A.                            A.X.________, né en 1967, originaire de Z.________(NE), et B.X.________, née en 1970 en Colombie, se sont mariés en 1998 en Angleterre. Les époux ont eu un fils, prénommé C.________, né en 2002 à U. (Etats-Unis). L’épouse est mère d’une fille d’un premier lit.

Actif dans le secteur horloger, le mari réalise, selon les allégués 10 et 11 de sa requête, un salaire mensuel net de 155'508 francs au service d’une entreprise sise à V.________ (NE) et mène une activité dépendante accessoire aux Etats-Unis. Il perçoit par ailleurs 200'000 francs environ par mois de revenus de sa fortune. Pour sa part, l’épouse n’a plus exercé d’activité lucrative depuis le mariage. Elle tient les revenus maritaux pour plus élevés que les chiffres précités.

B.                            Par requête de mesures protectrices de l’union conjugale du 5 novembre 2018, adressée au Tribunal régional du Littoral et du Val-de-Travers, A.X.________ a conclu à l’autorisation pour les époux de vivre séparés ; à la garde alternée de leur fils, selon modalités à définir entre parties ; à l’attribution à lui-même du logement sis rue (aaaa) à V.________ ; à ce que l’entretien convenable de l’enfant C.________ soit fixé à 14'146 francs par mois, montant dont le requérant s’acquittera directement ; à ce que la contribution d’entretien en faveur de l’épouse ne dépasse pas un montant de 15'570 francs par mois.

Le requérant alléguait que le couple, domicilié à V.________, connaît d’importantes difficultés depuis de nombreux mois ; que l’enfant C.________ y suit sa scolarité dans un internat, dans le canton de Vaud, et mène le week-end une vie très indépendante, faite de voyages avec des amis ; que les époux détiennent, en copropriété, une résidence secondaire à U.________ – la villa ******* – dont il assume tout l’entretien ; qu’il est seul propriétaire d’une maison à W.________(NE)  et d’un appartement à U.________ loué à des tiers ; que la villa susmentionnée, d’un grand volume, a été considérablement endommagée par l’ouragan « Florence » et nécessite des travaux de l’ordre de 1,5 à 2 millions de dollars pour redevenir habitable, de sorte que les époux louent dans l’intervalle une autre villa, d’un loyer mensuel de 32'000 dollars plus charges ; que la villa de W.________ est également inhabitable, en raison de défauts de construction. Détaillant ses charges mensuelles, dont il arrêtait le total à 347'496 francs, le requérant précisait qu’elles n’étaient pas exhaustives mais que, de toute manière, les droits de l’épouse en matière d’entretien devaient être déterminés selon la méthode dite du train de vie de la crédirentière et que ses besoins pouvaient être estimés à 15'570 francs par mois, à savoir : 3'000 francs de base mensuelle ; 4'000 francs de loyer ; 400 francs d’assurance-maladie ; 200 francs de femme de ménage ; 800 francs d’entretien et assurance automobile ; 220 francs de téléphone mobile ; 4'000 francs de shopping ; 500 francs de pressing ; 350 francs de soins de beauté ; 600 francs de voyages et 1'500 francs sous le poste divers, total auquel venaient s’ajouter les charges liées à la villa *******, les impôts et les frais d’entretien de l’enfant C.________, estimés à 14'146 francs (y compris 9'354 francs d’écolage) par mois ; que les relations personnelles de l’enfant avec ses parents peuvent être organisés durant le week-end, que le père fait en sorte de passer régulièrement en Suisse ; enfin, que l’appartement de la rue (aaaa), proche du lieu de travail du mari, lui est nécessaire pour y accueillir des amis et des clients.

C.                            Dans un courrier d’acheminement de la requête du 5 novembre 2018, l’avocat du mari précisait que le lieu de séjour de l’épouse était inconnu et il invitait le tribunal à procéder par voie édictale, après tentative de notification postale infructueuse au « domicile familial ». La convocation à une audience de débats prévue le 29 mars 2019 a été signifiée par pli recommandé à la même adresse que le requérant, non retiré, puis confiée au service communal de la sécurité, le 28 novembre 2018. Selon le rapport dudit service, du 11 janvier 2019, il a été constaté que la destinataire n’habitait plus à cette adresse, son mari, contacté à cinq reprises, affirmant ne pouvoir dire où elle se trouve et le représentant de la gérance précisant qu’elle n’avait jamais résidé à cette adresse. La citation à l’audience a alors été signifiée par voie édictale, dans la Feuille officielle du 25 janvier 2019.

A la veille de l’audience précitée, Me D.________ a adressé au tribunal une demande tendant à son annulation, en précisant qu’un cabinet d’avocats américain, ayant apparemment introduit une procédure de divorce au nom de l’épouse à U.________, avait eu connaissance la veille de la procédure ouverte à V.________ par le mari et l’avait chargé de défendre les intérêts de l’épouse dans ce cadre. L’audience a été annulée et la procuration de l’épouse en faveur de Me D.________ indique un domicile à U.________. Après notification de la requête à l’avocat précité et report, à plusieurs reprises, du délai imparti pour observations (en dernier lieu jusqu’au 20 août 2019), l’épouse a déposé, à la dernière date précitée, des observations limitées aux questions de la compétence judiciaire et du droit applicable. Elle y fait valoir que les époux ont vécu plus de vingt ans à U.________, dans une villa d’ailleurs désignée comme résidence principale, dans la dernière déclaration fiscale du couple ; que le mari a orchestré sa séparation, une année auparavant, en faisant établir par un homme de loi une stratégie destinée à créer un for en Suisse, pays dans lequel une procédure de divorce serait plus avantageuse pour lui qu’en Floride ; qu’il a ainsi fait révoquer son propre visa E-2, et donc celui de l’épouse, pour empêcher cette dernière de saisir valablement un tribunal en Floride, alors même qu’elle y vivait la plupart du temps et que le domicile de W.________ n’était que fiscal. L’intimée contestait donc que l’un ou l’autre des époux soit véritablement domicilié à V.________, à une adresse où le nom du mari n’apparaît pas et où la demande en divorce n’a pas pu lui être notifiée. A supposer même que le mari se soit constitué un domicile à V.________, il ne l’aurait fait qu’aux seules fins de la procédure, commettant de la sorte un abus de droit emportant la nullité de l’acte. De surcroît, selon l’intimée, il n’y avait plus place pour des mesures protectrices de l’union conjugale, vu la procédure de divorce ouverte en Floride, et les articles 10 ou 62 LDIP ne pouvaient pas fonder, en l’espèce, de compétence pour statuer en mesures provisionnelles. Elle concluait donc à l’irrecevabilité de la requête, à constater sans audience et avec suite de frais et dépens (ceux-ci pouvant être arrêtés à 7'000 francs s’il n’y avait pas d’audience).

D.                            La présidente du tribunal civil a décidé de maintenir l’audience appointée, dans l’intervalle, au 27 septembre 2019. A cette occasion, le requérant a pris une conclusion nouvelle, tendant au prononcé de la séparation de biens avec effet à la date précitée, et complété à cette fin ses allégués. Après interrogatoire des parties, la juge a imparti à l’avocat de l’intimée un délai péremptoire au 10 octobre 2019 pour se déterminer sur le fond.

Par mémoire du 10 octobre 2019, l’intimée a conclu principalement à l’irrecevabilité de la requête et, subsidiairement, à son rejet, tout en se ralliant sur le fond aux conclusions du mari quant à l’attribution du logement de V.________, à la garde partagée de l’enfant C.________ et à l’entretien de ce dernier à charge du père. Pour son propre entretien, en revanche, l’épouse concluait au paiement de 115'000 francs par mois, dès le 5 novembre 2018, le tout avec suite de frais et de dépens d’au moins 15'000 francs. En substance, elle contestait la compétence du tribunal, à raison du lieu − dès lors qu’elle n’avait jamais habité V.________ et que le mari n’y avait qu’un domicile fiscal, sa résidence principale se trouvant à U.________ – mais aussi de la matière, vu la demande en divorce déposée par elle-même à U.________, le 4 février 2019. En admettant par hypothèse que le tribunal civil soit compétent, il devrait appliquer le droit américain. Elle se plaignait d’une fraude du requérant, qui avait déplacé l’adresse de sa femme et de leur fils à V.________, contrairement à la réalité, en commettant de la sorte une infraction. Sur le fond, l’intimée alléguait des revenus annuels du mari à hauteur de 4'697'543 francs et une fortune du couple de 87'917'962 francs, qu’elle avait fortement contribué à acquérir en mettant son mari en contact avec des personnes essentielles. Elle contestait que la villa ******** soit une résidence secondaire, le couple y ayant vécu pendant vingt ans et sa propre fille l’occupant dans l’attente que sa mère puisse la rejoindre. Prenant acte du fait que la maison de W.________ est inhabitable depuis 2013, elle y voyait la preuve du caractère fictif du domicile fiscal créé en ce lieu dès 2016. Contestant plusieurs des charges alléguées par le mari, elle estimait les frais liés au maintien de son train de vie à 115'000 francs par mois, soit 4'500 francs de base mensuelle, 7'500 francs de frais d’habitation, 62'500 francs de frais de rénovation (de la villa ********, par reprise du montant allégué par le mari, dès lors que c’est à elle que la villa devait être attribuée), 1'500 francs d’entretien de piscine et jardin, 1'500 francs de femme de ménage, 600 francs d’assurance-maladie, 1'000 francs de dentiste, 500 francs d’assurance automobile, 1'000 francs de soins et beauté, 4'000 francs de shopping, 15'000 francs de voyages et 10'000 francs de frais de conseil (financier et juridique). L’épouse contestait enfin la conclusion additionnelle du mari en séparation de biens, faute d’allégués recevables et suffisants à cet égard et vu l’application du droit américain en la matière, ou subsidiairement les conditions strictes posées par l’article 176 al. 1 ch. 3 CC.

E.                            Sur réquisition de la première juge, l’intimée a exposé, le 28 octobre 2019, les motifs pour lesquels elle requérait la production d’un dossier civil et l’audition de son fils. De son côté, le requérant a déposé, le 31 octobre 2019, un mémoire de réplique dans lequel il réaffirmait l’existence de son domicile à V.________ et contestait celui de l’épouse en Floride, faute de tout statut légal. Il soulignait que la procédure de divorce ouverte aux Etats-Unis après l’introduction de la présente cause n’avait aucune chance d’aboutir, faute de compétence des autorités américaines, alors que celle des autorités neuchâteloises résultait des articles 46, subsidiairement 10 LDIP. Il revendiquait l’application du droit suisse et réaffirmait la nécessité du prononcé de la séparation de biens.

F.                            Par décision du 11 novembre 2019, la présidente du tribunal civil a reconnu la compétence de sa juridiction et, autorisant les époux à vivre séparés, elle a institué une garde alternée de l’enfant C.________ et condamné le père à assumer ses frais d’entretien, arrêtés à 14'200 francs par mois, dès le 1er novembre 2018. Elle a par ailleurs condamné le mari à verser à sa femme une contribution d’entretien mensuelle de 17'100 francs, dès le 5 novembre 2018, tout en donnant acte aux parties que le mari assumerait les charges courantes et financières des immeubles sis en Floride et à W.________ et en donnant acte au mari de sa jouissance exclusive de l’appartement sis rue (aaaa) à V.________. Elle a rejeté la conclusion de l’épouse tendant à l’attribution de la villa « ******* », lui a attribué la jouissance du véhicule Range Rover et a rejeté toute autre ou plus ample conclusion, en mettant les frais à charge du mari par 1'000 francs et de l’épouse par 300 francs et condamnant le premier à verser à la seconde une provisio ad litem de 4'200 francs, remboursable à 90 %.

                        En substance, la présidente du tribunal a observé que la demande en divorce de février 2019 n’avait pas été produite, ni aucun document officiel relatif à cette procédure, et que l’épouse admettait n’être plus allée en Floride depuis juillet 2018 ; que son visa, expiré en janvier 2018, n’avait pas été renouvelé, de sorte qu’elle ne remplissait pas la condition de recevabilité d’une demande en divorce, selon les Statuts de Floride, ni d’ailleurs celles de reconnaissance d’un éventuel jugement de divorce, selon l’article 65 al. 2 LDIP. La première juge ajoutait que, même en présence d’une procédure de divorce à l’étranger, la compétence des autorités suisses pourrait se fonder sur l’article 10 LDIP pour prononcer des mesures urgentes et nécessaires, ce qui était manifestement le cas pour l’enfant et pourrait le devenir pour l’épouse. Examinant ensuite sa compétence locale, au regard de l’article 46 LDIP, elle a exposé qu’il ne « fait aucun doute, au vu des pièces produites et des déclarations des parties, que le requérant s’est effectivement constitué un domicile à V.________ », même si son activité professionnelle rendait sa présence en ce lieu irrégulière et limitée dans le temps. En effet, sa nationalité suisse, sa domiciliation fiscale de plus de 10 ans dans le canton, la possession d’un bien immobilier et la scolarisation en Suisse de l’enfant du couple étaient autant d’indices d’un centre d’intérêts à V.________, ce que ne démentait pas la mention d’un domicile principal à U.________ dans la déclaration fiscale 2016, sans doute dépassée. Après avoir rejeté la réquisition de dossier judiciaire de l’intimée, parce qu’elle portait sur un fait constant (le caractère inhabitable de la maison de W.________), et estimé que l’audition de l’enfant C.________, presque majeur et menant une vie d’internat assez indépendante de ses parents, n’était pas indispensable, la présidente du tribunal a considéré que le domicile de l’enfant était en Suisse et fondait sa compétence pour statuer, selon le droit suisse, sur sa garde, qui pouvait être alternée, malgré l’absence de communication entre les parents. Elle a attribué le logement de V.________ au mari (l’épouse ne s’y opposant pas). Si elle a dénié sa compétence pour statuer sur l’attribution de la villa ********, celle-ci ne constituant plus un lieu de vie des époux, ni même de l’un d’entre eux, au moment de la décision, elle a en revanche attribué le véhicule Range Rover à l’épouse, vu l’accord des époux sur ce point. Au sujet de l’entretien de l’enfant, la première juge a observé que le montant proposé par le père était appuyé par divers justificatifs et permettait un entretien convenable, y compris un écolage élevé dans l’internat où il étudie, de sorte qu’elle a retenu ce montant, alors que la mère n’en articulait aucun. S’agissant de l’entretien de l’intimée, la juge a opté, en se référant à la jurisprudence, pour la méthode dite du maintien du train de vie, en précisant qu’il appartenait à l’époux créancier d’alléguer et de rendre vraisemblables les dépenses nécessaires à cette fin et qu’il n’était pas insoutenable de prendre en compte des dépenses de luxe, sauf si elles étaient si insolites qu’elles ne pouvaient plus raisonnablement entrer dans la notion d’entretien. Examinant ensuite les chiffres énoncés par les deux époux à ce sujet, elle a observé que l’épouse ne fournissait pas la moindre pièce à l’appui des besoins qu’elle affirmait, lesquels pouvaient dans certains cas être considérés comme insolites (1'000 francs par mois de frais de dentiste et 15'000 francs par mois de voyages). L’estimation de certains frais (assurance-maladie notamment) était rendue délicate par le fait que l’intimée refusait d’indiquer son lieu de résidence actuel et futur. Si certains postes donnaient lieu à des estimations concordantes des époux et pouvaient être retenus sans autre, la première juge a évalué les autres postes en retenant la plupart du temps le montant proposé par le mari, faute de pièce contraire. Elle a toutefois estimé les frais de voyage à 2'000 francs par mois (soit plus que les 600 francs estimés par le mari mais bien moins que les 15'000 francs articulés par l’intimée), afin qu’elle puisse maintenir un contact régulier avec son fils. S’estimant liée par les conclusions des parties, qui n’indiquaient aucune charge fiscale pour l’épouse, la juge n’a arrêté aucun montant à ce titre, tout en observant que l’intimée devrait assumer des impôts sur les contributions d’entretien perçues. Il résultait de ces diverses appréciations un montant global de 17'100 francs par mois, avec la précision que le mari continuerait d’assumer les charges des immeubles de Floride et de W.________, comme les impôts des deux parties. Enfin, les allégations fondant la conclusion en séparation de biens n’étaient pas établies à satisfaction, ce qui conduisait à son rejet, en l’état. S’agissant des frais, le fait que le requérant l’emportait dans une très large mesure devait être tempéré par la claire inégalité des parties du point de vue économique. Quant aux dépens, ils pouvaient être estimés à 10 % du montant de la provisio ad litem accordée à l’épouse, soit 4'200 francs pour une activité estimée à 15 heures.

G.                           B.X.________ fait appel de la décision précitée, dont elle demande l’annulation, suivie, à titre principal, d’un constat d’incompétence des juridictions neuchâteloises et, subsidiairement, d’un nouveau prononcé faisant intégralement droit à ses propres conclusions au fond. En ce qui concerne la compétence judiciaire, l’appelante souligne que les époux disposaient d’un domicile fiscal à W.________, en parallèle au domicile réel à U.________ dont ils ont joui pendant une vingtaine d’années, jusqu’au moment où le mari a échafaudé un plan pour l’empêcher d’agir en divorce en Floride et pour ouvrir lui-même une procédure matrimoniale en Suisse. Or la juge de première instance n’a tenu aucun compte de ce stratagème démontré, en dépit des contradictions auxquelles mène son raisonnement : domicile du requérant en Suisse depuis 2009, sans être séparé de sa femme et de son fils dont le domicile était à U.________ jusqu’en 2018 ; aucune boîte aux lettres à son nom là où se trouve son prétendu domicile ; femme de ménage payée à U.________ par le mari alors qu’il vivrait à V.________ ; résidence principale en Floride, selon la dernière taxation fiscale. En tous les cas, c’est le droit américain qui aurait dû être appliqué, vu les liens bien plus étroits des parties avec la Floride qu’avec la Suisse. En ce qui concerne l’enfant C.________, l’appelante observe que les parties ont pris des conclusions similaires, mais elle considère que son audition était nécessaire néanmoins, à titre de moyen de preuve de ses lieux de séjour passés et de ses intentions, comme de ses souhaits en matière de garde et de ses besoins d’entretien. Elle critique également le rejet, par la première juge, de sa conclusion en attribution de la « villa ******* », pour un motif – l’incompétence locale – qui aurait dû entraîner l’irrecevabilité de cette conclusion et qui contredit l’affirmation antérieure de l’incompétence de la juridiction de Floride. Ce rejet fait abstraction de son argumentation selon laquelle elle n’a que temporairement perdu son statut de résidente en Floride et omet le fait que le mari n’a pas lui-même demandé l’attribution de ce bien. Si donc l’usage de la villa doit être attribué à l’appelante, il convient d’inclure à sa contribution d’entretien le montant des coûts de la villa. Quant aux autres frais liés au train de vie de l’appelante, celle-ci fait grief au tribunal civil d’avoir sans raison préféré les évaluations du mari aux siennes, alors qu’elles n’étaient pas plus documentées, et d’aboutir ainsi à un montant de contribution ridicule par rapport aux revenus dont dispose le mari. Enfin, l’appelante s’en prend au montant trop faible de la provisio ad litem accordée, qui devait être fixée en application de l’article 60 du Tarif des frais, vu les intérêts patrimoniaux importants qui étaient en jeu, et en offrant à l’intimée la possibilité de déposer un décompte qu’elle avait annoncé. En outre, le caractère remboursable de la provision est incompréhensible, faute de toute motivation, et il n’a aucun fondement dès lors que l’épouse est sans ressources propres. Pour ce qui est de la procédure d’appel, une nouvelle provision devra lui être accordée, à défaut de dépens, sans qu’il y ait lieu d’évaluer à cette fin les chances de succès de l’appel.

H.                            Dans sa réponse à appel du 13 décembre 2019, A.X.________ conclut à l‘irrecevabilité, subsidiairement au rejet intégral de l’appel. Affirmant que les époux s’entendent sur les questions relatives à leur fils, mais aussi sur la « prise en charge par A.X.________ des charges courantes et financières relatives aux immeubles sis en Floride et à W.________ et des impôts des deux époux », il considère que l’appel est insuffisamment motivé, faute notamment de désignation précise des motifs critiqués de la décision, de démonstration de violation des dispositions légales citées, l’appelante se contentant de « simples remarques à l’encontre de la décision du 11 novembre 2019, sans expliquer en quoi celle-ci serait arbitraire dans son résultat », de sorte que l’appel doit être déclaré irrecevable. Abordant néanmoins les motifs de l’appel sur le fond, l’intimé fait valoir que la procédure de divorce ouverte à U.________ « est à ce jour enlisée et selon toute vraisemblance une décision d’irrecevabilité sera prochainement rendue », en ajoutant qu’on ne sait même pas « s’il y a réellement eu un dépôt d’action », faute de toute pièce produite. Outre le fait que l’épouse ne peut être domiciliée en Floride et n’y a plus séjourné depuis juillet 2018 au moins, l’intimé souligne qu’une procédure de divorce ouverte postérieurement à une requête de mesures protectrices de l’union conjugale n’a pas pour effet de dessaisir l’autorité suisse à laquelle cette requête avait été soumise. Se penchant ensuite sur la notion de domicile, l’intimé affirme que le sien se trouve à V.________, pour les motifs retenus en première instance et sans qu’importent les domiciles antérieurs de la famille ni le lieu de résidence de l’épouse. Il conteste tout abus de droit, notamment dans le fait de recueillir un avis de droit (parvenu à l’épouse dans des circonstances « pour le moins douteuses » note-t-il) sur les chances de succès d’une procédure de divorce dans différents pays, dès lors qu’il ne s’est pas créé un domicile en Suisse aux seules fins de la procédure. Il souligne que le droit suisse a été appliqué à juste titre, la seule propriété de biens immobiliers en Floride ne créant pas de lien plus étroit avec les Etats-Unis que tous ceux existant avec la Suisse, tels que relevés en première instance. S’agissant des obligations d’entretien, auxquelles le droit suisse s’applique selon l’intimé, celui-ci souligne avoir fourni des preuves par titres de ses revenus et charges, contrairement à l’appelante. Il appuie, point par point, les appréciations de la première juge au sujet du train de vie de l’épouse et considère en particulier que l’attribution de la « villa ********» à l’épouse eût été à tout le moins prématurée, ce bien constituant tout au plus une résidence secondaire, pour l’heure inhabitable, de sorte qu’il se justifiait de ne pas se prononcer à ce sujet. Enfin, l’intimé relève que la provisio ad litem est par nature remboursable et que le mémoire d’honoraires produit en appel est non seulement tardif et irrecevable mais encore impropre à justifier toutes les opérations qui y sont mentionnées. Il s’oppose par ailleurs à l’octroi d’une nouvelle provision pour la procédure d’appel, les moyens de l’épouse étant suffisants à cet égard.

I.                              Le juge instructeur de l’appel a fait savoir aux parties qu’il n’estimait pas nécessaire un deuxième échange d’écritures, ni la tenue d’une audience, mais qu’il entendait consulter l’enfant C.________ sur son souhait d’être entendu. Ce dernier a répondu par la négative et les parties n’ont pas réagi.

C O N S I D E R A N T

1.                            a) L’appel est dirigé contre une décision de mesures provisionnelles, au sens de l’article 308 al. 1er let. b CPC (ATF 137 III 475), et cette voie est ouverte pour autant (si les mesures régissent le domaine patrimonial) que la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions, soit de 10'000 francs au moins (art. 308 al. 2 CPC). En l’espèce, la requête du 5 novembre 2018 comportait la reconnaissance de contributions d’entretien de 29’716 francs par mois, alors que la réponse du 10 octobre 2019 tendait au paiement à l’épouse d’une contribution d’entretien mensuelle de 115’000 francs, outre l’entretien de l’enfant du couple et la provisio ad litem requise. La divergence des conclusions des parties emporte donc, selon la règle de l’article 92 al. 2 CPC (voir les interrogations de CR-CPC Tappy, N. 10a ad art. 92), une valeur litigieuse de plus de vingt millions de francs (environ 100’000 francs x 12 x 20). L’appel est donc à l’évidence ouvert.

                        b) L’appelante a reçu la décision querellée le 15 novembre 2019, si bien que l’appel posté le 25 novembre 2019 intervient en temps utile (art. 314 al. 1er CPC).

2.                            L’intimé tient l’appel pour irrecevable car insuffisamment motivé. Il est vrai que les motifs développés par l’appelante ne sont pas toujours énoncés de manière limpide (notamment les liens qu’elle établit entre le droit applicable, traité aux ch. 21 et 22 de son mémoire, et la compétence des autorités suisses, discutée au même chapitre) et que les dispositions légales prétendument mal appliquées ne sont pas désignées, si ce n’est globalement au ch. 2 de l’appel. Les exigences de motivation ne sont pas décrites à l’article 311 CPC, mais elles ont fait l’objet d’une jurisprudence assez abondante (voir les références citées par CPra Matrimonial-Sörensen, art. 311 CPC, n. 16 à 21). Le Tribunal fédéral souligne certes que « le procès se présente différemment en seconde instance, vu la décision déjà rendue. L'appelant doit donc tenter de démontrer que sa thèse l'emporte sur celle de la décision attaquée. Il ne saurait se borner simplement à reprendre des allégués de fait ou des arguments de droit présentés en première instance, mais il doit s'efforcer d'établir que, sur les faits constatés ou sur les conclusions juridiques qui en ont été tirées, la décision attaquée est entachée d'erreurs. Il ne peut le faire qu'en reprenant la démarche du premier juge et en mettant le doigt sur les failles de son raisonnement. Si ces conditions ne sont pas remplies, l'appel est irrecevable » (arrêt du TF du 29.08.2019 [4A_610/2018] cons. 5.2.2.1). Cela n’impose pas, cependant, une désignation minutieuse, voire scolaire, des passages critiqués ni, encore moins, l’invocation solennelle des dispositions que la partie appelante estime mal appliquées. Il suffit, sous peine de tomber dans l’excès de formalisme, qu’une simple confrontation de l’appel et de la décision attaquée permette de comprendre sur quoi portent les critiques de l’appelante, sans que celle-ci ne se borne à réaffirmer mécaniquement ses raisonnements de première instance. Il n’y a pas non plus, quoi que l’intimée paraisse affirmer en page 6 de sa réponse, de démonstration d’arbitraire du résultat à mener en appel.

                        Pour résumer les motifs de l’appel ici examiné, il est vrai que l’appelante n’est pas très claire sur la manière dont elle entend regagner la Floride et sur ce qui fonderait dans l’intervalle une compétence judiciaire en ce lieu, mais elle conteste le point décisif en matière de compétence de l’autorité suisse, soit le domicile du requérant à V.________. Elle reprend le moyen tiré de l’abus de droit, sans pouvoir s’étendre sur le raisonnement tenu en première instance dès lors que la question n’a pas été expressément traitée (hormis une mention au ch. 1.4.1 de la décision attaquée). Elle critique le fait que l’enfant C.________ n’ait pas été entendu comme elle l’avait requis et elle fait valoir une contradiction de la décision attaquée, quant au refus de statuer sur l’attribution de la « villa ******** ». Elle soutient, au sujet des besoins impliqués par le train de vie antérieur des époux, que la position du mari n’était pas mieux documentée que la sienne et qu’il y a une disproportion entre les revenus du mari et la contribution qui lui est accordée. Enfin, elle invoque implicitement une violation de son droit d’être entendue (sous forme de dépôt du mémoire d’honoraires de son mandataire après administration des preuves qu’elle avait requises, comme elle l’annonçait) et estime très insuffisante la provision de frais qui lui a été accordée, de même qu’incompréhensible son caractère largement remboursable. Globalement, ces griefs sont compréhensibles, sinon d’emblée convaincants, et l’appel apparaît comme recevable dans son principe.

                        Il s’impose toutefois de constater, d’office, que les conclusions subsidiaires 6 let. c et d de l’appel, tendant uniquement à ce que la cour détermine l’entretien convenable de l’enfant et le mette à la charge du père, sont irrecevables faute d’être chiffrées, ce qui vaut même pour les objets soumis à la maxime d’office (voir par exemple l’arrêt du TF du 18.02.2019 [5A_3/2019] et la jurisprudence citée).

3.                            L’appelante fait valoir que le tribunal civil n’avait pas de compétence matérielle pour statuer en mesures protectrices, vu la demande en divorce ouverte par elle en Floride. A ce propos, la première juge relevait que ni la demande en divorce, ni « d’autres documents officiels » n’ont été produits, ce qui n’est pas entièrement exact comme on le verra ci-après. De son côté, l’intimé laisse entendre qu’on « ne sait même pas s’il y a réellement eu un dépôt d’action ou si une litispendance a été créée », ce qui ne manque pas d’aplomb puisque, à la phrase précédente, il observait que cette procédure était « à ce jour enlisée », ce qui ne se conçoit guère d’une procédure inexistante, et que surtout, dans ses observations du 31 octobre 2019, il exposait, pièces officielles à l’appui, que la procédure « ouverte aux USA le 4 février 2019 » n’était pas avancée et que l’avocat de la demanderesse entendait répudier son mandat (et, comme on peut le lire sur la pièce 36 déposée en annexe, réserver ses droits au paiement d’honoraires chiffrés, au 31 août 2019, à 70'225.45 dollars).

                        Si l’un des époux ouvre à l’étranger une procédure de divorce ce qui implique, pour le débat à ce sujet dans une procédure suisse, un caractère international (art. 1er LDIP) , le principe veut que, « à moins que le juge des mesures protectrices constate d'emblée que le jugement de divorce étranger ne pourra manifestement pas être reconnu en Suisse, la compétence des autorités suisses pour rendre des mesures protectrices de l'union conjugale tombe, seules des mesures provisionnelles pouvant être ordonnées en application de l'art. 10 LDIP durant la procédure de divorce pendante à l'étranger ou selon l'art. 62 LDIP si une procédure de divorce est également pendante en Suisse » (arrêt du TF du 26.08.2016 [5A_214/2016] cons. 5.1, avec référence notamment à l’ATF 134 III 326). La règle de l’article 276 al. 2 CPC (maintien des mesures protectrices durant la procédure de divorce) ne vaut que pour les mesures déjà prononcées lorsque la procédure de divorce est intentée. A suivre la règle principale qui vient d’être énoncée, la compétence neuchâteloise pour statuer en mesures protectrices de l’union conjugale devrait effectivement être niée. Toutefois, comme observé par la première juge, la reconnaissance en Suisse d’un éventuel jugement de divorce rendu en Floride devrait s’examiner, en l’absence de traité international, à la lumière de l’article 65 LDIP. Comme il est patent qu’aucun des époux n’a la nationalité américaine, la reconnaissance en Suisse d’un tel jugement exigerait à la fois (art. 65 al. 2 let. a LDIP) que l’épouse ait eu en Floride son domicile ou sa résidence habituelle et que le mari n’ait pas eu son domicile en Suisse. La deuxième condition sera examinée plus loin, mais la première n’est à l’évidence pas remplie : l’intention ou l’espoir de s’établir en Floride ne suffit pas. En effet, le « domicile au sens de l'art. 59 LDIP est déterminé d'après les critères de l'art. 20 al. 1 let. a LDIP, dont la teneur correspond à celle de l'art. 23 CC (FF 1983 I p. 307/308). La notion de domicile comporte deux éléments: l'un objectif, la présence physique en un lieu donné; l'autre subjectif, l'intention d'y demeurer durablement. Pour déterminer si une personne réside dans un lieu déterminé avec l'intention de s'y établir, ce n'est pas la volonté interne de l'intéressé qui est décisive, mais les circonstances objectives, reconnaissables pour les tiers, qui permettent d'en déduire une telle intention » (arrêt du TF du 05.04.2012 [5A_659/2011] cons. 2.2.2 avec référence à l’ ATF 119 II 64). Comme elle l’a admis lors de son interrogatoire, le 27 septembre 2019, l’appelante n’est « pas retournée en Floride depuis le mois de juillet 2018 » du fait déclarait-elle qu’elle n’avait plus de visa, suite à la renonciation du mari à son propre visa. Vu le conseil figurant à cet égard dans l’avis de droit délivré au mari, l’explication est vraisemblable, mais il n’en reste pas moins que l’épouse n’exerçait plus de présence physique en Floride depuis plus de six mois, lors du dépôt de sa demande en divorce du 4 février 2019. De même, « la résidence habituelle est basée sur une situation de fait et implique la présence physique dans un lieu donné; la résidence habituelle de l'enfant se détermine ainsi d'après le centre effectif de sa propre vie et de ses attaches » (arrêt du TF du 08.01.2013 [5A_809/2012]) et, si l’opinion est soutenue en doctrine qu’ « une brève interruption ne devrait pas supprimer la résidence habituelle » (CPra-Matrimonial / Othenin-Girard, Annexe Ia, N. 26), l’absence de l’appelante en Floride va clairement au-delà d’une brève interruption puisqu’on ne sait pas, pour l’heure, si et quand elle sera éventuellement autorisée à y séjourner de nouveau. Non seulement la reconnaissance en Suisse d’un éventuel jugement de divorce prononcé dans ces conditions paraît d’emblée exclue, mais la possibilité d’obtenir un tel divorce semble se heurter à l’article 61.021 des lois de Floride, lequel requiert qu’une des parties ait séjourné six mois « in the state before the filing of the petition », par quoi il faut certainement comprendre un séjour immédiatement antérieur au dépôt de la demande.

                        Ainsi, la compétence matérielle du tribunal civil doit être admise, sans qu’il soit nécessaire de rechercher si elle peut se fonder sur l’article 10 LDIP, ce qui devrait a priori être nié, à tout le moins sous l’angle du péril en la demeure que ne peut nullement invoquer le mari.

4.                            De l’avis de l’appelante, le stratagème du mari afin de soumettre le procès de divorce aux autorités suisses constitue un abus de droit excluant la compétence ainsi recherchée. En soi, le concept d’abus de droit en matière de for est reconnu, notamment lorsque la question de la compétence repose sur des faits dits de double pertinence, appréciés dans un premier temps sur la seule base des allégués, moyens et conclusions de la demande. En pareille hypothèse, l’abus de droit est reconnu « lorsque la demande est présentée sous une forme destinée à en déguiser la nature véritable ou lorsque les allégués sont manifestement faux. Dans ces situations d'abus, la partie adverse doit être protégée contre la tentative du demandeur de l'attraire au for de son choix » (ATF 141 III 294, 300). Rien de tel en l’occurrence, cependant, et l’appelante ne désigne pas avec une précision particulière le comportement qui constituerait un abus de droit : d’une part, elle jugeait « écœurante » la façon dont le mari avait requis un avis de droit comparatif en vue d’une procédure matrimoniale, avant de s’y conformer ; d’autre part, elle estimait que l’éventuelle création d’un domicile en Suisse « n’aurait eu pour but que l’introduction d’une action en justice et devrait être considérée comme un abus de droit ». Sur le premier point, on ne peut considérer comme contraire à la bonne foi ou abusif de droit le fait de se renseigner sur les conséquences judiciaires d’une procédure matrimoniale, selon qu’elle sera introduite dans l’un ou l’autre des pays avec lesquels le couple en difficulté a des liens. Une telle approche, peut-être calculatrice et prosaïque, répond à une interrogation assez naturelle et ne deviendrait abusive que si elle entraînait la mise en œuvre d’une fraude à la loi ou de moyens de pression ou de contrainte inadmissibles. On pourrait l’envisager si l’intimé avait forcé sa femme à quitter le territoire des Etats-Unis, en usant de pressions physiques ou morales, mais on ignore les circonstances dans lesquelles les époux ont quitté (ensemble ou séparément) la Floride. La renonciation au visa E-2 déclarée par le mari, à l’automne 2018 semble-t-il, peut être considérée comme une entrave faite à l’épouse d’agir en divorce en Floride (cette démarche était expressément présentée comme telle, dans l’avis de droit du 26 août 2018), mais il n’est pas établi que cet acte se soit accompagné d’une réorganisation du mode de vie de la famille et qu’il ait donc dépassé le cadre d’une mesure de précaution, si déplaisante soit-elle pour l’épouse. Il est clair par ailleurs que le mari a des liens relativement étroits avec la Suisse on y reviendra plus loin et que le choix de ce for n’est pas totalement arbitraire et sans nul ancrage dans la réalité. Le seul fait que le mari ait obtenu la délivrance, le 1er octobre 2018, d’une attestation de domicile de l’épouse à V.________, rue (aaaa) ce qui contredit manifestement la réalité puisque, de son propre aveu, elle « n’a pas habité un seul jour » à cette adresse n’équivaut pas à une élusion des règles de for ni de droit matrimonial puisque cette donnée de fait n’était pas décisive pour le cours du procès. Certes, la notification de la requête à ladite adresse avait une allure de farce, sans qu’il soit établi cependant qu’une notification par voie édictale ait pu être évitée, le mari ne connaissant apparemment pas le lieu de séjour régulier de sa femme au moment de l’introduction de l’instance. Le moyen déduit d’un abus de droit de l’intimé doit ainsi être rejeté.  

5.                            Il reste à dire si le mari avait, au moment du dépôt de la requête de mesures protectrices de l’union conjugale, son domicile ou sa résidence habituelle (art. 46 LDIP) à V.________. A cette fin, la Cour doit examiner, comme dit plus haut, « les circonstances objectives, reconnaissables pour les tiers, qui permettent d'en déduire » l’intention, même récente, de s’établir en ce lieu. Cet examen ne conduit pas à une conclusion aussi catégorique que celle de la première juge (cf. lettre F ci-dessus). Certes, le domicile fiscal de l’intimé se trouve dans le canton de Neuchâtel, apparemment sans interruption, depuis le 1er janvier 2008 (cf. le résumé d’accord passé entre l’avocat du mari et le chef du service des contributions, le 30 septembre 200) et il n’y a aucune raison de voir là, dix ans avant la procédure actuelle, une manœuvre préparatoire dans ce but. Cependant, une telle circonstance ne constitue qu’un indice, propre « à faire naître une présomption de fait à cet égard […. qui] peut être renversée par des preuves contraires » (ATF 125 III 100, 101). La propriété d’immeubles à W.________ et à U.________ les deux villas étant désignées comme résidences principales dans la déclaration fiscale 2016 (annexe 5) , est d’autant moins décisive que ces deux maisons sont considérées par les époux comme actuellement inhabitables, celle de W.________ en raison de défauts de construction constatés en 2013 déjà et celle de U.________ suite au passage de l’ouragan Irma en 2015 (p. 27 de la déclaration fiscale américaine). On ne sait pas exactement quel est l’usage de l’appartement (xxx xx xxx) de U.________ (p. 26.1 de la déclaration fiscale américaine), ni de la villa « xxxxxxx », louée du 1er novembre 2017 au 31 octobre 2018, pour un loyer annuel de 384'000 dollars, soit évidemment bien plus que les 51'000 francs de l’appartement de la rue (aaaa) à V.________. Compte tenu des moyens financiers très élevés de l’intimé, le critère des coûts de logement révélateurs de l’attachement à un lieu perd cependant ici l’essentiel de sa portée. L’activité professionnelle du mari (l’import-export horloger, selon ses déclarations) lui impose sans doute de nombreux voyages et il est concevable que plusieurs endroits puissent prétendre, de manière assez équivalente, au titre de centre de ses intérêts. En page 32 de sa déclaration fiscale américaine, A.X.________ déclare avoir passé aux Etats-Unis 202 jours en 2016 (les dates apparaissent en page 42, avec notamment un séjour ininterrompu du 29 mars au 14 mai), 168 en 2015 et 134 en 2014, ce qui implique à l’évidence plus qu’un lieu de passage. On sait toutefois que le fils des parties suit sa formation scolaire en Suisse depuis l’été 2018, ce qui a pu entraîner un certain déplacement du centre d’intérêts de son père dans la même direction. L’entreprise F.________ Sàrl, qui apparaît dans la déclaration fiscale de l’intimé comme son employeur a son siège à V.________ (on notera qu’il n’est que l’un des trois associés gérants, selon le registre du commerce, mais que la raison sociale F.________ coïncide avec son lieu de naissance au Royaume-Uni, ce qui traduit sans doute un lien assez étroit avec la société). S’il n’est nullement démontré qu’une présence physique fréquente à V.________ soit nécessaire, il faut tout de même voir dans cette proximité un indice de résidence en ce lieu, outre le fait que l’intimé soit originaire de Z.________ et qu’il ait passé toute son enfance et son adolescence en Suisse.

                        En définitive, s’il n’est pas manifeste que le mari ait le centre de ses intérêts à V.________, il n’y a aucun indice sérieux qu’il ait maintenu ou installé ce centre d’intérêts dans un autre endroit, en Floride notamment (bien que la famille y ait certainement eu son domicile durant l’enfance du fils des parties), de sorte que la décision de première instance doit être confirmée s’agissant de la compétence ratione loci.

6.                            A titre subsidiaire, l’appelante conclut à une modification sensible de la contribution d’entretien en sa faveur. Elle fait au préalable valoir que c’est le « droit américain » qui est applicable, sans préciser dans quelle mesure ni avec quelles conséquences. Vu l’absence de convention internationale entre les Etats-Unis et la Suisse à ce sujet (et l’appelante ne soutenant pas qu’elle serait domiciliée dans un autre Etat partie à une telle convention internationale), la question du droit applicable relève de l’article 48 LDIP (les mesures protectrices de l’union conjugale s’inscrivant dans le cadre des effets généraux du mariage). Cette disposition prescrit l’application du droit de l’Etat de domicile commun des époux ou, à défaut, du « droit de l’Etat du domicile avec lequel la cause présente le lien le plus étroit » (art. 48 al. 2 LDIP). En l’espèce, il n’est pas sérieusement soutenable que l’appelante soit domiciliée en Suisse et il convient donc de déterminer l’Etat avec lequel la cause présente le lien le plus étroit. S’il est clair qu’il n’y a pas à suivre de règle schématique à ce sujet, telle l’application automatique du droit du dernier domicile commun des époux, et qu’il faut donc opter entre le droit du domicile de l’une ou l’autre des parties (comme exposé par l’Obergericht zurichois, dans un arrêt du 19 juillet 2018, LE 180039, c. 2.4.1), il est admis (outre l’arrêt précité, voir en doctrine Kren Kostkiewicz, Schweiz. Internationales Privatrecht, Bes. Teil, § 10, Eherecht, p. 290, ainsi que Widmer Lüchinger, Zürcher Kommentar zum IPRG, N. 25 ad art. 48) que la question doit être résolue séparément pour chacune des mesures requises, en fonction du lieu où le besoin de protection se manifeste (voir également CPra-Matrimonial / Othenin-Girard, Annexe I c, N. 18-19, lequel évoque aussi, par référence à d’autres auteurs, « la loi la plus protectrice de l’union conjugale », tout en relevant « que ce fil conducteur n’est pas toujours adéquat »). En l’espèce, le droit de l’Etat de Floride est probablement celui du dernier domicile commun des époux, mais il ne correspond plus au lieu de résidence de l’un ni de l’autre d’entre eux ; on doit en outre observer que ce droit ne connaît pas, à première vue, de procédure équivalente aux mesures protectrices de l’union conjugale et qu’il serait illogique de prendre en compte, au sujet du droit applicable, une procédure de divorce qui ne l’a pas été au moment de statuer sur le for, vu l’impossibilité d’en reconnaître l’issue éventuelle (c. 3 ci-dessus). Il n’apparaît pas, au demeurant, que le droit de l’Etat de Floride comporte, pour ce qui est des contributions d’entretien de nature provisionnelle (Alimony pendente lite, art. 61.071 des Florida Statutes), des dispositions plus protectrices de la partie créancière d’aliments que le droit suisse, lorsqu’il prescrit qu’en cas de requête bien fondée, « the court shall allow a reasonable sum therefor ». Enfin, les revenus du mari qui fondent les conclusions de l’épouse en paiement de pensions sont, sinon tous réalisés, du moins enregistrés en Suisse. Au vu de l’ensemble de ces considérations, il se justifie d’appliquer le droit suisse à l’objet principal du litige, à savoir la contribution du mari à l’entretien de l’épouse.

7.                            Selon l’article 298 CPC, l’audition de l’enfant est de règle dans les affaires du droit de la famille. Le fait, évoqué dans la décision attaquée, que l’audition ne permettrait « pas de clarifier un quelconque point litigieux dans la présente cause » (p. 12) ne constitue pas un juste motif, au sens de l’article 298 al. 1 in fine CPC, car il ne s’agit pas au premier chef d’un moyen de preuve (notamment pas au sujet des aspects procéduraux ou patrimoniaux du conflit, comme semble le penser l’appelante) mais de la mise en œuvre d’un droit de l’enfant. En revanche, le refus d’être entendu, librement exprimé par l’enfant (ce qu’on doit retenir en l’espèce, vu son âge et l’éloignement où il se trouve par rapport à l’un et l’autre parents), doit être considéré comme un juste motif (CPra Matrimonial-Helle, art. 298 CPC, N. 25) et la Cour a donc renoncé à une telle audition.

8.                            La première juge a fait application, pour déterminer la contribution d’entretien due à l’épouse, de la méthode dite du maintien du niveau de vie (de l’époux créancier durant la vie commune). L’appelante ne conteste pas ce choix dans son principe, mais elle estime que le montant « ridicule » qui lui est alloué ne tient aucun compte du « style de vie luxueux mené par les parties durant la vie commune ».

                        De toute évidence, la situation financière du couple rendrait absurde un calcul de pension de l’épouse fondé sur son minimum vital, même élargi, et c’est le maintien de son train de vie antérieur, sans aucun doute possible malgré la séparation (nul n’allègue que les époux auraient dépensé l’intégralité des revenus du couple lorsqu’ils vivaient ensemble et la fortune considérable accumulée durant le mariage démontre d’ailleurs le contraire), qui constitue, selon la jurisprudence, « la limite supérieure du droit à l’entretien », avec la précision qu’il « incombe au créancier de la contribution d'entretien de démontrer les dépenses nécessaires à son train de vie » (arrêt du TF du 13.08.2019 [5A_4/2019] cons. 3.2 et les références citées ; voir également l’arrêt du 29.01.2020 [5A_462/2019] cons. 5.4.2). En l’espèce, l’appelante se limite, devant la cour de céans, à affirmer que « que les deux parties disposaient de revenus et fortunes particulièrement importants et que ces ressources leur permetta[ie]nt d’avoir un style de vie onéreux » et que le montant de 115'000 francs par mois réclamé « s’inscrit dans une proportion raisonnable par rapport à ces revenus » (les 350'000 francs par mois allégués par le mari). Une telle motivation ne permet pas à la Cour de se prononcer sur le coût du train de vie antérieur du couple et, singulièrement, de l’appelante. Elle ne constitue pas non plus une critique ciblée des appréciations portées par la première juge sur les divers frais allégués par l’épouse. Ceux-ci n’étaient d’ailleurs formulés que sous forme d’explication sur l’allégué 43 de la requête du mari, soit une liste d’évaluations des divers frais, sans autre commentaire ni explication. Au demeurant, l’épouse n’a produit aucun document relatif à ses dépenses, ni de l’époque de la vie commune, ni actuelles, quand bien même le mari avait requis « toutes pièces permettant d’attester des dépenses mensuelles de B.X.________ ». On ne saurait dire que l’épouse ait démontré de la sorte les dépenses nécessaires au maintien de son train de vie, au sens de la jurisprudence susmentionnée. La Cour ne peut donc entrer en matière sur l’examen de tels besoins et elle s’en tiendra à quelques observations d’ordre général :

-       La première juge a augmenté à juste titre le montant relatif aux frais de voyages de l’épouse, l’estimation du mari à ce titre apparaissant comme parcimonieuse au regard du mode de vie des époux. Une somme supérieure eût été concevable, mais la requête en ce sens devait être documentée, par exemple par dépôt d’un relevé de carte de crédit comme le requérant l’avait fait pour ses propres dépenses de 2017 (il serait toutefois hasardeux d’extrapoler les dépenses de l’épouse, à partir de ce document).

-       Lors de son interrogatoire, l’épouse a déclaré que les 10'000 dollars jusqu’alors versés mensuellement par son mari servaient à subvenir aux besoins de sa propre famille à l’étranger, outre ses frais de voyage en Colombie et en Espagne. Si une telle affectation des contributions d’entretien reçues répond sans doute à un devoir moral et peut être considérée comme honorable, elle constitue dans le même temps un indice plutôt contraire à l’existence de besoins personnels très élevés, du fait du train de vie luxueux de l’appelante elle-même.

-       En ce qui concerne la charge fiscale de l’épouse, celle-ci n’a émis ni évaluation, ni prétention spécifique et la première juge s’est estimée liée par les conclusions des parties. En réalité, le mari n’avait pris aucune conclusion à ce sujet, mais il a effectivement déclaré qu’il continuerait « à payer, en sus de la pension pour B.X.________, les charges liées à la Villa *******, les impôts, ainsi que l’entretien de son fils ». Observant que rien ne s’opposait à ce que le mari agisse de la sorte, à réception des décisions y relatives, l’autorité de première instance s’est limitée à donner acte aux parties de cet engagement du mari. En l’absence de conclusion de l’épouse, en première comme en seconde instance, et vu également l’impossibilité d’articuler un montant correspondant à l’impôt qui doit peser sur l’épouse dans son pays de résidence actuelle, comme il le ferait en droit suisse, la solution retenue est adéquate, même si elle ne supprime pas tout risque de contestation ultérieure (elle évite du moins que le mari n’invoque la chose jugée pour s’opposer à tout paiement en supplément de la contribution d’entretien).

-       Le sentiment d’injustice ressenti par l’appelante, face à la modicité (très relative) de sa contribution d’entretien découle sans doute, entre autres, du fait qu’à ses yeux, la fortune des époux a été accumulée durant le mariage, ce que le mari n’a pas contesté, en l’état du dossier. S’il fallait retenir, au terme d’une procédure de divorce, l’existence d’une fortune d’acquêts, pour l’essentiel, la part de l’épouse produirait effectivement des intérêts très supérieurs au montant de la contribution d’entretien qui lui est reconnue. Toutefois, il apparaît pour l’heure (voir notamment la déclaration d’impôts 2016, dont l’annexe 1 n’est pas produite en intégralité, les revenus de titres n’étant pas documentés pour le montant total déclaré de 3'338'680 francs) que ces biens constituent, au mieux pour l’épouse, des acquêts du mari et qu’ils ne donnent pas matière à contributions d’entretien, au-delà du maintien du niveau de vie antérieur. Selon la jurisprudence, le « principe de l'égalité de traitement des époux en cas de vie séparée ne doit en effet pas conduire à ce que, par le biais d'un partage du revenu global, se produise un déplacement de patrimoine qui anticiperait sur la liquidation du régime matrimonial » (arrêt du TF du 20.11.2014 [5A_440/2014] cons. 4.2.1).

-       Dans l’évaluation de son niveau de vie, en première instance, l’épouse a fait valoir des frais de conseil de 10'000 francs par mois, par symétrie avec ceux allégués par le mari. La première juge ne s’est pas prononcée à ce sujet, mais il est clair que cette prétention repose sur une confusion : le montant allégué par le mari (sur lequel il n’était pas nécessaire de se prononcer, vu la méthode suivie pour déterminer la contribution d’entretien) concerne les conseils nécessaires à la gestion de son patrimoine et de ses affaires commerciales, alors que l’épouse a en vue les frais de conseil liés à la procédure, qu’elle reprend d’ailleurs (mais pour un montant bien moindre) sous l’angle de la provisio ad litem. Ce dernier poste sera examiné plus loin, mais il n’y aucune raison démontrée, en revanche, d’inclure des frais de conseil juridique dans l’appréciation du niveau de vie de l’intéressée.

-       Enfin, le poste de loin le plus élevé du budget présenté par l’appelante a trait à la villa de U.________, soit la « villa ******* », pour reprendre les termes de la requête et de la réponse (même si des appellations différentes figurent dans les preuves littérales et dans les observations du mari du 31 octobre 2019), sous le libellé « frais de rénovation ». La prétention repose sur le fait que, de l’avis de l’appelante, la jouissance de la villa doit lui être attribuée, ce qui sera examiné plus loin. Il faut cependant souligner que même si ce bien immobilier lui était attribué pour la durée de la séparation, cela ne justifierait manifestement pas une contribution d’entretien mensuelle de 62'500 francs au titre de « frais de rénovation », comme elle le requiert de façon très légère. Certes, le mari admet lui-même que « le couple est propriétaire » de l’immeuble (courrier de Me G.________ du 16 avril 2019), mais il précise dans la même correspondance avoir déjà pris en charge les travaux de réparation en question, sans que l’épouse ne tente même d’établir le contraire. Il est vrai qu’antérieurement, dans la requête du 5 novembre 2018, le mari incluait à ses charges mensuelles le montant de 62'500 francs précisément, en évaluant les travaux à un montant de 1,5 million de francs qui semble exagéré à lire ses allégations ultérieures, mais peu importe. En effet, à supposer que des travaux doivent encore être menés, ils ne pourraient l’être par l’épouse seule, aux frais du mari, et ils ne relèvent pas des charges d’entretien de l’un ou l’autre époux.

9.                            Au sujet de l’attribution de la « villa ******* » requise par l’épouse, la première juge a relevé, sans trancher le point formellement, que cet objet ne relevait pas de sa compétence, vu la localisation de l’immeuble. Elle a observé par ailleurs que la villa ne pouvait plus être considérée comme un logement familial, l’épouse en particulier n’étant plus autorisée à vivre en Floride.

                        Sur le premier point, l’opinion du tribunal civil ne peut être suivie. Si la question des droits réels sur l’immeuble (en cas de demande de partage de la copropriété par exemple) échappe certainement à la compétence locale des autorités neuchâteloises, il n’en va pas de même de l’utilisation des biens matrimoniaux, dans l’organisation de la vie séparée, qui peut porter également sur une résidence secondaire (arrêt du TF du 24.08.2012 [5A_198/2012] cons. 6.3, avec référence à l’ATF 119 II 193), qu’elle soit ou non dans le ressort du juge saisi.

                        Il n’est par ailleurs pas établi que l’appelante soit interdite d’entrée aux Etats-Unis. La perte du visa d’investisseur (E2) dérivé la prive certes (au moins momentanément) de la faculté de résider en Floride, mais non d’y séjourner de façon temporaire (et elle l’a peut-être fait depuis l’introduction de l’instance, à lire les récriminations du mari au sujet du changement de serrures de l’immeuble ; cf. les observations du 31 octobre 2019). Une réglementation judiciaire de l’usage de la « villa ******* » pouvait donc être requise, mais le rejet de la conclusion prise par l’épouse se justifie néanmoins, faute de preuve qu’une telle attribution s’imposerait, au vu des critères en cascade dégagés par la jurisprudence (voir par exemple l’arrêt du TF du 15.02.2017 [5A_829/2016], c. 3.1). A vrai dire, l’appelante n’a même pas allégué de motif pertinent à cet effet, la seule affirmation que la villa « constitue son domicile depuis plus de 20 ans » étant partiellement fausse – par l’emploi de l’indicatif présent – et insuffisante pour le reste.

10.                           Le dernier grief de l’appelante porte sur le montant insuffisant, à ses yeux, de la provision de frais liés à la procédure qui lui a été accordée, ainsi que sur le caractère largement remboursable de cette provision. Elle se plaint, implicitement, d’une violation de son droit d’être entendue, du fait que la première juge n’a pas donné à son mandataire l’occasion de déposer un mémoire d’honoraires, comme il l’avait annoncé dans sa réponse du 10 octobre 2019. Cette critique est fondée : le droit d’être entendu « garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le droit pour le justiciable de produire des preuves pertinentes quant aux faits de nature à influer sur la décision à rendre, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, à moins que le fait à prouver ne soit dépourvu de pertinence ou que le moyen de preuve n'apparaisse manifestement inapte à établir le fait allégué, et de se déterminer à leur propos » (arrêt du TF du 30.09.2019 [5D_157/2019] cons. 3.1, avec plusieurs références à la jurisprudence antérieure). En l’espèce, l’avocat de l’épouse avait annoncé, le 10 octobre 2019, un « décompte de frais et honoraires du mandataire soussigné (à déposer après l’administration des preuves) ». Statuant une dizaine de jours plus tard, la première juge a estimé inutile l’administration des deux preuves requises par l’intimée (production d’un dossier civil et audition de l’enfant C.________), comme elle y était habilitée, sur le principe. Elle devait en revanche permettre soit en requérant le dépôt immédiat du décompte d’honoraires, à réception du courrier de Me D.________, soit en rendant une décision préalable relative au refus de preuves le dépôt d’un document qu’elle estimait visiblement utile (elle constate en page 29 de la décision que, faute d’un tel mémoire, elle doit procéder à une appréciation de l’activité déployée sur la base du dossier).

                        A la lecture du décompte déposé en annexe à l’appel dépôt bien sûr admissible au vu de ce qui précède , on constate que l’évaluation du temps d’activité établie par la première juge est près de quatre fois inférieure au nombre d’heures indiqué par l’avocat de l’appelante. Sans doute peut-on s’interroger sur la durée de certaines démarches, mais il paraît néanmoins évident que le montant de 4'200 francs alloué ne tient pas compte des particularités du mandat (aspect international du litige, passage inévitable par les mandataires américains de l’épouse, sommes considérables en jeu). Au demeurant, il ne s’agit pas de procéder en pareil cas à un examen détaillé des actes accomplis par le mandataire (comme on le ferait pour statuer sur une indemnité de dépens ou d’assistance judiciaire), mais de permettre, au terme d’une appréciation globale, à l’époux qui ne dispose pas lui-même des moyens nécessaires de « défendre correctement ses propres intérêts dans une procédure judiciaire, même de nature matrimoniale » (arrêt du TF du 04.03.2015 [5A_777/2014] cons. 6.2 ; pour un exemple d’appréciation globale, voir le résumé du jugement d’appel figurant dans l’arrêt du TF du 09.12.2019 [5A_248/2019] cons. 3.1). En l’espèce, il paraît évident que le couple s’achemine vers une procédure de divorce aux enjeux financiers importants et que chacun des époux devra faire face à des frais d’avocats relativement considérables (voir déjà le montant de plus de 70'000 dollars que l’avocat américain de l’épouse estime lui être dû, c. 3 ci-dessus). Il n’est pas démontré que l’épouse disposerait à l’heure actuelle de moyens financiers suffisants pour assumer les frais d’un tel procès (il est vrai, comme indiqué par le mari dans sa réponse, qu’elle a sans doute engagé des frais de représentation importants auprès d’avocats américains, mais il ne précise pas avec quels fonds et cela ne ressort pas du dossier), alors que le mari détient manifestement de tels moyens. On rappellera en outre que, selon la jurisprudence, les « contributions d'entretien ont en principe pour but de couvrir les besoins courants des bénéficiaires, et non de servir, comme la provisio ad litem, à assumer les frais du procès en divorce. L'octroi d'une telle provision peut donc être justifié indépendamment du montant de la contribution d'entretien » (arrêt du TF du 29.09.2015 [5A_372/2015]). La réserve apportée à ce principe, en cas de versement d’un arriéré considérable de contributions d’entretien (arrêt [5A_248/2019] susmentionné), ne trouve pas application en l’espèce. Dans ces conditions, le montant d’« au moins 15’000 » francs pour la première instance et de 2'000 francs pour l’appel, comme prétendu par l’appelante est, au stade déjà des mesures protectrices de l’union conjugale, justifié.

                        On rappellera par ailleurs que la provisio ad litem constitue « une simple avance, qui doit en principe être restituée [références]. Il appartient au juge, dans le jugement de divorce, de statuer sur la question de l'éventuelle restitution de cette avance dans le cadre de la répartition des frais et des dépens » (arrêt du TF [5A_777/2014] susmentionné). Pas plus que le fondement du droit à une avance de frais (devoir d’assistance selon l’article 159 al. 3 CC et / ou devoir d’entretien selon l’article 163 CC ? Voir le rappel de la controverse dans l’arrêt du 20.11.2009 [5A_784/2008], c. 2), celui du devoir de remboursement n’est décrit de manière univoque. Les deux derniers arrêts précités situent le remboursement au moment « du partage définitif des frais entre les parties, cette répartition relevant toutefois des règles de la procédure cantonale » (arrêt de 2008 ; dans le même sens, voir l’arrêt du 09.06.2011 [5A_170/2011]), voire « dans le jugement de divorce […] dans le cadre de la répartition des frais et dépens » (arrêt de 2015), ce qui n’est pas identique dès lors que l’avance de frais est ordonnée par décision de mesures provisionnelles et que celle-ci comporte en principe un règlement des frais et dépens, de sorte que le réexamen de la question dans le jugement au fond exige un autre fondement. Les deux arrêts font référence à l’ATF 66 II 70, selon lequel « [d]ie definitive Regelung, welche Partei die Kosten tragen soll, hat im Urteil nach Massgabe des kantonalen Prozessrechts zu erfolgen », mais dans le régime actuel de l’article 95 al. 3 CPC, il n’apparaît pas, du moins sans sollicitation du texte, que le remboursement d’une telle avance entre dans les « débours nécessaires ». L’idée exprimée par la Cour de cassation civile neuchâteloise, dans un ancien arrêt (RJN I 54), selon laquelle le conflit relatif au remboursement d’une telle avance « fait partie de ceux qui ont trait à la liquidation du régime matrimonial », paraît à tout le moins aussi défendable (elle trouverait aujourd’hui un appui à l’article 205 al. 3 CC) et elle expliquerait de manière plus satisfaisante pourquoi le remboursement n’interviendrait qu’au terme du procès en divorce.

                        En l’espèce, la décision attaquée porte condamnation du mari au versement d’une avance de frais de 4'200 francs, mais la déclare en même temps « remboursable à concurrence de 90 % », compte tenu, selon le dernier considérant, « d’une indemnité de dépens très réduite », soit 10 % de la somme précitée, les frais étant répartis en équité selon l’article 107 al. 1 let. c CPC, à raison d’un peu moins d’un quart pour l’épouse et du solde pour le mari. Les clés de répartition des frais (en équité) et des dépens (apparemment selon les gains respectifs sur les points litigieux) sont donc très différentes, ce qui ne se concilie guère avec l’article 106 CPC, qui s’applique aux uns et aux autres (CR CPC-Tappy, art. 106 N. 6), mais le point n’est pas attaqué comme tel. En revanche, si le chiffre 12 du dispositif de la décision doit être compris comme une condamnation de l’épouse au remboursement immédiat de l’avance de frais qui lui est reconnue, il vide de son sens (pour les neuf dixièmes) cette avance, vu la compensation opposable par le mari mais vu aussi le moment auquel elle intervient, soit alors que la procédure est tenue pour close (voir en ce sens l’arrêt [5A_777/2014] précité, au sujet d’une avance accordée sur appel contre le jugement de divorce). Il convient bien plutôt d’admettre vu la validité des mesures protectrices durant la plus que probable procédure de divorce (art. 276 al. 2 CPC) que l’avance est déclarée remboursable sur le principe (les moyens de l’épouse à l’issue de la procédure de divorce y suffiront largement, selon ce qui peut être déduit du dossier), ce à quoi l’appelante n’oppose aucun grief convaincant, et qu’une indemnité de dépens de 420 francs lui a été accordée. Ce montant peut paraître dérisoire mais, compte tenu de la très large mesure dans laquelle l’épouse a succombé, une telle répartition des dépens lui est relativement favorable et elle ne l’attaque pas comme telle. En interprétant de la sorte la décision attaquée, sur ce point, la Cour se trouve cependant liée par le pourcentage de remboursement arrêté en première instance (et non contesté par l’intimé), même s’il implique désormais le non remboursement de 1'700 francs.

11.                          Vu ce qui précède, l’appel doit être très partiellement admis, soit en ce qui concerne seulement la provisio ad litem, alors qu’il est rejeté pour ce qui est de la compétence des autorités judiciaires suisses, du droit applicable, de l’attribution de l’ancien domicile conjugal et de la contribution d’entretien pour l’épouse (et irrecevable pour celle en faveur de l’enfant). L’appelante supportera donc les 9/10 des frais d’appel – ceux de première instance n’ayant pas à être revus (art. 318 al. 3 CPC a contrario) – ainsi que, selon la même clé de répartition, les 4/5 des dépens après compensation, soit un montant qui peut être arrêté à 4'000 francs.

Par ces motifs,
LA COUR D'APPEL CIVILE

1.    Admet très partiellement l’appel et annule le chiffre 12 du dispositif de la décision attaquée.

2.    Condamne l’intimé à verser à l’appelante une avance de frais 17'000 francs pour les deux instances de mesures protectrices de l’union conjugale et dit que cette avance sera remboursable à concurrence de 90 %, lors de la liquidation du régime matrimonial.  

3.    Rejette l’appel et confirme l’ordonnance querellée pour le surplus.

4.    Arrête les frais de la cause à 8'000 francs, montant couvert par l’avance de frais déjà versée par l’appelante, et les laisse à sa charge pour 9/10, le solde étant mis à la charge de l’intimé.

5.    Condamne l’appelante à verser à l’intimé une indemnité de dépens de 4'000 francs, après compensation partielle, pour la procédure d’appel.

Neuchâtel, le 24 mars 2020

 
Art. 176 CC
Organisation de la vie séparée
 

1 À la requête d’un époux et si la suspension de la vie commune est fondée, le juge:1

1.2 fixe les contributions d’entretien à verser respectivement aux enfants et à l’époux;

2. prend les mesures en ce qui concerne le logement et le mobilier de ménage;

3. ordonne la séparation de biens si les circonstances le justifient.

2 La requête peut aussi être formée par un époux lorsque la vie commune se révèle impossible, notamment parce que son conjoint la refuse sans y être fondé.

3 Lorsqu’il y a des enfants mineurs, le juge ordonne les mesures nécessaires, d’après les dispositions sur les effets de la filiation.


1 Nouvelle teneur selon le ch. I de la LF du 20 mars 2015 (Entretien de l’enfant), en vigueur depuis le 1er janv. 2017 (RO 2015 4299; FF 2014 511).
2 Nouvelle teneur selon le ch. I de la LF du 20 mars 2015 (Entretien de l’enfant), en vigueur depuis le 1er janv. 2017 (RO 2015 4299; FF 2014 511).

 
Art. 205 CC
Reprises de biens et règlement des dettes
En général
 

1 Chaque époux reprend ceux de ses biens qui sont en possession de son conjoint.

2 Lorsqu’un bien est en copropriété, un époux peut demander, en sus des autres mesures prévues par la loi, que ce bien lui soit attribué entièrement s’il justifie d’un intérêt prépondérant, à charge de désintéresser son conjoint.

3 Les époux règlent leurs dettes réciproques.

Art. 95 CPC
Définitions
 

1 Les frais comprennent:

a. les frais judiciaires;

b. les dépens.

2 Les frais judiciaires comprennent:

a. l’émolument forfaitaire de conciliation;

b. l’émolument forfaitaire de décision;

c. les frais d’administration des preuves;

d. les frais de traduction;

e. les frais de représentation de l’enfant (art. 299 et 300).

3 Les dépens comprennent:

a. les débours nécessaires;

b. le défraiement d’un représentant professionnel;

c. lorsqu’une partie n’a pas de représentant professionnel, une indemnité équitable pour les démarches effectuées, dans les cas où cela se justifie.

Art. 298 CPC
Audition de l’enfant
 

1 Les enfants sont entendus personnellement et de manière appropriée par le tribunal ou un tiers nommé à cet effet, pour autant que leur âge ou d’autres justes motifs ne s’y opposent pas.

2 Lors de l’audition, seules les informations nécessaires à la décision sont consignées au procès-verbal. Elles sont communiquées aux parents et au curateur.

3 L’enfant capable de discernement peut interjeter un recours contre le refus d’être entendu.

Art. 46 LDIP
Compétence
Principe
 

Les autorités judiciaires ou administratives suisses du domicile ou, à défaut de domicile, celles de la résidence habituelle de l’un des époux sont compétentes pour connaître des actions ou ordonner les mesures relatives aux effets du mariage.

  
Art. 48 LDIP
Droit applicable
Principe
 

1 Les effets du mariage sont régis par le droit de l’État dans lequel les époux sont domiciliés.

2 Lorsque les époux ne sont pas domiciliés dans le même État, les effets du mariage sont régis par le droit de l’État du domicile avec lequel la cause présente le lien le plus étroit.

3 Lorsque les autorités judiciaires ou administratives suisses du lieu d’origine sont compétentes en vertu de l’art. 47, elles appliquent le droit suisse

Art. 65 LDIP
Décisions étrangères
 

1 Les décisions étrangères de divorce ou de séparation de corps sont reconnues en Suisse lorsqu’elles ont été rendues dans l’État du domicile ou de la résidence habituelle, ou dans l’État national de l’un des époux, ou si elles sont reconnues dans un de ces États.

2 Toutefois, la décision rendue dans un État dont aucun des époux ou seul l’époux demandeur a la nationalité n’est reconnue en Suisse que:

a. lorsque, au moment de l’introduction de la demande, au moins l’un des époux était domicilié ou avait sa résidence habituelle dans cet État et que l’époux défendeur n’était pas domicilié en Suisse;

b. lorsque l’époux défendeur s’est soumis sans faire de réserve à la compétence du tribunal étranger, ou

c. lorsque l’époux défendeur a expressément consenti à la reconnaissance de la décision en Suisse.