A.                               Le 20 mai 2019, Y._________ a déposé, après avoir obtenu une autorisation de procéder le 18 février 2019, une demande à l’encontre de l’Association X._________, en prenant les conclusions suivantes :

«   1.  Condamner l’Association X._________ à payer un montant brut de CHF 4'800 avec intérêts à 5 % l’an dès le 31 octobre 2018 à titre d’indemnité correspondant à deux mois de salaire.

2.    Condamner l’Association X._________ à payer un montant brut de CHF 1'200.00 à titre « de bonification », le tout avec intérêt à 5 % l’an dès le 31 octobre 2018.

3.    Condamner l’Association X._________ à payer le montant net de CHF 7'200.00 avec intérêts à 5 % l’an dès le 31 octobre 2018 à titre d’indemnité pour licenciement injustifié (article 337c alinéa 3 CO).

5.    Avec suite de frais et dépens ».

À l’appui de ses conclusions, la demanderesse alléguait que les parties avaient conclu un contrat de travail de durée indéterminée en date du 1er avril 2015. Son travail consistait principalement dans l’entretien d’un refuge pour animaux et à veiller au bien‑être des animaux. Il avait été convenu entre les parties qu’elle effectue une activité de l’ordre de 50 %, pour un salaire mensuel brut de 2'200 francs. Le 18 mai 2017, l’Association X._________ lui avait confié diverses tâches administratives supplémentaires et avait augmenté son salaire à 2'400 francs brut par mois. Elle s’était toujours pleinement engagée dans son travail et avait donné entière satisfaction à son employeur. Elle avait reçu une bonification de 1'200 francs brut en 2015, 2016 et 2017. La présidente de l’Association X._________ (soit A._________) avait souvent eu des comportements inadaptés, voire irrespectueux envers ses employés. L’attitude de la présidente envers Y._________ avait encore changé, après un accident de parachute dont la demanderesse avait été victime en mai 2018 et dont il lui restait des douleurs au dos. A._________ avait commencé à prendre la demanderesse à partie sans raison objective, par des cris, des remarques déplacées et des reproches injustifiés. Le 31 octobre 2018 au matin, c’était à nouveau arrivé. La présidente avait alors reproché à Y._________ de ne pas avoir pas vidé la machine à café la veille, ceci alors qu’elle ne travaillait pas ce jour-là. La demanderesse avait été débordée par ses émotions et prise d’une crise d’angoisse. Elle avait dit à A._________ qu’elle ne se sentait vraiment pas bien et préférait rentrer pour se calmer. Dès qu’elle s’était sentie mieux, elle avait tenté d’appeler l’Association X._________. Elle n’avait pas réussi à la joindre. Elle avait écrit un SMS dans l’après-midi pour indiquer qu’elle viendrait travailler le lendemain matin comme prévu. Le même jour, elle avait reçu une lettre de résiliation avec effet immédiat, le motif invoqué étant un abandon de poste et le refus de donner suite à une mise en demeure par SMS. Y._________ n’avait pas eu l’occasion de s’expliquer et l’Association X._________ n’avait eu aucune considération pour elle, malgré ses trois ans et demi de bons et loyaux services. La demanderesse n’avait pas fait l’objet d’avertissements préalables, de sorte que le licenciement immédiat était injustifié. Suite à ce licenciement, elle avait été sanctionnée par l’assurance-chômage et n’avait pas retrouvé de travail. À l’appui de ses allégués, la demanderesse déposait des pièces littérales et demandait l’audition de deux témoins.

B.                               Le 14 juin 2019, l’Association X._________ a déposé une réponse et demande reconventionnelle, en prenant les conclusions suivantes :

«    1. Rejeter la Demande en toutes ses conclusions ;

              Reconventionnellement :

2. Condamner Y._________ au paiement d’un montant de CHF 1'000.00 à l’Association X._________ pour dommages et intérêts ;

              En tout état de cause :

              3. Avec suite de frais et dépens ».

À l’appui de ses conclusions, la défenderesse alléguait qu’au début de son engagement, Y._________ travaillait correctement. En automne 2017, les choses s’étaient dégradées et elles n’avaient ensuite pas cessé de se détériorer. Y._________ n’exécutait pas toutes les tâches qui lui étaient demandées. Elle avait reçu des avertissements oraux, à maintes reprises. Les bonifications versées chaque année n’étaient pas des acquis. A._________ était très soucieuse de la santé physique et psychologique de ses employés. Y._________ avait eu un accident de parachute le 2 juin 2018. Elle avait demandé à ne plus porter des charges lourdes, mais montait à cheval en parallèle. Elle n’avait pas déposé de certificat médical démontrant une incapacité. Le 31 octobre 2018, Y._________ avait abandonné sa place de travail et, malgré une mise en demeure de revenir sur son lieu de travail, elle n’était pas revenue. La résiliation immédiate du contrat de travail était donc justifiée. L’attitude de la demanderesse avait causé des dommages à la défenderesse, de sorte que Y._________ devait être condamnée à indemniser celle-ci pour ces dommages (recherche d’une remplaçante et diffusion d’annonces). La demanderesse ne s’était pas retrouvée sans revenu, car elle avait un second emploi. En preuve de ses allégués, la défenderesse a déposé des pièces littérales, proposé l’audition de dix témoins et requis la production du dossier d’assurance-chômage de la demanderesse, de toutes ses recherches d’emploi et de son contrat de travail auprès d’un autre employeur.

C.                               Le 19 juillet 2019, Y._________ a répliqué et répondu à la demande reconventionnelle, en concluant au rejet de celle-ci et en confirmant ses propres conclusions. Le 28 août 2019, l’Association X._________ a également confirmé ses conclusions, dans sa duplique.

D.                               a) Par courrier du 6 septembre 2019, le tribunal civil a indiqué à l’Association X._________ que l’audition des dix témoins qu’elle sollicitait était totalement disproportionnée par rapport aux faits de la cause. Elle lui laissait le soin de choisir trois personnes qui pourraient être entendues en cette qualité.

b) Le 30 septembre 2019, la défenderesse a transmis au tribunal civil une liste de cinq témoins, en motivant succinctement les raisons pour lesquelles ces derniers devraient être entendus.

c) Par ordonnance de preuves du 21 octobre 2019, le tribunal civil a notamment rejeté les réquisitions de l’Association X._________ ainsi que deux des cinq témoignages proposés, au motif que le premier témoignage faisait double emploi avec celui de deux autres témoins et que le second témoin refusé devait s’exprimer sur les compétences de la présidente de l’Association, ce qui n’était pas l’enjeu du litige.

d) Par télécopie du 28 octobre 2019, l’Association X._________ a demandé au tribunal civil, par économie de procédure et pour éviter un recours, s’il pouvait substituer un des témoins admis par un autre, qui s’avérait plus pertinent. Ce courrier est resté sans réponse.

E.                               Le 20 février 2020, une audience s’est tenue devant le tribunal civil. À cette occasion, trois témoins de chaque partie ont été entendus. Les parties ont été interrogé). L’Association X._________ a maintenu ses réquisitions de preuves, en particulier les deux témoignages écartés. Elle a en outre soutenu que l’un des témoins avait fait un faux témoignage. Le tribunal civil a rejeté les réquisitions et prononcé la clôture de l’administration des preuves. Les parties ont ensuite plaidé. Le tribunal civil a indiqué qu’il rendrait son jugement ultérieurement.

F.                               Le 6 mars 2020, le tribunal civil a statué au fond, en rendant un jugement dont le dispositif est le suivant :

«    1. Condamne l’Association X._________ à verser à Y.________ un montant brut de CHF 4'800.00 avec intérêts à 5 % dès le 31 octobre 2018 correspondant à deux mois de salaire.

      2. Condamne l’Association X._________ à verser à Y.________ un montant brut de CHF 1'200.00 plus intérêts à 5 % dès le 31 octobre 2018 à titre de gratification pour l’année 2018.

      3. Condamne l’Association X._________ à verser à Y.________ un montant de CHF 4'800.00 net avec intérêt à 5 % l’an dès le 31 octobre 2018 à titre d’indemnité pour licenciement injustifié.

      4. Rejette la demande reconventionnelle.

      5. Condamne l’Association X._________ à verser à Y.________ une indemnité de dépens de CHF 5'000.00.

                       6. Statue sans frais ».

Le tribunal civil a retenu que l’événement du 31 octobre 2018 ne remplissait pas les conditions strictes d’un juste motif de résiliation immédiate du contrat de travail. Ainsi, il ne pouvait être mis fin au contrat que pour le 31 décembre 2018, de sorte que Y._________ avait droit à son salaire pendant les mois de novembre et décembre 2018, ce qui correspondait à 4'800 francs brut. Elle avait également le droit à une indemnité supplémentaire, correspondant à une pénalité infligée à l’employeur, pouvant être fixée à deux mois de salaire, au vu des circonstances. Enfin, la gratification de 1'200 francs avait bel et bien été versée pendant plusieurs années consécutives, si bien qu’elle était manifestement due pour l’année 2018. La demande reconventionnelle devait être rejetée, la résiliation avec effet immédiat n’étant pas valable.

G.                               Par mémoire du 24 mars 2020, l’Association X._________ appelle de ce jugement, en prenant les conclusions suivantes :

«   1. Déclarer le présent Appel recevable et bien fondé ;

      2. Admettre, éventuellement donner suite aux moyens de preuves refusés par le premier juge dans l’ordonnance de preuves du 21 octobre 2019, à savoir l’audition du témoin B.________ et les réquisitions des dossiers de l’assurance chômage, offres de travail et contrat de travail chez C.________ à Z.________ ;

      3. Réformer les chiffres 1 à 6 du Jugement du 6 mars 2020 rendu par le Tribunal régional du Littoral et du Val-de-Travers ;

      Statuant au fond :

                    4. Rejeter la demande en toutes ses conclusions ;

      Reconventionnellement :

      5. Condamner Mme Y._________ au paiement d’un montant de CHF 1'000.- à l’Association X.________ pour dommages et intérêts ;

      Éventuellement :

      6.  Renvoyer la cause à l’instance inférieure pour nouveau jugement au sens des motifs ;

      En tout état de cause :

      7. Avec suite de frais et dépens de 1ère et 2ème instance ».

À l’appui de ses conclusions, elle soutient que la première juge a été partiale quant au nombre et au choix des témoins et qu’elle a refusé à tort les réquisitions de l’appelante visant à la production du dossier d’assurance-chômage de l’intimée et de ses demandes d’emploi. Le rejet des preuves complémentaires demandées lors de l’audience du 20 février 2020 ne se justifiait pas non plus. Le refus d’administrer les moyens de preuve requis par l’appelante viole ainsi l’article 154 CPC, car ces preuves sont utiles à la résolution du litige. L’article 337 CO a également été violé par le tribunal civil, à mesure que c’est l’accumulation du non-respect des instructions données par l’appelante, la mauvaise exécution des tâches ainsi que l’abandon de poste qui ont justifié le licenciement immédiat de l’intimée. L’attitude de cette dernière a par ailleurs causé des dommages à l’appelante, de sorte qu’elle doit être condamnée à l’indemniser.

H.                               Dans sa réponse du 19 mai 2020, Y._________ conclut au rejet de l’appel, avec suite de frais et dépens de première et seconde instance. Elle considère, en substance, que le jugement du tribunal civil est exempt de tout reproche et qu’il doit être confirmé.

C O N S I D E R A N T

1.                                Déposé dans les formes et délai prévus par la loi (art. 311 à 313 CPC), dans une cause dont la valeur litigieuse est supérieure aux 10'000 francs mentionnés à l’article 308 al. 2 CPC, l’appel est recevable.

2.                                L’appelante se plaint de la partialité de la première juge. Elle ne prétend cependant pas que les faits qu’elle invoque justifieraient la récusation de cette juge, au sens des articles 47 à 51 CPC, et l’annulation du jugement entrepris pour ce motif. Il convient d’en prendre acte, tout en constatant que même s’il existait un motif de récusation, il aurait dû être soulevé à l’audience du 20 février 2020 déjà (Tappy, in : CR CPC, 2ème éd., n. 11 ad art. 49). L’invoquer dans le mémoire d’appel serait donc de toute manière tardif. On relèvera toutefois que la limitation du nombre de témoignages était proportionnée, au vu de la faible envergure du litige, en particulier au regard de sa valeur litigieuse. Par ailleurs, l’absence de réponse de la première juge à la télécopie de l’appelante du 28 octobre 2019 est compréhensible, puisque la défenderesse avait indiqué ce qui suit, dans son écrit à l’attention de ladite juge : « Sans nouvelles de votre part, d’ici à mercredi 30 octobre 2019, je partirai du principe que vous refusez et je déposerai un recours pour sauvegarder les droits de ma cliente ». On ne voit donc pas en quoi le silence de la première juge démontrerait une attitude partiale de sa part. Quant au comportement de la première juge lors de l’audience du 20 février 2020, il n’est pas démontré qu’il aurait été celui que l’appelante lui prête.

3.                                a) L’appelante considère que le licenciement immédiat était justifié, car l’intimée n’avait, à plusieurs reprises, pas respecté les instructions données, n’en avait pas exécuté d’autres et avait abandonné son poste le mercredi 31 octobre 2018, malgré la sommation de l’appelante de reprendre le travail.

b) En vertu de l'art. 337 CO, l'employeur peut résilier immédiatement le contrat en tout temps pour de justes motifs (al. 1). Sont notamment considérées comme tels toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d'exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de travail (al. 2). 

Mesure exceptionnelle, la résiliation immédiate pour justes motifs doit être admise de manière restrictive. L'auteur du congé doit pouvoir justifier de circonstances propres à détruire la confiance qu'impliquent dans leur essence les rapports de travail, ou à l'ébranler de façon si sérieuse que la poursuite du contrat ne peut plus être exigée. Seul un manquement particulièrement grave du travailleur justifie son licenciement immédiat ; si le manquement est moins grave, il ne peut entraîner une résiliation immédiate que s'il a été répété malgré un avertissement (ATF 130 III 28 cons. 4.1 p. 31; 129 III 380 cons. 2.1).

Il convient de ne pas perdre de vue que ce n'est pas l'avertissement en soi, fût-il assorti d'une menace de licenciement immédiat, qui justifie une telle mesure, mais bien le fait que l'acte imputé au travailleur ne permet pas, selon les règles de la bonne foi, d'exiger de l'employeur la continuation des rapports de travail jusqu'à l'expiration du délai de congé. À cet égard, il est douteux qu'un avertissement, même formulé avec soin, qui a été donné pour des faits totalement différents permette de licencier le travailleur à la moindre peccadille. La gravité de l'acte, propre à justifier un licenciement immédiat, peut être absolue ou relative. Dans le premier cas, elle résulte d'un acte pris isolément (par exemple, le travailleur puise dans la caisse de l'employeur). Dans le second, elle résulte du fait que le travailleur, pourtant dûment averti, persiste à violer ses obligations contractuelles (par exemple, le travailleur, bien que sommé de faire preuve de ponctualité, n'en continue pas moins d'arriver en retard à son travail) ; ici, la gravité requise ne résulte pas de l'acte lui-même, mais de sa réitération (ATF 127 III 153 cons. 1c). En outre, un congé immédiat suppose que, compte tenu de toutes les circonstances, il ne puisse plus être exigé de l'employeur d'attendre le délai de résiliation ordinaire (Wyler/Heinzer, Droit du travail, 3e éd., 2014, pp. 573-574).

Par manquement du travailleur, on entend généralement la violation d'une obligation découlant du contrat de travail, mais des motifs objectifs peuvent aussi justifier un congé abrupt (ATF 129 III 380 cons. 2.2). Pour constituer un juste motif de licenciement, le refus de travailler ou les absences injustifiées doivent être persistants et précédés d'avertissements contenant la menace claire d'un renvoi immédiat. Il en va différemment lorsque l'absence s'étend sur plusieurs jours ou intervient alors que l'employeur a clairement formulé l'exigence que l'employé soit présent (ATF 108 II 301 cons. 3b). Si le travailleur justifie l'abandon d'emploi par la maladie et que l'employeur a des doutes sur l'authenticité du motif, celui-ci ne peut pas résilier le contrat mais doit mettre l'employé en demeure de reprendre le travail ou de présenter un certificat médical, sauf si une telle sommation apparaît d'emblée inutile (arrêt du TF du 21.12.2006 [4C.339/2006] cons. 2.1). 

Il n’y a pas abandon d’emploi lorsque, après une violente altercation avec son employeur, le travailleur quitte brusquement son travail, en emportant du matériel et des affaires personnelles et en déclarant qu’il ne reviendra plus, et que, dans les jours suivants, il revient en exprimant l’intention de trouver un arrangement comportant la reprise du travail. Dans un tel cas, le comportement du travailleur doit être relativisé ; en raison de l’excitation, de l’emportement et de la colère, l’employeur ne pouvait raisonnablement pas considérer être en présence d’une décision définitive de son employé de ne plus reprendre le travail (Wyler/Heinzer, op. cit., p. 614 et la référence citée).

                        c) En l’espèce, il ressort de l’administration des preuves que, le 31 octobre 2018, vers 07h00, A._________ et l’intimée ont eu une altercation lors du briefing matinal rassemblant les employés, suite à un reproche – général, selon A._________ ; qui la visait directement, selon l’intimée – lié à l’entretien de la machine à café. Heurtée, l’intimée a quitté son lieu de travail pour rentrer chez elle, à mesure qu’elle ne se sentait plus en état de travailler. Suite à son départ, elle a envoyé le message suivant à A._________ : « J’appelle ça de la discrimination et persécution. S acharner sur une employée pour rien ! Merci en tout cas » (les messages sont reproduits tels quels). Ce message a été reçu à 07h23 par A._________, qui a répondu, à 09h46 : « On ne quitte pas sont travail comme ça chère Y.________ sans discussion. Reviens au travail ce matin, à tout, A.________ ». A._________ a également tenté de joindre l’intimée par téléphone, à 09h48. L’après-midi même, elle lui a adressé un courrier exprès, qui avait la teneur suivante : « Bonjour, par la présente, nous te prions de prendre note que ton contrat de travail est résilié avec effet immédiat au sens de l’art. 337 CO. Notre décision est notamment motivée par le fait que tu as abandonné ton poste de travail le 31 octobre 2018 à 7h15. Malgré ta mise en demeure du même-jour par SMS à 9h48, tu n’as pas regagné ton poste. De ce fait, des justes motifs sont applicables à ta résiliation immédiate […] ». À réception de ce courrier, l’intimée a appelé A.________, vers 16h10 ; les témoins D.________ et E.________, qui étaient présentes, ont entendu que Y._________ criait, mais n’ont pas pu donner d’éléments concrets quant aux propos qu’elle a tenus ; A.________ a raccroché. Immédiatement après, l’intimée a manifesté son souhait de revenir au travail, par un message qu’elle a envoyé à 16h19 : « A.________, je suis désolée d être partie ce matin mais je ne voyais pas d autres solutions. Je pense que nous avons toute les deux nos tort et je suis prête à prendre sur moi car j aime ce travail et je pense toujours faire aux mieux pour les animaux. Je viens demain matin comme prévu et j espère que nous pourrons nous laissez une deuxième chance. Bis ». Elle a encore écrit à A._________ le lendemain matin, à 5h39, pour demander si elle pouvait venir travailler ou pas, ce à quoi la destinataire du message a répondu : « Non il ne faut plus venir travailler. Tu est licencié, lis la lettre que je t’ai envoyé. Tu a rompu ton contrat toi-même ».

                        Les faits précités ne constituent clairement pas un abandon du poste de travail, ni un juste motif de licenciement immédiat, au sens des jurisprudences précitées. Le message envoyé par A._________ à l’intimée le 31 octobre 2018, à 9h48, ne constitue pas une mise en demeure formelle, à défaut à tout le moins de toute mention quant à la sanction liée à un non-retour immédiat au travail. La résiliation du contrat de travail de l’intimée est intervenue le jour même, alors qu’en cas de départ après une altercation, l’employeur ne peut raisonnablement pas considérer être en présence d’une décision définitive de son employé de ne plus reprendre le travail avant plusieurs jours. C’est le non-retour de l’intimée avant midi qui a justifié la résiliation immédiate de son contrat de travail, dans l’esprit de l’appelante : « Je me suis renseignée auprès d’un avocat qui m’a dit que, si Y.________ n’était pas revenue à midi, j’étais en droit de résilier le contrat de travail avec effet immédiat ». Il faut en comprendre que si l’intimée était revenue avant midi le 31 octobre 2018, elle aurait conservé son emploi. Le lien de confiance entre les parties n’était ainsi pas rompu, du point de vue de l’appelante, en raison du seul événement survenu le 31 octobre 2018 au matin. L’appelante aurait dû accepter la proposition de l’intimée de revenir travailler le lendemain de l’altercation, puisque cette proposition est intervenue quelques heures à peine après le départ de l’employée de son lieu de travail et que l’intimée avait envoyé un message apaisant. Globalement, l’incident du 31 octobre 2018 peut être qualifié de relativement mineur. Il ne justifiait donc pas en lui-même un licenciement immédiat.

                        d) Dans sa réponse, l’appelante a allégué une série de manquements imputables à l’intimée, antérieurs aux faits du 31 octobre 2018. À cet égard, il faut retenir que l’intimée n’a jamais refusé de travailler ou été absente sans justification avant la date en question. Elle a certes été absente à un après-midi de bénévolat, mais il est douteux qu’elle ait alors violé une obligation contractuelle, son absence avait pour cause une maladie, selon elle, et rien n’indique que l’empêchement aurait été fautif. Au surplus, cette absence n’a pas donné lieu à des mesures particulières de la part de l’employeur. Les éventuels manquements antérieurs au 31 octobre 2018, imputables à l’intimée, sont donc étrangers à une problématique liée à de l’absentéisme. Par ailleurs, ils n’ont pas fait l’objet d’avertissements écrits, ce qui constitue un indice sérieux qu’ils n’étaient pas d’une gravité telle qu’il se justifiait de les formaliser. Il n’est en outre pas établi que l’intimée aurait été avertie oralement, de manière claire, qu’un licenciement immédiat pourrait survenir si elle ne modifiait pas son comportement. Rien ne permet de retenir que l’attitude de l’intimée avant le 31 octobre 2018 aurait été de nature à entraîner une rupture du lien de confiance entre elle et son employeur, ni même qu’elle ait pu altérer ce lien d’une manière telle que les faits du 31 octobre 2018 auraient été la goutte qui faisait déborder le vase et auraient pu justifier un licenciement immédiat.

                        e) L’appelante estime qu’il aurait fallu une administration de preuves complémentaire en rapport avec les faits ci-dessus et considère que son droit être entendue a été violé.

f) La jurisprudence a déduit du droit d’être entendu (art. 29 al. 2 Cst. féd.) le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision soit prise à son détriment, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 142 II 218 cons. 2.3 et les références citées). Le droit d'être entendu n'empêche pas le juge de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de se forger une conviction et que, procédant de manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, il a la certitude qu'elles ne pourraient pas l'amener à modifier son opinion (ATF 141 I 60 cons. 3.3 et l'arrêt cité). Ce refus d'instruire ne viole ainsi le droit d'être entendu des parties que si l'appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge a procédé, est entachée d'arbitraire (ATF 141 I 60 cons. 3.3 et les références citées).

                        g) L’appelante fait valoir que le tribunal civil a refusé à tort d’entendre ce qu’elle considère comme un témoin-clé, à savoir la cheffe des employées, B.________.

                        Au vu des allégués figurant dans la réponse, respectivement dans la duplique, son éventuelle audition n’aurait pas d’influence sur le sort du litige. En effet, même à supposer qu’il puisse être reproché certains manquements à l’intimée et qu’ils aient fait l’objet d’avertissements oraux, il n’en demeure pas moins que, dans l’esprit de l’appelante, le juste motif fondant le licenciement immédiat tenait au fait que l’intimée n’était pas revenue travailler avant midi, le 31 octobre 2018. Or, comme on l’a vu plus haut, l’appelante ne pouvait pas légitimement se prévaloir de ce motif pour fonder un licenciement immédiat, fût-il précédé d’éventuels manquements. L’appelante ne sollicite pas l’audition de B.________ sur des allégués qui permettraient d’apporter des éclaircissements susceptibles de retenir une éventuelle rupture du lien de confiance au regard du seul incident survenu le 31 octobre 2018, de sorte que son audition doit être rejetée, par appréciation anticipée des preuves.

                        h) La crédibilité du témoin F.________ est mise en cause par l’appelante. Il faut toutefois constater que le tribunal civil n’a tiré aucun argument de ce témoignage pour fonder son jugement et que le présent arrêt ne s’appuie pas non plus sur les déclarations de l’intéressée. Une instruction complémentaire sur ce point doit être rejetée, par appréciation anticipée des preuves, dès lors qu’elle n’est pas susceptible de remettre en cause les conclusions du jugement attaqué. On notera au demeurant qu’aucune des conclusions prises en appel par l’appelante ne se réfère à la question de l’audition de F.________.

                        i) Vu ce qui précède, il faut retenir que les strictes conditions d’un licenciement immédiat n’étaient pas réunies, en relation avec les faits du 31 octobre 2018 pas plus qu’avec d’éventuels manquements antérieurs de la part de l’intimée, et qu’une instruction complémentaire à ce sujet ne se justifie pas.

4.                                L’appelante ne formule pas de critique spécifique envers le jugement entrepris, en tant que celui-ci retient que l’intimée, du fait du licenciement injustifié, a droit à son salaire pour les mois de novembre et décembre 2018, à hauteur de 4'800 francs brut (art. 337c al. 1 CO). Il n’y a donc pas lieu d’examiner cette question, sinon pour constater que cette solution était évidente.

5.                                Également à défaut de grief spécifique de l’appelante, il n’est pas nécessaire de s’arrêter à la question de la bonification de 1'200 francs, dont la première juge a considéré qu’elle était due, sur la base de motifs pertinents.

6.                                a) Le tribunal civil a estimé qu’une indemnité équivalant à deux mois de salaire se justifiait, au sens de l’article 337c al. 3 CO, en raison du licenciement immédiat injustifié. Il a considéré à cet égard que la demanderesse avait sans doute surréagi en quittant les lieux après l’altercation du 31 octobre 2018 ; le dossier n’établissait pas que A._________ aurait eu envers la demanderesse un comportement systématiquement dénigrant et désagréable, mais on aurait pu attendre de l’intéressée qu’elle revienne sur sa décision de licenciement lorsqu’elle avait constaté dans quel état d’esprit la demanderesse se trouvait dans l’après-midi du 31 octobre 2018 ; la demanderesse avait été marquée par la résiliation, qui avait eu pour elle des conséquences économiques importantes, puisque – selon ses explications et le dossier ne démontrant pas le contraire – elle n’avait plus retrouvé d’emploi ; les rapports de travail avaient duré plus de trois ans et, en tout cas jusqu’à fin 2017, s’étaient déroulés à la satisfaction générale.

                        b) En rapport avec cette question, l’appelante soutient que la première juge a écarté à tort ses réquisitions de production du dossier de l’assurance-chômage de l’intimée, de ses recherches d’emploi ainsi que de son contrat de travail auprès de C.________ à Z.________. Selon elle, cela aurait permis de déterminer si l’intimée avait ou non fait les efforts demandés pour trouver un emploi et si elle était apte au travail ou pas. Elle se plaint d’une violation de son droit d’être entendue et demande l’administration de ces preuves.

                        c) Il est vrai que le tribunal civil a retenu des conséquences économiques et l’absence de nouvel emploi, en tant que critère de fixation de l’indemnité (cf. ci-dessus). Cependant, en matière d’indemnité au sens de l’article 337c al. 3 CO, le juge du fait dispose d’un large pouvoir d’appréciation, s’agissant de sa quotité (arrêt du TF du 13.12.2005 [4C.291/2005] et les références citées). Le critère susmentionné n’est que l’un des quatre pris en considération par la première juge. Le mémoire d’appel ne dit pas quelle pourrait être la conséquence concrète des preuves nouvelles qui seraient administrées, ni en quoi l’indemnité équivalant à deux mois de salaire serait exagérée, ni à quel niveau elle devrait être fixée. Cela étant, une appréciation d’ensemble conduit à retenir que la quotité de l’indemnité au sens de l’article 337c al. 3 CO, telle que fixée par le tribunal civil, ne prête pas le flanc à la critique. L’intimée a été marquée par la résiliation abrupte de son contrat de travail, pour une activité assez gratifiante, qu’elle aimait et qu’elle avait accomplie pendant une certaine durée sans problème particulier. Elle s’est rapidement rendu compte que son comportement, le matin du 31 octobre 2018, n’était pas entièrement adéquat et elle a admis avoir eu des torts, ceci dans un message adressé le même jour à A._________. Celle-ci n’a pas eu une attitude systématiquement dénigrante envers son employée. Les reproches faits à cette dernière avant le 31 octobre 2018 ne portaient pas sur des questions véritablement importantes. L’intimée a certainement subi certaines conséquences économiques du fait de la résiliation, puisqu’elle a fait l’objet d’une sanction de la part de l’assurance-chômage - 45 jours de suspension - et qu’elle n’a ensuite perçu des indemnités qu’à hauteur de 80 % de son ancien salaire (le dossier n’indique pas si elle a recouru contre la décision de suspension des prestations, mais même si elle l’avait fait, cette décision entraînait des inconvénients pour elle, ne serait-ce que par le fait de devoir procéder ; il n’est pas exclusivement décisif qu’il y ait eu pour l’intimée des conséquences économiques concrètes ou pas). Comme l’a relevé le tribunal civil, A._________ aurait pu renoncer à la résiliation après avoir reçu le message apaisant de son employée, dans l’après-midi du 31 octobre 2018. Vu l’ensemble des circonstances et même sans conséquences économiques concrètes, une indemnité de deux mois au moins est justifiée et l’administration des nouvelles preuves demandées par l’appelante n’amènerait en tout cas pas à une réduction. Les réquisitions de l’appelante doivent ainsi être rejetées par appréciation anticipée des preuves.

7.                                Vu ce qui précède, l’appel doit être rejeté et le jugement attaqué confirmé. Il est statué sans frais (art. 114 let. c CPC). L’appelante supportera une indemnité de dépens en faveur de l’intimée. Elle sera fixée à 1’500 francs, sur la base du dossier, en l’absence de mémoire d’honoraires (art. 95 et 105 al. 2 CPC, 64 al. 2 LTFrais).

 Par ces motifs,
LA COUR D'APPEL CIVILE

1.    Rejette l’appel et confirme le jugement attaqué.

2.    Statue sans frais.

3.    Condamne l’appelante à verser à l’intimée, pour la procédure d’appel, une indemnité de dépens de 1’500 francs.

 

Neuchâtel, le 11 août 2020

 

  

Art. 337 CO
Résiliation immédiate
Conditions
Justes motifs
 

1 L’employeur et le travailleur peuvent résilier immédiatement le contrat en tout temps pour de justes motifs; la partie qui résilie immédiatement le contrat doit motiver sa décision par écrit si l’autre partie le demande.1

2 Sont notamment considérées comme de justes motifs toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d’exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de travail.

3 Le juge apprécie librement s’il existe de justes motifs, mais en aucun cas il ne peut considérer comme tel le fait que le travailleur a été sans sa faute empêché de travailler.


1 Nouvelle teneur selon le ch. I de la LF du 18 mars 1988, en vigueur depuis le 1er janv. 1989 (RO 1988 1472; FF 1984 II 574).

Art. 337c1CO
Résiliation injustifiée
 

1 Lorsque l’employeur résilie immédiatement le contrat sans justes motifs, le travailleur a droit à ce qu’il aurait gagné, si les rapports de travail avaient pris fin à l’échéance du délai de congé ou à la cassation2 du contrat conclu pour une durée déterminée.

2 On impute sur ce montant ce que le travailleur a épargné par suite de la cessation du contrat de travail ainsi que le revenu qu’il a tiré d’un autre travail ou le revenu auquel il a intentionnellement renoncé.

3 Le juge peut condamner l’employeur à verser au travailleur une indemnité dont il fixera librement le montant, compte tenu de toutes les circonstances; elle ne peut toutefois dépasser le montant correspondant à six mois de salaire du travailleur.


1 Nouvelle teneur selon le ch. I de la LF du 18 mars 1988, en vigueur depuis le 1er janv. 1989 (RO 1988 1472; FF 1984 II 574).
2 Lire «cessation».