A/870/2004

ATAS/89/2006 du 26.01.2006 ( AI ) , REJETE

Recours TF déposé le 03.03.2006, rendu le 19.10.2006, REJETE, I 210/06
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En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/870/2004 ATAS/89/2006

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

Chambre 3

du 26 janvier 2006

 

En la cause

Madame K__________, mais comparant par Me Irène BUCHE, en l’Etude de laquelle elle élit domicile.

recourante

contre

 

OFFICE CANTONAL DE L’ASSURANCE-INVALIDITE, 97, rue de Lyon, 1203 Genève

intimé

 


EN FAIT

Madame K__________, née le 21 janvier 1959, de nationalité turque, arrivée en Suisse en 1988. Mariée, elle est mère de quatre enfants, nés en 1977, 1980, 1981 et 1991. Elle a travaillé comme femme de chambre du 1er février 1990 au 31 décembre 1998 pour le J__________. Elle travaillait à raison de quatre heures par jour, cinq jours par semaine. A partir de 1993, ses absences pour raisons de santé se sont multipliées.

Le 24 novembre 1998, elle a déposé une demande de prestations auprès de l’Office cantonal de l’assurance-invalidité (ci-après l’OCAI). Dans le questionnaire servant à déterminer son statut, elle a indiqué qu’en bonne santé, elle exercerait une activité lucrative en plus de la tenue de son ménage, celle de femme de chambre à 100%, pour raisons financières. Elle a expliqué avoir toujours travaillé à 50% en raison de ses problèmes de santé (pièce 4 fourre 2 OCAI).

Le 26 octobre 1998, la SWICA, après visite de l’assurée au Dr A__________, a estimé sur proposition de son médecin-conseil, le Dr B__________, qu’elle était apte à reprendre son activité à 50% dès le 26 octobre 1998, c’est-à-dire à travailler au moins quatre heures par jour, ce qui était son taux d’activité, raison pour laquelle la SWICA a mis fin au versement de ses prestations à compter du 26 octobre 1998.

L’assurée a été licenciée avec effet au 31 décembre 1998 suite à une restructuration du personnel et en raison de sa « maladie de longue durée ».

Une enquête économique sur le ménage a été effectuée en date du 24 octobre 2000 en présence de l’assurée, de son fils, de sa fille et de son petit-fils. C’est la fille de l’assurée qui s’est chargée de la traduction, l’assurée ne parlant pas français (pièce 5 fourre 5 OCAI). L’assurée a expliqué souffrir de douleurs abdominales et dorsales irradiant dans les jambes et les genoux. Elle a assuré que, sans cette atteinte à sa santé, elle aurait exercé une activité lucrative pour des raisons financières : son mari, employé à la boulangerie C___________, travaillait de nuit et souvent le dimanche, le budget familial était serré. De même, sans atteinte à la santé, l’assurée a affirmé qu’elle aurait continué à exercer son travail de femme de ménage au Centre J__________. Elle a précisé que son contrat portait sur un 50% mais que cependant, selon les besoins de l’employeur, elle effectuait assez souvent des heures supplémentaires suite à des remplacements ou à des vacances de ses collègues. Elle a cependant admis que lorsqu’elle a commencé à travailler à mi-temps, elle ne rencontrait pas encore de problèmes de santé. Il a été relevé par l’enquêteur que sa situation financière n’avait pas non plus particulièrement changé, deux de ses quatre enfants ayant quitté la maison. Il convient de relever que l'exemplaire de l'enquête figurant au dossier ne tire aucune conclusion quant à la capacité de l'assurée à effectuer ses tâches habituelles. Ce n'est que par la suite que l'OCAI a produit, en date du 20 septembre 2004, un complément arrivant à la conclusion que le taux d'incapacité de l'assurée, dans le ménage, s'élevait à 23 %.

Du rapport de la SWICA (l’assurance perte de gain), il ressort que les diagnostics de protusion médiane L5-L1, dégénérescence discale L3-L4, lombo-sciatalgie bilatérale, gastrite, obésité et anxiété ont été posés. Le taux d’incapacité de travail a été estimé par le médecin traitant, le Dr C__________ (de la permanence de Vermont) à 100% dès le 14 janvier 1998.

Du rapport établi par le Dr D__________ en date du 25 mai 1998 à l’intention du Dr E__________ (de la SWICA), il ressort que les lombalgies chroniques de l’assurée ont augmenté en intensité et ont entraîné une incapacité de travail depuis le début de l’année 1998. Les radiographies et l’examen par résonance de la colonne lombaire n’ont rien révélé de particulier. Un traitement antalgique anti-inflammatoire et de la physiothérapie ont été prescrits. Ils n’ont amené aucune amélioration sur le plan algique mais ont entraîné une intolérance gastrique qui a nécessité l’arrêt de tout traitement. Une tentative de reprise de l’activité professionnelle s’est également soldée par un échec. Le médecin traitant, le Dr F__________, a suspecté un état dépressif et une fibromyalgie. L’examen de la colonne vertébrale n’a pas révélé de troubles statiques significatifs. Au niveau de la colonne dorsolombaire tous les points étaient douloureux. La mobilité de la colonne dorsolombaire, compte tenu des circonstances, paraissait conservée. Tous les mouvements étaient cependant déclarés douloureux. Le médecin a estimé qu’une fibromyalgie était probable et qu’au vu du status et des renseignements obtenus auprès du médecin traitant, toute reprise de l’activité professionnelle était impossible.

Quant au Dr A__________, il a, dans son rapport du 2 octobre 1998, émis l’opinion que l’assurée avait dû décompenser face à un travail probablement difficile sous le forme d’un syndrome douloureux chronique, qu’elle ne semblait pas faire de simulation, que le pronostic fonctionnel était très défavorable mais qu’une reprise du travail à 50% devrait cependant être tentée vu son âge (pièce 3, fourre 4 OCAI).

Le 6 février 1999, le Dr C__________ a indiqué que l’atteinte à la santé existait depuis le 14 janvier 1998. Il a conclu à une incapacité de travail jusqu’au 12 avril 1998. Les diagnostics suivants ont été posés : discrète scoliose dorsale, aspect dégénératif des disques L3-L4, petite protusion médiane L5-S1, gastrite, colon spastique, stéatose hépatique, état anxio-dépressif, obésité (cf. rapport médical du 6 février 1999 : pièce 1 fourre 3 OCAI). 

Le 15 mars 1999, le Dr F__________ a quant à lui estimé que l’atteinte était présente depuis 1995. Il a diagnostiqué un syndrome douloureux chronique, un état dépressif et des crises de panique périodiques. Il a qualifié l’état de la patiente de stationnaire et conclu à une incapacité totale de travail depuis le 28 avril 1998 et ce, pour une durée indéterminée. Il a estimé qu’il serait toutefois possible à l’intéressée d’exercer une activité de manutention durant deux à quatre heures, tout en relevant une adaptation très réduite dans le milieu social (cf. rapport du 15 mars 1999 : pièce 2 fourre 3 OCAI). 

Dans un rapport complémentaire daté du 7 décembre 1999, le Dr F__________ a confirmé que l’assurée pourrait travailler en position assise deux heures par jour et une heure en position debout en alternance, en évitant les positions agenouillées, accroupies, les longs parcours à pied, les mouvements répétitifs, le travail en hauteur et les déplacements sur sol irrégulier. Il a fait état d’une absence totale de motivation pour la reprise du travail ou un reclassement professionnel. Il a estimé que son absentéisme important était probablement dû à l’état de santé ou au traitement médical et que sa capacité de travail était nulle dans les activités qu’elle avait précédemment exercées (pièce 4 fourre 3 OCAI).

Dans un rapport daté du 19 avril 2000, le Dr G__________ a confirmé l’incapacité totale de travail de l’assurée dans son ancienne profession mais estimé qu’elle pourrait exercer à 50% une activité lui évitant de conserver la station debout ou de soulever de lourdes charges. Il a diagnostiqué des dorso-lombalgies, une stéatose hépatique, une pathologie thyroïdienne et de l’obésité. Il a fait état de malaises et de fonctions physiques et mentales diminuées mais a qualifié les résultats d’investigation de presque normaux, excepté la scintigraphie et les dosages thyroïdiens sanguins (pièce 7, fourre 3 OCAI). 

La division de réadaptation professionnelle, dans son rapport du 19 décembre 2001, a relevé que les déclarations du Dr D__________ concernant le travail ménager ne concordaient pas avec l’enquête faite à domicile. Elle a qualifié l’atteinte physique de banale et les résultats des investigations de presque normaux. En conclusion, elle a estimé que, dans le ménage, le handicap ne pouvait être que très partiel et limité (pièce 6 fourre 5 OCAI).

Selon un rapport du 4 avril 2002 du Dr G__________ (pièce 11 fourre 3 OCAI), les causes de l’obésité sont génétiques et hormonales, l’atteinte à la santé présente depuis octobre 2001, et l’assurée capable d’exercer à 50% une activité assise et sans port de charges. Le médecin a par ailleurs estimé que ses troubles psychiques nécessiteraient une prise en charge psychiatrique.

Le Dr CLAIVAZ, médecin-conseil de l’OCAI, dans un rapport du 16 avril 2002 (pièce 12 fourre 3 OCAI) a pour sa part émis l’avis que l’obésité, bien qu’importante, n’avait pas valeur d’invalidité puisqu’elle n’engendrait pas de troubles physiques importants, que l’assurée pouvait travailler à 50% et que des mesures de réadaptation seraient inutiles « car le résultat serait faussé en comparaison du comportement prévisible ».

Un stage d’observation professionnelle a été mis en place sur proposition de la division de réadaptation professionnelle et devait commencer le 13 mai 2002. Cependant, le Dr LEDERREY, médecin au centre d’intégration professionnelle (CIP) a suggéré une autre orientation. Il a en effet estimé qu’un stage d’observation professionnelle ne serait que difficilement réalisable. Il a rappelé que tant le Dr A__________ que le Dr D__________ s’étaient montrés formels sur l’exclusion d’une reprise d’activité et que la situation s’était détériorée depuis lors. Il a estimé que l’obésité majeure et un abdomen extrêmement proéminent rendaient tout déplacement et toute activité physique très difficile à réaliser et qu’une intervention plastique de réduction pondérale serait sans doute la seule solution envisageable dans une telle situation. Selon lui, sans une modification de la situation abdominale, toute démarche professionnelle était d’emblée vouée à l’échec. Il a par ailleurs souligné les conditions socio-familiales difficiles (le mari de l’assurée a été opéré d’un cancer gastrique et le fils cadet d’une affection cardio-vasculaire avec des résultats peu satisfaisants). Il est parvenu à la conclusion qu’une observation professionnelle ne permettrait pas de modifier la compréhension de la situation ni de prendre une décision et recommandé un bilan de type COMAI ou une observation par le service médical régional AI (SMR) (pièce 13 fourre 3 OCAI).

Le SMR a rendu son rapport en date du 19 mai 2003 (pièce 20 fourre 3 OCAI) : il a diagnostiqué des lombalgies chroniques communes, des troubles dégénératifs banals du rachis lombaire, une obésité morbide, un adénome thyroïdien et une stéatose hépatique. Aucune anomalie neurologique n’a été décelée, aucun signe évoquant une pathologie hépatique active non plus. Une nette discordance a été relevée entre les plaintes douloureuses majeures et les constatations objectives. Le SMR a relevé l’absence de dépression majeure, de décompensation, d’anxiété généralisée, de troubles phobiques, de troubles de la personnalité morbide ou encore de limitation fonctionnelle hépatique. Il a souligné que les plaintes essentielles de l’assurée concernaient une douleur persistante et un sentiment de détresse. Il a conclu à l’absence de perturbation de l’environnement psycho-social ou de maladie psychiatrique chronique invalidante. Il a conclu à une capacité de travail exigible de 100% en matière psychologique. Quant aux limitations fonctionnelles au plan somatique, il a estimé qu’en tenant compte de l’obésité et de la fragilité lombaire, l’assurée ne pourrait effectuer de travail imposant le soulèvement de charges ou le port de charges excédant 8 kg, se faisant en antéflexion du tronc, à genoux ou en porte-à-faux. Il a conclu à une capacité de travail exigible complète - théoriquement du moins - dans une activité sédentaire. Il a admis la présence d’un trouble de l’adaptation mais rappelé que l’exploration psychiatrique n’avait pas révélé de psychopathologie déterminant une diminution de l’exigibilité d’une activité adaptée. Il a finalement estimé qu’il était difficile d’envisager des mesures de reclassement professionnel compte tenu de l’absence totale de qualifications, de la méconnaissance de la langue française et de l’analphabétisme. Il a conclu que l’activité de nettoyeuse ne respectait absolument pas les limitations fonctionnelles énumérées. Ont été retenus comme postes de travail envisageables ceux d’employée d’exploitation, d’employée de poste, d’ouvrière de reprise ou de conditionneuse sur une chaîne.

La division de réadaptation de l’OCAI, sur la base des renseignements recueillis, a procédé au calcul du revenu avec invalidité. Pour ce faire, elle s’est référée au salaire que pouvait réaliser en 2000 une femme exerçant une activité répétitive et non qualifiée dans l’industrie manufacturière (cf. ESS 2000. tableau TA1, niveau 4), soit Fr. 3'630.-. Considérant que la durée de travail hebdomadaire était de 41,8 heures cette année-là, ce montant a été porté à Fr. 3'793.-. La division a ainsi obtenu un salaire annuel de Fr. 45'520.- en 2000, équivalent à un salaire de Fr. 44'940,- en 1999. Elle a en outre appliqué une réduction supplémentaire de 15%. Le revenu finalement obtenu, de Fr. 38'199.- a ensuite été comparé à celui réalisé par l’assurée, soit Fr. 36'880.-, et l'absence d'invalidité constatée dans l’activité professionnelle (15 janvier 2004 : pièce 13 fourre 5 OCAI).

Par décision du 29 janvier 2004, l’OCAI a rejeté la demande de prestations. Il a constaté que l’assurée consacrait 50% de son temps à l’exercice d’une activité salariée, le reste étant réputé consacré aux tâches ménagères. Il a admis qu’elle ne pouvait plus travailler comme femme de chambre mais estimé qu’elle pourrait encore exercer une activité simple et légère à 50%, ce qui lui permettrait d’obtenir un salaire de Fr. 19'099.50 alors que son salaire avant invalidité s’élevait à Fr. 18'440.-. Dans le cadre des activités ménagères, les empêchements ont été estimés à 8%.

Par décision sur opposition du 6 avril 2004, l’OCAI a confirmé sa décision initiale.

Par courrier du 26 avril 2004, l’assurée a interjeté recours contre cette décision. Elle allègue être sérieusement malade depuis 1998, aussi bien physiquement que psychologiquement, et ne plus pouvoir exercer la moindre activité lucrative. Elle fait valoir que son état de santé s’est encore aggravé depuis 1998 et que l’estimation du salaire à laquelle s’est livré l’OCAI est purement et simplement fictive dans la mesure où même le genre d’activité qu’elle pourrait exercer n’a pas été mentionné.

Par courrier du 27 mai 2004, Maître Irène BUCHE s’est constituée pour la défense des intérêts de l’assurée avec élection de domicile en son étude.

Invitée à se prononcer, l’autorité intimée, dans son préavis du 27 mai 2004, a conclu au rejet du recours. Elle explique avoir appliqué la méthode mixte d’évaluation dans la mesure où l’assurée travaillait à mi-temps comme femme de ménage. Or, il est apparu que les conséquences des différentes affections dont elle était atteinte n’avaient pas les mêmes répercussions sur ses travaux habituels à la maison et dans son ancienne activité de femme de ménage. Il a été considéré que la discrète atteinte du rachis sur troubles statiques modérés avec obésité n’entraînait pas de limitation notable dans le ménage, sauf pour les gros travaux, et qu’en l’absence de troubles psychiques, l’incapacité dans le ménage ne dépassait pas 15 à 20%. Quant aux conséquences de l’atteinte à la santé dans l’activité de femme de ménage, l’OCAI se réfère au rapport du SMR. Les médecins de ce dernier ont admis que l’assurée ne pouvait absolument plus exercer son ancienne activité mais qu’en revanche, une capacité de travail de 100% restait exigible dans une profession adaptée. S’agissant d’un éventuel reclassement professionnel, l’OCAI fait valoir qu’il n’était pas envisageable pour des raisons socio-culturelles étrangères à la notion d’invalidité.

Dans sa réplique du 16 août 2004, l’assurée a rappelé qu’elle a travaillé durant neuf ans comme femme de ménage à 50%. Elle invoque le rapport médical adressé en date du 25 mai 1998 par le Dr D__________ à la SWICA. Elle fait valoir que l’enquête économique du mois d’octobre 2000 ne comporte pas de conclusions chiffrées permettant d’établir son incapacité de travail et que sa situation s’est considérablement aggravée depuis lors. Elle explique pouvoir préparer et cuire des repas simples mais ne pas arriver à faire la vaisselle ni à ranger la cuisine. Il lui est également impossible de faire les lits, la lessive ou les courses. Dans ces activités, elle se fait donc aider par son mari et son fils mais surtout par sa fille, qui vient toutes les semaines. Elle fait valoir que selon les descriptions faites par l’enquêtrice en 2000, on pouvait déjà aboutir à la conclusion que son taux d’invalidité dans les activités ménagères était de 63% au moins et produit le tableau suivant :

Description des empêche-ments dus à l’invalidité

Pondération du champ

d’activité en %

Empêchement

Invalidité

Conduite du ménage

5 %

50 %

2,5 %

Alimentation

25 %

50 %

12,5 %

Entretien du logement

20 %

80 %

16 %

Emplettes et courses

diverses

10 %

80 %

8 %

Lessive et entretien

des vêtements

20 %

60 %

12 %

Soins aux enfants ou aux

autres membres de la

famille 0-30 %

20 %

60 %

12 %

Total

100 %

---

63 %

 

Elle invoque également le rapport du Dr G__________ et conteste les conclusions du rapport du SMR. Elle relève que, vu la similitude des activités et des efforts à accomplir, il est contradictoire de considérer d’une part qu’elle est dans l’incapacité totale d’exercer son métier de femme de ménage et d’autre part, qu’elle peut assurer l’entretien de son propre ménage. Elle s’insurge contre le fait que l’OCAI se soit fondé sur les résultats d’une enquête économique pratiquée en 2000, soit quatre ans avant la décision litigieuse. Elle fait également grief à l’OCAI d’avoir fait abstraction du fait que sa situation s’était aggravée durant les dernières années et demande qu’une nouvelle enquête soit effectuée. Selon elle, son incapacité serait désormais de 88,5% dans le cadre de ses activités ménagères. En définitive, la recourante demande que soient mises sur pied une nouvelle enquête économique sur le ménage et une expertise indépendante pour déterminer son degré d’invalidité. Principalement, elle conclut à l’octroi d’une rente entière dès le 1er décembre 1998.

Dans sa duplique du 20 septembre 2004, l’OCAI a admis que l’enquête économique sur le ménage du 24 octobre 2000 était incomplète et, afin de remédier à cette carence, a joint à son courrier copie des deux dernières pages de l’enquête, lesquelles contiennent le tableau suivant :

Description des empêchements dus à l’invalidité

 
Pondération du champ

d’activité en %

Empêchement

Invalidité

Conduite du ménage

 

en principe, l'assurée peut gérer, à moins qu'elle ne soit dans une mauvaise passe sur le plan psychique

5 %

0 %

0 %

Alimentation

l'assurée peut préparer et cuire ses repas, elle met la table, la débarrasse, elle fait la vaisselle, remet sa cuisine en ordre. Son mari se charge de récurer le sol. Lorsqu'elle reçoit sa famille, elle se fait aider par ses enfants

36 %

10 %

3,6 %

Entretien du logement

l'assurée ne peut plus passer l'aspirateur ne peut plus laver les sols, entretenir les tapis avec une shampouineuse, elle n'ose plus grimper sur un escabeau et aller décrocher et suspendre les rideaux, nettoyer les vitres. Son mari et sa fille se chargent de ces tâches. L'assurée peut changer la literie, nettoyer le lavabo, les WC, la baignoire et le sol des sanitaires sont nettoyés par sa fille.

15 %

20 %

12 %

Emplettes et courses

diverses

Les courses sont faites en France une fois par semaine en voiture avec son mari, elle ne peut pas porter trop de poids à la fois. Elle a parfois des difficultés à aller faire ses courses d'appoint à la Migros, elle se sent parfois (psychiquement j'ai cru comprendre) incapable d'affronter l'extérieur. L'assurée ne va pas dans les services officiels (son problème linguistique est un handicap en dehors de sa pathologie). Elle prend le bus avec son fils cadet et va jusqu'à la Servette ou Balexert mais guère plus loin. Elle se fatigue vite.

8 %

10 %

0,8 %

Lessive et entretien

des vêtements

l'assurée peut faire ses lessives et étendre son linge, à l'exception de la literie, trop lourde àà manipuler. Elle peut faire un peu de repassage mais sa fille assume le plus gros. Mme Kaplan peut raccommoder.

16 %

30 %

4,8 %

Soins aux enfants ou aux

autres membres de la

famille 0-30 %

Le fils cadet est assez autonome. Sa mère est forcément moins disponible depuis qu'elle a des problèmes de santé.

20 %

10 %

2 %

Total

 

100 %

---

23 %

Il relève qu’aucun élément médical nouveau n’a été avancé témoignant d’une aggravation de l’état de santé de l’assurée. S’agissant des empêchements rencontrés dans l’exécution des tâches ménagères, il estime, compte tenu des circonstances concrètes et notamment de l’absence d’enfants en bas âge, qu’ils peuvent tout au plus donner lieu à une invalidité de l’ordre de 23% et relève que ce chiffre est conforme au taux retenu par le médecin du SMR. Il relève pour le surplus que les chiffres mentionnés par l’assurée dans son recours ne reposent pas sur des éléments objectifs : ainsi la conduite du ménage, par exemple, ne saurait être considérée comme diminuée en l’espèce puisqu’il s’agit de l’aspect organisationnel des tâches ménagères. Quant à l’aggravation de l’état de santé qui serait survenue en 2001, le SMR a souligné qu’il s’agissait plutôt d’une importante prise de poids. Enfin, il a fait valoir que l’activité de femme de chambre était physiquement lourde et ne peut être assimilée qu’à la seule partie correspondant aux travaux pénibles du propre ménage de l’assurée, de sorte qu’il n’est pas contradictoire de considérer que les empêchements rencontrés dans ces deux sphères d’activité sont différents.

Par courrier du 29 novembre 2004, l’OCAI a transmis au Tribunal de céans un rapport médical établi le 16 novembre 2004 par le Dr H__________, du service de radiologie et médecine nucléaire de l’Hôpital de la Tour, tout en relevant que ce document est postérieur à la décision attaquée.

Il ressort de ce rapport que l’assurée souffre de lombalgies et d’un ventre volumineux disproportionné sans masse palpable. Les conclusions du médecin sont les suivantes : l’examen abdominal permet de constater une obésité avec une augmentation massive des tissus graisseux intra et extra-abdominaux et la présence d’une stéatose hépatique avancée avec une atténuation des densités de 55 à 10 unités. Le reste de l’examen abdominal s’est révélé morphologiquement normal. Au niveau de la colonne lombaire, le médecin a constaté une discopathie au niveau L4 -L5 avec une protusion discale et probablement une hernie para-médiane gauche d’une profondeur de plus de 5 millimètres comprimant le fourreau dural et vraisemblablement l’émergence de la racine L5 gauche. D’autres discopathies plus modérées non compressives au niveau L5-S1 ont été diagnostiquées avec une légère asymétrie en défaveur du côté gauche également au niveau L3-L4 et un hémangiome dans la vertèbre L3. Le médecin a enfin constaté l’absence d’un effet de masse ou de collection liquidienne intra-abdominale.

Par courrier du 6 décembre 2004, l’assurée a encore produit divers documents médicaux :

Un rapport médical établi le 30 avril 2004 par les Drs I__________ et CLIVAZ, de la policlinique de médecine des HUG. Les diagnostics suivants ont été posés : état dépressif de degré léger, troubles de l’adaptation, probable syndrome douloureux chronique, obésité, lombalgie basse sur trouble chronique, douleurs sacro-illiaque bilatérales sur contraction musculaire, hypothyroïdie subclinique non substituée. Il a été précisé que l’état dépressif semblait alors bien compensé.

Un certificat médical établi le 22 novembre 2004 par les Drs I__________et J__________, de la policlinique de médecine des HUG, certifie que l’assurée souffre d’un syndrome douloureux chronique depuis 1995. Aucune arthrite ni synovite n’a été mise en évidence. Les douleurs ont entraîné un arrêt de l’activité professionnelle au début de l’année 1998. Tous les points de fibromyalgie sont présents. On ne note pas de déficit sensitivomoteur. L’étiologie reste indéterminée, probablement en lien avec une importante somatisation vu le contexte familial difficile et les problèmes d’adaptation de la patiente. Les douleurs sont décrites comme invalidantes et les traitements comme ayant peu d’effet sur la symptomatologie. Dans ce contexte, les médecins ont estimé qu’une activité professionnelle paraissait difficile à envisager.

Ces rapports ont été transmis à l'OCAI et un délai lui a été imparti pour se déterminer.

L'autorité intimée a fait remarquer que les examens qui avaient eu lieu en avril 2004 aux HUG n'ont pas révélé de détérioration de son état de santé postérieure à la décision litigieuse du 6 avril 2004 et que, selon le rapport des Drs I__________ I__________ et CLAIVAZ, le syndrome dépressif était bien compensé. Il a par ailleurs relevé que le rapport du 22 novembre 2004 mentionnait notamment que l'étiologie restait indéterminée, probablement en lien avec une importante somatisation, et a rappelé à cet égard la jurisprudence selon laquelle les douleurs et plaintes subjectives ne suffisent pas pour justifier une invalidité et doivent être confirmées par des observations médicales concluantes.

Lors de l'audience de comparution personnelle qui s'est tenue en date du 1er décembre 2005, la recourante, assistée d'un interprète, a confirmé ne pas parler le français. Elle a indiqué avoir travaillé pour le J___________depuis 1990, époque où ses problèmes de santé "n'étaient pas si graves que cela". Elle a précisé que, même si elle ne souffrait pas beaucoup, elle était tout de même malade et aurait souhaité travailler à plein temps si elle en avait eu la possibilité. Son époux, après plusieurs opérations, ne travaille plus depuis trois ou quatre ans et a déposé une demande de prestation d'invalidité. Assistée, la famille rencontre de nombreuses difficultés financières. Un seul enfant est encore à la maison. Âgé de quinze ans, il ne dispose d'aucun revenu.

Par courrier du 16 décembre 2005, l'OCAI a encore fait valoir que l'assurée a toujours travaillé à 50% depuis son arrivée en Suisse en 1988, alors même qu'elle ne rencontrait alors pas de problèmes de santé, que l'époux de l'assurée s'est vu opposé un refus de prestations d'invalidité par décision du 7 mars 2005 et que le fils de l'assurée bénéficie des prestations de l'AI sous la forme de mesures de formation scolaire spéciale. L'OCAI a estimé que l'aide des membres de la famille de la recourante pour le ménage était exigible dans le cadre de l'obligation de cette dernière de réduire le dommage.

Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de cinq juges, dont un président et un vice-président, cinq suppléants et seize juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février 2004, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs (art. 162 LOJ).

Conformément à l'art. 56 V al. 1 let. a ch. 2 LOJ, le Tribunal cantonal des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA) relatives à la loi sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI). Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

La LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2003 entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine des assurances sociales. Sur le plan matériel, le point de savoir quel droit s'applique doit être tranché à la lumière du principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 130 V 230 consid. 1.1, 335 consid. 1.2, 129 V 4 consid. 1.2, 127 V 467 consid. 1, 126 V 136 consid. 4b et les références). En l'espèce, les faits étant antérieurs à l'entrée en vigueur de la LPGA, ce sont donc les anciennes dispositions qui s'appliquent. Les règles de procédure contenues dans la LPGA, quant à elles, s'appliquent sans réserve dès le jour de son entrée en vigueur (ATF 117 V 93 consid. 6b, 112 V 360 consid. 4a; RAMA 1998 KV 37 p. 316 consid. 3b).

Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56ss LPGA).

En l’espèce, le litige porte sur le droit de l’assurée à des prestations de l’assurance-invalidité.

Aux termes de l'art. 4 LAI, est réputée invalidité l’incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée. Les assurés majeurs qui n’exerçaient pas d’activité lucrative avant d’être atteints dans leur santé physique ou mentale et dont il ne peut être exigé qu’ils en exercent une sont réputés invalides si l’atteinte les empêche d’accomplir leurs travaux habituels. L'invalidité peut résulter d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident. L’invalidité est réputée survenue dès qu’elle est par sa nature et sa gravité, propre à ouvrir droit aux prestations entrant en considération.

L'assuré a droit à une rente entière s'il est invalide à 66 2/3% au moins, à une demi-rente s'il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s'il est invalide à 40% au moins (art. 28, al. 1 LAI). Dans les cas pénibles, une invalidité de 40% au moins ouvre le droit à une demi-rente. (art. 28 al. 1bis LAI).

Aux termes de l'art. 28 al. 2 LAI (dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002), pour l'évaluation de l'invalidité, le revenu du travail que l'invalide pourrait obtenir en exerçant l'activité qu'on peut raisonnablement attendre de lui, après exécution éventuelle de mesures de réadaptation et compte tenu d'une situation équilibrée du marché du travail, est comparé au revenu qu'il aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral des assurances (ci-après le TFA), l’objet de l’assurance n’est pas l’atteinte à la santé en soi ; ce sont plutôt les conséquences économiques qui en découlent, soit l’incapacité de réaliser un gain par un travail exigible (ou d’accomplir les travaux habituels pour les non actifs). La notion d’invalidité est ainsi une notion juridique, basée sur des éléments essentiellement économiques, qui ne se confond pas forcément avec le taux de l’incapacité fonctionnelle, tel que le détermine le médecin ; ce sont les conséquences économiques de l’incapacité fonctionnelle qu’il importe d’évaluer (ATF 105 V 207 et ss. ; 106 V 88 ; 110 V 275 ; RCC 1981 p. 124 consid. 1a).

Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, le juge a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 261 consid. 4; 115 V 134 consid. 2; 114 V 314 consid. 3c ; 105 V 158 consid. 1).

Il convient de procéder à l’évaluation du degré d’invalidité en optant pour l’une des trois méthodes suivantes : méthode générale de comparaison des revenus, méthode mixte ou méthode spécifique. Le choix de la méthode dépend du statut du bénéficiaire potentiel de la rente : assuré exerçant une activité lucrative à temps complet, assuré exerçant une activité lucrative à temps partiel, assuré non actif. On décide que l’assuré appartient à l’une ou l’autre de ces trois catégories en fonction de ce qu’il aurait fait - les circonstances étant par ailleurs les mêmes - si l’atteinte à la santé n’était pas survenue. En pratique, on tiendra compte de l’évolution de la situation jusqu’au prononcé de la décision administrative litigieuse, en admettant la reprise hypothétique d’une activité lucrative partielle ou complète si cette éventualité présente un degré de vraisemblance prépondérante (ATF 125 V 150 consid. 2c ; 117 V 194 consid. 3b et les références).

Aux termes de l’art. 27bis RAI, lorsque les assurés n’exercent une activité lucrative qu’à temps partiel ou apportent une collaboration non rémunérée à l’entreprise de leur conjoint, l’invalidité pour cette part est évaluée selon l’art. 28 al. 2 LAI. Pour la part consacrée à leurs travaux habituels au sens de l'art. 5 al. 1 LAI, l'invalidité est fixée selon l'art. 27 RAI. L'invalidité est ainsi évaluée selon la méthode dite mixte. On applique la méthode générale de comparaison des revenus pour l'évaluation de l'invalidité dans l'activité lucrative et la méthode spécifique de comparaison des champs d'activité pour l'évaluation de l'invalidité dans l'activité ménagère. L'invalidité globale de la personne assurée résulte de l'addition des taux d'invalidité pondérés dans les deux domaines (RCC 1979 p. 276).

Dans ce cas, il faudra déterminer la part respective de l’activité lucrative ou de la collaboration apportée à l’entreprise du conjoint et celle de l’accomplissement des autres travaux habituels et calculer le degré d’invalidité d’après le handicap dont la personne est affectée dans les deux domaines d’activité en question. S’il y a lieu d’admettre que les assurés, s’ils ne souffraient d’aucune atteinte à la santé, exerceraient, au moment de l’examen de leur droit à la rente, une activité lucrative à temps complet, l’invalidité sera évaluée exclusivement selon les principes applicables aux personnes exerçant une activité lucrative.

L’art. 27 RAI dispose que l’invalidité des assurés qui n’exerçaient pas d’activité lucrative est évaluée en fonction de l’empêchement d’accomplir leurs travaux habituels. Par travaux habituels des personnes travaillant dans le ménage et n’exerçant pas d’activité lucrative, on entend l’activité usuelle dans le ménage, l’éducation des enfants ainsi que l’engagement caritatif non rémunéré.

Ainsi, il faut dès lors déterminer la part respective de l’activité lucrative et celle de l’accomplissement des travaux habituels et calculer le degré d’invalidité d’après le handicap dont l’assuré est affecté dans les deux activités en question (méthode mixte d’évaluation de l’invalidité). Il convient par conséquent d’évaluer d’une part l’invalidité dans les travaux habituels par comparaison des activités (art. 27 RAI) et d’autre part l’invalidité dans une activité lucrative par comparaison des revenus (art. 16 LPGA) ; on pourra alors déterminer l’invalidité globale d’après le temps consacré à ces deux champs d’activités. La part de l’activité professionnelle dans l’ensemble des travaux de l’assuré est déterminée en comparant l’horaire de travail usuel dans la profession en question et l’horaire accompli par l’assuré valide ; on calcule donc le rapport en pourcent entre ces deux valeurs. La part de l’autre travail habituel constitue le reste du pourcentage (ATF 104 V 136 = RCC 1979 p. 28 consid. 2a ; RCC 1980 p. 565 ; RCC 1992 p. 136 et VSI 1999 p. 231 et ss.).

En l’occurrence, l'assurée a travaillé à raison de 50% comme femme de ménage. Lors de l'enquête ménagère déjà, elle a allégué qu'elle aurait tenté de travailler à un taux plus élevé si elle n'avait été atteinte dans sa santé. Dans le même temps, elle a toutefois reconnu qu'au moment où elle avait commencé son travail, ses problèmes de santé ne se posaient pas. Cependant, à l'époque où elle a commencé à travailler , en 1998, elle était déjà mère de trois enfants relativement jeunes. C'est donc peut-être cette circonstance, plutôt que son état de santé, qui a influencé son choix. Lors de l'enquête ménagère, les problèmes financiers de la famille ont déjà été mentionnés. Il a d'ailleurs été relevé que l'époux de l'assurée travaillait de nuit et le dimanche pour augmenter son revenu. Il est donc effectivement vraisemblable qu'en l'espèce, si l'assurée avait pu travailler plus au moment de la survenance de l'invalidité, elle l'aurait fait, d'autant qu'elle se faisait alors déjà des soucis pour l'état de santé de son époux, atteint d'un cancer. Quoi qu'il en soit, la question du statut n'est pas déterminante puisque, même dans l'hypothèse la plus favorable à la recourante - à savoir celle où l'on considérerait qu'elle aurait travaillé à plein temps, le degré d'invalidité auquel on aboutit ne suffit pas à ouvrir droit à des prestations.

Parmi les atteintes à la santé psychique, qui peuvent, comme les atteintes physiques, provoquer une invalidité au sens de l’art. 4 al. 1 LAI, on doit mentionner - à part les maladies mentales proprement dites -, les anomalies psychiques qui équivalent à des maladies. On ne considère pas comme des conséquences d’un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l’assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l’assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible. Il faut donc établir si et dans quelle mesure un assuré peut, malgré son infirmité mentale, exercer une activité que le marché du travail lui offre, compte tenu de ses aptitudes. Le point déterminant est ici de savoir quelle activité peut raisonnablement être exigée. Pour admettre l’existence d’une incapacité de gain causée par une atteinte à la santé mentale, il n’est donc pas décisif que l’assuré exerce une activité lucrative insuffisante ; il faut bien plutôt se demander s’il y a lieu d’admettre que la mise à profit de sa capacité de travail ne peut, pratiquement, plus être raisonnablement exigée de lui, ou qu’elle serait même insupportable pour la société (ATF 102 V 165 ; VSI 1996 p. 318 consid. 2a, p. 321 consid. 1a, p. 424 consid. 1a ; RCC 1992 p. 182 consid. 2a et les références).

En l’espèce, les diagnostics ont été clairement posés et ne sont pas contestés. Il est avéré que la recourante souffre de dégénérescence discale, de protusion, de lombo-sciatalgies, d’obésité et d’anxiété. Les Drs F__________ et A__________ ont conclu à un syndrome douloureux chronique, voire à une fibromyalgie. Aucune des affections physique ne justifiant une incapacité de travail, il convient d'examiner les conséquences du syndrome douloureux chronique sur sa capacité de travail de l'assurée et sa capacité à tenir son ménage.

Selon la jurisprudence, des troubles somatoformes douloureux peuvent, dans certaines circonstances, provoquer une incapacité de travail (ATF 120 V 119 consid. 2c/cc ; RSAS 1997 p. 75; RAMA 1996 No U 256 p. 217 et ss. consid. 5 et 6). De tels troubles entrent dans la catégorie des affections psychiques, pour lesquelles une expertise psychiatrique est en principe nécessaire quand il s’agit de se prononcer sur l’incapacité de travail qu’ils sont susceptibles d’entraîner (VSI 2000 p. 160, consid. 4b). A cet égard, la doctrine a décrit en détail la tâche de l’expert médical, lorsque celui-ci doit se prononcer sur le caractère invalidant de troubles somatoformes. Selon MOSIMANN, sur le plan psychiatrique, l’expert doit poser un diagnostic dans le cadre d’une classification reconnue et se prononcer sur le degré de gravité de l’affection. Il doit évaluer le caractère exigible de la reprise par l’assuré d’une activité lucrative. Ce pronostic tiendra compte de divers critères, tels une structure de la personnalité présentant des traits prémorbides, une comorbidité psychiatrique, des affections corporelles chroniques, une perte d’intégration sociale, un éventuel profit tiré de la maladie, le caractère chronique de celle-ci sans rémission durable, une durée de plusieurs années de la maladie avec des symptômes stables ou en évolution, l’échec de traitements conformes aux règles de l’art. Le cumul des critères précités fonde un pronostic défavorable. Enfin, l’expert doit s’exprimer sur le cadre psychosocial de la personne examinée. Au demeurant, la recommandation de refus d’une rente doit également reposer sur différents critères. Au nombre de ceux-ci figurent la divergence entre les douleurs décrites et le comportement observé, l’allégation d’intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l’absence de demande de soins, les grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l’anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l’expert, ainsi que l’allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact (MOSIMANN, somatoforme Störungen : gerichte-und-[psychiatrische] Gutachten, RSAS 1999, p. 1 et ss. et 105 et ss. ; VSI 2000 p. 155 consid. 2c).

En principe, le juge ne s’écarte pas sans motif impératif des conclusions d’une expertise médicale, la tâche de l’expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l’éclairer sur les aspects médicaux d’un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s’écarter d’une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu’une sur-expertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d’autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l’expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d’une nouvelle expertise médicale (ATF 118 V 290 consid. 1b ; 112 V 32 et ss. et les références).

En ce qui concerne, par ailleurs, la valeur probante d’un rapport médical, ce qui est déterminant, c’est que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description du contexte médical soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 122 V 160 consid. 1c et les références). L’élément déterminant pour la valeur probante n’est en principe ni l’origine du moyen de preuve, ni sa désignation, sous la forme d’un rapport ou d’une expertise, mais bel et bien son contenu (ATF 122 V 160 consid. 1c ; OMLIN, die Invaliditätsbemessung in der obligatorischen Unfallversicherung p. 297 et ss.; MORGER, Unfallmedizinische Begutachtung in der SUVA, in RSAS 32/1988 p. 332 et ss.).

A cet égard, MEINE souligne que l’expertise doit être fondée sur une documentation complète et des diagnostics précis, être concluante grâce à une discussion convaincante de la causalité, et apporter des réponses exhaustives et sans équivoque aux questions posées (MEINE, l’expertise médicale en Suisse : satisfait-elle aux exigences de qualités actuelles ? in RSAS 1999, p. 37 et ss.). Dans le même sens, BUEHLER expose qu’une expertise doit être complète quant aux faits retenus, à ses conclusions et aux réponses aux questions posées. Elle doit être compréhensible, concluante et ne pas trancher des points de droit (BUEHLER, Erwartungen des Richters an der Sachverständigen, in PJA 1999 p. 567 et ss.).

Au sujet des rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l’expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l’unit à ce dernier (ATFA du 14 avril 2003, en la cause I 39/03, consid. 3.2, ATF 124 I 175 consid. 4 et les références citées ; Plaidoyer 6/94 p. 67). Il n’a pas, d’emblée, de raison de mettre en doute la capacité alléguée par son patient, surtout dans une situation d’évaluation difficile. En principe, il fait donc confiance à son patient, ce qui est souhaitable, et ne fait donc pas toujours preuve de l’objectivité nécessaire, guidé qu’il est par le souci, louable en soi, d’être le plus utile possible à son patient. Les constatations du médecin de famille quant à l’appréciation de l’incapacité de travail de l’assuré ont ainsi une valeur probante inférieure à celles des spécialistes (RCC 1988 p. 504). La règle est d’ailleurs qu’il se récuse pour l’expertise de ses propres patients (VSI 2001, 109 consid. 3b/cc ; RCC 1988 p. 504 consid. 2). L’expert est dans une position différente puisqu’il n’a pas un mandat de soins, mais un mandat d’expertise en réponse à des questions posées par des tiers. Il tient compte des affirmations du patient. Il doit parfois s’écarter de l’appréciation plus subjective du médecin traitant.

Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral des assurances, il convient de retenir principalement les conclusions globales de l'expertise multidisciplinaire effectuée par le SMR en date du 19 mai 2003 et non celle, forcément sectorielle, de spécialistes s'exprimant dans leur seul domaine. En effet, l'expertise pluridisciplinaire, qui prend en compte l'ensemble des différents troubles présentés par le patient et leur interférences possibles, paraît appropriée à une détermination objective de la capacité de travail dans une activité exigible (ATFA non publié du 6 août 2003 en la cause I/50/03). Le Tribunal de céans constate que l'expertise du SMR a pleine valeur probante au sens de la jurisprudence et retiendra donc l'évaluation des experts, à savoir une capacité de travail exigible de 100% dans une activité adaptée. En effet, il faut constater que le trouble somatoforme présenté par la recourante n'a pas valeur d'invalidité en l'occurrence puisqu'il ne remplit pas les critères posés par la jurisprudence. Ainsi, a notamment été mise en évidence l'absence de dépression majeure, de décompensation, d'anxiété généralisée, de troubles phobiques, de troubles de la personnalité morbide. De même, le SMR a conclu à l'absence de perturbations de l'environnement psychosocial et à celle de maladie psychiatrique chronique invalidante. Il a certes admis la présence d'un trouble de l'adaptation mais rappelé que l'exploration psychiatrique n'avait pas révélé de psychopathologie déterminant la diminution de l'exigibilité d'une activité adaptée.

Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente; les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d'influencer le droit à la rente survenues jusqu'au moment où la décision est rendue doivent être prises en compte (ATF 129 V 222 et 128 V 174).

Pour évaluer le gain d’invalide, il y a lieu, conformément à une jurisprudence bien établie, de se référer aux données statistiques (Enquête suisse sur la structure des salaires - ESS) lorsque, comme en l’espèce, l’assuré n’a pas repris d’activité lucrative (ATF 126 V 76 et ss. consid. 3b/aa et bb ; VSI 2002 p. 68 consid. 3b).

Lorsque, le revenu d'invalide est évalué sur la base des statistiques sur les salaires moyens, certains empêchements propres à la personne de l'invalide (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité, catégorie d'autorisation de séjour et taux d'occupation) exigent que l'on réduise le montant des salaires ainsi obtenus (ATF 126 V 79 ss. consid. 5b/aa). De telles réductions ne doivent pas être effectuées de manière schématique, mais doivent tenir compte de l'ensemble des circonstances du cas particulier et cela dans le but de déterminer, à partir de données statistiques, un revenu d'invalide qui représente au mieux la mise en valeur économique exigible des activités compatibles avec la capacité de travail résiduelle de l'intéressé (ATF 126 V 80 consid. 5b/bb). Une déduction globale maximum de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 126 V 80 consid. 5b/cc; VSI 2002 p. 64). 

En l'occurrence, la division de réadaptation de l'OCAI a retenu à titre de poste de travail envisageable une activité répétitive et non qualifiée dans l'industrie manufacturière. Elle a en outre appliqué une réduction supplémentaire de 15% pour tenir compte de limitations fonctionnelles qui ont été reconnues à l'assurée. Le revenu finalement obtenu, de 38'199 fr., a ensuite été comparé à celui réalisé par l'assurée, à savoir 36'880 fr. Force est de constater qu'il n'en résulte aucune invalidité pour la recourante et ce, même si la réduction de revenu maximale de 20% avait été appliquée. Quant à d'éventuelles mesures de reclassement, il a déjà été souligné par plusieurs médecins qu'elles étaient inutiles et certainement vouées à l'échec vu l'absence totale de motivation de la recourante ainsi que ses difficultés à maîtriser la langue française notamment.

Eu égard à ce qui précède, le recours, mal fondé, ne peut être que rejeté.


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ

A la forme :

Constate que le recours est recevable ;

Au fond :

Le rejette ;

Dit que la procédure est gratuite ;

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu’il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l’enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

 

 

La greffière :

 

 

 

Janine BOFFI

 

La Présidente :

 

 

 

Karine STECK

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le