A/4191/2005

ATAS/305/2006 (2) du 16.03.2006 ( LPP ) , PARTAGE LPP

Recours TF déposé le 10.04.2006, rendu le 08.03.2007, REJETE, B 48/06
Descripteurs : LOI FÉDÉRALE SUR LA PRÉVOYANCE PROFESSIONNELLE; JUGEMENT DE DIVORCE; PARTAGE(SENS GÉNÉRAL); INDEMNITÉ ÉQUITABLE; RENTE D'INVALIDITÉ; PRÉVOYANCE PROFESSIONNELLE
Normes : LFLP22
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En fait
En droit

 

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4191/2005 ATAS/305/2006

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

Chambre 3

du 16 mars 2006

En la cause

Monsieur P__________

Madame P__________, mais comparant par Me Eric MAUGUE, en l'Etude duquel elle élit domicile

demandeurs

contre

CAISSE D'ASSURANCE DU PERSONNEL DE LA VILLE DE GENEVE ET DES SERVICES INDUSTRIELS DE GENEVE - CAP - rue de Lyon 93, case postale 123, 1211 GENEVE 13

 

défenderesse

 


EN FAIT

1. Par jugement du 13 octobre 2005, le Tribunal de première instance de la République et canton de Genève (TPI) a prononcé le divorce de Madame P_________, née H__________ le __________ 1957 (la demanderesse), et de Monsieur P__________ (le demandeur), né ___________ 1958, qui s’étaient mariés le 24 juin 1983. La demanderesse est au bénéfice d'une rente d'invalidité depuis le 30 mars 1991.

2. Au chiffre 6 du dispositif du jugement précité, le Tribunal de première instance a ordonné le partage par moitié des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés par Monsieur P__________ pendant le mariage.

Dans ses considérants, le Tribunal de première instance a tenu compte du fait que la demanderesse était au bénéfice d'une rente d'invalidité depuis le 30 mars 1991 et que dès lors, un cas de prévoyance était déjà survenu si bien qu'une indemnité équitable était en principe due.

Le TPI a rappelé qu'en ce cas, lorsqu'un conjoint reçoit des prestations de l'assurance invalidité, seule la partie de la rente afférente à la période postérieure à la retraite doit être partagée dans la mesure où elle a été acquise pendant le mariage. La partie de la rente afférente à la période entre le divorce et l'âge de la retraite doit par contre revenir entièrement à l'assuré. Il convient dès lors de déterminer, dans un premier temps, la valeur capitalisée de la rente d'invalidité à partir de la date de la retraite, puis, dans un second temps, de déterminer la part de ce dernier montant qui a été acquise pendant le mariage. Une fois qu'ont été déterminés pour chaque époux les montants de la prévoyance acquis pendant le mariage, le montant de l'indemnité équitable est obtenu en divisant par deux la différence entre le montant le moins important et le montant le plus important. Ce calcul mathématique peut être corrigé s'il s'avère manifestement inéquitable, pour des motifs tendant à la liquidation du régime matrimonial ou à la situation des époux après le divorce (cf. consid. H du jugement de divorce).

Le TPI a encore rappelé qu'une indemnité est considérée comme équitable lorsqu'elle prend en considération la durée du mariage, les besoins différents des conjoints du fait de leur âge et leur situation économique sous l'angle de la prévoyance et qu'elle doit tenir compte de toutes les circonstances du cas concret.

En l'espèce, le TPI, après avoir procédé au calcul, a constaté que le montant de la rente capitalisée de la demanderesse pendant la durée du mariage était supérieur à celui de la prestation de sortie du demandeur et que ce serait donc théoriquement à la demanderesse de verser une indemnité équitable à son ex-époux.

Le TPI a cependant relevé, en considérant les situations économiques respectives des parties postérieures au divorce, que la demanderesse ne disposerait comme seul revenu que des rentes d'invalidité et de la contribution d'entretien que lui verserait son ex-époux. Pour cette raison, il a estimé que condamner la demanderesse à verser à son ex-époux une indemnité fondée sur l'art. 124 CC alors qu'elle parvenait tout juste à couvrir ses charges incompressibles serait inéquitable. Il a par ailleurs retenu que, dans la mesure où elle était invalide à 100%, la demanderesse ne pouvait plus travailler et donc plus cotiser à un fond de prévoyance - contrairement au demandeur qui disposait encore de dix-huit ans avant l'âge de la retraite pour alimenter son propre fond. En conséquence, le Tribunal a renoncé à fixer une indemnité équitable. Il a au surplus jugé que la prévoyance professionnelle du demandeur devait être partagée par moité.

3. Le jugement de divorce, devenu définitif le 22 novembre 2005, a été transmis d'office au tribunal de céans pour exécution du partage des avoirs de prévoyance.

4. Le Tribunal de céans a interpellé les institutions de prévoyance concernées en les priant de lui communiquer les montants des avoirs LPP acquis par le demandeur durant le mariage, soit entre le 24 juin 1983 et le 22 novembre 2005.

5. Il a été établi :

- qu'il a été employé par le X__________ de 1981 à 1983, puis par le Jenny à Y__________ de 1983 à 1985 et qu'il a ensuite retiré son 2ème pilier pour s'installer à son propre compte ;

- que de 1985 à 1997 il n'a donc pas cotisé à la prévoyance professionnelle ;

- qu'à compter de 1997, il a travaillé pour la société Z__________, puis pour XX__________ et ce, jusqu'au 29 février 2004 ;

- que ces sociétés étaient affiliées à XX__________ que l'avoir de prévoyance du demandeur a été transféré à la FONDATION DE LIBRE PASSAGE D'UBS SA puis à la CAISSE D'ASSURANCE DU PERSONNEL DE LA VILLE DE GENÈVE ET DES SERVICES INDUSTRIELS DE GENÈVE (CAP) ;

- qu'il a en effet été affilié à cette dernière du 1er octobre 2004 au 31 décembre 2005 ;

- que son avoir s'élevait à Fr. 38'773.- au 30 novembre 2005 et à Fr. 37'926.- au 31 octobre 2005, soit Fr. 38'747.15 au 22 novembre 2005 ([38'773 - 37'926] : 30 x 22 + 37'926);

6. Par courrier du 19 janvier 2006, le conseil de la demanderesse a informé le Tribunal de céans qu'il demeurait constitué pour la défense des intérêts de la demanderesse. Il a conclu à ce que le montant dû à sa mandante porte intérêts à 3,5% conformément à l'art. 7 OLP, soit 1% de plus que l'intérêt prévu par l'art. 12 OPP 2, selon le nouveau taux en vigueur depuis le 1er janvier 2005 (voir ATF 129 V 251 consid. 5). Enfin, la demanderesse a demandé que le montant lui soit versé en espèces dans la mesure où un cas de prévoyance était déjà survenu la concernant et à cet effet, a fourni ses coordonnées bancaires.

7. Les différents documents recueillis au cours de l’instruction ont été transmis aux parties.

8. Interrogée par le Tribunal de céans, la demanderesse a en outre indiqué, par courrier du 8 mars 2006, qu'elle a travaillé du 3 mars 1980 au 31 août 1988 pour COOP Genève, puis, du 1er octobre 1988 au 30 septembre 1993, pour l'Hôpital universitaire de Genève (HUG). Elle a souligné que le jugement du TPI avait ordonné le partage, par moitié, des seuls avoirs de prévoyance de son ex-époux et ce, après une analyse approfondie de leurs situations respectives. Enfin, elle a fait valoir que si le demandeur entendait contester le jugement civil, il lui appartenait de le faire dans le cadre de la procédure civile, le principe du partage de sa prestation de sortie ne pouvant plus être revu dans le cadre de la procédure devant le Tribunal cantonal des assurances sociales, la clé de répartition du juge civil étant contraignante pour le juge administratif.

 

EN DROIT

1. L'art. 25a de la loi fédérale sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle, vieillesse, survivants et invalidité du 17 décembre 1993 (LFLP), entré en vigueur le 1er janvier 2000, règle la procédure en cas de divorce. Lorsque les conjoints ne sont pas d’accord sur la prestation de sortie à partager (art. 122 et 123 Code Civil - CC), le juge du lieu du divorce compétent au sens de l'art. 73 al. 1 de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle du 25 juin 1982 (LPP), soit, à Genève, le Tribunal cantonal des assurances sociales depuis le 1er août 2003, doit, après que l'affaire lui a été transmise (art. 142 CC), exécuter d'office le partage sur la base de la clé de répartition déterminée par le juge du divorce.

2. Selon l'art. 22 LFLP (nouvelle teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2000), en cas de divorce, les prestations de sortie acquises durant le mariage sont partagées conformément aux art. 122, 123, 141 et 142 CC; les art. 3 à 5 LFLP s'appliquent par analogie au montant à transférer (al. 1). Pour chaque conjoint, la prestation de sortie à partager correspond à la différence entre la prestation de sortie, augmentée des avoirs de libre passage existant éventuellement au moment du divorce, et la prestation de sortie, augmentée des avoirs de libre passage existant éventuellement au moment de la conclusion du mariage (cf. art. 24 LFLP). Pour ce calcul, on ajoute à la prestation de sortie et à l'avoir de libre passage existant au moment de la conclusion du mariage les intérêts dus au moment du divorce (ATF 128 V 230; ATF 129 V 444).

3. En l’espèce, le juge de première instance a ordonné le partage par moitié des seuls avoirs de prévoyance du demandeur.

Il ressort des considérants du jugement de divorce que le juge civil a considéré qu'en l'espèce, il ne se justifiait pas d'allouer une indemnité équitable au demandeur et y a renoncé. Au surplus, il a ordonné le partage par moitié des avoirs de prévoyance du demandeur.

Ainsi que le juge civil l'a rappelé, lorsqu'un cas de prévoyance est déjà survenu pour l'un des époux, le partage de la prestation de sortie ne peut être effectué par la caisse de prévoyance au sens de l'art. 141 CC. La nouvelle réglementation en matière de prévoyance fait en effet une distinction selon que le divorce est prononcé avant la survenance d'un cas de prévoyance (art. 122 et 123 CC) ou après (art. 124 CC). La survenance effective d'un cas de prévoyance rend le partage des avoirs de prévoyance impossible, si minimes soient les prestations versées ou les avoirs à leur base. Dans cette hypothèse, la seule possibilité qui reste au juge du divorce est de fixer le montant de l'indemnité équitable en tenant compte de cet élément (SUTTER/FREIBURGHAUS, op. cit., ad. Art. 124 n°3).

Tel est le cas en l'occurrence. C'est donc ainsi qu'il faut interpréter le jugement de divorce : estimant que demander à Madame de verser une indemnité serait inéquitable compte tenu du fait qu'elle ne disposera, comme seuls revenus, que des rentes d'invalidité et de la contribution d'entretien de son ex-époux, lesquelles lui permettent tout juste de couvrir ses charges incompressibles, le juge civil a décidé que ce serait au demandeur de lui verser un montant, équivalent à la moitié de ses avoirs de prévoyance et ce, par la cession à la demanderesse d'une partie de la prestation de sortie (cf. Jacques-André SCHNEIDER/Christian BRUCHEZ, la prévoyance professionnelle et le divorce, p. 245, ch. 4.5.3).

4. En l’espèce, les dates pertinentes pour le partage sont, d’une part, celle du mariage, le 24 juin 1983, d’autre part le 22 novembre 2005, date à laquelle le jugement de divorce est devenu exécutoire.

Selon les documents produits, la prestation acquise pendant le mariage par le demandeur est de Fr. 38'747.15. Il doit donc à son ex-épouse le montant de Fr. 19'273.55.

5. S'agissant des intérêts compensatoires, la demanderesse a en outre conclu à ce que le montant dû porte intérêts à 3,5% conformément à l'art. 7 OLP, soit 1% de plus que l'intérêt prévu par l'art. 12 OPP 2.

Conformément à la jurisprudence, depuis le jour déterminant pour le partage jusqu'au moment du transfert de la prestation de sortie ou de la demeure, le conjoint divorcé bénéficiaire de cette prestation a droit à des intérêts compensatoires sur le montant de celle-ci.

Ces intérêts sont calculés au taux minimum légal selon l'art. 12 de l'ordonnance sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 18 avril 1984 (OPP 2) ou selon le taux réglementaire, si celui-ci est supérieur (ATF non publié B 36/02 du 18 juillet 2003).

Lorsqu'aucun taux réglementaire n'est prévu, il convient effectivement, conformément à la jurisprudence, de se référer aux art. 8a et 7 de l'ordonnance du 3 octobre 1994 sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (OLP, RS 831.425), dont il ressort que, lors du partage de la prestation de sortie en cas de divorce, conformément à l’art. 22 LFLP, le taux d’intérêt applicable aux prestations de sortie et de libre passage acquises au moment de la conclusion du mariage et aux versements uniques effectués jusqu’au moment du divorce correspond au taux minimal fixé à l’art. 12 OPP 2 (art. 8a al. 1 OLP), augmenté de 1 % (art. 7 OLP; cf. ATF 129 V 251 consid. 4.1).

6. Enfin, la demanderesse a demandé que le montant lui soit versé en espèces - recte : sur un compte non bloqué - dans la mesure où un cas de prévoyance est déjà survenu la concernant.

En l'occurrence, le partage de l'avoir du demandeur est en réalité une modalité du versement de l'indemnité que le juge civil a souhaité voir allouée à la demanderesse. En conséquence, il ne justifie pas de verser le montant dû à cette dernière sur un compte de prévoyance, comme en cas de partage.

7. Aucun émolument ne sera perçu, la procédure étant gratuite (art. 73 al. 2 LPP et 89H al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985).

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant (conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ)

Invite la CAISSE D'ASSURANCE DU PERSONNEL DE LA VILLE DE GENEVE ET DES SERVICES INDUSTRIELS DE GENEVEà transférer, du compte de Monsieur P__________ la somme de Fr. 19'273.55 à LA BANQUE CANTONALE DE GENEVE (compte n°__________) en faveur de Madame P__________, née H__________

Invite la CAISSE D'ASSURANCE DU PERSONNEL DE LA VILLE DE GENEVE ET DES SERVICES INDUSTRIELS DE GENEVEà verser, en plus de ce montant, des intérêts compensatoires au sens des considérants, dès le 22 novembre 2005 jusqu'au moment du transfert.

L’y condamne en tant que de besoin.

Dit que la procédure est gratuite.

Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu'il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l'enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

 

La greffière

 

 

 

Janine BOFFI

 

La Présidente :

 

 

 

Karine STECK

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le