A/917/2004

ATAS/25/2006 du 12.01.2006 ( AI ) , REJETE

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En fait
En droit

 

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/917/2004 ATAS/25/2006

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

Chambre 3

du 12 janvier 2006

 

En la cause

Monsieur G__________, domicilié à GENEVE,

 

recourant

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'ASSURANCE INVALIDITE, rue de Lyon 97, case postale 425, 1211 GENEVE 13

 

intimé

 


EN FAIT

Monsieur G__________, né en 1949, a suivi l’école primaire et le cycle d’orientation à Genève. Il a effectué un apprentissage d’écuyer, obtenu son diplôme et travaillé dans ce domaine de 1975 à 1980. A partir de 1981, après une formation "sur le tas" aux côtés de son frère, il a exercé la profession de peintre en bâtiment, dans une entreprise de travail temporaire.

Le 19 octobre 1997, l’assuré a fait une chute à vélo qui lui a occasionné une déchirure complète du tendon du sus-épineux gauche avec forte rétraction musculaire à l'épaule gauche. Une suture de la coiffe des rotateurs a été effectuée le 21 novembre 1997 sans acromio-plastie. Le cas a été pris en charge par la CAISSE NATIONALE SUISSE D’ASSURANCE EN CAS D’ACCIDENTS (Schweize-rische Unfallversicherungsanstalt ; ci-après la SUVA).

L’épaule gauche de l'assuré a été traitée par physiothérapie pendant plusieurs mois et trois infiltrations ont été pratiquées au début de l'année 1998, qui n’ont permis qu’une amélioration transitoire sur le plan des douleurs.

En juillet 1998, l’assuré était toujours en incapacité de travail complète. De multiples investigations à l’hôpital de Genève en angiologie ont permis de diagnostiquer une maladie de Bürger.

L'assuré a été hospitalisé du 23 septembre au 23 octobre 1998 pour réadaptation à la clinique thermale ZUM SCHIFF à Baden. A sa sortie, la mobilité de l’épaule était presque complète. La reprise d'une activité adaptée, à raison de 50%, a été envisagée comme possible à compter du 2 novembre 1998.

Le 6 avril 1999, l’assuré a déposé une demande de prestations auprès de l'Office cantonal de l'assurance invalidité (OCAI) sous forme de reclassement.

Le 7 avril 1999, il a été examiné par le Dr L__________, médecin d’agence de la SUVA à Genève. Il se plaignait alors toujours de douleurs persistantes limitant la mobilité de son épaule. Etaient apparues également des douleurs à l’épaule droite. La limitation fonctionnelle douloureuse avait peu évolué depuis 1998. Le Dr L__________ a confirmé l’incapacité de travail du patient dans son ancienne activité de peintre en bâtiment mais a considéré que la capacité de travail était entière dans une activité adaptée, c'est-à-dire permettant d’éviter les positions dans lesquelles les membres supérieurs étaient au-dessus des épaules, le port de charges dépassant dix kilos, les mouvements répétitifs ainsi que le travail en hauteur ou avec risque de chute. La liquidation administrative du cas par la SUVA a été décidée.

A la demande de l'OCAI, la clinique romande de réadaptation de Sion a procédé à une évaluation pluridisciplinaire de l'assuré ayant pour objectif de déterminer les possibilités d’activités envisageables et le type de réadaptation professionnelle souhaitable.

Il ressort du rapport établi le 8 février 2000 par les médecins de la clinique que l’assuré se plaignait d’une douleur permanente à l’épaule gauche, d’intensité variable, augmentant lors de tout mouvement entraînant une abduction ou rétropulsion ainsi qu'au port de charges. De même, il a fait état d'une douleur à l’épaule droite apparue un an auparavant. Il a déclaré souffrir également de douleurs dans les deux genoux apparaissant après une marche ou une course de plus de vingt minutes, ainsi que de lombalgies lorsqu’il se penchait en avant; celles-ci se manifestaient depuis cinq ou six ans.

Au niveau des épaules, une amyotrophie de la loge du sus et sous-épineux a été mise en évidence du côté gauche. Les médecins ont constaté des douleurs au niveau du tendon du sous-scapulaire, du sus-épineux et du sous-épineux et de l’articulation acromio-claviculaire. A droite, ils n'ont pas relevé d’amyotrophie mais des douleurs à la palpation du processus coracoïde et le long du tendon du court-chef du biceps.

Les diagnostics suivants ont été posés :

- douleurs persistantes de la coiffe des rotateurs gauche, sans limitation fonctionnelle majeure, deux ans après suture du tendon du sus-épineux pour rupture traumatique,

- maladie de Bürger (affection héréditaire caractérisée par des crises douloureuses abdominales),

- personnalité de type borderline,

- état dépressif majeur,

- status après probable AVC (accident vasculo-cérébral) en 1997.

Les spécialistes ont constaté que le trouble de la personnalité entravait la capacité de travail par une évolution psychique en dents de scie. Dès lors, au terme de leur entretien de synthèse, les experts ont admis que la capacité de travail était limitée à 50%, cette diminution incombant certes principalement à l’affection psychiatrique, mais recouvrant également les limitations physiques. Ils ont estimé que l'assuré pourrait exercer à temps partiel une activité ne nécessitant pas de mouvements des membres supérieurs élevés à plus de 90° et n'impliquant pas le port de charges dépassant quinze kilos. Selon eux, une réadaptation professionnelle pouvait être envisagée en ce sens. Les troubles de la personnalité grevaient cependant le pronostic d’une réintégration dans le circuit économique.

Dans une note du 24 février 2000, le Dr M__________, médecin-conseil de l'OCAI, a conclu à une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée et ce, pour des raisons psychiatriques uniquement. En effet, il a relevé que les limitations physiques étaient partielles et, selon lui, compatibles avec une activité adaptée à plein temps.

La division de réadaptation professionnelle de l'OCAI a retenu, dans son rapport du 11 avril 2000, que l'assuré, selon les constatations médicales, ne pouvait ni conserver la même position longtemps, ni faire de mouvements répétitifs, ni se lever fréquemment, ni porter des charges, ni travailler en hauteur et que l'utilisation des deux bras au-dessus des épaules lui était difficile. La division de réadaptation a tenu compte du rapport final de la SUVA. Elle a notamment relevé "une symptomatologie analogue du membre supérieur droit, cliniquement moins nette mais subjectivement déclarée, parfois assez forte, sans aucun rapport avec l'accident, empêchant le patient d'utiliser davantage ce côté pour pallier la déficience du gauche." Il a été retenu qu'en ce qui concernait l'atteinte post-traumatique de la coiffe des rotateurs, les symptômes étaient essentiellement subjectifs et que la limitation de la capacité de travail était plutôt induite par un trouble borderline et l'état dépressif de l'assuré. Cette diminution a été évaluée à 50% et imputée principalement aux troubles psychiques, étant toutefois précisé qu'elle recouvrait également les limitations physiques.

Par décision du 21 juin 2000, l’OCAI a octroyé à l'assuré une demi-rente à compter du 20 octobre 1998. Cette décision est entrée en force.

Le 12 septembre 2002, par l’intermédiaire de son médecin traitant, la Dresse N__________, l’assuré a sollicité une révision de sa rente, en invoquant un problème à l’épaule et au biceps droits et une insuffisance artérielle des jambes.

Le même jour, l’OCAI a adressé à l’assuré un questionnaire pour la révision de la rente en le priant de bien vouloir le lui retourner dans les dix jours.

En date du 4 septembre 2003, l’OCAI a rendu une décision par laquelle il a refusé d’augmenter la rente, le questionnaire pour la révision de rente ne lui étant jamais parvenu en retour, bien que l’attention de l’assuré ait été attirée sur les conséquences d’un refus de coopérer par lettre recommandée du 19 août 2003.

Par courrier du 15 septembre, reçu le 22 septembre 2003, la Dresse N__________ a fait opposition à la décision du 4 septembre 2003 vu l’aggravation « considérable » de la santé de son patient survenue depuis l’obtention de sa demi-rente. Elle a par ailleurs fait état d'un problème de changement d’adresse qui expliquait pourquoi l’assuré n’avait pu répondre au questionnaire qui lui avait été adressé. Il ressort du questionnaire finalement rempli que l'assuré a été dans l'incapacité totale de travailler depuis le 21 juin 2002.

A la demande de l'OCAI, la Dresse N__________ a fourni une procuration signée par son patient le 8 octobre 2003.

L'OCAI lui ayant imparti un délai pour fournir tous les éléments utiles prouvant que l’état de santé de l'assuré s’était aggravé depuis le 21 juin 2000, la Dresse N__________ a indiqué, par courrier du 24 octobre 2003, que l’état général du patient s’était péjoré de la manière suivante :

"1. Aggravation des douleurs de l’épaule gauche avec limitation fonctionnelle modérée, dans le cadre du status après opération de la coiffe des rotateurs (motif de la mise à l’AI à 50%).

2. Rupture partielle du tendon du biceps droit avec diminution fonctionnelle, (cf. rapport ci-joint), le patient ayant vu pour ce problème le Dr O__________, orthopédiste.

3. Insuffisance artérielle du membre inférieur gauche apparue en juin 2002 avec ischémie aiguë du pied gauche sur embolisation artérielle et persistance des douleurs à la marche, (cf. 3 rapports d'angiologie ci-joints).

4. Etat dépressif persistant nécessitant un traitement médicamenteux par intermittence.

Enfin, un éthylo-tabagisme chronique ayant eu entre autres comme conséquence en 2002 une oesophagite sténosante et ulcérée (cf. rapport de l'OGD ci-joint)."

Suivant l'avis du service médical régional Léman (SMR), l'OCAI, le 31 octobre 2003, a requis des renseignements plus complets du Dr O__________, orthopédiste, quant à la capacité de travail résiduelle du recourant dans une activité légère.

Après avoir pris contact avec la Dresse N__________, le Dr M__________, médecin-conseil de l'OCAI, a estimé, dans un avis daté du 23 février 2004, que l'assuré devrait tenter de réduire le dommage en contrôlant sa consommation de toxiques et d'alcool et en se soumettant aux traitements prescrits. Il a par ailleurs relevé que la toxicomanie n'avait pas, en soi, valeur de maladie au sens de l'assurance-invalidité. Il a indiqué qu'après un épisode aigu, l'atteinte artérielle n'entraînait plus de troubles fonctionnels notables dans une activité légère et que la rupture partielle du biceps droit, après la phase aigue, ne devait plus non plus entrainer de douleur, le seul problème restant étant celui de la perte de force.

N’ayant reçu aucun nouvel élément, le 6 avril 2004, l’OCAI a rendu une décision sur opposition, déclarant celle-ci irrecevable.

Par courrier du 28 avril 2004, la Dresse N__________ a formé recours contre la décision sur opposition, en faisant état d’un malentendu. Elle a expliqué avoir à tort prié son patient de reprendre contact avec le Dr P__________ en lieu et place du Dr O__________.

En date du 14 mai 2004, le Dr O__________, orthopédiste, a certifié que le patient présentait une ancienne rupture du long chef du biceps droit depuis plus de deux ans qui le gênait modérément et qu'il était plus atteint par les séquelles de sa rupture de coiffe gauche en raison notamment de douleurs, de limitations fonctionnelles et de diminution de la force. En ce qui concernait les possibilités thérapeutiques, pour l’épaule droite, aucun traitement chirurgical n’était à envisager, la situation étant stabilisée. En ce qui concernait l’épaule gauche, le patient pouvait bénéficier d’une échographie de manière à s’assurer l’intégrité de la coiffe. Quant à sa capacité de travail comme écuyer et peintre en bâtiment, il pensait qu’elle était actuellement nulle pour des raisons fonctionnelles qui l’empêchaient de pratiquer un métier manuel avec dextérité ainsi que pour des raisons de sécurité.

Dans son préavis du 17 juin 2004, l’OCAI a en premier lieu considéré que, dans le cadre de la procédure administrative, on ne pouvait que constater l’impossibilité d’obtenir les renseignements nécessaires pour entrer en matière sur la demande de révision déposée le 6 novembre 2002. Il a admis toutefois qu’au cours de la procédure de recours lui était parvenu un rapport du Dr O__________, daté du 14 mai 2004, qui devait éventuellement permettre d’entrer en matière sur la demande de révision. Ce nouveau rapport médical ayant été soumis au Dr M__________, celui-ci avait relevé que l’état de santé était resté le même et que l’assuré ne subissait pas d'aggravation se traduisant par une modification notable des fonctions de l’appareil locomoteur. Dès lors, l’OCAI a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision sur opposition attaquée.

Invité à se déterminer d’ici au 23 juillet 2004, l’assuré ne s’est pas manifesté.

Sur ce, la cause a été gardée à juger.

Les autres faits pertinents de la cause seront repris en tant que de besoin dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

Conformément à l’art. 56V al. 1 let. a ch. 2 LOJ, le Tribunal connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (ci-après : LPGA) relatives notamment à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (ci-après : LAI). Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

La LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2003 entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de l’assurance-invalidité. Le cas d’espèce reste toutefois régi par les dispositions en vigueur jusqu’au 31 décembre 2002, eu égard au principe selon lequel, en cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l’état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques (ATF 127 V 467, consid. 1 ; 126 V 166). En effet, en l'espèce, les faits déterminants - soit l'aggravation de l'état de santé alléguée - remontent au mois de juin 2002. Pour les mêmes motifs, les dispositions de la novelle du 21 mars 2003 modifiant la LAI (4ème révision), entrée en vigueur le 1er janvier 2004 (RO 2003 3852) ne sont pas non plus applicables (ATFA du 31 août 2003, cause I 591/03). Le présent litige sera en conséquence examiné à la lumière des dispositions de la LAI et du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (ci-après : RAI) en vigueur jusqu’au 31 décembre 2002. En matière de procédure toutefois, les dispositions de la LPGA s’appliquent à tous les cas dès son entrée en vigueur (cf. ATFA non publié du 16 février 2005 en la cause U 263/03).

Déposé dans les forme et délai imposés par la loi, le présent recours est recevable, en vertu des art. 56ss LPGA.

Aux termes de l'art. 41 LAI, si l'invalidité d'un bénéficiaire de rente se modifie de manière à influencer le droit à la rente, celle-ci est, pour l'avenir, augmentée, réduite ou supprimée. Tout changement important des circonstances, propre à influencer le degré d'invalidité, donc le droit à la rente, peut donner lieu à une révision de celle-ci. Le point de savoir si un tel changement s'est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu'ils se présentaient au moment de la décision initiale de rente et les circonstances régnant à l'époque de la décision litigieuse (ATF 125 V 369 consid. 2 et la référence; voir également ATF 112 V 372 consid. 2b et 390 consid. 1b).

La demande de révision doit établir de manière plausible que l'invalidité ou l'impotence de l'assuré s'est modifiée de manière à influencer ses droits (art. 87 al. 3 RAI). Cette exigence vise à empêcher que l'administration ne doive examiner à plusieurs reprises des demandes identiques, non motivées d'une manière plus précise, c'est-à-dire dont l'auteur n'allègue pas un changement de la situation (ATF 117 V 198 consid. 4b = RCC 1992 p. 98). Il suffit que l’assuré démontre de manière plausible la modification de l’un des faits pertinents pour le droit aux prestations.

L'autorité est donc tenue d'examiner d'abord si les allégations de l'assuré sont plausibles; si ce n'est pas le cas, elle liquidera l'affaire, sans autre examen, par une décision de non entrée en matière. Ce faisant, elle tiendra notamment compte du fait que l'ancienne décision a été rendue à une date plus ou moins récente et posera en conséquence des exigences plus ou moins grandes à la vraisemblance de ce qui est allégué. A cet égard, l'administration dispose d'une certaine marge d'appréciation que le juge doit respecter. Celui-ci n'examine donc la manière dont l'administration a traité la question de l'entrée en matière que si cette entrée en matière est litigieuse, c'est-à-dire si l'administration, se fondant sur l'art. 87 al. 4 RAI, a décidé de ne pas entrer en matière et si l'assuré forme un recours à cause de cela (VSI 2001 p. 81 consid. 1; RCC 1992 p. 99s. consid. 4b; RCC 1984 p. 364 consid. 3), ce qui est précisément le cas en l'espèce.

Le litige porte sur les points de savoir s'il se justifiait de déclarer l'opposition irrecevable et si l’invalidité du recourant s’est modifiée, entre le 21 juin 2000 (date de l’octroi d’une demi-rente) et le 4 septembre 2003 (date à laquelle la décision querellée a été rendue), de manière à ouvrir droit à une rente entière.

Dans un arrêt du 16 octobre 2003 (ATFA I 249/01), le TFA a modifié sa jurisprudence relative à l’art. 87 al. 3 RAI (dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2002) et jugé que le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d’office par l’autorité (ATF 125 V 195 consid. 2, 122 V 158 consid. 1a et réf. citées), ne s’appliquait pas à cette procédure. Eu égard au caractère atypique de celle-ci dans le droit des assurances sociales, le TFA a précisé que l’administration pouvait appliquer par analogie l’art. 73 RAI (en vigueur jusqu’au 31 décembre 2002 ; actuellement voir l’art. 43 al. 3 LPGA) - qui permet aux organes de l’assurance-invalidité de statuer en l’état du dossier en cas de refus de l’assuré de coopérer – à la procédure régie par l’art. 87 al. 3 RAI, à la condition de s’en tenir aux principes découlant de la protection de la bonne foi (art. 5 al. 3 et 9 Cst. ; ATFA H 290/98 du 13 juillet 2000). Ainsi, lorsqu’un assuré introduit une procédure de révision sans rendre plausible que son invalidité s'est modifiée, notamment en se bornant à renvoyer à des pièces médicales qu’il propose de produire ultérieurement ou à des avis médicaux qui devraient selon lui être recueillis d’office, l’administration doit lui impartir un délai raisonnable pour déposer ses moyens de preuve, en l’avertissant qu’elle n’entrera pas en matière sur sa demande pour le cas où il ne se plierait pas à ses injonctions.

En l'occurrence, c'est ce qu'a fait l'autorité intimée. Elle n'a cependant pas reçu les documents demandés dans le délai imparti, pour les raisons qui ont ensuite été données par le médecin de l'assuré, et sur lesquelles il n'est pas nécessaire de revenir ici. Dans la mesure où elle avait commencé à instruire la cause en interrogeant le SMR et le Dr N__________, l'autorité intimée aurait dû statuer en l'état et non déclarer l'opposition irrecevable.

Les documents demandés ont été produits au cours de la procédure de recours et l'autorité intimée elle-même a admis qu'ils rendaient plausible une aggravation de l'état de santé du recourant. Pour des raisons d'économie de procédure, et compte tenu du fait que l'autorité intimée a eu l'occasion durant la présente procédure de s'exprimer quant au fond du litige, le tribunal de céans entrera donc en matière plutôt que de renvoyer la cause à l'autorité intimée pour nouvelle décision.

Selon l’art. 4 al. 1er LAI, l’invalidité est la diminution de la capacité de gain, présumée permanente ou de longue durée, qui résulte d’une atteinte à la santé physique, ou mentale provenant d’une infirmité congénitale, d’une maladie ou d’un accident. L’alinéa 2 précise que l’invalidité est réputée survenue dès qu’elle est, par sa nature et sa gravité, propre à ouvrir droit aux prestations entrant en considération.

Le droit à la rente est déterminé par l’art. 28 al. 1er LAI, qui dispose que l’assuré a droit à une rente s’il est invalide à 40 % au moins. La rente est entière pour une invalidité de 66 2/3 % au moins, elle est d’une demie pour une invalidité de 50 % au moins et d’un quart pour une invalidité de 40 % au moins, en vertu du deuxième alinéa.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral des assurances, l’objet de l’assurance n’est pas l’atteinte à la santé en soi; ce sont plutôt les conséquences économiques qui en découlent, soit l’incapacité de réaliser un gain par un travail exigible (ou d’accomplir les travaux habituels pour les non actifs). La notion d’invalidité est ainsi une notion juridique, basée sur des éléments essentiellement économiques, qui ne se confond pas forcément avec le taux de l’incapacité fonctionnelle, tel que le détermine le médecin ; ce sont les conséquences économiques de l’incapacité fonctionnelle qu’il importe d’évaluer (ATF 105 V 207 et ss. ; 106 V 88 ; 110 V 275 ; RCC 1981 p. 124 consid. 1a).

Le risque couvert par l’assurance-invalidité et donnant droit à des prestations est basé sur des faits médicaux. Pour juger des questions juridiques qui se posent, les organismes d’assurance et les juges des assurances sociales doivent dès lors se baser sur des documents qui sont établis essentiellement par des médecins (ATF 122 V 158). Ils peuvent ainsi se baser sur les rapports demandés par l’office AI aux médecins traitants, sur les expertises de spécialistes extérieurs et sur les examens pratiqués par les centres d’observation créés à cet effet (art. 69 al. 2 et 72bis RAI).

A cet égard, l'élément décisif pour apprécier la valeur probante d'une pièce médicale n'est en principe ni son origine, ni sa désignation sous la forme d'un rapport ou d'une expertise, mais bel et bien son contenu. Il importe, pour conférer pleine valeur probante à un rapport médical, que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées par la personne examinée, qu'il ait été établi en pleine connaissance de l'anamnèse, que la description du contexte médical et l'appréciation de la situation médicale soient claires et enfin que les conclusions de l'expert soient dûment motivées (ATF 125 V 352 consid. 3a et les références; VSI 2001 p. 108 ; ATFA non publié du 9 avril 2002 en la cause I 379/01).

D’après la jurisprudence du Tribunal fédéral des assurances, lorsque des expertises ordonnées au stade de la procédure administrative sont établies par des spécialistes reconnus, sur la base d’observations approfondies et d’investigations complètes, ainsi qu’en pleine connaissance du dossier, et que les experts aboutissent à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu’aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 161, consid. 1c).

Il s'agit de déterminer in casu si les pièces versées dans le cadre de la procédure de recours permettent d'établir une aggravation de l'état de santé du recourant depuis le 21 juin 2000, date à laquelle a été rendue la première décision de l'OCAI.

La Dresse N__________ fait état d'une péjoration de l'état de santé de son patient en septembre 2002 et allègue que ses douleurs à l’épaule gauche se sont accentuées avec une limitation fonctionnelle modérée, qu'il a subi une rupture partielle du tendon du biceps droit avec diminution fonctionnelle, qu'il souffre depuis juin 2002 d'insuffisance artérielle du membre inférieur gauche avec ischémie aiguë du pied gauche sur embolisation artérielle et persistance des douleurs à la marche, que son état dépressif persistant nécessite un traitement médicamenteux par intermittence et que son éthylo-tabagisme chronique a eu comme conséquence en 2002 une oesophagite sténosante et ulcérée.

Malgré tout, le Tribunal de céans ne peut que constater l'absence d'aggravation significative de l'état de santé du recourant s'agissant des épaules par rapport à l'époque où la décision de rente a été rendue puisque les douleurs à l'épaule gauche ont été prises en compte lors dans la première décision, qu'il a déjà été relevé à l'époque par la division de réadaptation professionnelle que le membre supérieur droit était atteint d'une symptomatologie analogue à celle du gauche, l'empêchant de pallier aux déficiences de ce dernier et que, selon le Dr O__________, si le patient présente certes une ancienne rupture du long chef du biceps droit, celle-ci ne le gêne que modérément.

Les autres pièces médicales versées au dossier permettent d'établir que le recourant, éthylo-tabagique, a souffert d'une insuffisance artérielle au membre inférieur gauche dont il s'est rapidement remis, qu'il doit suivre des traitements intermittents s'agissant de son état dépressif et qu'il a rencontré des problèmes de gastrites. Ces circonstances sont certes de nature à démontrer que son état de santé a pu s'aggraver à plusieurs reprises, mais non que sa capacité de travail résiduelle en a été affectée durablement. Au demeurant, lors d'un entretien téléphonique du 23 février 2004 entre le Dr M__________ et la Dresse N__________, celle-ci a précisé que le recourant n'avait plus de douleurs mais une perte de force partielle au niveau du biceps droit, qu'il ne présentait pas de troubles notables s'agissant du membre inférieur gauche et que ses douleurs à l'épaule gauche ne s'étaient pas aggravées de manière significative.

Force est de constater qu'au vu des documents produits, il n'apparaît pas que l'invalidité du recourant se serait modifiée de manière à influencer son droit à la rente. L'état de santé du recourant paraîtrait même plutôt s'être stabilisé sur le plan physique.

Eu égard à ce qui précède, le recours, mal fondé, doit être rejeté.


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

(conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ)

A la forme :

Déclare le recours recevable.

Au fond :

Le rejette.

Dit que la procédure est gratuite.

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu’il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l’enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

 

La greffière

 

 

 

 

Janine BOFFI

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

La secrétaire-juriste :

 

Alexandra PAOLIELLO

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le