A/555/2005

ATAS/229/2006 du 09.03.2006 ( AI ) , REJETE

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En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/555/2005 ATAS/229/2006

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

Chambre 3

du 9 mars 2006

 

En la cause

Madame H___________, domiciliée à PLAN-LES-OUATES, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Daniel MEYER

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'ASSURANCE-INVALIDITE, rue de Lyon 97, case postale 425, 1211 GENEVE 13

 

intimé

 


EN FAIT

Madame H__________, née en __________ est mariée et mère de deux enfants, nés le __________ 1998, respectivement le __________. De nationalité suisse, elle bénéficie d'une formation d'assistante dentaire.

Souffrant de céphalées depuis 1992 et de fibromyalgie depuis 2001, elle a déposé en date du 1er octobre 2002 une demande de prestations auprès de l'Office cantonal de l'assurance-invalidité (OCAI).

Dans un rapport daté du 8 octobre 2002, le Dr P__________, médecin traitant de l'assurée, a posé les diagnostics de fibromyalgie, état dépressif, et céphalées de tension qu'il a considérés comme ayant des répercussions sur la capacité de travail. Il a évalué cette dernière à zéro à compter du 31 mai 2002. Il a par ailleurs indiqué que l'état de l'assurée s'aggravait, qu'elle ne pouvait plus exercer l'activité qui était la sienne jusqu'alors, qu'on pouvait en revanche exiger qu'elle exerce une autre activité légère à raison de 50%. S'agissant de ses capacités fonctionnelles, le médecin a indiqué que sa patiente pouvait conserver la position assise durant six heures par jour, la position debout deux heures par jour, qu'il valait mieux éviter les efforts soutenus du bras et le port de charges supérieures à 3 kg ainsi que les horaires de travail irréguliers et le travail en hauteur. En raison de ses céphalées, il a également préconisé d'éviter le bruit. Il a souligné que sa motivation pour la reprise du travail était bonne.

Dans un rapport du 12 décembre 2003, le Dr P___________ a décrit l'état de sa patiente comme stationnaire. Le Dr J___________, spécialiste en neurologie, a pour sa part indiqué à l'OCAI dans un rapport daté du 17 février 2004, que la patiente souffrait de céphalées et de cervicalgies récidivantes suite à un accident de la circulation survenu en juin 2002. Il a également mentionné des migraines présentes antérieurement depuis 1992, dont il a indiqué qu'elles étaient sans répercussion sur la capacité de travail. Il a estimé que l'incapacité de travail avait été totale du 3 juin 2002 au 8 décembre 2002, puis seulement de 50% jusqu'au 1er janvier 2003. Il a expliqué n'avoir pas revu la patiente depuis la fin de l'année 2002. Selon lui, il n'y aurait pas de déficit neurologique et la limitation des mouvements de la nuque serait modérée. Il a noté la présence d'une petite protrusion discale C2-C3 et a estimé qu'une reprise du travail progressive puis totale était possible pour janvier 2003.

Également interrogé, le Dr B___________, spécialiste en maladies rhumatismales, a indiqué, dans un rapport daté du 22 mars 2004, que l'assurée souffrait de fibromyalgie depuis 1999. Il a également relevé à titre de diagnostic sans répercussion sur la capacité de travail des céphalées chroniques d'allure mixte et une hypertension artérielle traitée. Il a estimé que l'incapacité de travail était totale depuis le mois de mai 2002. Il a expliqué que les symptômes s'étaient développés progressivement depuis la deuxième grossesse de la patiente. Ils se sont accompagnés d'une aggravation de la fatigabilité aboutissant à un syndrome d'épuisement chronique. Des symptômes douloureux sur le tronc et les quatre membres sont accompagnés de troubles du sommeil non réparateurs ainsi que de troubles digestifs à type de colon spastique et de constipation. Le médecin a indiqué que cliniquement tous les points étaient positifs et que l'ankylose douloureuse était maximale à la mobilisation active et passive. L'état clinique était stationnaire depuis mai 2002 avec un seuil douloureux très bas malgré l'ensemble des moyens antalgiques mis en œuvre. Le médecin a émis un pronostic très réservé compte tenu de l'évolution constatée durant les deux dernières années, sans amélioration notable.

A la demande de l'OCAI, le Dr C___________, spécialiste en psychiatrie et en psychothérapie, a procédé à une expertise. Sur la base de trois entretiens avec l'assurée et des documents versés au dossier de l'assurance invalidité, ce médecin a rendu son rapport le 20 septembre 2004. Il en ressort que c'est dans la deuxième partie de l'année 2001 que l'assurée a commencé à ressentir une fatigue qui s'est fait progressivement de plus en plus intense. Le 31 mai 2002, elle s'est retrouvée dans l'incapacité totale de travailler en raison de cette fatigue désormais présente toute la journée et compliquée de céphalées, de nucalgies et autres tensions musculaires de la ceinture scapulaire ainsi que d'une diminution de force dans les deux bras et de fourmillements des extrémités des membres inférieurs. Elle a attribué ces symptômes au fait qu'elle exerçait une activité professionnelle à plein temps et devait s'occuper de deux enfants en bas âge. Le 3 juin 2002, elle a été victime d'un accident de la circulation ayant entraîné un coup du lapin. Depuis lors, les symptômes se sont exacerbés. C'est en août 2002 que son rhumatologue a posé le diagnostic de fibromyalgie. Les gestes du quotidien, la marche, le fait de soulever ses enfants et de faire son ménage sont limités par les douleurs. Les activités se limitent désormais à s'occuper de ses enfants, cuisiner une fois par jour et nettoyer de temps à autre. Elle se fait aider pour le ménage par des amis et par sa sœur. L'assurée a indiqué n'avoir jamais ressenti le besoin de consulter un psychiatre. Elle se sent en effet bien du point de vue psychologique et considère ses angoisses et le découragement qu'elle ressent comme secondaires à ses problèmes physiques. L'expert a indiqué que la patiente se disait parfois si découragée par le retentissement des douleurs qu'elle avait tendance à se replier, à se négliger et à perdre toute motivation. Il n'a cependant décelé aucun autre signe de problématique psychiatrique. Le médecin a estimé que l'équivalent psychiatrique de la fibromyalgie pourrait être le diagnostic de neurasthénie et que cette dernière était présente depuis le début de l'année 2002. Il a estimé que l'assurée donnait le sentiment d'être une personne "bien portante" du point de vue psychologique et d'avoir des ressources. Il a jugé qu'il n'y avait pas de comorbidité psychiatrique au diagnostic rhumatologique. Selon lui, seule l'atteinte physique limitait à 100% la capacité de travail de l'expertisée. Au plan psychique et mental, les limitations étaient minimes et réactionnelles à la souffrance exprimée. Au plan social, il n'a relevé aucune limitation. Il a indiqué que la patiente n'avait besoin d'aucune aide pour s'occuper d'elle, assumer les tâches inhérentes à son rôle de mère et quelques tâches ménagères. Il a conclu que l'activité exercée jusqu'alors n'était pas exigible, que le degré d'incapacité de travail était de 100%. Il n'a relevé aucun problème psychique pouvant limiter une adaptation à un environnement professionnel. Il a relevé que les ressources de l'expertisée tant internes qu'externes paraissaient de bonne qualité et devraient être réactualisées par une activité valorisante. Il a également jugé que son aptitude à s'intégrer dans le tissu social était bonne et pourrait d'ailleurs être pour elle un facteur de revalorisation. S'agissant de sa capacité de travail, il a recommandé de recommencer à travailler progressivement en commençant par un temps très limité de deux heures par jour laissant une large place à la récupération. Il a estimé qu'aucune autre activité n'était exigible de la part de l'assurée, laquelle était totalement incapable de travailler en raison de sa fibromyalgie.

Le Dr M___________, du service médical régional Léman de l'assurance invalidité (SMR), dans une note du 22 octobre 2004, a constaté que l'expert bien qu'ayant évoqué le diagnostic de neurasthénie avait précisé qu'il ne s'agissait pas d'une comorbidité psychiatrique significative, qu'il n'y avait pas de limitation au plan social, que l'assurée n'avait pas besoin d'aide pour s'occuper d'elle et assumer les tâches inhérentes à son rôle de mère et quelques tâches ménagères et qu'en conclusion la fibromyalgie, n'était en l'occurrence pas invalidante au sens de l'assurance invalidité.

Par décision du 1er décembre 2004, l'OCAI a rejeté la demande visant à l'octroi d'une rente d'invalidité.

Le 29 décembre 2004, l'assurée a formé oralement opposition à cette décision.

Par décision sur opposition du 14 février 2005, l'OCAI a confirmé sa décision de refus de rente du 1er décembre 2004. Il a été relevé que selon les pièces du dossier, l'assurée avait toujours travaillé à plein temps comme assistante dentaire malgré ses charges de famille et qu'il convenait dès lors d'admettre que sans atteinte à la santé elle aurait exercé une activité lucrative à plein temps.

L'OCAI s'est écarté des conclusions du Dr C___________ concernant l'incapacité de travail de l'assurée en faisant remarquer qu'aucune comorbidité psychiatrique significative n'avait été retenue et que l'on ne saurait dès lors admettre que la fibromyalgie était invalidante. En outre, l'assurée était bien intégrée socialement et disposait de bonne ressources tant internes qu'externes de sorte que les autres critères posés par la jurisprudence en matière de troubles somatoformes douloureux n'étaient pas non plus réalisés. Quant aux céphalées, il a été relevé qu'elles étaient ponctuelles et donc pas invalidantes.

Par courrier du 10 mars 2005, l'assurée a interjeté recours contre cette décision.

Dans sa réponse du 21 avril 2005, l'OCAI a persisté intégralement dans les termes de sa décision.

Par courrier du 29 avril 2005, l'assurée a demandé un délai pour répliquer, en faisant valoir qu'elle venait de trouver un avocat acceptant de la défendre.

Dans sa réplique du 27 mai 2005, la recourante a fait valoir que, sur le plan strictement physique déjà, il y avait lieu de retenir une pleine et entière invalidité. A cet égard, elle s'est référée aux avis des Drs B___________, J__________, P____________ et C___________ selon lesquels sa fibromyalgie engendre d'importantes limitations fonctionnelles. Elle allègue par ailleurs souffrir depuis plusieurs années de céphalées et de nucalgies, exacerbées depuis un accident survenu en juin 2002, et dont elle conteste qu'elles soient ponctuelles. Elle affirme qu'elles sont au contraire récidivantes et répétitives de telle sorte qu'elles diminuent de façon notable sa capacité de travail. Elle allègue enfin souffrir d'une hernie discale médiane et d'un syndrome dépressif se traduisant par un état de fatigue sévère et généralisé, un sentiment de démotivation et une thymie dépressive ainsi que des troubles de la concentration et du sommeil. Son état se serait aggravé huit mois après l'expertise du Dr C___________, notamment en raison de la recrudescence des douleurs. Elle conclut dès lors à l'octroi d'une rente entière d'invalidité.

Dans sa duplique du 24 juin 2005, l'intimé a persisté dans les termes de sa décision.

 

EN DROIT

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

a) Conformément à l'art. 56 V al. 1 let. a ch. 2 LOJ, le Tribunal cantonal des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA), qui sont relatives à la loi sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI). Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

b) La LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine des assurances sociales. Du point de vue temporel, sont en principe applicables les règles de droit en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge des assurances sociales se fonde en principe, pour apprécier une cause, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision sur opposition litigieuse (ATF 129 V 1, consid. 1; ATF 127 V 467, consid. 1 et les références). C’est ainsi que lorsque l’on examine le droit éventuel à une rente d’invalidité pour une période précédant l’entrée en vigueur de la LPGA, il y a lieu d’appliquer l’ancien droit pour la période jusqu’au 31 décembre 2002 et la nouvelle réglementation légale après cette date (ATF 130 V 433 consid. 1 et les références).

En l'espèce, la décision sur opposition litigieuse, du 14 février 2005, est postérieure à l'entrée en vigueur de la LPGA ainsi qu'à l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2004, des modifications de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité du 21 mars 2003 (4ème révision). Par conséquent, du point de vue matériel, le droit éventuel à une rente d'invalidité doit être examiné au regard de l'ancien droit pour la période jusqu'au 31 décembre 2002 (la demande d’invalidité ayant été déposée le 1er octobre 2002), et, après le 1er janvier 2003, respectivement le 1er janvier 2004, en fonction des nouvelles normes de la LPGA et des modifications de la LAI consécutives à la 4ème révision de cette loi, dans la mesure de leur pertinence (ATF 130 V 445 et les références; voir également ATF 130 V 329).

c) En ce qui concerne en revanche la procédure, et à défaut de règles transitoires contraires, le nouveau droit s'applique sans réserve dès le jour de son entrée en vigueur (ATF 117 V 93 consid. 6b, 112 V 360 consid. 4a; RAMA 1998 KV 37 p. 316 consid. 3b). C'est pourquoi les procédures pendantes au 1er janvier 2003 ou introduites après cette date devant un tribunal cantonal compétent en matière d'assurances sociales sont régies par les nouvelles règles de procédure contenues dans la LPGA et par les dispositions de procédure contenues dans les différentes lois spéciales modifiées par la LPGA.

d) Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites par la loi, par devant le Tribunal compétent, le recours est recevable (art. 56, 59 et 60 LPGA).

Le litige porte sur le droit de l’assurée à une rente de l'assurance-invalidité, respectivement sur le taux d'invalidité à la base de cette prestation et l'incidence de l’état de santé sur sa capacité de travail.

L'invalidité est définie par la loi comme la diminution de la capacité de gain, présumée permanente ou de longue durée, qui résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale provenant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 4 al. 1 LAI dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002). L'incapacité de gain consiste en la diminution moyenne prévisible des possibilités de gain de la personne concernée sur l'ensemble du marché du travail équilibré pouvant entrer en considération pour elle.

L'assuré a droit à une rente s'il est invalide à 40% au moins. En ce cas, il recevra un quart de rente. S'il est invalide à 50%, il se verra octroyer une demi-rente et, si son invalidité atteint 66 2/3 %, une rente entière (art. 28 al. 1 LAI). Dans les cas pénibles, une invalidité de 40% au moins ouvre droit à une demi-rente (art. 28 al. 1bis LAI).

Aux termes de l'art. 28 al. 2 LAI, pour l'évaluation de l'invalidité, le revenu du travail que l'invalide pourrait obtenir en exerçant l'activité qu'on peut raisonnablement attendre de lui, après exécution éventuelle de mesures de réadaptation et compte tenu d'une situation équilibrée du marché du travail, est comparé au revenu qu'il aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide.

Pour les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être déterminé sur la base d'une comparaison de revenus : on confronte le salaire que l'invalide pourrait obtenir en exerçant l'activité que l’on peut raisonnablement attendre de lui - après exécution éventuelle de mesures de réadaptation et compte tenu d'une situation équilibrée du marché du travail - à celui qu'il aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide (art. 28 al. 2 LAI). La comparaison doit en règle générale se faire de telle manière que les deux revenus hypothétiques soient chiffrés le plus exactement possible et mis en parallèle, leur différence permettant de déterminer le degré d'invalidité (méthode générale de comparaison des revenus ; ATF 128 V 30 consid. 1, 104 V 136 consid. 2a et 2b). Si leur montant ne peut être déterminé avec précision, il conviendra de les évaluer selon les éléments connus dans le cas particulier et de comparer entre elles les valeurs approximatives ainsi retenues (VSI 2000 consid. 1b 84; VSI 2000 consid. 1a 316).

Parmi les atteintes à la santé psychique qui peuvent, comme les atteintes physiques, provoquer une invalidité au sens de l’art. 4 al. 1 LAI, il faut mentionner - outre les affections mentales proprement dites - les anomalies psychiques qui équivalent à des maladies. On ne considère pas comme des conséquences d’un état psychique maladif - donc pas comme des affections à prendre en charge par l’assurance-invalidité -, les diminutions de la capacité de gain que l’assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être définie aussi objectivement que possible. Pour admettre l’existence d’une incapacité de gain causée par une atteinte à la santé mentale, il n’est donc pas décisif que l’assuré exerce une activité lucrative insuffisante ; il faut bien plutôt se demander s’il y a lieu d’admettre qu’on ne saurait exiger de lui, pour des raisons sociales et pratiques, qu’il mette à profit sa capacité de travail ou – condition alternative – qu’une telle exigence serait insupportable pour la société (ATF 127 V 298 consid. 4c in fine , 102 V 165 ; VSI 2001 p. 224 consid. 2b ; VSI 2000 p. 153 consid. 2a ; VSI 1996 p. 318 consid. 2a, p. 321 consid. 1a, p. 424 consid. 1a ; RCC 1992 p. 182 consid. 2a et les références citées).

Selon la jurisprudence, des troubles somatoformes douloureux - ou une fibromyalgie - peuvent, dans certaines circonstances, provoquer une incapacité de travail (ATFA I 683/03 du 12 mars 2004, publié aux ATF 130 V 352; ATFA I 870/02 du 21 avril 2004 ; ATF 120 V 119 consid. 2c/cc; RSAS 1997 p. 75; RAMA 1996 No U 256 p. 217 et ss. consid. 5 et 6). De tels troubles entrent dans la catégorie des affections psychiques, pour lesquelles une expertise psychiatrique est en principe nécessaire quand il s’agit de se prononcer sur l’incapacité de travail qu’ils sont susceptibles d’entraîner (VSI 2000 p. 160, consid. 4b).

Compte tenu des difficultés, en matière de preuve, à établir l'existence de douleurs, les simples plaintes subjectives de l'assuré ne suffisent pas pour justifier une invalidité (entière ou partielle). Dans le cadre de l'examen du droit aux prestations de l'assurance sociale, l'allégation des douleurs doit être confirmée par des observations médicales concluantes, à défaut de quoi une appréciation de ce droit aux prestations ne peut être assurée de manière conforme à l'égalité de traitement des assurés (ATFA I 282/03 du 8 juin 2004 consid. 4.1.1).

Un rapport d'expertise attestant la présence d'une atteinte psychique ayant valeur de maladie - tels des troubles somatoformes douloureux - est une condition juridique nécessaire, mais ne constitue pas encore une base suffisante pour admettre qu'une limitation de la capacité de travail revêt un caractère invalidant (arrêt I 683/03 du 12 mars 2004 consid. 2.2.3; Ulrich MEYER-BLASER, Der Rechtsbegriff der Arbeitsunfähigkeit und seine Bedeutung in der Sozialversicherung, namentlich für den Einkommensvergleich in der Invaliditätsbemessung, in : René SCHAUFFHAUSER/Franz SCHLAURI [éd.], Schmerz und Arbeitsunfähigkeit, St. Gall 2003, p. 64ss, et note 93).  En effet, selon la jurisprudence, les troubles somatoformes douloureux persistants n'entraînent pas, en règle générale, une limitation de longue durée de la capacité de travail pouvant conduire à une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI (voir sur ce point MEYER-BLASER, op. cit. p. 76ss, spéc. p. 81ss).

Une exception à ce principe est admise dans les seuls cas où, selon l'estimation du médecin, les troubles somatoformes douloureux se manifestent avec une telle sévérité que, d'un point de vue objectif, la mise en valeur de sa capacité de travail ne peut, pratiquement - sous réserve des cas de simulation ou d'exagération (SVR 2003 IV no 1 p. 2 consid. 3b/bb; voir aussi MEYER-BLASER, op. cit. p. 83, spéc. 87ss) - plus raisonnablement être exigée de l'assuré, ou qu'elle serait même insupportable pour la société (ATFA I 282/03 du 8 juin 2004 consid. 4.1.2 ; ATF 102 V 165; VSI 2001 p. 224 sv. consid. 2b et les références; arrêt N. précité consid. 2.2.3 et les arrêts cités; cf. aussi ATF 127 V 298 consid. 4c in fine).

Admissible seulement dans des cas exceptionnels, le caractère non exigible d'un effort de volonté en vue de surmonter la douleur et de la réintégration dans un processus de travail suppose, dans chaque cas, soit la présence manifeste d'une comorbité psychiatrique d'une acuité et d'une durée importantes, soit le cumul d'autres critères présentant une certaine intensité et constance. Ce sera le cas (1) des affections corporelles chroniques ou d'un processus maladif s'étendant sur plusieurs années sans rémission durable, (2) d'une perte d'intégration sociale dans toutes les manifestations de la vie, (3) d'un état psychique cristallisé, sans évolution possible au plan thérapeutique, marquant simultanément l'échec et la libération du processus de résolution du conflit psychique (profit primaire tiré de la maladie), ou enfin (4) de l'échec de traitements ambulatoires ou stationnaires conformes aux règles de l'art et de mesures de réhabilitation, cela en dépit de la motivation et des efforts de la personne assurée pour surmonter les effets des troubles somatoformes douloureux (VSI 2000 p. 155 consid. 2c; arrêt I 683/03 du 12 mars 2004, consid. 2.2.3 in fine; MEYER-BLASER, op. cit. p. 76ss, spéc. 80ss).

Dès lors qu'en l'absence de résultats sur le plan somatique le seul diagnostic de troubles somatoformes douloureux ne suffit pas pour justifier un droit à des prestations d'assurance sociale, il incombe à l'expert psychiatre, dans le cadre large de son examen, d'indiquer à l'administration (et au juge en cas de litige) si et dans quelle mesure un assuré dispose de ressources psychiques qui - eu égard également aux critères mentionnés au considérant 4.1.2 ci-dessus - lui permettent de surmonter ses douleurs. Il s'agit pour lui d'établir de manière objective si, compte tenu de sa constitution psychique, l'assuré peut exercer une activité sur le marché du travail, malgré les douleurs qu'il ressent (cf. arrêt I 683/03 du 12 mars 2004, consid. 2.2.4. et les arrêts cités ; ATFA I 282/03 du 8 juin 2004 consid. 4.1.3).

Les prises de position médicales sur la santé psychique et sur les ressources dont dispose l'assuré constituent une base indispensable pour trancher la question (juridique) de savoir si et dans quelle mesure on peut exiger de celui-ci qu'il mette en oeuvre toute sa volonté pour surmonter ses douleurs et réintégrer le monde du travail. Dans le cadre de la libre appréciation dont il dispose, le juge ne saurait ni ignorer les constatations de fait des médecins, ni faire leurs les estimations et conclusions médicales relatives à la capacité (résiduelle) de travail, sans procéder à un examen préalable de leur pertinence du point de vue du droit des assurances sociales. Cela s'impose en particulier lorsque l'expert atteste une limitation de la capacité de travail fondée uniquement sur le diagnostic de troubles somatoformes douloureux. Dans un tel cas, il appartient au juge d'examiner avec tout le soin nécessaire si l'estimation médicale de l'incapacité de travail prend en considération également des éléments étrangers à l'invalidité (en particulier des facteurs psychosociaux et socio-culturels) qui ne sont pas pertinents du point de vue des assurances sociales (ATF 127 V 299 consid. 5a; VSI 2000 p. 149 consid. 3), ou si la limitation (partielle ou totale) de la capacité de travail est justifiée par les critères juridiques déterminants, énumérés ci-dessus (ATFA I 282/03 du 8 juin 2004 consid. 4.1.4 ; ATFA I 683/03 du 12 mars 2004, consid. 2.2.2).

En résumé, la jurisprudence exige soit la présence manifeste d'une comorbidité psychiatrique d'une acuité et d'une durée importantes, soit le cumul d'autres critères. Lorsqu'un trouble dépressif accompagne un trouble somatoforme douloureux et qu'il apparaît comme une réaction à celui-ci, il ne constitue pas une affection autonome, distincte du syndrome douloureux psychogène, au sens d'une comorbidité psychiatrique manifeste d'une acuité et d'une durée importantes (ATF 130 V 358 consid. 3.3.1 et la référence à MEYER-BLASER, op. cit., p. 81 et la note 135).

Dans le cas présent, le diagnostic de fibromyalgie a été clairement posé et n'est pas contesté. C'est le Dr B___________, rhumatologue, qui l'a formellement posé en août 2002. C'est dès lors à juste titre que l'autorité intimée a ordonné une expertise psychiatrique et l'a confiée au Dr C___________. Ce médecin a certes conclu à l'incapacité de travail de l'assurée. Il a cependant motivé cette incapacité par la seule fibromyalgie de l'assurée et non par des problèmes psychiques. Au contraire, il a exclu toute comorbidité psychiatrique. Quant aux autres critères servant à apprécier le caractère invalidant de la fibromyalgie, ils ne sont pas établis. En effet, force est de constater que l'assurée a conservé une vie sociale plus que satisfaisante. Enfin, on ne saurait conclure à un état psychique cristallisé sans évolution possible. De manière générale, il est rappelé que la reconnaissance du caractère invalidant de troubles somatoformes douloureux chez de relativement jeunes assurés tels que la recourante doit rester exceptionnelle en l'absence de comorbidité psychiatrique. En conséquence, si l'on considère la recourante comme une personne qui aurait exercé une activité lucrative sans atteinte à sa santé, aucun trouble invalidant ne peut être admis. En particulier, l'assurée est à même d'effectuer la plupart de ses tâches ménagères et bénéficie d'une vie sociale bien remplie. Enfin, il n'existe pas d'affections physiques chroniques à part quelques troubles digestifs. En conséquence, c'est à juste titre que l'autorité intimée a estimé qu'il n'y avait pas d'incidence sur sa capacité de travail.

Eu égard aux considérations qui précèdent, le recours est rejeté. Il appartient le cas échéant à la recourante de faire valoir l'aggravation de l'état de santé qu'elle invoque - postérieure à la décision litigieuse puisque remontant à huit mois après l'expertise - dans le cadre d'une nouvelle demande de prestations.

 

 


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

(conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ)

A la forme :

Déclare le recours recevable.

Au fond :

Le rejette.

Dit que la procédure est gratuite.

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu’il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l’enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

 

La greffière

 

 

 

 

Janine BOFFI

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le