A.                               a) X.________ a été engagé le 1er septembre 2012 au service de la société Y.________. Dans ce cadre, il était assuré, auprès notamment de l’assurance A.________ SA (ci-après : A.________ SA), pour la perte de gain en cas de maladie.

                        b) Dès 2014, X.________ s’est trouvé en incapacité de travail. Pour la période d’incapacité, A.________ SA a versé, en 2015, la somme de 10'888.20 francs au moins à Y.________, au titre de l’assurance perte de gain.

B.                               a) Le 5 février 2019, X.________ a ouvert action contre A.________ SA, devant le Tribunal civil des Montagnes et du Val-de-Ruz (ci-après : le Tribunal civil). Il concluait à ce que la défenderesse soit condamnée à lui verser la somme de 4'626.70 francs, plus intérêts, comme prestations de l’assurance perte de gain. Il relevait que A.________ SA, pour refuser le paiement, se fondait sur des documents que Y.________ avait fournis à celle-ci et qui démontreraient que l’employeur avait versé les 10'880 francs à son employé, mais alléguait que ces documents étaient des faux et qu’il n’avait jamais perçu le montant en question. Selon le demandeur, A.________ SA ne pouvait pas prétendre s’être valablement libérée en payant des indemnités à l’employeur.

                        b) Le 11 juin 2019, A.________ SA a déposé un mémoire de réponse à la demande de X.________ et de dénonciation d’instance envers Y.________. Elle alléguait notamment que l’employeur lui avait confirmé avoir reversé au moins 11'805.10 francs au demandeur et lui avait fourni des quittances signées par celui-ci, pour ces versements. Le demandeur n’avait pas introduit contre l’employeur de procédure pour faux dans les titres, à la connaissance de la défenderesse. A.________ SA rappelait que le demandeur avait, en 2017, agi en paiement contre l’employeur et que cette procédure s’était terminée par un accord pour solde de tous comptes. Elle prenait les conclusions suivantes : « Principalement : 1. Dénoncer l’instance à Y.________ & Assurances Sàrl. 2. Constater l’irrecevabilité de la demande […]. Subsidiairement : 3. Rejeter la demande […]. En tout état de cause : 4. Condamner le demandeur à tous frais et dépens ».

                        c) Le Tribunal civil a fixé un délai à Y.________ pour se prononcer sur la dénonciation d’instance.

                        d) Le 19 août 2019, Y.________ a écrit au Tribunal civil qu’elle acceptait d’intervenir dans la procédure, comme participant accessoire, en faveur du dénonçant (art. 79 al. 1 let. a CPC) et demandait qu’un délai lui soit fixé pour le dépôt de sa réponse. Le délai a été fixé.

                        e) Dans sa réponse du 28 octobre 2019, Y.________ a conclu principalement à ce que la demande soit déclarée irrecevable, subsidiairement au rejet de cette demande, sous suite de frais judiciaires et dépens. Elle invoquait que les prétentions du demandeur étaient infondées, abusives et prescrites et alléguait que les pièces dont le demandeur soutenait qu’il s’agissait de faux (documents « Avance de prestations APGM » établis les 12 décembre 2014 et 29 janvier 2015) étaient authentiques, avaient été signées par le demandeur et attestaient du paiement à celui-ci, en mains propres, des sommes réclamées.

                        f) Les parties ont répliqué et dupliqué. Une ordonnance de preuves a été rendue le 24 novembre 2020.

C.                               a) Dans l’intervalle, A.________ SA a, le 11 juin 2019, soit en même temps qu’elle déposait sa réponse mentionnée ci-dessus, adressé à l’office des poursuites (ci-après : l’office) une réquisition de poursuite contre Y.________, pour un montant de 10'888.20 francs, plus intérêts à 5 % dès le 2 mars 2015, la cause de l’obligation étant : « Indemnité assurance perte de gain maladie X.________ – Enrichissement illégitime – Interruption prescription ».

                        b) Sur la base de cette réquisition, l’office a établi un commandement de payer no 2019052626, qui a été notifié le 28 juin 2019 à Y.________. Cette dernière a fait opposition totale, ceci le jour même de la notification.

D.                               a) Le 8 octobre 2019, Y.________ a déposé auprès de l’office une demande de non-divulgation de la poursuite, au sens de l’article 8a al. 3 let. d LP. Interpellée par l’office, A.________ SA a conclu le 6 novembre 2019 au rejet de cette demande, en se fondant sur la dénonciation d’instance devant le Tribunal civil. Par décision du 11 novembre 2019, l’office a rejeté la demande, vu la procédure civile pendante.

                        b) Y.________ a renouvelé sa demande le 14 janvier 2020. Le même jour, l’office a révisé son prononcé précédent et rendu une décision acceptant la non-divulgation de la poursuite, décision qu’elle a envoyée à la requérante et à A.________ SA. Par courrier du 27 janvier 2020, cette dernière a transmis à l’office la réponse déposée par Y.________ devant le Tribunal civil.

                        c) Par décision du 30 janvier 2020, l’office a refusé la non-divulgation de la poursuite. Il a considéré que ce refus se justifiait par la participation de Y.________ à une procédure qui déterminerait si elle devait des prestations.

E.                               a) Le 10 février 2020, Y.________ a adressé à l’AiSLP une plainte contre la décision de l’office. Elle faisait valoir, en substance, que la créancière n’avait pas ouvert contre elle une procédure tendant directement à la mainlevée de l’opposition et que, suite à son acceptation de la dénonciation d’instance, elle n’avait pas la qualité formelle de partie à la procédure devant le Tribunal civil, mais partageait seulement la position de défenderesse de A.________ SA.

                        b) Dans ses observations du 21 février 2020, l’office a conclu au rejet de la plainte. Il exposait que même si la dénonciation d’instance ne conférait pas la qualité de partie au dénoncé, elle avait pour conséquence l’opposabilité à l’intervenant du résultat de la procédure. L’existence de la créance en poursuite dépendait de l’issue de la procédure civile et le jugement constituerait un titre de mainlevée définitive contre la plaignante, si bien que cette procédure devait être considérée comme une procédure d’annulation de l’opposition, au sens de l’article 8a al. 3 let. d LP.

                        c) Dans une détermination du 27 mai 2020, A.________ SA a, en substance, repris les arguments de l’office. Le 5 juin 2020, Y.________ a maintenu sa position. Il n’y a pas eu de nouvelles observations par la suite.

F.                       Par décision du 17 novembre 2020, l’AiSLP a rejeté la plainte, confirmé la décision de l’office du 30 janvier 2020 et statué sans frais, ni dépens. Elle a retenu, en résumé, qu’en fonction de l’article 77 CPC, auquel renvoyait l’article 80 CPC, un résultat défavorable de la procédure civile serait opposable à la plaignante, celle-ci ne prétendant pas que la dénonciation serait intervenue trop tard pour que le jugement puisse déployer cet effet. La procédure civile avait pour objet le paiement de prestations d’assurance perte de gain maladie au demandeur par A.________ SA. Dans la mesure où cette dernière avait déjà versé ces prestations à l’employeur, A.________ SA serait titulaire d’une créance en enrichissement illégitime contre celui-ci, si elle était condamnée à payer à nouveau. Le jugement constaterait « de fait » l’existence de cette créance et serait opposable à la plaignante, si bien qu’une fois exécutoire, il constituerait un titre de mainlevée définitive, au sens de l’article 80 LP. Les parties se trouvaient dans une situation assimilable à celle qui résulterait de l’ouverture d’une action formelle en reconnaissance de dette, au sens de l’article 79 LP. On ne pouvait pas reprocher à A.________ SA de ne pas avoir agi pour obtenir un titre de mainlevée définitive de l’opposition au commandement de payer ici en cause.

G.                               Le 30 novembre 2020, Y.________ recourt contre la décision de l’AiSLP. Elle conclut à l’octroi de l’effet suspensif, et, avec suite de dépens, à l’annulation de la décision et à ce qu’il soit ordonné que la poursuite en cause ne soit pas portée à la connaissance de tiers, en application de l’article 8a al. 3 let. d LP. Elle relève que la décision entreprise ne nie pas que le fait d’accepter une dénonciation d’instance ne confère pas la qualité de partie. Cela étant, elle soutient que le jugement à rendre par le Tribunal civil lui sera certes opposable, mais que le motif de dénonciation, soit la prétendue relation de droit matériel entre le dénonçant (l’assurance) et le dénoncé (l’employeur), s’examinera lors d’un procès subséquent entre eux, le dénoncé pouvant alors soulever les objections propres à invalider ce motif de dénonciation. Le jugement à rendre dans la procédure déjà en cours ne constituera pas un titre de mainlevée définitive contre la recourante. Au surplus, le montant réclamé à A.________ SA dans le procès civil est inférieur de plus de la moitié à celui réclamé par l’assurance à la recourante dans la poursuite ici en cause. Dès lors, il faut considérer qu’aucune procédure en annulation de l’opposition n’est en cours entre A.________ SA et la recourante. En conséquence, la poursuite ne doit pas être portée à la connaissance de tiers. En rapport avec l’effet suspensif, la recourante allègue que la poursuite porte lourdement atteinte à ses intérêts économiques et commerciaux, car elle travaille quotidiennement avec des assurances.

H.                               Dans ses observations du 10 décembre 2020, le Service juridique de l’État, au nom de l’AiSLP, se réfère intégralement aux considérants de la décision entreprise et conclut au rejet du recours, dans la mesure où il est recevable. Il soutient, en se référant à un arrêt genevois, que peu importe que la poursuite porte sur un montant supérieur à celui réclamé dans le procès civil en cours, car la poursuite n’apparaît pas comme infondée.

I.                                 Le 11 décembre 2020, un délai de dix jours a été fixé à la recourante pour d’éventuelles observations sur celles de l’AiSLP. Le 21 décembre 2020, la recourante a demandé une « prolongation de délai unique au 8 janvier 2021 », qui lui a été accordée. Par courrier du 7 janvier 2021, arrivé au Tribunal cantonal le lendemain, la recourante a demandé une nouvelle prolongation au 18 janvier 2021. La demande a été rejetée.

C O N S I D É R A N T

1.                                Selon l'article 18 al. 1 LP, toute décision de l'autorité inférieure peut être déférée à l'autorité cantonale supérieure de surveillance dans les dix jours à compter de sa notification. La compétence de l'ASSLP est fondée sur cette disposition, ainsi que sur l'article 3 al. 1 LILP, l'article 40 al. 2 OJN précisant que la Cour civile du Tribunal cantonal est l'autorité supérieure de surveillance en matière de poursuite pour dettes et de faillite.

2.                                S'agissant de la procédure applicable, le litige est soumis à l'article 20a LP, aux dispositions de la LILP et, à titre supplétif, à la loi sur la procédure et la juridiction administratives (LPJA, art.19 LILP). Le recours est recevable pour violation de la loi et inopportunité (Gilliéron, Poursuite pour dettes, faillite et concordat, 5ème édition, no 254 p. 60). L’ASSLP statue avec un plein pouvoir d'examen, dans le cadre d'une voie de recours réformatoire et non cassatoire (arrêt du TF du 07.10.2005 [7B.229/2004] cons.3), et doit non seulement contrôler la conformité à la loi de la décision attaquée, mais aussi, le cas échéant, substituer son appréciation à celle de l'autorité inférieure (Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, n. 24 ad art. 18 et les références citées).

3.                                Le recours a été déposé dans le délai légal de 10 jours prévu par l'article 18 al. 1 LP et il s'en prend à une décision rendue par l'AiSLP, ce qui ouvre la voie du recours (cf. Gilliéron, Commentaire, n. 10 ad art. 18). La recourante est directement touchée par la décision. Le recours est ainsi recevable.

4.                       Une interdiction faite à l'office des poursuites de porter une poursuite à la connaissance de tiers ne concerne en rien le poursuivant, déjà conscient de la poursuite en cause et dont l'intérêt consiste bien plutôt dans l'exécution de ses prétentions pécuniaires par la continuation de la poursuite, laquelle n'est nullement entravée par une telle mesure ; le poursuivant n’a donc pas qualité pour se plaindre d’une telle interdiction (arrêt du TF du 09.03.2012 [5A_815/2011] ; dans le même sens, arrêt de la Chambre des poursuites et faillites du Tribunal cantonal fribourgeois, du 16.09.2019 [105 2019 134]). Quand il s’agit de déterminer si une non-divulgation doit être décidée par l.ffice, le rôle du créancier poursuivant se limite ainsi – au sens de l’article 8a al. 3 let. d LP – à prouver, quand il y est invité par l’office et le cas échéant, qu’il a engagé à temps une procédure d’annulation de l’opposition, respectivement à apporter cette preuve par la suite. Dès lors, il n’y avait pas lieu d’inviter A.________ SA à participer à la procédure de recours.

5.                       L’article 8a al. 3 let. d LP, en vigueur depuis le 1er janvier 2019, prévoit que les offices ne doivent pas porter à la connaissance de tiers les poursuites pour lesquelles une demande du débiteur dans ce sens est faite à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de la notification du commandement de payer, à moins que le créancier ne prouve, dans un délai de 20 jours imparti par l’office des poursuites, qu’une procédure d’annulation de l’opposition (art. 79 à 84) a été engagée à temps ; lorsque la preuve est apportée par la suite, ou lorsque la poursuite est continuée, celle-ci est à nouveau portée à la connaissance de tiers.

5.1.                  a) Sous la note marginale « Annulation de l’opposition », les articles 79 à 84 LP indiquent par quels moyens le créancier poursuivant peut faire valoir ses droits quand le débiteur a formé opposition au commandement de payer. L’article 79 LP (« Par la voie de la procédure civile ou administrative ») stipule que le créancier à la poursuite duquel il est fait opposition agit par la voie de la procédure civile ou administrative pour faire reconnaître son droit et qu’il ne peut requérir la continuation de la poursuite qu’en se fondant sur une décision exécutoire qui écarte expressément l’opposition. Les articles 80 et 81 LP traitent de la mainlevée définitive, laquelle peut notamment être requise par le créancier qui est au bénéfice d’un jugement exécutoire rendu par un tribunal ou une autorité administrative suisse. Quant aux articles 82 et 83 LP, ils disposent que le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire.

                        b) En l’espèce, A.________ SA n’a pas engagé contre la recourante une procédure d’annulation de l’opposition, au sens strict que les articles 79 ss LP donnent à ces termes. L’AiSLP ne le retient d’ailleurs pas, à juste titre car la dénonciation d’instance ne peut pas conduire le Tribunal civil à prononcer la mainlevée de l’opposition de la recourante, dans le jugement qu’il rendra dans la procédure dont il est actuellement saisi. Le Tribunal civil devra, dans le dispositif, statuer sur les prétentions de X.________ contre A.________ SA et pas sur les prétentions éventuelles de cette dernière contre la recourante, ni en conséquence sur la question de la mainlevée de l’opposition. La dénonciation d’instance n’est pas « une procédure d’annulation de l’opposition (art. 79 à 84) ». Une interprétation littérale de l’article 8a al. 3 let. d LP conduirait ainsi à admettre le recours. Il convient cependant d’examiner encore si, comme l’a retenu en substance l’AiSLP, une interprétation plus large de cette disposition permettrait de considérer que la non-divulgation doit être refusée parce que la dénonciation d’instance pourrait aboutir à ce que le Tribunal civil constate « de fait » l’existence de la créance de A.________ SA envers la recourante, le jugement à rendre par ce tribunal constituant alors un titre de mainlevée définitive contre la recourante.

5.2.                  a) Comme on l’a vu, la mainlevée définitive peut notamment être requise par le créancier qui est au bénéfice d’un jugement exécutoire rendu par un tribunal ou une autorité administrative suisse (art. 80 et 81 LP).

                        La procédure de mainlevée, qu'elle soit provisoire ou définitive, est un incident de la poursuite. La décision qui accorde ou refuse la mainlevée est une pure décision d'exécution forcée, dont le seul objet est de dire si la poursuite peut continuer ou si le créancier est renvoyé à agir par la voie d'un procès ordinaire. Le juge de la mainlevée définitive examine seulement la force probante du titre produit par le créancier, sa nature formelle, non la validité de la créance (ATF 143 III 564 cons. 4.1).

                        Le juge de la mainlevée définitive est compétent pour examiner – d’office – le jugement exécutoire ou les titres y assimilés, ainsi que les trois identités : l'identité entre le poursuivant et le créancier désigné dans ce titre, l'identité entre le poursuivi et le débiteur désigné et l'identité entre la prétention déduite en poursuite et la dette reconnue par le titre (ATF 139 III 444 cons. 4.1.1).

                        b) Selon l’article 78 al. 1 CPC, une partie peut dénoncer l’instance à un tiers lorsqu’elle estime, pour le cas où elle succomberait, qu’elle pourrait faire valoir des prétentions contre lui ou être l’objet de prétentions de sa part (art. 78 al. 1 CPC). Le dénoncé peut intervenir sans autre condition en faveur de la partie qui a dénoncé l’instance, ou procéder à la place de la partie dénonçante si celle-ci y consent (art. 79 al. 1 let. a et b CPC).

                        Celui qui a accepté une dénonciation d’instance devient partie au procès quand il procède à la place de la partie dénonçante, avec le consentement de celle-ci, au sens de l’article 79 al. 1 let. b CPC, mais ne devient pas titulaire du droit litigieux ; il conduit alors le procès à la place du dénonçant (Haldy, in : CR CPC, 2ème éd., n. 3 ad art. 79). Ce n’est pas le cas quand le dénoncé se borne à accepter la dénonciation et intervient en faveur de la partie qui a dénoncé l’instance, au sens de l’article 79 al. 1 let. a CPC.

                        D’après l’article 77 CPC, applicable par analogie à la situation du dénoncé (par renvoi de l’article 80 CPC), un résultat défavorable à la partie principale est opposable à l’intervenant, sauf dans les cas suivants: a. l’état du procès au moment de son intervention ou les actes ou omissions de la partie principale l’ont empêché de faire valoir des moyens d’agir et de défendre ; b. la partie principale a omis, intentionnellement ou par grave négligence, de faire valoir des moyens d’agir ou de défendre que l’intervenant ne connaissait pas.

                        Selon la jurisprudence (ATF 142 III 40 cons. 3.2.1), l'intervenant accessoire ne fait par définition pas valoir des prétentions propres, mais soutient les conclusions d'une des parties principales, qu'il a intérêt à voir triompher. Le jugement qui sera rendu entre les parties principales ne lui sera pas directement opposable, mais il aura valeur de moyen de preuve dans le procès ultérieur entre lui et la partie qu'il a assistée, le « résultat défavorable à la partie principale » lui étant « opposable » (art. 77 CPC ; sous la réserve des cas prévus par l'art. 77 let. a et b CPC).

                        c) Au vu de ce qui précède, il faut considérer que le jugement à rendre par le Tribunal civil dans la procédure actuellement pendante devant lui ne pourra pas valoir titre de mainlevée définitive, en faveur de A.________ SA, contre la recourante. Comme déjà dit, son dispositif ne statuera que sur les prétentions de X.________ contre l’assurance et ne pourra pas condamner la recourante à payer une somme d’argent à A.________ SA. Si cette dernière, sur la base de ce jugement, déposait une requête de mainlevée définitive contre la recourante, le juge de la mainlevée ne pourrait que la rejeter, faute d'identité entre le créancier poursuivant (A.________ SA) et celui désigné par le dispositif du jugement (qui serait X.________), faute également d’identité entre le poursuivi (la recourante) et le débiteur désigné par le jugement (A.________ SA) et faute encore d’identité entre la prétention déduite en poursuite (pour enrichissement illégitime) et la dette établie par le jugement (une dette en paiement de prestations d’assurance) (Abbet, Pratique valaisanne récente en matière de LP, BlSchK 5/2020, p. 198, retient que, pour empêcher la non-divulgation, l’objet de l’action en reconnaissance de dette doit être identique à la créance déduite en poursuite, la cause de la créance étant décisive). Par contre, si le jugement à rendre par le Tribunal civil devait être défavorable à A.________ SA, pour le motif que X.________ n’aurait pas reçu les prestations pour perte de gain auxquelles il avait droit, A.________ SA pourrait ensuite actionner la recourante, par une action en reconnaissance de dette, puisqu’elle avait – ce qui n’est pas contesté par la recourante – versé à celle-ci les prestations dues pour la maladie de son employé ; dans ce cadre, le jugement du Tribunal civil constituerait une preuve qui pourrait être déterminante, mais pas en soi un titre de mainlevée (étant entendu que, dans le cadre d’une procédure au fond contre la recourante, rien n’empêcherait A.________ SA de cumuler des conclusions au fond et en mainlevée).

                        d) Dès lors, la non-divulgation ne peut pas être refusée pour le motif que la dénonciation d’instance produirait les mêmes effets juridiques qu’une procédure d’annulation de l’opposition, au sens des articles 79 ss LP.

5.3.                  a) Reste à examiner si une interprétation large de l’article 8a al. 3 let. d LP pourrait englober – comme assimilable à une « procédure d’annulation de l’opposition (art. 79 à 84) » – toute forme de procédé judiciaire du créancier poursuivant en rapport avec le poursuivi.

                        b) Dans le premier arrêt qu’il a rendu au sujet de l’article 8a al. 3 let. d LP, le Tribunal fédéral a retenu que, s’agissant de la communication de poursuites à des tiers, l’office ne peut examiner que si (objectivement) une procédure d’annulation de l’opposition a été introduite ; il ne doit pas examiner si la procédure en question d’opposition a été introduite à juste titre ou pas, ni comment elle pourrait se terminer (arrêt du TF du 07.05.2020 [5A_319/2020] cons. 2).

                        Il a confirmé cette conclusion dans un arrêt ultérieur, destiné à la publication (arrêt du TF du 22.06.2020 [5A_656/2019] cons. 3, avec des références, notamment aux travaux préparatoires). Il précisait alors que le fait qu’une requête de mainlevée avait été rejetée ne suffisait pas à permettre au débiteur d’obtenir la non-divulgation de la poursuite à des tiers. Il s’est fondé sur une interprétation littérale de l’article 8a al. 3 let. d LP et a considéré qu’il suffisait que la preuve soit apportée de l’introduction d’une procédure au sens des articles 79 à 84 LP – ce qui comprenait les procédures de mainlevée – pour que la poursuite doive être communiquée à des tiers. La loi ne formulait aucune exigence quant au sort de cette procédure. Le Tribunal fédéral s'est référé aux travaux préparatoires de la nouvelle disposition et a rappelé que celle-ci résultait d’une volonté de mettre en place d’un moyen rapide, simple et peu coûteux (« einen raschen, einfachen und kostengünstigen Rechtsbehelf »), indépendant de la décision sur le fondement matériel de la créance (« unabhängig vom Entscheid über den materiellen Bestand der Forderung »), de prévenir la communication de la poursuite à des tiers. Le Conseil fédéral avait proposé que le poursuivi puisse demander la non-divulgation quand le poursuivant avait laissé s’écouler, sans l’utiliser, un certain délai depuis le commandement de payer (« eine bestimmte Frist seit der Zustellung des Zahlungsbefehls unbenutzt verstreichen lassen hat »). Le parlement avait confirmé que l’inaction du créancier après la notification du commandement de payer (« das Untätigbleiben des Gläubigers nach Zustellung des Zahlungsbefehls ») devait justifier la non-divulgation. Le débiteur poursuivi à tort devait pouvoir empêcher que son crédit soit entamé, quand le créancier ne prenait aucune mesure pour continuer la poursuite (« wenn der Betreiber "keine Anstalten" macht, die Betreibung fortzuführen »). Le délai de trois mois se fondait sur le fait qu’on pouvait attendre du poursuivant qu’il s’adresse rapidement au juge pour continuer la poursuite, en partant de l’idée que sa prétention était fondée (« rasch zwecks Fortsetzung des Verfahrens an den Richter wendet, weil er von der Begründetheit seiner Forderung ausgeht »). Il devait suffire que le créancier agisse, pour justifier la communication de la poursuite à des tiers (« Ein blosses Tätigwerden des Gläubigers soll indes ausreichen, um die Nichtbekanntgabe der Betreibung zu begrenzen bzw. deren Bekanntgabe zu rechtfertigen »). Le sérieux d’une poursuite ne devait se mesurer qu’au fait que le créancier avait introduit une procédure permettant de lever l’opposition ou continuait la poursuite. En fonction des travaux préparatoires et du but de la norme, la non-divulgation ne se justifiait que si le créancier, après l’opposition au commandement de payer, était resté sans agir (« untätig geblieben ist »).

                        c) À lire les considérants, le Tribunal fédéral entend s’en tenir à une interprétation littérale de l’article 8 al. 3 let. d LP, dont le sens lui paraît clair, même s’il a émis des considérations générales en rapport avec le comportement que l’on peut attendre du créancier poursuivant. Si l’objectif du législateur était de n’admettre la non-divulgation qu’en l’absence d’action de la part du créancier, cela n’entraîne pas que tout procédé du créancier poursuivant envers le poursuivi s’opposerait à une non-divulgation. L’Office fédéral de la justice semble pencher pour une application stricte du texte légal, puisque dans l’Instruction n° 5 du service Haute surveillance LP (nouvel art. 8a, al. 3, let. d, LP), du 18 octobre 2018, il se réfère à la « procédure visant à faire annuler l’opposition (mainlevée provisoire ou définitive de l’opposition ou action en reconnaissance de dette) » et précise que « pour prouver qu’il a engagé une procédure visant à faire annuler l’opposition, le créancier peut fournir la confirmation de remise à la poste ou l’accusé de réception de la demande de mainlevée ou du mémoire introduisant l’action en reconnaissance de dette ». La doctrine n’envisage pas non plus l’extension de la notion d’action en annulation de l’opposition (Rodriguez/Gubler, Die Abwehr von Betreibungsregistereinträgen ab dem 1. Januar 2019, ZBJV 2019, p. 12 ss ; Abbet, Pratique valaisanne récente en matière de LP, BlSchK 5/2020, p. 198, retient que lorsque le créancier a agi en reconnaissance de dette, selon l’art. 79 LP, « il est nécessaire qu’une demande expresse de levée de l’opposition ait été formulée dans les conclusions, faute de quoi cette demande ne saurait être considérée comme une procédure en annulation au sens de l’article au sens de l’art. 8a al. 3 let. d LP »). À cela s’ajoute le fait qu’il ne saurait être question, quand est en cause un moyen rapide, simple et peu coûteux (« einen raschen, einfachen und kostengünstigen Rechtsbehelf »), indépendant de la décision sur le fondement matériel de la créance (« unabhängig vom Entscheid über den materiellen Bestand der Forderung »), de contraindre l’office à examiner, dans chaque cas, des éléments de fait et de droit d’une procédure en cours pour le créancier pour déterminer si cette procédure peut avoir pour conséquence que la position du débiteur envers ce créancier serait péjorée, mais bien et seulement si le créancier obtiendra du seul fait de cette procédure, directement, l’annulation de l’opposition, au sens strict de la loi. Il convient ainsi de limiter l’examen par l’office, quand il doit traiter une demande de non-divulgation, à quelques constats purement objectifs : a. il y a une poursuite ; b. le poursuivi a fait opposition au commandement de payer ; c. l’office n’a pas connaissance d’un paiement de la dette par le débiteur ; d. le débiteur a attendu l’expiration du délai de trois mois, dès la notification du commandement de payer, pour demander la non-divulgation ; e. le créancier poursuivant a ou n’a pas déposé en temps utile, contre le poursuivi, une requête de mainlevée ou une demande en paiement devant le tribunal compétent (qu’il l’ait fait pour tout ou partie de la dette et qu’une éventuelle requête de mainlevée ait été rejetée est sans importance). L’office ne doit ainsi pas avoir à déterminer si l’issue d’une procédure concernant d’autres parties pourrait avoir une influence sur la preuve de la dette en poursuite, respectivement dans quelle mesure le résultat d’une telle procédure pourrait être opposable au débiteur poursuivi, au sens de l’article 77 CPC.

                        d) Il résulte de ce qui précède que l’article 8a al. 3 let. d LP ne permet pas de refuser la non-divulgation pour le motif qu’une autre procédure que l’une des actions prévues aux articles 79 ss LP, au sens strict, pourrait conduire à démontrer que le poursuivi doit quelque chose au poursuivant. Il convient cependant de préciser qu’un appel en cause, au sens des articles 81 et 82 CPC, pourrait aussi constituer une telle action (l’appel en cause n’était ici pas possible, car la procédure entre X.________ et A.________ SA est une procédure simplifiée : cf. art. 81 al. 3 CPC).

5.4.                  En conséquence, c’est à tort que l’AiSLP a rejeté la plainte du recourant. Le recours de celui-ci doit être admis et la décision entreprise annulée. Il sera ordonné que la poursuite en cause ne soit pas portée à la connaissance de tiers, en application de l’article 8a al. 3 let. d LP.

6.                                Comme il est statué sur le fond, la requête d’effet suspensif est sans objet.

7.                                Dans les procédures de plainte et de recours devant les autorités de surveillance, il n’est pas perçu de frais ni alloué de dépens (art. 20a al. 2 ch. 5 LP, 62 al. 2 OELP).

Par ces motifs,
L’AUTORITÉ SUPÉRIEURE DE SURVEILLANCE
EN MATIÈRE DE POURSUITES ET FAILLITES

1.    Admet le recours.

2.    Annule la décision rendue par l’AiSLP le 17 novembre 2020.

3.    Ordonne que la poursuite no 2019052626 ne soit pas portée à la connaissance de tiers, en application de l’article 8a al. 3 let. d LP, sous réserve de l’introduction ultérieure, par la créancière poursuivante, d’une action en annulation de l’opposition contre la débitrice poursuivie.


 

4.    Statue sans frais, ni dépens.

 

Neuchâtel, le 12 janvier 2021

 

Art. 8a1 LP
Droit de consultation
 

1 Toute personne peut consulter les procès-verbaux et les registres des offices des poursuites et des offices des faillites et s’en faire délivrer des extraits à condition qu’elle rende son intérêt vraisemblable.

2 Cet intérêt est rendu vraisemblable en particulier lorsque la demande d’extrait est directement liée à la conclusion ou à la liquidation d’un contrat.

3 Les offices ne doivent pas porter à la connaissance de tiers:

a. les poursuites nulles ainsi que celles qui ont été annulées sur plainte ou à la suite d’un jugement;

b. les poursuites pour lesquelles le débiteur a obtenu gain de cause dans l’action en répétition de l’indu;

c. les poursuites retirées par le créancier;

d.2 les poursuites pour lesquelles une demande du débiteur dans ce sens est faite à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de la notification du commandement de payer, à moins que le créancier ne prouve, dans un délai de 20 jours imparti par l’office des poursuites, qu’une procédure d’annulation de l’opposition (art. 79 à 84) a été engagée à temps; lorsque la preuve est apportée par la suite, ou lorsque la poursuite est continuée, celle-ci est à nouveau portée à la connaissance de tiers.

4 Le droit de consultation des tiers s’éteint cinq ans après la clôture de la procédure. Les autorités judiciaires et administratives peuvent encore, dans l’intérêt d’une procédure pendante devant elles, demander la délivrance d’un extrait.


1 Introduit par le ch. I de la LF du 16 déc. 1994, en vigueur depuis le 1er janv. 1997 (RO 1995 1227; FF 1991 III 1).
2 Introduite par le ch. I de la LF du 16 déc. 2016, en vigueur depuis le 1er janv. 2019 (RO 2018 4583; FF 2015 2943 5305).