A/301/2004

ATAS/38/2005 du 24.01.2005 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS

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En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/301/2004 ATAS/38/2005

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

5ème chambre

du 19 janvier 2005

En la cause

Madame P__________, comparant par Me BROTO-ANGHELOPOULO Diane en l’étude de laquelle elle élit domicile

recourante

contre

OFFICE CANTONAL DE L’ASSURANCE INVALIDITE, rue de Lyon 97, case postale 425, 1211 GENEVE 13

intimé


EN FAIT

Madame P__________, née en avril 1949, a travaillé comme esthéticienne indépendante depuis 1992.

Le 26 mai 2001, elle a formé une demande de prestations d’assurance-invalidité en vue de l’octroi d’une rente.

Il ressort du courrier du 20 décembre 1999 du Docteur A__________, spécialiste en médecine interne, à la caisse-maladie VISANA, que l’assurée a subi deux opérations gynécologiques en 1997, la première pour enlever deux kystes et la seconde pour une hystérectomie totale avec annexectomie. Consécutivement à cette deuxième intervention, une boule de graisse pubienne s’est formée qui a nécessité une nouvelle opération. A la suite du développement de cette boule, l’assurée a eu de grands problèmes psychologiques.

Selon le rapport médical du 20 juillet 2001 de la Doctoresse B__________, spécialiste en médecine interne, l’intéressée présente une fibromyalgie, une lombo-sciatalgie gauche, une hypertension artérielle, une obésité, un état dépressif moyen, un status après hystérectomie totale et une hernie hiatale accompagnée d’une œsophagite. Son incapacité de travail est de 50% dès le 3 avril 2000. Son état de santé va en s’aggravant et ni des mesures médicales ni des mesures professionnelles ne sont susceptibles d’améliorer sa capacité de travail.

Le 9 septembre 2002, la Doctoresse B__________ a déclaré une aggravation des lombo-sciatalgies chroniques récidivantes, tout en indiquant que l’état était resté stationnaire depuis environ six mois. La capacité de travail était toujours de 50%. Elle a en outre indiqué que la compliance était optimale, qu’il y avait une bonne concordance entre les plaintes et l’examen clinique et que sa patiente ne présentait pas de troubles psychiques.

Dans son rapport du 21 septembre 2002, le Docteur C__________, gastro-entérologue, a diagnostiqué une fibromyalgie, un état dépressivo-anxieux réactionnel, des douleurs abdominales sur colopathie fonctionnelle et post interventions gynécologiques. Comme diagnostics sans répercussion sur la capacité de travail, il a mentionné une hernie hiatale et une maladie de reflux, un status après traitement d’une gastrite chronique et une lithiase urinaire. L’incapacité de travail n’était pas en relation avec les problèmes digestifs.

Selon le rapport d’enquête pour activité professionnelle indépendante de l’Office cantonal de l’assurance-invalidité (ci-après : OCAI) du 25 juin 2003, l’assurée souffre de douleurs diffuses au niveau des jambes, des chevilles, des épaules et du dos. Ces douleurs sont constantes avec des périodes de forte intensité et malgré différents traitements (physiothérapie, infiltrations, anti-douleurs, etc..) toujours présentes. L’assurée décrit son état dépressif comme aggravé en raison de problèmes liés à son activité professionnelle, dans la mesure où elle était en litige avec le propriétaire de son arcade qui avait l’intention de résilier le contrat de bail. Elle consulte la Doctoresse D__________ (psychologue) à raison de deux à trois fois par mois. Sur le plan gynécologique, elle devra subir prochainement une opération de l’urètre et du vagin. Sur le plan professionnel elle indique que la situation de la branche est plutôt dans une phase difficile en raison de la conjoncture, mais qu’elle a une clientèle régulière depuis de nombreuses années et qu’elle s’est différenciée par rapport à la concurrence par un service de clientèle personnalisé. En raison de ses problèmes de santé, elle a cessé les soins du corps en 1998. Depuis le mois d’avril 2000, elle a diminué son temps de travail, ne travaille plus que le matin et ferme le lundi toute la journée. Jusqu’en avril 2000, elle commençait généralement sa journée vers 9h00 heures et terminait son travail vers 19h00 heures, du lundi au vendredi, et vers 17h00 heures le samedi. Ne pouvant plus être aussi disponible, l’assurée déclare avoir perdu une partie de sa clientèle.

Selon les observations de l’enquêteur concernant l’évolution de l’exploitation de l’institut en fonction des revenus, le chiffre d’affaires de l’assurée n’a subi qu’une légère baisse, malgré l’atteinte à la santé. Certes son chiffre d’affaires en 1999 a été plus élevé que celui des autres années. Cependant, pendant cette année, l’assurée a bénéficié, durant une courte période, d’une employée placée par le chômage. Par la suite, elle a toutefois préféré continuer à travailler seule. Sur la base des pièces comptables, l’enquêteur a évalué la perte de gain due au handicap à 18%.

Par décision du 26 juin 2003, l’OCAI a refusé à l’assurée tout droit à une rente, au motif que sa perte de gain était insuffisante pour ouvrir le droit à cette prestation.

Le 21 juillet 2003, l’assurée a formé opposition à cette décision en concluant au réexamen de son dossier, compte tenu des pièces comptables concernant les impôts 2002, tout en relevant qu’elle avait subi une nette diminution de ses revenus en raison de l’évolution de sa maladie, selon les comptes 2000, 2001 et 2002.

Par décision du 20 janvier 2004, l’OCAI a rejeté l’opposition de l’assurée. Il a relevé que l’étude des bilans en sa possession démontrait certes que son bénéfice avait diminué mais ne permettait pas de constater une baisse significative en 2000, année du début de son atteinte à la santé. Le bénéfice pour l’année 2001 avait subi une légère diminution, mais ce n’était qu’en 2002 que celui-ci était nettement moindre. Ainsi, l’OCAI a considéré que la baisse du bénéfice ne devait pas résulter de l’incapacité de gain de l’assurée, laquelle est attestée médicalement depuis l’an 2000, mais d’autres facteurs, notamment de la situation économique.

Par acte du 18 février 2004, l’assurée a formé recours, par l’intermédiaire de son conseil, contre cette décision, en concluant préalablement à l’octroi d’un délai supplémentaire pour compléter le recours et pour produire notamment le bilan d’exploitation de l’année 2003, et principalement à l’annulation de la décision et à l’octroi d’une rente d’invalidité de 50% dès le mois d’avril 2000. Elle a toutefois réservé une amplification de ses conclusions sur la base du bilan d’exploitation de l’année 2003. A l’appui de son recours, elle fait valoir que sa perte de gain est causée par son incapacité de travail due à la fibromyalgie dont elle est affectée. Elle évalue la perte de gain à 57,75%, en comparant les bénéfices réalisés en 1999 et en 2002. Elle fait par ailleurs état d’une aggravation de son état de santé depuis le début de l’année 2003 et estime qu’il convient également de procéder à une comparaison de ses revenus avec ceux réalisés dans le courant de l’année 2003. Elle produit en outre notamment les courriers du 17 février 2004 de la Doctoresse B__________ à son conseil et du 27 janvier 2004 du Docteur E__________, spécialiste en médecine interne et rhumatologie, à la Doctoresse B__________.

Selon la lettre du 17 février 2004 de la Doctoresse B__________, l’état de santé de la recourante s’est nettement aggravé depuis début 2003, principalement en raison des douleurs dues à la fibromyalgie. A celle-ci s’ajoutent d’autres pathologies telles qu’une lombalgie exacerbée, une incontinence urinaire de type mixte, ainsi qu’une colopathie fonctionnelle. Des traitements antalgiques et anti-inflammatoires, ainsi que la physiothérapie à sec et en piscine n’avaient amélioré que passagèrement l’état de la patiente. En raison des pathologies multiples, l’état dépressif et anxieux de la recourante s’est également s’aggravé. Elle a été suivie pendant une année en psychothérapie par la Doctoresse D__________ et mise au bénéfice d’un traitement anti-dépresseur à base de fluoxétine. La capacité de travail dans sa profession d’esthéticienne est de 50%.

Le Docteur E__________ a attesté, dans son courrier du 27 janvier 2004, que la recourante souffrait d’une fibromyalgie. Il a trouvé seize points douloureux sur dix-huit. Sa capacité de travail était nulle.

Un délai au 31 mars 2004 a été accordé à la recourante pour compléter son recours.

Par courrier du 30 mars 2004, celle-ci a communiqué au Tribunal de céans le bilan d’exploitation pour l’année 2003 et a persisté dans ses conclusions.

Par préavis du 19 mai 2004, l’intimé a conclu au rejet du recours et a notamment relevé que les revenus réalisés en 2001 reflétaient le revenu réalisable compte tenu des limitations fonctionnelles médicalement attestées et d’une capacité de travail limitée de manière constante à 50%. Quant au revenu sans invalidité, il devait être déterminé sur la moyenne des années 1997 et 1998, à l’exception de l’année 1999, vu que la situation de cette dernière année n’était pas représentative de l’activité propre de la recourante. La comparaison de gain entre ces dernières années et 2001 ne permettaient que de constater un taux d’invalidité de 18%. L’intimé a par ailleurs relevé que le caractère invalidant d’un trouble somatoforme douloureux ne pouvait être reconnu qu’en présence d’une comorbidité psychiatrique grave ou d’un trouble de la personnalité, selon la jurisprudence en la matière. Or, de telles atteintes faisaient en l’occurrence défaut.

Selon l’appréciation du 18 mai 2004 du Service médical régional du Léman (SMR Léman), sous la plume du Docteur F__________, si l’évaluation de l’invalidité devait se faire sur la base de la capacité de travail résiduelle, il fallait prévoir un examen médical complémentaire, s’agissant d’un syndrome douloureux somatoforme.

Le 10 novembre 2004, la recourante a été entendue par le Tribunal de céans. Elle a déclaré avoir continué à travailler à un pourcentage supérieur à 50% jusqu’à quelques mois après le dépôt de sa demande de prestations d’assurance-invalidité, alors même que ses médecins avaient estimé qu’elle présentait une capacité de travail de 50% seulement dès avril 2000. Elle était en effet une personne déterminée et s’efforçait de travailler, même dans les moments où elle n’allait pas bien. En 1996 ou 1997, elle avait subi une hystérectomie, pour les suites de laquelle elle aurait dû se reposer pendant environ six mois. Cependant, ne pouvant délaisser son salon, elle avait repris le travail après seulement dix jours d’arrêt. Ainsi, elle n’avait quasiment pas cessé de travailler pendant ces dernières années. Elle suivait par ailleurs une psychothérapie depuis 1997, soit depuis qu’elle avait subi l’hystérectomie. Elle allait devoir se faire opérer de la vessie prochainement. En raison de ses problèmes de santé elle ne pouvait actuellement presque plus travailler. Elle avait ainsi décidé d’arrêter l’exploitation de son institut au 31 décembre 2004 et avait d’ores et déjà résilié le bail de celui-ci. Même si ses médecins avaient toujours certifié une capacité de travail de 50% en 2004, ils estimaient en réalité que celle-ci était nulle et c’était seulement sur son insistance qu’ils lui avaient délivré un certificat pour une capacité de travail de 50%. Enfin, elle a déclaré être également diabétique.

Par écritures du 6 décembre 2004, la recourante a persisté dans ses conclusions et a produit dans la procédure d’autres pièces médicales. Elle a notamment signalé la découverte, au mois de novembre 2004, d’une tumeur maligne à la poitrine qui allait nécessiter une opération le 26 décembre 2004.

Le Docteur G__________, psychiatre, a certifié, par son attestation du 16 octobre 2004, avoir donné des soins à la recourante en 1997.

La Doctoresse D__________, psychologue-psychothérapeute, a attesté avoir suivi la recourante dans le cadre d’une thérapie d’orientation cognitive-comportementale, du 20 novembre 2002 au 26 juin 2003, pendant douze séances.

Le Docteur H__________, spécialiste en médecine interne, a déclaré, dans son attestation du 17 août 2004, suivre la recourante en psychothérapie depuis deux mois pour un soutien dans le contexte d’un état anxio-dépressif important.

Selon l’attestation du 1er décembre 2004 de ce même médecin, la recourante présente un syndrome métabolique (hypertension artérielle, obésité, diabète, hyperuricémie, dyslipidémie), une fibromyalgie invalidante, de lombo-sciatalgies chroniques invalidantes, un état anxio-dépressif réactionnel (douleurs chroniques : coude, lombalgies, problème social : instance de divorce), une incontinence urinaire avec status post-lithiase calicielle rein D, un status post-hystérectomie et annexectomie bilatérale en octobre 1997 et une hernie hiatale avec un status post ulcère oesophagien. En novembre 2004 a été découvert également une masse du sein. La patiente se plaint d’algies diffuses probablement dans le contexte de sa fibromyalgie qui l’invalident pour son travail et d’un surmenage psychologique lié à une instance de divorce en cours. Le Docteur H__________ a prescrit un arrêt de travail à 50% dès mars 2004 et dès juillet 2004 à 75%, en raison d’une péjoration de son état émotionnel et algique. La découverte d’une masse du sein a détérioré encore dans une plus ample mesure son état général sur le plan anxio-dépressif. Ce médecin estime dès lors qu’un arrêt de travail à 100% est justifié dès la date de son certificat.

Invité à se déterminer sur ces nouvelles pièces, l’intimé a persisté le 20 décembre 2004 dans ses conclusions, tout en faisant observer que les nouveaux éléments survenus postérieurement au 20 janvier 2004 n’étaient pas déterminants pour la procédure en cause et ne pouvaient fonder tout au plus qu’une demande de révision.

EN DROIT

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

Conformément à l’art. 56 V al. 1 let. a ch. 2 LOJ, le Tribunal de céans connaît en instance unique des contestations prévues par l’art. 56 de la loi sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA) relative à la loi fédérale sur l’assurance invalidité du 19 juin 1959 (LAI).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine des assurances sociales. Sur le plan matériel, le point de savoir quel droit s'applique doit être tranché à la lumière du principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V 467 consid. 1, 126 V 136 consid. 4b et les références). En revanche, en ce qui concerne la procédure, et à défaut de règles transitoires contraires, le nouveau droit s'applique sans réserve dès le jour de son entrée en vigueur (ATF 117 V 93 consid. 6b, 112 V 360 consid. 4a; RAMA 1998 KV 37 p. 316 consid. 3b). C'est pourquoi les procédures pendantes au 1er janvier 2003 ou introduites après cette date devant un tribunal cantonal compétent en matière d'assurances sociales sont régies par les nouvelles règles de procédure contenues dans la LPGA et par les dispositions de procédure contenues dans les différentes lois spéciales modifiées par la LPGA.  

Quant à l’applicabilité des dispositions matérielles de la LPGA, cette question peut rester ouverte. En effet, les définitions légales contenues aux art. 3 à 13 LPGA constituent, en règle générale, une version formalisée dans la loi de la jurisprudence relative aux notions correspondantes avant l’entrée en vigueur de la LPGA et il n’en découle aucune modification du point de vue de leur contenu. Ainsi, la jurisprudence développée à leur propos peut être reprise et appliquée (ATF130 V 345, consid. 3.1, 3.2 et 3.3).

Interjeté dans les forme et délai légaux, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA).

Selon l’art. 4 LAI, dans la teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2002, l’invalidité est la diminution de la capacité de gain, présumée permanente ou de longue durée, qui résulte d’une atteinte à la santé physique ou mentale provenant d’une infirmité congénitale, d’une maladie ou d’un accident. Ces définitions sont reprises par les art. 8 al. 1 LPGA et art. 4 LAI, dans sa teneur dès le 1er janvier 2003. L’art. 7 LPGA précise qu’est réputée incapacité de gain toute diminution de l’ensemble ou d’une partie des possibilités de gain de l’assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d’une atteinte à sa santé physique ou mentale et qu’elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles. L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (MEYER-BLASER, Bundesgesetz über die Invalidenversicherung, Zurich 1997, p. 8).

En vertu de l’art. 28 al. 1 LAI, dans sa teneur valable jusqu’au 31 décembre 2003, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 66 2/3 % au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50 % au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40 % au moins ; dans les cas pénibles, l’assuré peut, d’après l’art. 28 al. 1bis LAI, prétendre à une demi-rente s’il est invalide à 40 % au moins.

Aux termes de l’art. 29 al. 1 LAI, le droit à une rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré présente une incapacité de gain durable de 40% au moins ou a présenté, en moyenne, une incapacité de travail de 40% au moins pendant une année sans interruption notable.

Chez les assurés actifs, le degré d’invalidité doit être déterminé sur la base d’une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu du travail que l’invalide pourrait obtenir en exerçant l’activité qu’on peut raisonnablement attendre de lui, après exécution éventuelle de mesures de réadaptation et compte tenu d’une situation équilibrée du marché du travail, est comparé au revenu qu’il aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide (art. 28 al. 2 LAI). La comparaison des revenus s’effectue, en règle générale, en chiffrant aussi exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les confrontant l’un avec l’autre, la différence permettant de calculer le taux d’invalidité. Dans la mesure où ces revenus ne peuvent être chiffrés exactement, ils doivent être estimés d’après les éléments connus dans le cas particulier, après quoi l’on compare entre elles les valeurs approximatives ainsi obtenues (méthode générale de comparaison des revenus ; ATF 128 V 30 consid. 1; ATF 104 V 136 consid. 2a et 2b).

En ce qui concerne la comparaison des revenus, sont déterminants les rapports existant au moment de l'ouverture du droit à une éventuelle rente, ainsi que les modifications éventuelles survenues jusqu'au moment de la décision qui ont des conséquences sur le droit à la rente (ATF 129 V 222; 128 V 174).

Avant d’examiner si la recourante souffre d’une maladie invalidante au sens de la loi restreignant sa capacité de gain, il y a lieu d’examiner si une perte de gain due à ses atteintes à la santé peut être admise.

a) En l’occurrence, une incapacité de travail est attestée dès avril 2000. Par conséquent, le droit à une rente d’invalidité pourrait naître au plus tôt en avril 2001. C’est donc cette année qui est déterminante pour la comparaison des revenus.

b) En ce qui concerne les revenus réalisés par la recourante avant la survenance de son invalidité, on constate que le bénéfice d’exploitation était de 20'358 fr. en 1997, de 22'685 fr. en 1998 de 28'974 fr. en 1999, soit d’une moyenne pendant ces trois ans de 24'006 fr. Il convient toutefois de relever que le chiffre d’affaires de 1999 est plus élevé en raison du fait que la recourante avait engagé une employée, ce qu’elle n’avait cependant plus l’intention de faire par la suite, l’expérience n’ayant pas été concluante. Quant à l’année 1997, la recourante avait subi à cette époque une hystérectomie. Cependant, comme elle l’a déclaré en comparution personnelle, elle ne s’était presque pas arrêtée de travailler, en dépit de l’importance d’une telle intervention. Néanmoins, il conviendrait éventuellement d’admettre que son chiffre d’affaires aurait été normalement plus important, à savoir au moins égal à celui de 1998. En 2000, le bénéfice d’exploitation s’est élevé à 24'913 fr. et était donc plus élevé que celui des années 1997 et 1998, alors même qu’une incapacité de travail de 50% est constatée dès le 3 avril 2000. Toutefois, la recourante n’avait en réalité pas encore diminué son temps de travail. Cela montre par ailleurs que l’évolution des bénéfices de son institut d’esthéticienne allait en augmentant. Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que le rapporteur de l’enquête pour activité professionnelle indépendante a retenu à raison un revenu hypothétique sans invalidité de 25'000 fr., en fonction de l’évolution de l’entreprise.

Quant au revenu d’invalide, il y a lieu de se fonder sur celui réalisé en 2001, à savoir la somme de 20'505 fr. Ainsi, l’OCAI a retenu à juste titre que la diminution du revenu de l’activité professionnelle n’est que de 18% pendant cette dernière année, laquelle année est déterminante pour la comparaison des gains. Or, un tel pourcentage n’ouvre pas le droit à une rente.

c) Par la suite, les revenus de la recourante ont cependant chuté de façon considérable. En effet, en 2002 la recourante n’a réalisé qu’un bénéfice de 12'240 fr. et en 2003 de 12'232 fr. 30. L’intimé a cependant refusé de tenir compte de cette baisse des revenus, au motif que celle-ci ne résultait pas des atteintes à la santé, mais de facteurs conjoncturels, dans la mesure où son bénéfice n’avait baissé que légèrement en 2000, alors même que la recourante était déjà incapable de travailler à 50% depuis le 3 avril de cette année. Toutefois, en comparution personnelle, celle-ci a déclaré avoir travaillé à plus de 50% jusqu’à quelques mois après le dépôt de sa demande de prestations d’assurance-invalidité, contre l’avis de ses médecins qui estimaient que sa capacité de travail était réduite de moitié.

De l’avis du Tribunal de céans, il n’y a pas assez d’éléments pour conclure que la baisse des revenus est en l’occurrence due à des facteurs conjoncturels. En effet, encore en 2000, ceux-ci avaient augmenté par rapport aux années 1997 et 1998. Compte tenu de la dégradation progressive de l’état de santé de la recourante attestée par la Doctoresse B__________, il paraît dès lors bien plus probable que la diminution de gain soit imputable aux multiples atteintes à la santé de la recourante médicalement attestées. Il convient également de tenir compte du fait qu’une personne peut éventuellement fournir un effort considérable pendant une certaine période, au dépit de ses maladies et au prix d’une grande volonté, mais que ses forces peuvent s’épuiser petit à petit et ne plus lui permettre par la suite d’assurer le même taux d’activité qu’auparavant. Ainsi, il y lieu d’admettre en l’espèce que la baisse des bénéfices est à mettre sur le compte de l’incapacité de travail de la recourante, de sorte qu’il faut procéder à l’examen de la capacité de gain de la recourante en 2002 et 2003, sur la base des bénéfices réalisés dans son commerce pendant ces années.

En les comparant avec le revenu sans invalidité qui a été déterminé à 25'000 fr., il appert que la perte de gain est de 51%, ce qui ouvre en principe le droit à une demi-rente.

Dès juillet 2004, une incapacité de travail à 75% est attestée. Par ailleurs, la recourante a mis fin à l’exploitation de son salon d’esthéticienne. Cependant, selon une jurisprudence constante, le juge des assurances sociales apprécie la légalité des décisions attaquées, en règle générale, d’après l’état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue. Les faits survenus postérieurement, et qui ont modifié cette situation, doivent normalement faire l’objet d’une nouvelle décision administrative (ATF 121 V 366 consid. 1b et la référence).

La détérioration de l’état de santé alléguée en cours de procédure étant clairement postérieure à la décision du 26 juin 2003, ainsi qu’à la décision sur opposition dont est recours, il n’y a donc pas lieu d’en tenir compte dans cette procédure.

Toutefois, il convient de déterminer si la ou les atteintes à la santé de la recourante constituent des maladies invalidantes au sens de la loi, dans la mesure où l’incapacité de gain a été provoquée essentiellement par la fibromyalgie, selon les certificats médicaux des médecins de la recourante.

Selon la jurisprudence, des troubles somatoformes douloureux, auxquels est implicitement assimilée la fibromyalgie (arrêt du TFA I 776/02 du 14 novembre 2003, consid. 2.3, et I 229/01 du 9 octobre 2001, consid. 3c), peuvent, dans certaines circonstances, conduire à une incapacité de travail (ATF 120 V 119 consid. 2c/cc; RAMA 1996 no U 256 p. 217 ss consid. 5 et 6). De tels troubles entrent dans la catégorie des affections psychiques, pour lesquelles une expertise psychiatrique est en principe nécessaire quand il s'agit de se prononcer sur l'incapacité de travail qu'ils sont susceptibles d'entraîner (VSI 2000 p. 160 consid. 4b; ATF 130 V 352 consid. 2.2.2 et les arrêts cités). Compte tenu des difficultés, en matière de preuve, à établir l'existence de douleurs, les simples plaintes subjectives de l'assuré ne suffisent pas pour justifier une invalidité (entière ou partielle). Dans le cadre de l'examen du droit aux prestations de l'assurance sociale, l'allégation des douleurs doit être confirmée par des observations médicales concluantes, à défaut de quoi une appréciation de ce droit aux prestations ne peut être assurée de manière conforme à l'égalité de traitement des assurés (ATF 130 V 352 consid. 2.2.2).

Un rapport d'expertise attestant la présence d'une atteinte psychique ayant valeur de maladie - tels des troubles somatoformes douloureux - est une condition juridique nécessaire, mais ne constitue pas encore une base suffisante pour que l'on puisse admettre qu'une limitation de la capacité de travail revêt un caractère invalidant (ATF 130 V 353 consid. 2.2.3; Ulrich MEYER-BLASER, Der Rechtsbegriff der Arbeitsunfähigkeit und seine Bedeutung in der Sozialversicherung, namentlich für den Einkommensvergleich in der Invaliditätsbemessung, in : René Schauffhauser/Franz Schlauri (éd.), Schmerz und Arbeitsunfähigkeit, St. Gall 2003, p. 64 sv., et note 93).  En effet, selon la jurisprudence, les troubles somatoformes douloureux persistants n'entraînent pas, en règle générale, une limitation de longue durée de la capacité de travail pouvant conduire à une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI (voir sur ce point MEYER-BLASER, op. cit. p. 76 ss, spéc. p. 81 sv.). Une exception à ce principe est admise dans les seuls cas où, selon l'estimation du médecin, les troubles somatoformes douloureux se manifestent avec une telle sévérité que, d'un point de vue objectif, la mise en valeur de sa capacité de travail ne peut, pratiquement, - sous réserve des cas de simulation ou d'exagération (SVR 2003 IV no 1 p. 2 consid. 3b/bb; voir aussi MEYER-BLASER, op. cit. p. 83, spéc. 87 sv. ) - plus raisonnablement être exigée de l'assuré, ou qu'elle serait même insupportable pour la société (ATF 102 V 165; VSI 2001 p. 224 sv. consid. 2b et les références; ATF 130 V 352 consid. 2.2.3 et les arrêts cités; cf. aussi ATF 127 V 298 consid. 4c in fine).

Admissible seulement dans des cas exceptionnels, le caractère non exigible d'un effort de volonté en vue de surmonter la douleur et de la réintégration dans un processus de travail suppose, dans chaque cas, soit la présence manifeste d'une comorbité psychiatrique d'une acuité et d'une durée importantes, soit le cumul d'autres critères présentant une certaine intensité et constance. Ce sera le cas (1) des affections corporelles chroniques ou d'un processus maladif s'étendant sur plusieurs années sans rémission durable, (2) d'une perte d'intégration sociale dans toutes les manifestations de la vie, (3) d'un état psychique cristallisé, sans évolution possible au plan thérapeutique, marquant simultanément l'échec et la libération du processus de résolution du conflit psychique (profit primaire tiré de la maladie), ou enfin (4) de l'échec de traitements ambulatoires ou stationnaires conformes aux règles de l'art et de mesures de réhabilitation, cela en dépit de la motivation et des efforts de la personne assurée pour surmonter les effets des troubles somatoformes douloureux (VSI 2000 p. 155 consid. 2c; ATF 130 V 353 consid. 2.2.3 in fine; MEYER-BLASER, op. cit. p. 76 ss, spéc. 80 ss).

En l’occurrence, la recourante n’a jamais fait l’objet d’une expertise. Son état psychique n’a pas non plus été évalué par un psychiatre, condition indispensable pour déterminer si la fibromyalgie dont elle est atteinte remplit les critères définis par le TFA, afin de lui reconnaître un caractère invalidant au sens de la loi. Il y a lieu de relever à cet égard qu’il ne peut d’emblée être exclu que la recourante souffre de problèmes psychologiques d’une certaine gravité et déterminants au sens de la loi, au vu de l’anamnèse. Ceux-ci semblent en outre être préexistants à l’apparition de la fibromyalgie, de sorte qu’ils constituent une affection psychique indépendante de cette dernière maladie. Aussi se justifie-t-il de renvoyer la cause à l’intimé pour instruction complémentaire sous la forme d’une expertise multidisciplinaire effectuée par le Centre d’observation médicale de l’assurance-invalidité (COMAI) et nouvelle décision sur le droit aux prestations dès 2002 et 2003, sur la base de cette expertise.

La recourante obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de 1'500 fr. lui est accordée à titre de dépens.


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

(conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ)

A la forme :

Déclare le recours recevable ;

Au fond :

L’admet partiellement ;

Annule les décisions du 26 juin 2003 et du 20 janvier 2004 de l’Office cantonal de l’assurance-invalidité, en ce qu’elles ont refusé à la recourante le droit aux prestations dès janvier 2002 ;

Les confirme pour le surplus ;

Renvoie la cause à l’intimé pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision sur le droit aux prestations dès 2002 ;

Condamne l’intimé au payement d’une indemnité de 1'500 fr. à la recourante, à titre de dépens ;

Dit que la procédure est gratuite ;

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu’il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l’enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

La greffière :

Yaël BENZ

La Présidente :

Maya CRAMER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe