A/3781/2005

ATAS/113/2006 du 07.02.2006 ( AF ) , ADMIS

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En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3781/2005 ATAS/113/2006

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

Chambre 2

du 7 février 2006

 

En la cause

Monsieur H___________

 

recourant

 

 

contre

SERVICE CANTONAL DES ALLOCATIONS FAMILIALES, 54, route de Chêne, 1208 Genève

 

 

intimé

 

EN FAIT

Monsieur H___________ (ci-après le recourant) est père de deux enfants, M. et S., nés respectivement le 19 décembre 1997 et le 2 mai 2000, qui vivent au Kosovo avec leur mère, avec laquelle le recourant n'est pas marié.

Le recourant a travaillé pour la société X___________SÀ, du 15 avril 2002 au 31 décembre 2003, et y travaille à nouveau depuis le 3 mai 2004.

En date du 7 avril 2005, le recourant a déposé une demande d'allocations familiales pour ses deux enfants.

Par décision du 10 mai 2005, le SERVICE CANTONAL DES ALLOCATIONS FAMILIALES (ci-après SCAF), constatant que le recourant remplissait la condition de l'entretien prépondérant, lui a ouvert le droit aux allocations familiales pour ses deux enfants, depuis le mois de mai 2005. Pour la période antérieure, aucun justificatif n'établit cet entretien.

Suite à l'opposition du recourant, le SCAF a confirmé sa décision, en date du 28 septembre 2005. Conformément à la jurisprudence de l'ancienne commission cantonale de recours, et vu le domicile à l'étranger des enfants, le recourant devrait verser 400.-- fr. par mois au minimum pour que le droit aux allocations familiales puisse lui être reconnu, ce qui n'est pas établi pour la période antérieure au mois de mai 2005.

Dans son recours du 22 octobre 2005, le recourant fait valoir qu'il a envoyé régulièrement de l'argent pour ses enfants par l'intermédiaire de son frère qui vit en Suisse ainsi que par le biais de cousins et d'amis, car il était sans autorisation de travail jusqu'au mois de mars 2005, et ne pouvait dès lors avoir de compte bancaire. Il réclame, par conséquent, le versement des allocations familiales pour les mois précédents également. Figure en annexe à son recours une déclaration certifiée conforme y compris pour la traduction de Madame S___________, mère des enfants, selon laquelle le recourant finance l'entretien des enfants et qu'il a envoyé durant l'année 2004 l'argent nécessaire par l'intermédiaire de son frère qui travaille également en Suisse.

Dans sa réponse du 8 novembre 2005, le SCAF conclut implicitement au rejet du recours, persistant dans les termes et les conclusions de sa décision sur opposition.

Le Tribunal de céans a ordonné la comparution personnelle des parties, qui s'est tenue le 13 décembre 2005. À cette occasion, le recourant a indiqué avoir fait un versement supplémentaire en date du 11 novembre 2005, de 2600.-- fr. Son cousin a effectué pour lui des versements à sa compagne au Kosovo, et des amis et cousins habitant la Suisse allemande ont fait de même. Le recourant a indiqué qu'il remettrait au Tribunal une attestation de leur part. Il a également produit un ordre de payement de 2000.-- fr., versés le 11 avril 2005 sur le compte d'un cousin qui a transmis ce montant à sa compagne lors d'un de ses déplacements. La représentante du SCAF a indiqué qu'au vu des versements établis pour 2005, elle examinerait la possibilité de verser les allocations familiales en tout cas dès le mois de janvier 2005. L'ouverture des enquêtes a été ordonnée en vue de l'audition de Monsieur H___________.

Lors de son audition en qualité de témoin en date du 24 janvier 2006, celui-ci a déclaré être le cousin du recourant. Il connaît l'amie de celui-ci, ainsi que leurs deux enfants. En 2004 il a rencontré à une reprise la compagne du recourant, au mois de décembre, et lui a remis l'équivalent de la somme de 1500.-- fr. de la part du recourant. Il a rendu ce même service à la fin de l'année 2005 pour l'équivalent de la somme de 1000.-- .

À l'issue de l'audience, le recourant a produit deux attestations de Messieurs C___________, qui sont ses petits cousins et qui habitent tout près de chez lui au Kosovo. Tous deux travaillent en Suisse allemande, l'un est au bénéfice du permis C et de la nationalité suisse, l'autre au bénéfice du permis B. Selon ces attestations le premier a remis la somme de 2500.-- fr. à la compagne du recourant, de sa part, au mois de septembre 2004, le second la somme de 3200.-- fr. au mois de juillet 2004. La représentante du SCAF a déclaré que celui-ci admettait que les conditions étaient remplies depuis le mois de janvier 2005.

Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

***

EN DROIT

La loi du 14 novembre 2002 modifiant la loi genevoise sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 (LOJ) est entrée en vigueur le 1er août 2003 et un Tribunal cantonal des assurances sociales a été institué, statuant en instance unique, notamment sur les contestations concernant la loi sur les allocations familiales du 1er mars 1996 (LAF; cf art. 1 let. r et 56V al. 2 let. e LOJ).

Le Tribunal de céans est ainsi compétent pour juger du cas d’espèce.

Déposé dans les forme et délai imposés par la loi, le présent recours est recevable (art. 38 al. 1 LAF)

L’objet du recours est de déterminer la date à partir de laquelle le recourant peut être mis au bénéfice d’allocations familiales pour ses deux enfants.

L’octroi de prestations sous forme d’allocations familiales pour toute personne assujettie à la loi est régi par la LAF (art. 1er LAF).

Sont notamment assujetties à la loi les personnes salariées au service d'un employeur tenu de s'affilier à une caisse d'allocation familiale ou d'un employeur de personnel de maison domicilié dans le canton (art. 2 al. 1 let. a LAF).

Une personne assujettie à la loi peut bénéficier des prestations, si elle a la garde d’un ou de plusieurs enfants ou si elle exerce l’autorité parentale ou encore si elle en assume l’entretien de manière prépondérante et durable (art 3 al. 1er LAF).

L’allocation pour enfant est une prestation mensuelle accordée dès le mois qui suit celui de la naissance de l’enfant jusqu’à la fin du mois au cours duquel il atteint l’âge de 18 ans, s’il est domicilié en Suisse, ou de 15 ans, s’il ne l’est pas (art. 7 al. 1er LAF). Cette allocation s’élève à 200 fr. par mois par enfant jusqu’à 15 ans (art. 8 al. 2 let. b LAF).

Lorsque les enfants se trouvent à l’étranger, et que le père prétend au versement des allocations familiales pour entretien prépondérant, la jurisprudence constante de l'ancienne commission cantonale de recours en matière d'allocations familiales prévoit que le père doit verser un montant d’au moins 200 fr. par enfant , c'est-à-dire au moins l'équivalent du montant de l'allocation, pour que l’on considère qu’il participe de manière prépondérante et durable à son entretien (cf. jugement du 20 septembre 2002 en la cause 252/02 et jugement du 22 mars 2002 en la cause 599/01).

Par ailleurs, le droit aux allocations familiales arriérées se prescrit par deux ans à compter du moment où le bénéficiaire a eu connaissance de son droit à percevoir des allocations familiales, mais au plus tard cinq ans après la fin du mois pour lequel elles étaient dues (art. 12 al. 1 LAF).

S'agissant de l'appréciation des faits, selon la jurisprudence et la doctrine l’autorité administrative ou le juge ne doivent considérer un fait comme prouvé que lorsqu’ils sont convaincus de sa réalité (Kummer, Grundriss des Zivilprozessrechts, 4ème édition Berne 1984, p. 136 ; Gygi, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2ème édition, p. 278 ch. 5). Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5 let. b 125 V 195 consid. ch. 2 et les références).

L'art. 27 de la loi sur la procédure administrative (ci-après LPA) prévoit que l'autorité peut recueillir des renseignements écrits auprès de particuliers non partis à la procédure, ainsi que de demander la production des pièces qu'ils détiennent (alinéa 1). Elle décide librement si ces renseignements ont valeur de preuve ou s'il doive être confirmés par témoignage (alinéa 2).

En l'espèce, le recourant a établi avoir versé en tout cas 5'600.-- durant l'année 2005, alors que le droit aux allocations pour cette année se monte à 4800.-- fr. Pour l'année 2004, le recourant n'ayant à ce moment pas de compte bancaire, il a transmis à la mère de ses enfants de l'argent par l'entremise de tiers. Le Tribunal tient pour établi qu'un montant de 1500.-- fr. a été versé à celle-ci au mois de décembre 2004, vu le témoignage par-devant le Tribunal de céans du 24 janvier 2006.

Pour ce qui concerne les montants versés par les petits cousins du recourant, pour un total de 5'700.-- fr., ils ressortent d'attestations manuscrites datées et signées par les personnes concernées. La question de la valeur probante de ces documents doit être résolue à la lumière des règles susmentionnées. Le Tribunal n'ayant aucune raison de mettre en doute la véracité de ces attestations, il tiendra pour établi leur contenu et renonce à procéder à l'audition des signataires de ces attestations, les coûts qu'engendreraient de telles auditions apparaissant disproportionnés.

C'est ainsi un montant total de 7'200.-- fr. que le recourant a fait parvenir à sa compagne pour l'entretien de leurs deux enfants durant l'année 2004. Ce montant couvre largement le minimum requis. Par conséquent, le droit aux allocations familiales du recourant est également ouvert pour cette année. Cependant, le contrat de travail du recourant n'ayant commencé qu'au mois de mai 2004, le droit aux allocations prend effet le même mois. Il n'est ni allégué ni a fortiori établi que le recourant a contribué de façon prépondérante à l'entretien de ses enfants durant l'année 2003.

En conclusion, le recours sera admis et la FACO invitée à procéder au versement des allocations familiales en mains du recourant dès le mois de mai 2004 inclus.

***


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

(conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ)

A la forme :

Déclare le recours recevable.

Au fond :

L'admet.

Annule les décisions des 10 et 28 mai 2005.

Dit que le recourant à droit aux allocations familiales pour ses deux enfants depuis le mois de mai 2004.

Invite le Service cantonal des allocations familiales à procéder au versement des allocations familiales dues.

Dit que la procédure est gratuite.

 

Le greffier

 

 

 

Pierre RIES

 

La présidente

 

 

 

Isabelle DUBOIS

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties par le greffe le