Arrêt du Tribunal Fédéral

Arrêt du 10.09.2020 [4A_426/2020]

 

 

 

 

« A.                    Le 8 décembre 2016, X.________ a déposé une demande à l’encontre de Y.________ SA, en prenant les conclusions suivantes :

 Principalement :

1. Annuler le congé du 9 juin 2016 adressé à X.________ et portant sur l’appartement sis rue [aaaa] n°12 à Z.________ ;

Subsidiairement :

2.  Accorder à X.________ une première prolongation du bail pour une durée de 4 ans ;

En tout état de cause :

3. Accorder l’assistance judiciaire à X.________ et nommer la soussignée en qualité de mandataire d’office, avec effet au 27 juin 2016 ;

4.  Sous suite de dépens, sous réserve des règles de l’assistance judiciaire ».

À l’appui de ses conclusions, la demanderesse alléguait en substance avoir conclu un bail le 30 novembre 1971 avec Y.________ SA, portant sur un appartement de quatre pièces et demie, sis rue [aaaaa], à Z.________. La relation contractuelle durait ainsi depuis 45 ans. Un nouveau bail avait été passé entre les parties le 16 décembre 1977, portant sur le même logement. Jusqu’en 2011, les parties n’avaient pas rencontré de problèmes significatifs dans le cadre de leurs relations. En 2011, des problèmes de moisissures et d’humidité précédemment survenus dans l’appartement s’étaient aggravés et n’avaient pas été réglés par Y.________ SA, malgré leur constatation par le Service de la salubrité et prévention incendie (ci-après : SSPI). En 2014, la demanderesse avait une nouvelle fois fait appel au service précité. Ce dernier avait ordonné que des travaux soient entrepris et Y.________ SA avait finalement suivi cette injonction, à l’exception de deux stores qui devaient être changés une fois les travaux de rénovation du bâtiment terminés. En 2014 toujours, Y.________ SA avait entrepris la rénovation complète de l’immeuble dans lequel la demanderesse habitait. La rénovation avait notamment pour but le désamiantage et la réfection de l’immeuble afin de répondre aux normes actuelles. Les relations entre les parties avaient été difficiles à cette période, X.________ ayant légitimement fait valoir ses droits en ce qui concernait le désamiantage. Elle avait été profondément choquée lorsqu’elle avait reçu un avis de résiliation de bail daté du 9 juin 2016, portant effet au 31 mars 2017. Les raisons invoquées dans le courrier annexé à l’avis de résiliation étaient totalement inexactes et inventées. La résiliation intervenait suite à l’exercice de ses droits pendant la longue période de travaux. Les réclamations concernant l’amiante et les problèmes de moisissures étaient entièrement justifiées. Le congé donné constituait ainsi un congé représailles et était annulable. Un déménagement aurait des conséquences désastreuses pour la demanderesse au vu de son âge et de son état de santé.

Le 24 février 2017, Y.________ SA a déposé sa réponse, en concluant au rejet de la demande, avec suite de frais et dépens. A l’appui de ses conclusions, elle alléguait que les relations entre les parties avaient indéniablement été difficiles et que les doléances de la locataire avaient été prises au sérieux. Elle-même avait fait exécuter les travaux nécessaires – à deux reprises – concernant les moisissures, avant de constater que le problème tenait à un manque d’entretien imputable à X.________. Par ailleurs, cette dernière avait adopté un comportement chicanier et excessif lors de la rénovation complète de l’immeuble. La résiliation qui lui avait été notifiée était pleinement justifiée et n’était pas un congé représailles. X.________ ne résidait au demeurant plus dans le logement concerné. La résiliation procédait ainsi du constat qu’elle n’habitait plus là et qu’il était impossible pour Y.________ SA de maintenir une relation contractuelle avec elle.

Le 16 juin 2017, X.________ a répliqué. Elle étayait en particulier ses allégations selon lesquelles Y.________ SA n’avait malheureusement pas pris les dispositions qui lui incombaient, tant pour ce qui concernait les problèmes de moisissures que ceux liés à l’amiante.

Le 11 juillet 2017, Y.________ SA a dupliqué. En résumé, elle considérait que les faits reprochés à X.________ auraient pu justifier une résiliation anticipée de son bail à loyer, mais qu’il y avait été renoncé, compte tenu notamment de la longue durée du bail passé entre parties. Par contre l’attitude chicanière et quérulente adoptée par X.________ durant les travaux excluait toute prolongation de son bail à loyer, ceci nonobstant son état de santé, dont Y.________ SA contestait qu’il empêcherait un déménagement. Enfin, l’octroi d’une telle prolongation confirmerait l’abus de droit commis par X.________, qui n’habitait plus dans son appartement.

Le 16 novembre 2017, X.________ a déposé une explication sur les faits de la duplique. Elle contestait principalement être à l’origine des rénovations effectuées dans son appartement et confirmait que la résiliation de son bail était un congé rétorsion.

B.                    Le 23 janvier 2018, une audience d’instruction s’est tenue, lors de laquelle il a notamment été décidé de procéder à l’interrogatoire de X.________ à domicile, au vu de son état de santé ; d’entendre plusieurs témoins proposés respectivement par X.________ et Y.________ SA (les autres témoignages étant réservés) ; d’admettre trois réquisitions (le dossier de la procédure de conciliation et des devis / factures concernant les travaux effectués dans l’appartement et sur l’immeuble dans lequel vivait X.________) et d’interroger A.________ de la Gérance B.________ SA, en qualité de partie (représentant de Y.________ SA).

Le 5 février 2018, X.________ a été interrogée à son domicile. En tant que besoin, il sera revenu sur ses déclarations dans les considérants de la présente décision.

Une deuxième audience s’est tenue le 10 septembre 2018, lors de laquelle Y.________ SA, par A.________, a été interrogée. C. X.________ (fils aîné de X.________), D.________ (voisin d’immeuble de X.________) et E.________ (voisin d’immeuble de X.________) ont été entendus en qualité de témoins pour le compte de la demanderesse. F.________, employée de la Gérance B.________ SA, a été entendue comme témoin pour le compte de la défenderesse. Un délai de 20 jours a été fixé par la juge aux parties, notamment pour se prononcer sur les autres preuves demeurées réservées.

Le 30 novembre 2018, le tribunal civil a rendu une ordonnance de preuves, par laquelle elle a admis l’audition de témoins supplémentaires.

Une troisième audience s’est tenue le 11 mars 2019, lors de laquelle G.________ (menuisier), H.________ (directeur de travaux), I.________ (hygiéniste du travail) et J.________ (voisin de X.________) ont été entendus en qualité de témoins pour le compte de X.________. K.________ (peintre en bâtiment) et L.________ (expert en matière d’amiante) ont été entendus en qualité de témoins pour le compte de Y.________ SA.

Il sera revenu ci-après sur les déclarations des parties et des témoins, en tant que besoin.

Une dernière audience s’est tenue le 22 mars 2019, lors de laquelle les parties ont plaidé, chacune confirmant ses conclusions.

C.                    Par jugement du 23 juillet 2019, le tribunal civil a rejeté la conclusion principale de la demande du 8 décembre 2016 et, partant, confirmé la validité du congé notifié à X.________ le 9 juin 2016 (ch. 1 du dispositif) ; accordé à X.________ une unique prolongation de bail pour une durée de quatre ans, soit jusqu’au 31 mars 2021 (ch. 2) ; statué sans frais (ch. 3) ; dit que les dépens demeuraient compensés (ch. 4).

a) En fait, la première juge a pour l’essentiel retenu, s’agissant des moisissures dans l’appartement de la demanderesse, que leur présence avait été constatée par le SSPI au mois de septembre 2011 et qu’en fin de compte, la défenderesse avait mandaté la société M.________ SA pour des travaux de réfection des joints de façade, ainsi que le peintre K.________ pour la remise en état de la chambre nord-est de l’appartement, dans laquelle se trouvaient les moisissures. Les témoignages recueillis durant la procédure avaient permis de confirmer que la demanderesse avait bénéficié des réparations en cause et que, le problème étant assaini, il avait été renoncé à la rénovation totale de l’appartement du fait de la rénovation totale de l’immeuble à venir. Alors même qu’elle était informée de celle-ci, la demanderesse avait contacté le SSPI en raison de l’apparition de nouvelles moisissures. Une visite de l’appartement avait eu lieu dans la foulée, le 6 mars 2014, réunissant deux employés de la gérance (A.________ et F.________), le peintre K.________ ainsi que deux représentants du SSPI. Par courrier du 11 mars 2014 constatant des « moisissures et divers dysfonctionnements techniques », ce service avait ordonné à la défenderesse d’effectuer des travaux, ce qui était déjà prévu étant donné que l’immeuble allait être entièrement rénové durant la même année. Lors de cette visite, les intervenants avaient été frappés notamment par des odeurs d’urine, également décrites par le témoin H.________. Une facture du peintre K.________ attestait d’une seconde intervention de l’intéressé dans l’appartement de la demanderesse ; la réparation du parquet recommandée par le SSPI s’était avérée impossible et il avait fallu procéder à un remplacement intégral, la demanderesse ayant menacé l’entreprise chargée de ce travail du dépôt d’une plainte pénale. La demanderesse ayant fait appel à la SUVA parce qu’il y avait selon elle un risque de contamination à l’amiante, l’interruption de ces travaux avait dû être ordonnée par un inspecteur de l’Office du travail (OFIT), le temps de faire des prélèvements dont le résultat s’était avéré négatif. S’agissant des travaux de désamiantage des immeubles nos 12 et 14 (que la défenderesse avait décidé d’entreprendre de la même manière que ceux opérés dans les immeubles nos 16 et 18), des prélèvements par sondages avaient été effectués par L.________, collaborateur spécialisé auprès de M.________ SA, et les contrôles effectués suite aux interventions de la demanderesse – celles-ci ayant amené à une suspension des travaux pendant environ cinq semaines – n’avaient fait que confirmer que la problématique de l’amiante avait été correctement traitée dans le cadre du chantier. En date des 6 juin et 14 août 2014, la défenderesse avait remis à la demanderesse deux mises en demeure l’invitant en substance à modifier son comportement sous peine de résiliation anticipée de son bail. Par lettre du 10 décembre 2014, la gérance avait informé la demanderesse que la réfection de la chambre nord-est de l’appartement était achevée le 14 novembre 2014 et qu’au vu de l’apparition de nouvelles taches de moisissures, constatées entre le 17 et le 18 novembre 2014, plus aucune mesure de rénovation ou d’entretien ne serait prise, attendu que le défaut découlait d’un manque de soin de la chose louée par la demanderesse. Cette dernière a alors contesté la fin des travaux en informant la défenderesse que des prises électriques étaient toujours ouvertes et sous tension depuis huit mois, alors que des trous dans le sol de l’appartement, liés aux prélèvements effectués pour les analyses d’amiante, subsistaient. Le témoin L.________ avait déclaré à ce sujet que les travaux confiés par la défenderesse à M.________ SA n’avaient pas pu être exécutés, faute pour la demanderesse de le laisser entrer dans l’appartement.

b) En droit, la première juge a considéré que l’absence de mise en demeure ultérieure à celle du 14 août 2014 ne rendait pas le congé – ordinaire rappelait-elle – contraire aux règles de la bonne foi. La défenderesse ne pouvait invoquer l’absence de la demanderesse de son appartement pour justifier le congé, celle-ci n’étant pas établie. En revanche, la pénibilité des relations entre parties étant avérée, cela sur plusieurs années, sans que la communication n’ait jamais pu s’améliorer jusqu’alors, constituait bien un motif réel, digne de protection et fondé au regard de l’ensemble des circonstances, rendant la poursuite du bail insupportable. Les difficultés constatées n’étaient pas imputables à la défenderesse, qui avait donné suite aux demandes de sa locataire (aussi bien s’agissant du problème des moisissures que de la gestion du chantier de rénovation de l’immeuble et du problème de l’amiante). X.________ avait ainsi échoué à faire la preuve du caractère punitif du congé qui lui avait été notifié. Y.________ SA lui avait en outre laissé plus de huit mois de délai depuis la notification du congé pour quitter l’appartement, de sorte qu’elle avait elle-même pris en considération non seulement la durée du contrat mais aussi toutes les raisons invoquées par la demanderesse quant à ses difficultés à trouver un autre logement et à organiser un déménagement. Y.________ SA n’avait donc pas non plus outrepassé les règles de la bonne foi. S’agissant de la prolongation du bail, elle se justifiait compte tenu de la durée du bail, de l’âge de la demanderesse, de ses problèmes de santé et de la modestie de ses revenus, alors que de son côté, au-delà de la relocation rapide de l’appartement, la défenderesse n’avait pas d’autre intérêt particulier à le voir rapidement libéré.

D.                    Le 18 septembre 2019, X.________ appelle de ce jugement, concluant son annulation, partant à l’annulation du congé signifié le 9 juin 2016, ainsi qu’à la condamnation de Y.________ SA aux frais de la cause et au versement en sa faveur d’une indemnité de dépens, sous réserve des règles en matière d’assistance judiciaire qu’elle requiert par demande séparée. Elle dépose, outre le jugement attaqué, une pièce (mémoire de réplique rédigé par l’intimée dans une procédure actuellement pendante entre les mêmes parties devant le tribunal civil, portant sur une contestation d’une augmentation de loyer [PSIM.2018.12]).

                        L’appelante reproche au tribunal civil d’avoir établi certains faits de manière incomplète et inexacte relativement aux travaux concernant les moisissures et l’humidité, au traitement de la problématique de l’amiante, à la livraison des travaux de rénovation et aux motifs liés à la résiliation du bail. Elle soutient que le tribunal civil a également violé le droit en ne retenant pas que le congé donné était annulable, alors qu’il s’agissait d’un congé représailles. Plusieurs règles de droit public, notamment en lien avec le désamiantage, ont aussi été violées par Y.________ SA, ce qui justifie d’autant plus l’annulation du congé donné. La résiliation du contrat ne repose sur aucun intérêt digne de protection et constitue un abus de droit, compte tenu de la disproportion évidente des intérêts en présence.

E.                    Dans sa réponse du 24 octobre 2019, l’intimée conclut au rejet de l’appel en toutes ses conclusions et à ce que la Cour d’appel, statuant au fond, rejette la demande principale de X.________, confirme la validité du congé notifié le 9 juin 2016 et rejette la demande subsidiaire en prolongation du bail de l’intéressée, sous suite de frais et dépens.

                        A l’appui de ses conclusions, Y.________ SA soutient que le tribunal civil a refusé à bon droit de considérer la résiliation notifiée à X.________ comme un congé représailles, puisque cette résiliation n’était pas destinée à punir la locataire d’avoir fait valoir des prétentions découlant de son contrat de bail. Elle résultait au contraire du constat qu’il était impossible, pour le passé et à futur, d’avoir des relations contractuelles normales et une communication sereine avec X.________. Par ailleurs, aucune prolongation de bail ne devait être accordée à l’intéressée.

F.                     Les 5 et 18 novembre 2019, les mandataires des parties ont déposé leur note d’honoraires pour la procédure d’appel. L’appelante en a profité pour faire valoir son droit de réplique inconditionnel, en invoquant en particulier que certains des faits dont se prévalait Y.________ SA dans sa réponse n’étaient pas recevables, à mesure qu’ils auraient pu être invoqués en procédure de première instance. Elle s’est également prononcée sur l’appréciation des preuves à laquelle se livrait l’adverse partie, considérant qu’elle était critiquable.

G.                    L’intimée n’a pas réagi à ce courrier, qui lui a été transmis par le juge instructeur de la Cour d’appel civile, en date du 20 novembre 2019.

C O N S I D E R A N T

1.                                a) Déposé dans les formes et délais prévus par la loi (art. 311 à 313 CPC), dans une cause dont la valeur litigieuse est supérieure aux 10'000 francs (cf. art. 271a al. 1 let. e CO et ATF 137 III 389 cons. 1.1) mentionnés à l’article 308 al. 2 CPC, l’appel est recevable.

                        b) L’appelante a déposé en annexe de son appel une copie d’un mémoire produit par l’intimée dans une procédure parallèle opposant les mêmes parties devant le tribunal civil et portant sur la contestation d’une augmentation de loyer (PSIM.2018.12). Ce mémoire est daté du 6 juillet 2018. Cette pièce aurait pu et dû être produite en première instance déjà et son dépôt devant l’instance d’appel est tardif, vu la teneur de l’article 317 al. 1 CPC. En effet, la procédure simplifiée s’appliquait en vertu de l’article 243 al. 2 let. c CPC et le tribunal devait établir les faits d’office, conformément à l’article 247 al. 2 let. a CPC, de telle sorte que le dépôt de faits et moyens de preuve nouveaux pouvait intervenir jusqu’aux délibérations, conformément à l’article 229 al. 3 CPC applicable par analogie (cf. art. 219 CPC). Or on peut dans le cas d’espèce considérer que le tribunal civil est entré en phase de délibérations dès la clôture des débats prononcée le 22 mars 2019.

                        c) Dans sa réponse à appel, l’intimée a pris une conclusion no 3 tendant à ce que la Cour d’appel, statuant au fond, rejette la demande subsidiaire en prolongation de bail déposée par l’appelante. Dans la mesure où le tribunal civil a octroyé à l’appelante une prolongation de bail d’une durée de quatre ans, le procédé utilisé par l’intimée revient – sans qu’elle ne lui en donne le nom – à déposer un appel joint. Or l’appel joint, s’il doit être formé dans la réponse (cf. art. 313 al. 1 CPC), doit également faire l’objet d’une partie qui lui est propre, séparée de la réponse, et remplir, mutatis mutandis, les exigences prévalant quant à l’appel principal, notamment s’agissant de la motivation et des conclusions (CR CPC – Jeandin, 2ème éd. 2019, art. 313 n. 4). Il est ici manifeste que l’intimée, en plus de ne pas avoir formellement pris de conclusion relevant d’un appel joint, s’est dispensée de dire en quoi le jugement de première instance devrait être modifié sur la question de la prolongation du bail. Partant, sa conclusion no 3 est irrecevable.

2.                                L’appelante se plaint d’une constatation inexacte des faits pertinents (ch. III.1, p. 5-12 de l’appel). Elle reprend, dans l’ordre, les constatations de faits opérées par la juge de première instance, relatives aux travaux effectués en lien avec les moisissures et l’humidité, au traitement de la problématique de l’amiante, à la livraison des travaux de rénovation et aux motifs liés à la résiliation. Critiquant ces constatations point par point, elle décrit, à la fin de chacun des quatre thèmes, sur quels faits l’instance d’appel devrait se fonder.

                        a) À la différence de la violation du droit, qui s’examine d’office, la constatation inexacte des faits doit non seulement être invoquée, mais l’appelant a l’obligation de motiver son appel (art. 311 al. 1 CPC), c’est-à-dire de démontrer le caractère erroné des éléments retenus. Pour satisfaire à cette exigence, il ne lui suffit cependant pas de renvoyer aux moyens soulevés en première instance ni de se livrer à des critiques toutes générales de la décision attaquée. La motivation doit être suffisamment explicite pour que l’instance d’appel puisse la comprendre aisément, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision que le recourant attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF 138 III 374 cons. 4.3.1 ; arrêt du TF du 12.04.2013 [4A_38/2013] cons. 3.2). La constatation inexacte peut tenir dans l’admission d’un fait non établi par le dossier, sans être notoire, dans la prise en compte d’indices insuffisants, mais aussi dans la mauvaise appréciation des preuves administrées. Le plein pouvoir de l’instance d’appel signifie en pareil cas qu’elle peut et doit réapprécier lesdites preuves, pour fixer à son tour l’état de fait qu’elle tient pour déterminant. Selon le Tribunal fédéral, « l’art. 310 CPC n’interdit nullement à la cour cantonale d’apprécier à nouveau les preuves apportées et de parvenir à des constatations de fait différentes de celles de l’autorité de première instance. L’art. 310 CPC ne prescrit pas non plus comment le juge doit apprécier les preuves et sur quelles bases il peut se forger une opinion. Que la cour cantonale ait retenu un état de fait différent de celui retenu par le juge de première instance ne saurait donc constituer une violation de l’art. 310 CPC » (arrêt du TF du 03.06.2013 [4A_748/2012] cons. 2.1) (CPra Matrimonial – Sörensen, art. 310 CPC n. 13 et 14).

                        b) Dans le cas d’espèce, l’appelante a satisfait aux incombances qui viennent d’être rappelées, de telle sorte que son appel doit être considéré comme recevable. Autre est la question de savoir si son argumentation est bien ou mal fondée, ce qu’il convient d’examiner dans les considérants qui vont suivre.

3.                                a) Chaque partie a le droit de résilier le contrat de bail (de durée indéterminée) aux conditions habituelles (cf. art. 266a CO), sans avoir besoin de (justes) motifs pour le faire. En matière de bail toutefois, le congé ne doit pas être donné contrairement aux règles de la bonne foi. L’article 271 al. 1 CO dispose ainsi que le congé est annulable lorsqu’il contrevient aux règles de la bonne foi. Il s’agit d’un cas d’application de l’article 2 al. 1 CC, selon lequel chacun est tenu d’exercer ses droits et d’exécuter ses obligations selon les règles de la bonne foi. Pour que le congé soit annulable, il n’est pas nécessaire que l’attitude de la partie qui résilie le bail puisse être qualifiée d’abus « manifeste » de droit au sens de l’article 2 al. 2 CC. L’article 271 al. 1 CO est la règle générale qui peut trouver application lorsqu’aucune des hypothèses prévues à l’article 271a al. 1 CO (énumération exhaustive de circonstances dans lesquelles la résiliation, donnée par le bailleur, est annulable) n’est réalisée (D. Lachat, Le bail à loyer, Lausanne 2019, p. 958).

                        Selon l’article 271a al. 1 let. a CO, le congé est annulable lorsqu’il est donné parce que le locataire fait valoir de bonne foi des prétentions découlant du bail. La norme tend à permettre au locataire d’exprimer librement ses prétentions, sans avoir à craindre un congé. Elle vise la résiliation donnée au locataire pour le punir d’avoir émis, hors procédure, des prétentions fondées sur le contrat de bail ou sur le droit applicable à ce contrat (D. Lachat, op. cit., p. 968).

                        b) Selon la jurisprudence, d’une manière générale, un congé contrevient aux règles de la bonne foi s’il est donné en l’absence d’un intérêt objectif, sérieux et digne de protection et apparaît ainsi purement chicanier ou s’il y a une disproportion crasse entre les intérêts des parties. Le seul fait que la résiliation entraîne des conséquences pénibles pour le locataire n’est pas suffisant ; de telles conséquences ne sont pertinentes que dans le cadre de la prolongation du bail (ATF 142 III 91 cons. 3.2.1). Il appartient à la partie qui veut faire annuler le congé de prouver les circonstances permettant de déduire qu'il contrevient aux règles de la bonne foi. L'auteur du congé doit toutefois collaborer à la manifestation de la vérité en motivant la résiliation sur requête et, en cas de contestation, en fournissant les documents nécessaires pour établir le motif du congé. Une motivation lacunaire ou fausse n'implique pas nécessairement que la résiliation est contraire aux règles de la bonne foi, mais elle peut constituer un indice de l'absence d'intérêt digne de protection à mettre un terme au bail; en particulier, le caractère abusif du congé sera retenu lorsque le motif invoqué n'est qu'un prétexte alors que le motif réel n'est pas constatable. Déterminer quel est le motif du congé et si ce motif est réel ou n'est qu'un prétexte relève des constatations de fait. Pour ce faire, il faut se placer au moment où le congé a été notifié; à cet égard, des faits survenus ultérieurement peuvent tout au plus fournir un éclairage sur les intentions du bailleur au moment de la résiliation (arrêt du TF du 24.01.2018 [4A_183/2017] cons. 2 et les références citées).

                        Pour juger si un congé est contraire à la bonne foi et, partant, s’il est annulable, le juge doit se fonder sur l’ensemble des circonstances de la cause : d’abord la motivation du congé et les preuves rapportées à son sujet par les parties ; un éventuel refus de motiver la résiliation ; mais aussi l’historique des relations contractuelles ; les propos tenus en audience par les plaideurs ; les écrits échangés ; etc. (D. Lachat, op. cit., p. 958).

4.                                a) L’appelante soutient tout d’abord que le tribunal civil a constaté certains faits de manière inexacte concernant les problèmes d’humidité et de moisissures. L’arrêt de la Cour d’appel civile devrait, selon elle, bien plutôt se fonder sur les faits suivants :

a)    Chaque intervention du Service de salubrité et prévention incendie (SSPI) était justifiée par l’état d’insalubrité dans lequel se trouvait encore l’appartement en raison de l’inaction ou de la lenteur de Y.________ SA ;

b)    Après l’intervention du SSPI en 2011, des travaux d’ordre cosmétique et d’étude ont été entrepris. Ils n’ont toutefois pas résolu le problème d’humidité provenant de la façade et aucun réel assainissement n’a été entrepris jusqu’en 2014 ;

c)     C’est donc à juste titre que l’appelante a fait appel au SSPI en 2011 et en 2014.

b) Dans le cas d’espèce, on peut rejoindre l’appelante lorsqu’elle affirme que les travaux entrepris entre la première intervention du SSPI, en 2011, et la seconde, en 2014, n’ont pas permis de résoudre – ou seulement partiellement / momentanément – les problèmes de moisissures dans son appartement. En effet, dans le cas contraire, aucuns travaux n’auraient été nécessaires en 2014 afin d’y remédier. En revanche, l’intimée a allégué – et prouvé – que la cause de ces moisissures pouvait, à tout le moins en partie, être imputée au comportement de l’appelante, laquelle n’aérait jamais son logement, logement qui était au demeurant imprégné d’une très forte odeur d’urine de chat. Ainsi, dans une lettre adressée par le SSPI à la gérance le 4 juin 2014, on peut lire que « [t]outefois, comme lors de nos rendez-vous précédents, nous avons constaté une odeur d’urine de chats persistante et ceci malgré le fait que X.________ s’est séparée de ses animaux ». L’attestation établie par l’entreprise N.________ Sàrl (chargée de la réfection des parquets dans l’appartement de l’appelante) le 22 avril 2014 indiquait, elle, que « [s]uite à votre demande de devis pour la rénovation du parquet pour l’appartement cité ci-dessus en marge, nous constatons des dégâts du parquet causé par l’urine d’animaux dans la quasi-totalité de la surface, de ce fait un remplacement même s’impose ». Par ailleurs, plusieurs dépositions permettent de se convaincre de l’existence de ce problème, en particulier celui de A.________ (même s’il est vrai que l’intéressé, proposé initialement comme témoin, a été entendu en qualité de partie ; cf. procès-verbal d’audience du 23 janvier 2018), qui a déclaré que « [à] l’ouverture de l’appartement, il y avait une forte odeur d’urine de chat et nous avons constaté que l’aération n’était pas correctement faite. La question des chats a été abordée en fin de séance. Il a été constaté la présence d’une litière dans la chambre à coucher, dans laquelle il y avait juste une feuille de journal et pas même de sable. Le service de la salubrité avait alors dit à X.________ de prendre les mesures nécessaires pour pallier à ce problème » ; le témoignage de F.________, selon laquelle « [à] l’ouverture même de la porte, une très forte odeur d’urine de chat s’est dégagée de l’appartement. À l’intérieur, c’était très difficile. L’odeur était très très forte et on sentait beaucoup d’humidité. On constatait que l’aération n’était pas correctement faite » ; enfin celui de H.________, selon lequel « [l]ors des passages que j’ai moi-même fait[s] dans l’appartement, j’avais constaté d’importantes moisissures et aussi des odeurs fortes et particulièrement désagréables d’urine. Selon moi, l’appartement manquait d’aération ou n’était pas aéré du tout. […] De ce que j’avais constaté dans l’appartement, je peux dire qu’il y avait bien un problème de salubrité ».

Or, malgré ces éléments, l’intimée a pris à sa charge l’entier des coûts des travaux effectués, alors même qu’elle aurait probablement pu les faire supporter – à tout le moins en partie – à l’appelante, qui avait en tant que locataire un devoir de diligence relativement à l’usage de la chose louée (cf. art. 257f al. 1 CO). En effet, le bailleur qui peut invoquer la violation d’un devoir lié à l’obligation de diligence est habilité à exiger du locataire la réparation du dommage qui en découle (Wessner, Le devoir de diligence du locataire dans les baux d’habitations et de locaux commerciaux, Séminaire du droit du bail, Neuchâtel 2006, p. 24, no 91). À cet égard, considérant que cet élément n’était, en lui-même, pas à l’origine du congé, la première juge avait laissé ouverte la question de savoir si les moisissures constatées n’avaient pas pour cause principale un manque de soin et d’aération de la part de l’appelante, ce d’autant plus que l’appartement était, apparemment, le seul de tous les immeubles du quartier à être touché et que ces problèmes étaient réapparus à trois ans d’intervalle, malgré les travaux de nettoyage et de peinture effectués une première fois en 2011 (cons. 10 p. 11 du jugement attaqué). Or s’il est exact que cet élément n’était, en lui-même, pas à l’origine du congé, il semble évident qu’il a dû jouer un rôle dans l’appréciation d’ensemble que l’intimée prétend avoir effectuée au moment de décider de notifier ledit congé à l’appelante. La mise en demeure adressée à cette dernière le 6 juin 2014 mentionnait en effet de façon claire, comme possible cause d’une résiliation anticipée à venir, un état d’insalubrité jugé intolérable et lié à l’urine des chats. 

5.                                a) L’appelante soutient ensuite que le tribunal civil a constaté certains faits de manière inexacte concernant le désamiantage. L’arrêt de la Cour d’appel civile devrait selon elle bien plutôt se fonder sur les faits suivants :

a)    Les travaux de désamiantage n’ont pas été menés conformément aux règles de l’art ;

b)    En particulier, soit les analyses préalables n’ont pas été, respectivement ont mal été effectuées, soit les mesures de sécurité insuffisantes ont ensuite conduit à la contamination de nouvelles pièces ;

c)     L’appelante avait dès lors de bonnes raisons de s’inquiéter ;

d)    C’est à juste titre et à bon droit que l’appelante a fait appel à la SUVA ainsi qu’à l’Office de l’inspection du travail (OFIT).

b) En l’espèce, les éléments suivants ressortent des témoignages recueillis auprès de I.________ (hygiéniste du travail) et de L.________ (expert en matière d’amiante), auxquels on peut reconnaître une pleine valeur probante à mesure que les intéressés sont des professionnels dans leurs domaines de compétences respectifs et n’ont aucun intérêt direct à la cause. Selon le premier nommé, un des fils de X.________ l’avait contacté à trois reprises. Les deux premiers téléphones concernaient des manquements liés aux mesures à prendre en matière de désamiantage, manquements qui s’étaient révélés infondés. Seule la troisième intervention de C. X.________ avait mis en lumière un problème de coordination des plans des zones amiantées, lié à une absence de correspondance entre les plans que l’OFIT avait reçus de M.________ SA et ceux affichés. Cet élément avait justifié une interruption immédiate du chantier et une transmission de l’entier du dossier à la SUVA. Le témoin ajoutait que cette dernière pourrait renseigner la juge sur l’issue de cette affaire, que l’OFIT ne suivait plus de façon directe ; il savait que des analyses post-travaux avaient toutefois été effectuées dont il était ressorti, en tous cas pour deux d’entre elle, que le témoin avait lui-même vues, qu’il n’y avait pas de trace d’amiante. Quant au second témoin, chargé de l’expertise des deux immeubles de la rue [aaaa] par le conducteur des travaux, H.________, il avait fait quelques échantillonnages parce que la famille de X.________ avait des soupçons quant à la présence d’amiante et des doutes quant aux mesures de sécurité prises en conséquence. La famille précitée avait fait arrêter le chantier deux ou trois fois à cause de cela. Lui-même avait rendu un rapport que la SUVA avait validé, puisqu’elle avait permis la reprise du chantier. La famille de X.________ n’était pas d’accord avec les rapports. Toutefois, des rapports CDI (mesures d’air) avaient été établis, dans lesquels aucune présence d’amiante n’avait été constatée.

Certes, les témoins D.________ et E.________ ont indiqué avoir constaté des problèmes en lien avec le désamiantage. Les intéressés n’étaient toutefois pas voisins directs mais voisins dans d’autres immeubles (au no 11 pour le premier et au no 14 pour le second) de l’appelante, de sorte que leurs témoignages ne pouvaient porter que sur leur propre immeuble. Par ailleurs, si D.________ a indiqué qu’au cours des travaux, il n’y avait pas les dispositifs de sécurité nécessaires pour la protection contre la poussière d’amiante, il n’a toutefois pas détaillé ses propos, en mentionnant quels manquements précis il reprochait à la direction des travaux. Quant à E.________, il ressort en substance de ses déclarations qu’elles se fondaient sur celles de C. X.________ et que, s’agissant de son propre appartement, l’entreprise O.________ avait pris les précautions nécessaires pour décontaminer sa chambre à coucher. Sous l’angle de l’appréciation des preuves, ces deux témoignages ne parviennent dès lors pas à priver de leur force probante ceux de I.________ et de L.________.

On doit par conséquent retenir que les interventions de l’appelante et de ses fils, dont les actes lui sont imputables, n’étaient que très partiellement fondées. 

6.                                a) L’appelante soutient également que le tribunal civil a constaté les faits de manière inexacte, s’agissant des travaux de rénovation, en tant que ceux-ci portaient sur le rebouchage de deux trous et des finitions en matière d’électricité. Dans ce cadre, la première juge aurait retenu à tort que c’était par la faute de l’appelante que l’intimée n’avait pas pu effectuer les travaux, la première ayant empêché les ouvriers d’accéder à son appartement. L’arrêt de la Cour d’appel civile devrait selon elle bien plutôt se fonder sur les faits suivants :

a)    Les finitions des travaux dans l’appartement de l’appelante n’étaient pas terminées au mois de décembre 2014 ;

b)    C’est donc à juste titre que l’appelante avait fait part à l’intimée des problèmes qui subsistaient et des travaux encore à effectuer ;

c)     L’intimée avait commandé les travaux de finition après la résiliation du contrat de bail et près de deux ans après la demande de l’appelante ;

d)    L’appelante n’avait pas, avant la résiliation du contrat de bail, empêché de quelque manière que ce soit l’exécution de la finition des travaux.

                        b) En l’espèce, l’administration des preuves permet de retenir qu’un courriel déposé par l’appelante elle-même établit qu’un accord passé entre l’entreprise P.________ SA et C. X.________ prévoyait que ce dernier devrait être averti lors des futurs travaux d’électricité dans l’appartement, afin de pouvoir être présent. En contrepartie, l’électricien sur place devait sécuriser le jour même les prises et interrupteurs commencés « qui n’avait (sic) pas pu être terminés car ils n’avaient pas eu accès à l’appartement ». Par ailleurs, la témoin F.________, employée de la gérance, a déclaré que « [s’]agissant des deux trous restés dans l’appartement de X.________, nous avons cherché à plusieurs reprises à accéder à l’appartement pour faire faire les travaux de rebouchage. Mais, à chaque fois, nous nous sommes heurtés à l’opposition de la locataire ou de ses fils. […] Enfin, nous avons fait une dernière tentative au début de cette année, pour accéder à l’appartement toujours pour faire reboucher ces trous. La maison M.________ SA a été mandatée à cet effet. Mais cette fois, il nous a été répondu qu’il fallait attendre l’audience précédente avant de faire quoi que ce soit à ce niveau-là ». Enfin et de manière plus générale, plusieurs témoignages de tiers montrent que les personnes concernées ont également eu de la difficulté à accéder à l’appartement de l’appelante au cours des travaux de rénovation du bâtiment. G.________, menuisier, a ainsi déclaré : « Durant les quatre ans que j’ai passés dans le quartier, je n’ai jamais rencontré X.________. En revanche, j’ai eu affaire à ses deux fils. Ils ont appelé la police à trois reprises pour soi-disant des effractions à l’appartement de leur mère en ce sens que, pour des travaux, nous étions intervenus et étions entrés dans son appartement, alors que selon eux nous n’en avions pas le droit […] J’ai donc eu la police trois fois sur le dos mais à chaque fois, ils m’ont dit de ne pas m’inquiéter. Apparemment, C. X.________ et D. X.________ leur étaient connus de longue date ». H.________ a pour sa part indiqué : « Je me souviens qu’au niveau des accès, et du planning, j’ai rencontré et les travailleurs également des difficultés pour l’appartement de X.________. […] Or, pour l’appartement de X.________, nous nous sommes plus d’une fois trouvés devant une porte fermée et ne pouvions donc pas travailler comme prévu ».  Quant à L.________, il a indiqué : « Dans le cas de l’appartement de X.________, comme je n’avais pas pu y accéder […]. Aujourd’hui, pour peu qu’on ne m’empêche pas l’accès et qu’on ne me complique pas la tâche, je peux bien évidemment retourner reboucher ces trous ». 

Compte tenu de ces éléments, on doit retenir que la non-exécution de la finition des travaux est, à tout le moins partiellement, imputable à l’appelante. S’agissant en particulier de l’électricité, on ne voit du reste pas en quoi la présence de l’un de ses fils pour assister aux finitions de l’électricien était nécessaire. S’agissant des trous à reboucher, si l’intimée a peut-être tardé, il n’en demeure pas moins que l’une des tentatives menées à cet effet a été refusée par la famille de X.________, au motif que c’était quelques jours avant l’audition de l’appelante. Or on ne voit pas pour quelle raison autre que de la chicanerie cette future audition empêchait l’exécution de ces travaux.

7.                                L’appelante soutient encore que le tribunal civil a constaté les faits de manière inexacte en retenant que le motif fondant la résiliation résidait dans la difficulté des relations et de la communication entre Y.________ SA et l’appelante, depuis de nombreuses années. L’arrêt de la Cour d’appel civile devrait selon elle bien plutôt se fonder sur les faits suivants :

a)    L’entente entre les parties a toujours été bonne, à l’exception de la seule période durant laquelle les problèmes de moisissures et d’amiante sont apparus ainsi que durant la phase des travaux y relatifs ;

b)    C’est en raison du fait que l’appelante a fait appel à plusieurs reprises au SSPI et à l’OFIT et que les travaux ont été interrompus en raison de problèmes de sécurité avérés que l’intimée a résilié le contrat de bail.

Au vu des développements figurant aux considérants 4 à 6 ci-dessus, on peut effectivement retenir que l’entente entre les parties s’est dégradée à partir de 2011, moment où l’appelante a élevé des prétentions et s’est plainte en lien avec les moisissures et l’amiante. Toutefois, on ne saurait retenir que le bail de l’appelante a été résilié parce que l’intéressée a fait appel à plusieurs reprises au SSPI et à l’OFIT, question qui relève du reste de l’appréciation juridique et non factuelle du congé représailles. Par ailleurs, la mésentente a duré pendant 4 ans, durée pouvant paraître faible en comparaison de la durée totale du bail (45 ans jusqu’à la résiliation), mais importante s’agissant d’un conflit entre bailleur et locataire. Enfin, seule une faible part des problèmes de sécurité dénoncés s’est révélée être réelle. Ces questions se rattachent cependant à l’application du droit.

8.                                L’appelante soutient que le tribunal civil a violé le droit, en n’annulant pas le congé donné, alors qu’il s’agissait d’un congé représailles. L’intimée – hors du motif lié à la prétendue absence de l’appelante de son logement, motif écarté par le tribunal civil sans faire l’objet d’une contestation ultérieure par l’intimée – a justifié la résiliation du bail par le motif que, de longue date, les relations contractuelles avec l’appelante étaient difficiles, rendant finalement le bail insupportable pour elle.

                        De l’avis de la Cour, l’administration des preuves permet de retenir que les allégués de l’intimée quant à la difficulté des relations contractuelles avec l’appelante apparaissent comme prouvés. Différents témoignages conduisent à une telle conclusion. En premier lieu et même si on a déjà relevé que l’intéressé avait finalement été entendu en qualité de partie, A.________ a déclaré ce qui suit : « Depuis que je m’occupe de l’immeuble où habite X.________, j’ai des contacts plutôt réguliers avec elle et plus particulièrement avec ses fils concernant son appartement. Ces contacts se sont souvent avérés difficiles en raison de la virulence des fils de X.________. […] A chaque contact avec les fils C. X.________ et D. X.________, rapidement, ils deviennent menaçants, nous indiquant qu’ils agiront en justice ou encore que l’affaire relève du pénal ». F.________ a de son côté expliqué que « [d]urant la rénovation, X.________, C. X.________ et D. X.________ ont empêché la bonne exécution des travaux, soit parce qu’ils étaient absents lors du passage des entreprises, passages préalablement annoncé, soit parce qu’ils refusaient l’accès à leur logement. En fait, ils étaient très fixés et se sentaient très persécutés par ce problème d’amiante. […] X.________, C. X.________ et D. X.________ persistaient à répéter qu’il y avait des dangers liés à ce problème d’amiante à tel point qu’ils le répétaient non seulement dans tout l’immeuble mais dans tout le quartier. Il en a même résulté un certain mouvement de panique chez les autres locataires. Mais je répète une fois encore que le problème avait été correctement traité et surtout qu’il n’y avait aucun danger ». G.________, menuisier employé par M.________ SA, a déclaré devant le tribunal civil que « [d]urant les quatre ans que j’ai passés dans le quartier, je n’ai jamais rencontré X.________. En revanche, j’ai eu affaire à ses deux fils. Ils ont appelé la police à trois reprises pour soi-disant des effractions à l’appartement de leur mère en ce sens que, pour des travaux, nous étions intervenus et étions entrés dans son appartement, alors que selon eux nous n’en avions pas le droit. C’était inexact. […] J’ai donc eu la police trois fois sur le dos mais à chaque fois, ils m’ont dit de ne pas m’inquiéter. Apparemment, C. X.________ et D. X.________ leur étaient connus de longue date. Personnellement je n’avais strictement rien à me reprocher […] Nous avons aussi été passablement retardés dans les travaux que nous devions faire dans l’appartement de X.________ car l’accès nous en était particulièrement compliqué. […] A chaque fois, nous étions empêchés d’intervenir le jour prévu et perdions un ou deux jours. De plus, à chacun de nos passages, X.________, C. X.________ et D. X.________ étaient présents pour nous surveiller pendant que nous travaillions. Selon eux, tous les corps de métier qui sont intervenus étaient des voleurs. Ils étaient donc très méfiants. À votre demande, je n’ai pas constaté d’objets de valeur particulière ou un mobilier spécifique dans l’appartement de X.________ qui auraient mérité une pareille surveillance ou attention ». H.________ a pour sa part expliqué ce qui suit : « Je me souviens qu’au niveau des accès, et du planning, j’ai rencontré et les travailleurs également des difficultés pour l’appartement de X.________. […] Or, pour l’appartement de X.________, nous nous sommes plus d’une fois trouvés devant une porte fermée et ne pouvions donc pas travailler comme prévu ». I.________ a déclaré que « [t]ous les contacts que j’ai eus, c’était avec le fils de X.________ exclusivement. C’était à ses demandes certes insistantes que je suis intervenu » et le peintre K.________ que « [p]endant mes interventions dans l’appartement de X.________, j’ai eu quelques contacts avec elle et surtout avec son fils. À plusieurs reprises, il m’a téléphoné pour me faire des reproches pour ceci ou cela, notamment en m’accusant d’avoir utilisé de la peinture toxique. Je lui ai bien sûr répondu que ça n’était pas le cas. On n’utilise plus la peinture toxique depuis longtemps sans quoi je n’aurais pas survécu à ma profession. En un mot, C. X.________ m’a passablement embêté, tout en restant toujours correct, ce que je tiens à préciser ». Enfin, le témoin L.________ a indiqué au tribunal civil que « [d’]ailleurs, les fils de X.________ étaient toujours présents et très peu collaborants. Ils ne se sont entendus avec personne sur le chantier mais avec moi en particulier, ils ont depuis le début été très agressifs. Ils contestaient sans cesse mes conclusions et je ne pouvais même pas parler en leur présence ».

Les éléments qui précèdent permettent de retenir que si l’appelante avait certes fait valoir des prétentions qui étaient (très) partiellement justifiées en matière d’amiante, sa façon de les faire valoir, par l’intermédiaire de ses fils, était excessive et parfois chicanière, au point d’exaspérer de nombreuses personnes. Par ailleurs, les réclamations de l’appelante en lien avec la présence de moisissures dans son logement n’étaient, elles aussi, que tout au plus partiellement fondées, à mesure que l’intéressée n’aérait pas suffisamment son appartement, que le parquet de son appartement avait dû être remplacé intégralement parce qu’il était imprégné par de l’urine de chats, celle-ci étant également à l’origine d’odeurs persistantes. Cet élément avait, comme déjà relevé ci-dessus, sans aucun doute causé ou aggravé le problème. En outre, la non-exécution des travaux de finition lui était également, à tout le moins partiellement, imputable.

Dans de telles conditions, on ne peut pas retenir que l’intimée aurait donné à l’appelante son congé parce que cette dernière avait, de bonne foi, fait valoir des prétentions découlant du bail au sens de l’article 271a al. 1 let. a CO, le lien de causalité entre les demandes d’intervention émises par la locataire en 2011 et 2014 et la résiliation de 2016, soit bien plus tard, n’étant pas établi. Sous cet angle, le congé est donc valable.

9.                                Enfin, le congé donné n’est pas contraire à la bonne foi au sens de la clause générale d’annulabilité prévue à l’article 271 al. 1 CO. Signifié par l’intimée parce que les relations contractuelles avec l’appelante étaient difficiles, ce qui rendait finalement le bail insupportable pour elle, ce congé reposait sur un motif légitime, ce qui est suffisant. Le congé répondait ainsi, comme retenu à juste titre par la première juge, à un intérêt objectif, sérieux et digne de protection pour l’intimée.

                        Certes, l’appelante se plaint d’une certaine disproportion des intérêts en présence et soutient qu’un déménagement sera relativement difficile à mettre en œuvre dans son cas : elle est relativement âgée, connaît des problèmes de santé et ne dispose pas de ressources économiques autres que sa rente AVS et des prestations complémentaires. Elle occupait ce logement depuis 45 ans au moment de recevoir son congé. En ce qui la concerne, l’intimée n’aurait pas d’autres intérêts que de relouer cet appartement à une autre personne. L’appelante omet de préciser que celle-ci causerait moins de problème à l’intimée et aussi, on peut le souligner, prendrait meilleur soin de l’objet loué (on a vu que la cause des moisissures tenait aussi au comportement de la locataire, même si elle s’est dans l’intervalle séparée de ses chats). C’est le lieu de préciser que l’article 271 al. 1 CO impose une pesée des intérêts – qui se fait ici en faveur de la bailleresse – mais ne saurait priver totalement les parties de leur liberté contractuelle. Par ailleurs, l’appelante est bien entourée et peut compter sur le soutien indéfectible de ses fils, comme en témoigne la présente procédure. Ceux-ci pourront ainsi l’aider dans ses futures recherches d’appartement et son déménagement. Il faut de plus rappeler (cf. ci-avant cons. 3b) que le seul fait que la résiliation entraîne des conséquences pénibles pour la locataire n’est pas suffisant et doit être pris en compte dans le cadre d’une éventuelle prolongation du bail au sens de l’article 272 CO.

10.                             L’appel doit ainsi être rejeté en tant qu’il conclut à l’annulation du congé signifié le 9 juin 2016.

11.                             Il n’y a pas lieu de revenir sur la prolongation de bail d’une durée de 4 ans, courant jusqu’au 31 mars 2021, si ce n’est pour deux remarques. D’une part que la première juge l’a déclarée unique à juste titre, à mesure qu’elle correspondait d’emblée à la durée maximale de 4 ans prévue à l’article 272c al. 1 CO pour les baux d’habitations, ce qui empêchait de fait une seconde prolongation. D’autre part, que l’intimée ne saurait conclure devant l’instance d’appel au rejet de la demande de prolongation, faute pour elle d’avoir déposé un appel joint (cf. ci-avant cons. 1c).

12.                             Pour l’ensemble des motifs qui précèdent, l’appel doit être rejeté et la décision attaquée confirmée. En matière de bail à loyer, il n'est perçu ni frais judiciaires ni émoluments de chancellerie pour les litiges portant sur des locaux d'habitation (art. 56 de la loi fixant le tarif des frais, des émoluments de chancellerie et des dépens en matière civile, pénale et administrative [LTFrais, RSN 164.1]). L’appelante devra verser à l’adverse partie une indemnité de dépens.

13.                             L’appelante demande à être mise au bénéfice de l’assistance judiciaire pour la procédure d’appel (art. 119 al. 5 CPC).  Les conditions légales étant réunies (ressources insuffisantes, cause qui n’est pas dépourvue de toute chance de succès et nécessité d’être assistée d’un conseil juridique ; art. 117 et 118 al. 1 let. c CPC), elle doit lui être octroyée et Me R.________ désigné en qualité d’avocat d’office. Ce dernier a déposé un mémoire d’honoraires faisant état de 970 minutes de travail (soit un peu plus de 16 heures), pour un montant total de 3'299.70 francs TTC. Son activité ne pourra être examinée et indemnisée qu’une fois que son mémoire aura été transmis à l’appelante afin de permettre à cette dernière, si elle le souhaite, de se déterminer à ce sujet (art. 26 de la Loi cantonale sur l’assistance judiciaire, LAJ, RSN 161.2).

 Par ces motifs,
LA COUR D'APPEL CIVILE

1.    Rejette l’appel et confirme le jugement attaqué.

2.    Octroie à X.________ l’assistance judiciaire pour la procédure d’appel et désigne Me R.________ en qualité de mandataire d’office.

3.    Dit que l’indemnité due au mandataire d’office sera déterminée ultérieurement, par décision séparée, après exercice par l’appelante de son droit d’être entendue au sens de l’article 26 LAJ.

4.    Statue sans frais.

5.    Condamne X.________ à verser à Y.________ SA une indemnité de dépens de 2'000 francs pour la procédure d’appel.

Neuchâtel, le 18 juin 2020

 

Art. 2 CC
Devoirs généraux
 

1 Chacun est tenu d’exercer ses droits et d’exécuter ses obligations selon les règles de la bonne foi.

2 L’abus manifeste d’un droit n’est pas protégé par la loi.

Art. 266a CO
Délais et termes de congés
En général
 

1 Lorsque le bail est de durée indéterminée, une partie peut le résilier en observant les délais de congé et les termes légaux, sauf si un délai plus long ou un autre terme ont été convenus.

2 Lorsque le délai ou le terme de congé n’est pas respecté, la résiliation produit effet pour le prochain terme pertinent.

Art. 271 CO
Annulabilité du congé
En général
 

1 Le congé est annulable lorsqu’il contrevient aux règles de la bonne foi.

2 Le congé doit être motivé si l’autre partie le demande.

Art. 271a CO
Congé donné par le bailleur
 

1 Le congé est annulable lorsqu’il est donné par le bailleur, notamment:

a. parce que le locataire fait valoir de bonne foi des prétentions découlant du bail;

b. dans le but d’imposer une modification unilatérale du bail défavorable au locataire ou une adaptation de loyer;

c. seulement dans le but d’amener le locataire à acheter l’appartement loué;

d. pendant une procédure de conciliation ou une procédure judiciaire en rapport avec le bail, à moins que le locataire ne procède au mépris des règles de la bonne foi;

e. dans les trois ans à compter de la fin d’une procédure de conciliation ou d’une procédure judiciaire au sujet du bail et si le bailleur:

1. a succombé dans une large mesure;

2. a abandonné ou considérablement réduit ses prétentions ou conclusions;

3. a renoncé à saisir le juge;

4. a conclu une transaction ou s’est entendu de toute autre manière avec le locataire.

f. en raison de changements dans la situation familiale du locataire, sans qu’il en résulte des inconvénients majeurs pour le bailleur.

2 La let. e de l’al. 1 est également applicable lorsque le locataire peut prouver par des écrits qu’il s’est entendu avec le bailleur, en dehors d’une procédure de conciliation ou d’une procédure judiciaire, sur une prétention relevant du bail.

3 Les let. d et e de l’al. 1 ne sont pas applicables lorsqu’un congé est donné:

a. en raison du besoin urgent que le bailleur ou ses proches parents ou alliés peuvent avoir d’utiliser eux-mêmes les locaux;

b. en cas de demeure du locataire (art. 257d);

c. pour violation grave par le locataire de son devoir de diligence ou pour de graves manques d’égards envers les voisins (art. 257f, al. 3 et 4);

d. en cas d’aliénation de la chose louée (art. 261, al. 2);

e. pour de justes motifs (art. 266g);

f. en cas de faillite du locataire (art. 266h).

Art. 311 CPC
Introduction de l’appel1
 

1 L’appel, écrit et motivé, est introduit auprès de l’instance d’appel dans les 30 jours à compter de la notification de la décision motivée ou de la notification postérieure de la motivation (art. 239).

2 La décision qui fait l’objet de l’appel est jointe au dossier.


1 Rectifié par la Commission de rédaction de l’Ass. féd. (art. 58, al. 1, LParl; RS 171.10).

Art. 313 CPC
Appel joint
 

1 La partie adverse peut former un appel joint dans la réponse.

2 L’appel joint devient caduc dans les cas suivants:

a. l’instance de recours déclare l’appel principal irrecevable;

b. l’appel principal est rejeté parce que manifestement infondé;

c. l’appel principal est retiré avant le début des délibérations.

 

Art. 317 CPC
Faits et moyens de preuve nouveaux; modification de la demande
 

1 Les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en compte qu’aux conditions suivantes:

a. ils sont invoqués ou produits sans retard;

b. ils ne pouvaient être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s’en prévaut ait fait preuve de la diligence requise.

2 La demande ne peut être modifiée que si:

a. les conditions fixées à l’art. 227, al. 1, sont remplies;

b. la modification repose sur des faits ou des moyens de preuve nouveaux.