A/4060/2005

ATAS/173/2006 (2) du 21.02.2006 ( CHOMAG ) , ADMIS

Descripteurs : ; AC ; CONDITION D'ASSURANCE ; SÉPARATION DE CORPS ; DIVORCE ; CHÔMAGE ; NÉCESSITÉ ; DÉNUEMENT ; PRESTATION D'ASSURANCE(EN GÉNÉRAL)
Normes : LACI13;
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En fait
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4060/2005 ATAS/173/2006

ARRÊT

DU TRIBUNAL CANTONAL DES
ASSURANCES SOCIALES

du 21 février 2006

Chambre 2

 

En la cause

Monsieur C___________

recourant

 

contre

UNIA CAISSE DE CHOMAGE, bd James Fazy 18, case postale 1299, 1201 Genève

intimée

 

 

 


EN FAIT

 

Monsieur C___________ (ci-après le recourant) s'est inscrit auprès de UNIA CAISSE DE CHOMAGE (ci-après la caisse) en date du 14 janvier 2005.

Le formulaire de demande prévoit sous chiffre 34 la question suivante : « demandez-vous les prestations de l’assurance-chômage à la suite de séparation de corps ou de divorce, d’invalidité ou de mort du conjoint, de suppression de la rente d’invalidité ou pour un événement semblable (…) », question à laquelle le recourant a répondu « oui -séparation - janvier 2005 ». Sous « remarques », il a porté la mention « suite à la demande de séparation de mon épouse je suis sans revenus ».

Sa demande d'indemnités a été rejetée par décision du 4 avril 2005, au motif qu'il n’avait pas cotisé durant 12 mois au moins.

Par courrier du 6 avril 2005, le recourant a fait opposition, invoquant la brochure «être au chômage» qui prévoit à la page 11 que l'absence de cotisation « est valable pour le motif qui est le mien (...) soit séparation de corps », motif dont la caisse n’avait pas tenu compte.

Il ressort du dossier qu'un échange de correspondance a eu lieu entre les parties et que l'assistante sociale du recourant, à l'HOSPICE GÉNÉRAL, est intervenu pour expliquer la situation du recourant. Par ailleurs, la caisse a demandé des documents au recourant concernant une éventuelle activité indépendante qu'il aurait exercée par le passé, ainsi que ses déclarations fiscales.

Par décision du 20 octobre 2005, la caisse a rejeté son opposition. En substance, la caisse relève que, s’agissant de la libération de cotisation prévue par l’art. 14 al. 2 LACI, les conditions n'en sont pas remplies; en particulier il n'est pas établi que le recourant doit reprendre une activité à cause de la séparation.

Dans son recours du 15 novembre 2005, le recourant explique être séparé de corps selon jugement du 17 mai 2005. Son épouse a quitté le domicile conjugal en emportant, notamment, tous les documents officiels. Il est ainsi sans ressources, démuni d'argent, sans domicile puisqu'il doit quitter l'appartement dans lequel il se trouve en occupation illicite, et ne possède aucune fortune personnelle. Il demande qu'un droit à l'indemnité lui soit donné pour ces motifs.

Dans sa réponse du 17 janvier 2006, la caisse a admis que le recours apporte certes quelques éléments nouveaux, mais les documents officiels manquent toujours, en particulier concernant l'activité indépendante qu'il aurait exercée au sein d'une société en nom collectif. Par conséquent, par manque d'éléments, la caisse ne peut revoir sa décision.

Le Tribunal a procédé à l’audition des parties en date du 7 février 2006.

Le recourant a expliqué n'avoir pas de formation particulière. Il a travaillé durant une quinzaine d'années dans une usine de carrelage, où il était responsable; il connaît donc bien la céramique. Il a également travaillé dans la vente de voitures durant deux à trois ans.

Marié le 15 mars 2000, les difficultés sérieuses avec son épouse ont débuté fin 2004. Il a quitté le domicile à mi janvier 2005, pour percevoir l'aide de l'Hospice général, et en mars 2005 son épouse a quitté le domicile conjugal en emportant tout, mobilier et papiers. Il n'y a plus eu de vie commune depuis son départ en janvier 2005. Durant la période de vie commune, il n'a travaillé que deux à trois mois, quand il trouvait du travail. C'est son épouse qui entretenait le ménage par son travail en qualité de serveuse, puis ils ont vécu sur ses indemnités journalières.

Son épouse a eu un enfant en octobre 2004, pour lequel il a dû introduire une procédure en désaveu de paternité. Le jugement de séparation de corps date du mois de mai 2005.

Il a tenté d'entreprendre une activité indépendante, dans le domaine de la céramique, d'où l'inscription d'une SNC au registre du commerce, mais cela n'a duré que quelques mois en 2004; cette tentative est donc antérieure à la séparation. Il s'est inscrit au chômage en janvier 2005, dès qu'il a quitté le domicile conjugal.

Le recourant a produit en audience quelques documents avec copie pour la caisse. Il s'agit notamment d'un résumé des faits et de ses arguments. Il rappelle que dès l'origine il s'est prévalu d'une cause de libération des cotisations, à laquelle la caisse n'a jamais répondu, pas plus qu'à sa demande d'être reçu par elle pour un entretien. Il produit également copie du jugement de séparation de corps du 17 mai 2005, ainsi que l'impression d'une page Internet du site officiel de l'État de Genève en matière de chômage, qui fait référence à la possibilité de solliciter des indemnités après un divorce, une séparation de corps ou une situation semblable.

La cause a été gardée à juger à l’issue de l’audience.

***
EN DROIT

 

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

Conformément à l'art. 56 V al. 1 let. a ch. 8 LOJ, le Tribunal cantonal des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’article 56 LPGA qui sont relatives à la loi fédérale sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité du 25 juin 1982 (LACI).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

Interjeté dans les délai et forme légaux, le recours est recevable (art. 56 et 60 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA- RS 830.1) et 49 al. 2 de la loi genevoise en matière de chômage ( RSG J 2 20).

Aux termes de l’art. 8 al. 1 LACI, l’assuré a droit à l’indemnité chômage pour autant, notamment, qu’il remplisse les conditions relatives à la période de cotisation ou qu’il en soit libéré (let. e).

Les conditions de cotisation sont remplies lorsque l’assuré a cotisé à titre de salarié « durant douze mois au moins » (art. 13 al. 1 LACI). Tel n’est pas le cas ici, ce qui n’est pas contesté.

Cependant, sont libérées des conditions relatives à la période de cotisation les personnes qui, « dans les limites du délai-cadre (art. 9 al. 3) et pendant plus de douze mois au total, n’étaient pas parties à un rapport de travail et, partant, n’ont pu remplir les conditions relatives à la période de cotisation » (art. 14 al. 1 LACI), en raison d’une formation scolaire, reconversion, ou perfectionnement professionnel (let. a), d’une maladie, d’un accident ou d’une maternité (let. b) ou d’un séjour dans un établissement de détention ou de travail (let. c).

L’alinéa 2 prévoit par ailleurs ce qui suit :

« Sont également libérées des conditions relatives à la période de cotisation les personnes qui, par suite de séparation de corps ou de divorce, d’invalidité (art. 8 LPGA) ou de mort de leur conjoint ou pour des raisons semblables (…) sont contraintes d’exercer une activité salariée ou de l’étendre ».

Selon la jurisprudence du TRIBUNAL FÉDÉRAL DES ASSURANCES (ci-après TFA) un lien de causalité entre la nécessité de reprendre une activité salariée et l'événement en cause doit exister, mais il suffit qu’il paraisse crédible et compréhensible que l’événement en question soit à l’origine de la décision de reprendre une activité lucrative (cf. ATFA 119 V 51). L'art. 14 al. 2 LACI est applicable également en cas de séparation de fait (ATAS 470/2004). Parmi les «raisons semblables» prévues par cette disposition figurent la faillite du conjoint et la perte d'un soutien financier au décès d'un ami proche (ATAS 354/2003).

Dans le cas d'espèce, il est établi que le recourant est séparé de fait depuis la mi- janvier 2005, et séparé de corps depuis le mois de mai 2005. En raison de l'absence d'activité lucrative régulière du recourant, le couple vivait sur les revenus de l'épouse, constitués dans un premier temps d'un salaire de serveuse, puis d'indemnités de chômage. La séparation est ainsi clairement à l'origine de la nécessité dans laquelle se trouve le recourant de reprendre une activité lucrative. L'instruction a par ailleurs établi que la tentative d'activité indépendante du recourant, par ailleurs avortée, a eu lieu durant la période du mariage, et n'est donc pas à l'origine de son inscription auprès de la caisse. Par conséquent, la séparation est directement responsable de la recherche d’emploi du recourant et de sa demande de prestations. Le lien de causalité doit donc être admis. Il n'est par ailleurs pas allégué que les autres conditions pour l'octroi des indemnités de chômage ne seraient pas remplies.

Vu ce qui précède, le recours sera admis, la décision dont est recours annulée, et le dossier renvoyé à la caisse pour calcul des indemnités dues au recourant.

 

* * *


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

Déclare le recours recevable.

 

Au fond :

L’admet.

En conséquence, annule la décision dont est recours et renvoie le dossier à la caisse pour nouvelle décision au sens des considérants.

Dit que la procédure est gratuite.

Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement qu'elle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu'il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l'enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

 

Le greffier:

Pierre Ries

 

La présidente :

Isabelle Dubois

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales et au Secrétariat d’Etat à l’Economie par le greffe le