’à droit jugé au fond

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 10 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu’il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l’enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

 

La greffière :

 

Nancy BISIN

 

La Présidente :

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le