A.                               X.________, née en 1976, et Y.________, né en 1973, se sont mariés en 2006 à Z.________, sans conclure de contrat de mariage. Deux enfants sont issus de cette union, soit A.________, née en 2006, et B.________, née en 2009.

B.                               Le 12 juillet 2018, l’épouse a déposé une requête de mesures protectrices de l’union conjugale devant le Tribunal civil du Littoral et du Val-de-Travers (ci-après : le tribunal civil). Elle concluait à ce que les parties soient autorisées à vivre séparément ; que le domicile conjugal et le mobilier du ménage lui soient attribués, comme la garde des enfants A.________ et B.________ ; que le droit de visite du père soit fixé ; que l’époux soit condamné à verser dès le 1er juillet 2018 des contributions d’entretien mensuelles de 2'055 francs en faveur de B.________ (allocations familiales en sus), de 2'205 francs en faveur de A.________ (allocations familiales en sus) et d’au moins 1'010 francs en faveur d’elle-même ; que l’époux soit condamné à lui verser une provisio ad litem de 5'000 francs ; subsidiairement, qu’elle soit mise au bénéfice de l’assistance judiciaire totale ; qu’il soit statué sur les frais et dépens, sous réserve des dispositions en matière d’assistance judiciaire.

C.                               a) À l’audience du 26 septembre 2018, la requérante a modifié les conclusions de sa requête, en déposant ses nouvelles conclusions. Elle demandait en particulier que l’époux soit invité à la renseigner sur ses différents comptes bancaires, que les contributions pour les enfants et elle-même soient fixées dès le 1er janvier 2018 (et non 1er juillet 2018), que celles pour les filles soient augmentées de 100 francs lorsque les enfants auraient 10 ans révolus et de 200 francs dès 16 ans révolus et que la provisio ad litem soit fixée à 7'000 francs. À titre subsidiaire, l’épouse demandait que si la part de prise en charge des enfants n’était pas prise en compte dans son intégralité, la pension pour elle-même soit fixée à au moins 2'500 francs, dès le 1er janvier 2018.

                        b) Lors de cette même audience, l’époux s’est déterminé sur les conclusions de la requérante, dans leur nouvelle teneur. Les parties n’ont pas trouvé d’accord et se sont vues impartir un délai pour produire des pièces.

c) Les 12 décembre 2018 et 23 janvier 2019, les parties ont présenté des observations finales et confirmé leurs conclusions respectives.

D.                               Par ordonnance de mesures protectrices de l’union conjugale du 28 mars 2019, le tribunal civil, qui a motivé sa décision le 8 mai 2019, a statué comme suit :

              «   1.   Autorise les parties à vivre séparées et constate que la séparation remonte au 1er janvier 2018.

2.    Attribue à l’épouse l’ancien domicile conjugal sis [aaaaa] à W.________ à l’épouse.

3.    Confie la garde des enfants A.________ et B.________ à la maman, le droit de visite du papa se déroulant de la manière la plus large possible et selon entente entre les parties, à défaut :

-      un week-end sur deux en alternance avec la maman du vendredi 18h00 au dimanche 18h00 ;

-      la moitié des jours fériés et des vacances scolaires.

4.    Arrête l’entretien mensuel convenable des enfants communs du couple à CHF 1'172.90 pour A.________ et à CHF 1'025.00 s’agissant de l’enfant B.________.

5.    Condamne en conséquence l’époux à s’acquitter en mains de la maman, mensuellement et d’avance, dès le 1er janvier 2018, d’une contribution d’entretien mensuelle pour A.________ de CHF 952.90 et pour B.________ de CHF 805.00, allocations familiales versées en sus.

6.    Constate qu’effectivement le montant déterminé s’agissant de l’entretien convenable de B.________ devra être augmenté de CHF 200.00 mensuellement dès le moment où elle aura atteint son 10ème anniversaire.

7.    Rejette toute autre ou plus ample conclusion qui aurait pu être prise par les parties dans le cadre de la présente procédure.

8.    Accorde à l’épouse le bénéfice de l’assistance judiciaire totale dans le cadre de la présente procédure dès le 11 juillet 2018 tout en mandatant Me C.________ en tant qu’avocate d’office.

9.    Arrête les frais de la présente ordonnance à CHF 600.00 et les réparti (sic) à raison d’un tiers à charge de l’épouse et sous réserve des règles de l’assistance judiciaire, les deux tiers restants étant pris en charge par l’époux.

10.     Condamne l’époux à s’acquitter en faveur de son épouse, mais en mains de l’Etat puisque celle-ci bénéficie de l’assistance judiciaire, d’une indemnité de dépens d’un montant de CHF 3'000.00, après compensation partielle ».

E.                               Par mémoire du 20 mai 2019, X.________ a fait appel de cette décision. Elle concluait notamment à l’annulation des chiffres 2, 4, 5, 7, 8, 9 et 10 de son dispositif ; à ce que l’entretien convenable mensuel soit fixé, dès le 1er janvier 2018, à 2'001 francs pour B.________ et 2'149 francs pour A.________ ; à ce que l’époux soit condamné à verser dès le 1er janvier 2018 des contributions d’entretien mensuelles de 1'781 francs en faveur de B.________, de 1'929 francs en faveur de A.________, allocations familiales en sus, et d’au moins 1'010 francs en faveur d’elle-même, ainsi qu’une provisio ad litem de 10'000 francs pour la première instance et de 3'000 francs pour la procédure d’appel. Elle demandait l’assistance judiciaire totale et qu’il soit statué sur les frais et dépens, sous réserve des dispositions en matière d’assistance judiciaire.

F.                               Le 3 juin 2019, le mandataire de l’intimé a déposé une demande de prolongation au 28 juin 2019 du délai de réponse. Par courrier et fax du 4 juin 2019, le juge instructeur l’a rendu attentif au fait qu’il s’agissait d’un délai légal, qui ne pouvait pas être prolongé (art. 144 al. 1 CPC). Le 14 juin 2019, le mandataire de l’intimée a déposé une requête en restitution du délai, accompagnée d’un mémoire de réponse à l’appel. Par décision du 20 juin 2019, la Cour d’appel civile a rejeté la requête en restitution du délai, retourné à son auteur le mémoire de réponse à appel déposé en parallèle à la requête en restitution de délai et mis les frais de la décision à la charge de l’intimé.

G.                               Par arrêt du 5 mars 2020, la Cour d’appel civile a statué comme suit :

«  1. Admet partiellement l’appel et, en conséquence, réforme les chiffres 4, 5, 6, 9 et 10 du dispositif de la décision querellée comme suit :

« 4. Arrête l’entretien convenable de A.________ à 2'100 francs du 1er janvier au 30 novembre 2018, à 2'000 francs du 1er décembre 2018 au 30 septembre 2019 puis à 1'250 francs dès le 1er octobre 2019 et celui de B.________ à 1'900 francs du 1er janvier au 30 novembre 2018, à 1'800 francs du 1er décembre 2018 au 30 septembre 2019 puis à 1'250 francs dès le 1er octobre 2019.

   5.  Condamne l’époux à verser à l’épouse, mensuellement et d’avance, une contribution d’entretien pour A.________ de 2'060 francs et pour B.________ de 1'860 francs, allocations familiales en sus, du 1er janvier au 30 novembre 2018, puis pour chacune de ses filles, allocations familiales toujours en sus, de 1'350 francs du 1er décembre 2018 au 30 septembre 2019, puis de 1'250 francs dès le 1er octobre 2019, ainsi qu’une pension pour son épouse de 100 francs par mois dès le 1er octobre 2019.

   6.  [néant]

   9.  [néant]

 10.  [néant] »

2. Confirme pour le surplus la décision attaquée.

3. Arrête les frais de première et deuxième instances à 1'500 francs et les répartit à hauteur de trois quarts à charge de l’époux et d’un quart à charge de l’épouse, sous réserve de l’assistance judiciaire dont il y a lieu de faire bénéficier celle-ci, Me C.________ étant désignée mandataire d’office.

4. Condamne l’époux à verser à l’épouse une indemnité de dépens de 1'000 francs pour les deux instances, payable en main de l’Etat.

5. Fixe l’indemnité d’avocat d’office due à Me C.________ pour la procédure d’appel à 1'628.40 francs, frais et TVA inclus ».

                        La Cour d’appel civile a notamment retenu, pour l’époux, un salaire mensuel net de 7'470 francs auprès de la société D.________ Sàrl, ainsi qu’un revenu locatif de 600 francs, soit au total 8’070 francs, des frais de déplacement en voiture, pour se rendre à son travail, de 114.25 francs par mois (13.6 km x 3 jours par semaine x 4 x 0.70 franc) et des frais de repas à l’extérieur de 108 francs par mois (9 x 3 x 4 ; 9 francs par repas, du fait que l’époux n’avait déposé aucun justificatif pour retenir un coût plus élevé et que le solde était compris dans le montant mensuel de base en tant que frais d’alimentation). La charge fiscale de l’époux a été calculée en fonction du revenu mentionné plus haut.

H.                      Le 14 avril 2020, l’époux a déposé contre l’arrêt susmentionné un recours auprès du Tribunal fédéral. Ce recours a été déclaré irrecevable, par décision présidentielle du 20 avril 2020 (cf. le dossier CACIV.2019.57).

I.                         Le 3 février 2020, l’épouse avait demandé à l’époux de verser le montant des pensions, y compris les allocations familiales. Le 30 mars 2020, elle a fait savoir à sa mandataire qu’elle avait reçu les contributions d’entretien, mais sans le montant correspondant aux allocations familiales. La mandataire l’a invitée à s’adresser à la caisse de compensation, afin que celle-ci lui verse directement les allocations. La CCNC a ensuite indiqué à l’épouse que le mari n’était plus affilié auprès de cette caisse depuis le 30 septembre 2018, qu’il ne travaillait plus pour l’employeur connu jusqu’alors, soit D.________ Sàrl, et qu’il occuperait un emploi auprès de l’entreprise E.________. L’épouse a pu trouver la caisse de compensation à laquelle son mari était maintenant affilié, soit F.________, qui lui a indiqué par courriel du 2 avril 2020 qu’il était entré chez son nouvel employeur le 1er octobre 2018. Interpellé par l’épouse, l’époux lui a envoyé le 9 avril 2020 son certificat de salaire pour l’année 2019 (salaire réalisé : 9'767 francs par mois), ainsi que ses fiches de salaire E.________ pour les mois de janvier à mars 2020 (salaire net : 8'730.95 francs en janvier, 10'131.85 francs en février et 8'717.70 francs en mars, incluant des indemnités pour des services irréguliers, la nuit et le dimanche), en précisant qu’il ne percevait plus d’allocations familiales depuis le 1er octobre 2018.

J.                       Le 22 mai 2020, l’épouse dépose une demande en révision de l’arrêt de la Cour d’appel civile. Elle prend les conclusions suivantes :

              «   1.   Déclarer la demande en révision de X.________ portant sur l’arrêt du 5 mars 2020 recevable et bien fondée.

                       2.   Annuler l’arrêt du 5 mars 2020 en révisant les chiffres 1, 3, 4 et 5 de son dispositif comme suit :

                 « 4. Arrête l’entretien convenable de A.________ à Fr. 2'100.- du 1er janvier au 30 septembre 2018 à Fr. 2'355.- entre le 1er octobre 2018 et 30 septembre 2019, puis à Fr. 1'622.- dès le 1er octobre 2019 et de B.________ à Fr. 1'900.- du 1er janvier au 30 septembre 2018 à Fr. 2'155.- entre le 1er octobre 2018 et 30 septembre 2019, et à Fr. 1622.- dès le 1er octobre 2019.

                    5. Condamne l’époux à verser à l’épouse, mensuellement et d’avance, une contribution d’entretien pour A.________ de Fr. 2'060.- et pour B.________ de Fr. 1'860.-, allocations familiales en sus, entre le 1er janvier et le 30 septembre 2018, puis pour A.________ de Fr. 2'355.- et pour B.________ de Fr. 2'155.-, allocations familiales en sus, du 1er octobre 2018 au 30 septembre 2019 et de Fr. 1'622.- par mois pour chacune des filles dès le 1er octobre 2019, allocations familiales en sus, ainsi qu’une pension pour son épouse de 1'203.- du 1er octobre au 30 septembre 2018, de Fr. 516.- entre le 1er décembre 2018 et le 30 septembre 2019 et de Fr. 1'254.- dès le 1er octobre 2019 »

           3.   Condamner l’époux à verser à l’épouse une provisio ad litem de Fr. 10'000.- pour la première instance, de Fr. 3'000.- pour la procédure d’appel, de Fr. 5'000 pour la demande en révision.

           4. Confirmer pour le surplus l’arrêt attaqué.

           Subsidiairement :

           5. Condamner l’époux à verser à l’épouse une contribution d’entretien mensuelle de Fr. 1'203.- du 1er octobre au 30 novembre 2018, de Fr. 516.- entre le 1er décembre 2018 et le 30 septembre 2019 et de Fr. 1'576.- dès le 1er octobre 2019.

           6.   Mettre la requérante au bénéfice de l’assistance judiciaire totale dans le cadre de la présente procédure.

           7.   Désigner la mandataire soussignée comme avocate d’office.

           8.   Condamner l’époux à verser une provisio ad litem en faveur de l’épouse de Fr. 7'269.95 pour la première instance et de Fr. 1'628.40 pour la procédure d’appel directement en mains de l’Etat.

           En tout état de cause :

           9. Condamner l’époux à tous les frais et dépens ».

 

                        La demanderesse expose la manière dont elle a découvert le changement d’emploi de son mari et ainsi l’augmentation de ses revenus depuis au moins le début de l’année 2019. Devant chaque instance – et même encore devant le Tribunal fédéral – l’époux a fait état de son activité chez D.________ Sàrl ou indiqué comme salaire les 7'470 francs qu’il réalisait chez cet employeur. Entre mai 2019 et janvier 2020, il a versé les contributions d’entretien conformément à la décision du tribunal civil, y compris le montant des allocations familiales. Son profil LinkedIn mentionne toujours D.________ Sàrl comme employeur. Il a ainsi tout fait pour cacher sa véritable situation professionnelle et le salaire réellement obtenu. La demanderesse n’avait pas connaissance du changement d’emploi et ne l’a appris que parce que le défendeur a versé, le 30 mars 2020, les pensions selon l’arrêt de la Cour d’appel civile, sans les allocations familiales. Pour la demanderesse, si la Cour d’appel civile avait eu connaissance du salaire réel de l’époux, les calculs pour les contributions d’entretien pour les enfants et l’épouse, ainsi que la conclusion pour la provisio ad litem, auraient été différents. Les nouvelles informations sur le revenu de l’époux sont donc pertinentes. La demanderesse expose ensuite les revenus et charges de l’époux, sa propre situation, celle des enfants et les calculs visant à fixer à nouveau les contributions d’entretien. Ses arguments seront repris plus loin, dans la mesure utile.

K.                      Dans sa prise de position du 25 septembre 2020, le défendeur conclut principalement à ce que la demande en révision soit déclarée irrecevable, subsidiairement à son rejet, en tout état de cause sous suite de frais et dépens. Selon lui, son changement de salaire n’est que théorique, puisque l’augmentation est absorbée par des charges nouvelles, en frais de déplacements et de repas, ainsi qu’en charge fiscale. Le nouveau salaire n’est donc pas pertinent. Le défendeur n’a pas cherché à cacher son nouvel emploi ; si, lors de l’audience du 26 septembre 2018, il n’en avait pas parlé, alors qu’il débutait sa nouvelle activité le 1er octobre 2018, c’était parce qu’il allait se trouver en période d’essai et ne savait pas encore si son nouveau travail lui plairait ou s’il retournerait chez D.________ Sàrl. Les enfants des parties étaient au courant du changement d’employeur, de sorte qu’il est peu vraisemblable que leur mère ne l’ait pas connu assez rapidement. À l’audience du 26 septembre 2018, il a été décidé qu’il appartenait à l’épouse de faire les démarches pour recevoir directement les allocations familiales et l’époux n’a donc rien demandé à son nouvel employeur à cet égard ; si l’épouse avait alors fait le nécessaire, elle aurait appris immédiatement le changement de situation de son mari. Elle était ainsi en mesure d’invoquer plus tôt le moyen soulevé dans sa demande en révision et celle-ci est irrecevable. Le défendeur expose ensuite sa situation financière, en particulier la variation de son revenu en fonction des indemnités, l’augmentation des frais de repas et de déplacements, ainsi que celle des impôts. Il revient sur des questions tranchées – selon lui de manière erronée – par la Cour d’appel civile dans son arrêt du 5 mars 2020. Ses divers arguments seront repris plus loin, dans la mesure utile.

L.                       Le 1er octobre 2020, le juge instructeur a informé les parties du fait que l’échange des écritures était clos, sous réserve du droit de réplique inconditionnel.

M.                      L’épouse a déposé une réplique spontanée le 22 octobre 2020. L’époux a dupliqué le 9 novembre 2020.

C O N S I D E R A N T

1.                                a) Selon l’article 328 al. 1 in initio CPC, une partie peut demander la révision de la décision entrée en force au tribunal qui a statué en dernière instance.

                        b) Le recours interjeté au Tribunal fédéral par l’époux ayant été déclaré irrecevable, l’arrêt du 5 mars 2020 est entré en force. La Cour d’appel civile est le « tribunal qui a statué en dernière instance », au sens de la disposition précitée, et elle est ainsi compétente pour connaître de la cause (cf. CPra Matrimonial-Sörensen, n. 13b ad art. 328 CPC).

2.                                a) Les mesures protectrices de l'union conjugale jouissent d'une autorité de la chose jugée relative. Elles peuvent ainsi être modifiées (pour l'avenir) ou révoquées selon l'article 179 al. 1 CC en cas de changement essentiel et durable des circonstances de fait survenu postérieurement à leur prononcé. Ce motif spécifique de modification n'exclut toutefois pas les motifs généraux de révision de l'article 328 al. 1 CPC, à la différence du régime ordinairement applicable aux mesures provisionnelles. L'action en modification au sens de l'article 179 CC ne peut en effet se fonder que sur de vrais nova, de sorte que seule la voie de la révision est ouverte lorsqu'il s'agit d'invoquer des pseudo nova qui ne pouvaient être présentés avant le début des délibérations d'appel (arrêt du TF du 18.04.2019 [5A_42/2019] cons. 3.2). La doctrine retient aussi que si les décisions de mesures provisoires ou protectrices ne sont en principe pas susceptibles de révision et doivent faire l’objet d’une demande de modification, une exception doit être admise lorsque la modification des mesures provisoires ou protectrices ne permet pas de revenir à une situation conforme au droit, ce qui peut être le cas si des contributions d’entretien ont été arrêtées, par exemple, sur la base d’un faux titre ou d’un accord vicié ; la modification ne prenant normalement effet que dès le dépôt de la requête au plus tôt, la révision permet l’examen de la correction souhaitée pour la période antérieure (Sörensen, op. cit., n. 20 ad art. 328 CPC).

                        b) La demande de révision est ici fondée sur des pseudo nova, soit des faits et moyens de preuve qui existaient déjà au moment où l’arrêt du 5 mars 2020 a été rendu, en l’occurrence un changement d’emploi du mari au 1er octobre 2018 et des pièces relatives à ses revenus pour 2019 et le début de l’année 2020. Dès lors, la requérante est, sur le principe, fondée à agir en révision, plutôt qu’en modification des mesures protectrices.

3.                       La demande en révision tend à une modification de l’arrêt rendu le 5 mars 2020 par la Cour d’appel civile. Comme on l’a vu, cet arrêt est entré en force, le recours de l’époux au Tribunal fédéral ayant été déclaré irrecevable le 20 avril 2020.

4.                       a) Selon l’article 329 al. 1 CPC, le délai pour demander la révision est de 90 jours à compter de celui où le motif de révision est découvert.

                        b) Le point de départ du délai coïncide avec la découverte du motif ; celui-ci doit être connu avec certitude, ce qui implique que le requérant ait une connaissance suffisamment sûre du fait nouveau pour pouvoir l’invoquer, même s’il n’est pas en mesure d’en apporter une preuve certaine ; une simple supposition ne suffit pas ; s’agissant d’une preuve nouvelle, le requérant doit pouvoir disposer d’un titre l’établissant ou en avoir une connaissance suffisante pour en requérir l’administration (Sörensen, op. cit., n. 4 ad art. 329 CPC). Quand le motif de révision est découvert alors que des faits nouveaux ne peuvent plus être invoqués devant une instance qui est encore saisie, le point de départ du délai correspond au plus tôt à la date de l’expédition du jugement motivé de cette autorité (Sörensen, op. cit., n. 6 ad art. 329 CPC).

                        c) En l’espèce, la demande a été déposée moins de 90 jours après l’arrêt rendu le 5 mars 2020 par la Cour d’appel civile. Il n’apparaît pas que la demanderesse aurait pu soumettre les moyens nouveaux au tribunal civil ou à ladite Cour et, à première vue, elle semble même les avoir découverts après que cet arrêt avait été rendu. Le délai de 90 jours paraît ainsi respecté, a priori (on reviendra plus loin sur cette question, sous l’angle de la diligence dont le demandeur en révision doit avoir fait preuve en relation avec les faits et moyens de preuve nouveaux).

5.                                La demanderesse a manifestement un intérêt à agir (art. 59 al. 2 let. a CPC) et la demande respecte au surplus les formes prescrites par la loi. La demande paraît ainsi recevable.

6.                       a) D’après l’article 328 al. 1 let. a CPC, une partie peut demander la révision lorsqu’elle découvre après coup des faits pertinents ou des moyens de preuve concluants qu’elle n’avait pu invoquer dans la procédure précédente, à l’exclusion des faits et moyens de preuve postérieurs à la décision.

                        b) La révision fonctionne toujours en deux temps, au moins intellectuellement, soit le rescindant puis le rescisoire, et la démarche est la même qu’il s’agisse de faits ou de preuves nouvellement découverts : dans la première phase (rescindant, qui procède d’une approche abstraite, un peu comme pour le déni de justice formel sanctionné indépendamment du résultat), l’autorité doit se demander si les éléments nouveaux – faits ou preuves – apportés par le requérant sans retard fautif de sa part, supposés avoir été présentés en temps utile, auraient été de nature à conduire à un résultat différent ; si la réponse est affirmative, les éléments nouvellement admis sont intégrés au dossier et l’autorité statue dans une seconde phase (rescisoire, soit la reprise concrète de la cause) sur un dossier enrichi, ce qui peut la conduire soit à maintenir sa position initiale, soit à s’en écarter ; la même autorité statue sur ces deux questions et elle peut le faire par une décision unique (Schweizer, in : CR CPC, 2ème éd., n. 27 ad art. 328 et n. 1 ad art. 333). En d’autres termes, le raisonnement à suivre par l’autorité de révision comporte deux étapes. Dans la première, il incombe à l’autorité de dire si le motif de révision invoqué entre en considération et, dans l’affirmative, s’il justifie la modification de la décision entreprise. En cas de réponse positive, la seconde phase du raisonnement a pour objet de rendre une décision corrigée, tenant compte de l’impact du motif de révision (Sörensen, op. cit., n. 6 ad art. 328 CPC).

7.                       a) Dans une première phase, il convient ainsi de déterminer si les éléments nouveaux – faits ou preuves – apportés par la requérante l’ont été sans retard fautif de sa part et présentés en temps utile et s’ils auraient été de nature à conduire à un résultat différent.

                        b) En lien avec l’article 328 al. 1 let. a CPC, la jurisprudence pose cinq conditions en ce qui concerne les preuves concluantes : 1° Elles doivent porter sur des faits antérieurs (pseudo nova), qu'ils aient été invoqués sans pouvoir être établis ou qu'ils n'aient pas été invoqués soit faute de preuve, soit parce que la partie les ignorait (fait antérieur inconnu) ; 2° Elles doivent être concluantes, c'est-à-dire propres à entraîner une modification du jugement dans un sens favorable au requérant ; 3° Elles doivent avoir déjà existé lorsque le jugement a été rendu (plus précisément jusqu'au dernier moment où elles pouvaient encore être introduites dans la procédure principale) ; les moyens de preuve postérieurs sont expressément exclus (art. 328 al. 1 let. a in fine CPC ; la révision a pour but de rectifier une décision en raison de lacunes ou d'inexactitudes dont elle était affectée au moment où elle a été rendue, et non en raison d'événements postérieurs, ce qui exclut les moyens de preuve dont la date est postérieure) ; 4° Elles doivent avoir été découvertes seulement après coup ; 5° Le requérant n'a pas pu les invoquer, sans faute de sa part, dans la procédure précédente (arrêt du TF du 10.08.2018 [5A_474/2018] cons. 5.1 et la référence à l’ATF 143 III 272 cons 2.2). Les mêmes principes s’appliquent, mutatis mutandis, à l’admission de faits nouveaux pertinents.

                        c)  Faits antérieurs (pseudo nova) – existence au moment de la décision

                        Les moyens invoqués par l’épouse concernent des faits et des preuves pour l’essentiel antérieurs à l’arrêt du 5 mars 2020. C’est au 1er octobre 2018 – date qu’il allègue lui-même dans sa détermination sur la demande en révision – que l’époux a pris son nouvel emploi et dès la même date que son revenu a changé. Les pièces déposées concernent, pour l’essentiel, ces faits antérieurs (cf. aussi plus loin). Elles existaient au dernier moment où elles auraient pu être introduites dans la procédure précédente (cf. arrêt du TF du 10.08.2018 [5A_474/2018] cons. 5.2 et ATF 143 III 272 cons. 2.3.2).

                        d) Faits pertinents et/ou preuves concluantes

                        Dans la première phase de la révision, il suffit que le moyen soit propre à entraîner un jugement plus favorable au demandeur, par son incidence possible sur l’état de fait retenu, et la demande de révision peut être admise sans qu’il soit certain que le nouveau jugement sera finalement plus favorable (Sörensen, op. cit., n. 32 ad art. 328 CPC). Entrent ainsi en ligne de compte, pour que la révision soit ordonnée, les faits qui démontrent à eux seuls, ou mis en parallèle avec d’autres éléments du dossier, l’inexactitude ou le caractère incomplet de la base factuelle du jugement entrepris, sans qu’il y ait lieu de décider, dans cette première phase, si le jugement doit être modifié, mais uniquement si les éléments nouveaux justifient une réouverture de l’instance pour nouvelle décision sur un état de fait complété (Schweizer, op. cit., n. 28 ad art. 328).

                        En l’espèce, il est manifeste que les faits nouveaux, relatifs au nouvel emploi de l’époux et à un salaire supérieur à celui pris en compte dans l’arrêt du 5 mars 2020, justifient la réouverture de la procédure. En effet, le fait que le débiteur des contributions d’entretien ait, durant une période déterminante, disposé d’un revenu clairement plus important que ce qui a été pris en compte dans la décision dont la révision est demandée, à l’insu du tribunal civil puis de la Cour d‘appel civile, constitue un élément amenant à conclure à l’inexactitude d’une base factuelle importante du jugement entrepris.

                        e) Faits et/ou preuves découverts après coup, invocation en temps utile

                        La partie qui invoque une ouverture à révision doit démontrer qu’elle n’a pas été en mesure de s’en prévaloir en cours de procédure, pour des raisons qui ne lui sont pas imputables à faute ; les parties doivent rechercher les éléments propres à emporter la conviction du tribunal, si nécessaire par certaines investigations, et il leur incombe d’utiliser rapidement les instruments procéduraux idoines (Schweizer, op. cit., n. 17-19 ad art. 328). La condition de la diligence s’apprécie par référence à un plaideur consciencieux et la révision ne doit pas servir à remédier aux omissions de la partie requérante dans la conduite du procès ; on ne saurait cependant reprocher à une partie de n’avoir pas requis de preuve au sujet d’un fait qu’elle ignorait (Sörensen, op. cit., n. 31 ad art. 328 CPC). Il y a lieu de conclure à un manque de diligence lorsque la découverte de moyens de preuve nouveaux résulte de recherches qui auraient pu et dû être effectuées dans la procédure précédente (arrêt du TF du 15.07.2014 [4A_339/2014] cons. 3.3.1 et la référence citée).

                        En l’espèce, le dossier ne rend pas vraisemblable que la requérante aurait eu connaissance avant mars 2020 du nouvel emploi de son époux, ni qu’elle aurait dû s’en douter. Le requis allègue qu’il a été question, à l’audience du 26 septembre 2018, du fait que son épouse devrait s’adresser à la caisse de compensation à laquelle il était affilié pour obtenir que celle-ci lui verse directement les allocations familiales et que, si elle avait agi en ce sens, elle aurait alors appris qu’il changeait d’emploi. En fait, aucune mention correspondante ne figure au procès-verbal de l’audience. Quoi qu’il en soit, la requérante a allégué, sans être contredite sur ce point, qu’elle avait reçu de son mari, pendant une assez longue période, le montant correspondant aux contributions que celui-ci devait, allocations comprises, ce qui pouvait évidemment amener l’épouse à conclure qu’une démarche de sa part auprès de la caisse de compensation n’aurait guère de sens. Lors de l’audience en question, l’époux s’est bien gardé d’évoquer son nouvel emploi, qu’il allait occuper trois jours plus tard. Ses explications au sujet des raisons pour lesquelles il n’en a alors pas parlé relèvent de l’argutie, plutôt que de l’argument. Le fait qu’il a ensuite continué, durant la procédure, à se prévaloir de son emploi précédent, respectivement de son ancien salaire, va aussi dans le sens d’une dissimulation délibérée de son nouveau revenu, plus important, ceci pour des motifs évidents. Que, comme le soutient l’époux, les filles des parties aient peut-être su que leur père avait changé d’emploi ne veut pas dire que leur mère aurait été au courant, ni qu’elle aurait dû envisager que les revenus de son mari avaient augmenté. En fonction des éléments disponibles, la Cour d’appel civile considère comme établi que ce n’est qu’au moment où elle ne pouvait plus invoquer les faits nouveaux en procédure que l’épouse en a eu connaissance et qu’elle a ensuite fait diligence pour les vérifier – d’abord par son courrier du 2 avril 2020 au mari – puis agi en révision.

                        f) En conséquence de ce qui précède, la demande en révision doit être déclarée recevable et il faut passer à la seconde phase de la procédure, en vue de déterminer si les éléments nouveaux amènent concrètement à modifier l’arrêt du 5 mars 2020.

8.                       a) À titre préalable, il convient de rappeler quelques principes et de statuer sur les preuves proposées par les parties.

                        b) Dans le cadre de mesures protectrices de l'union conjugale, le juge statue en application de la procédure sommaire (art. 271 let. a CPC). Il se prononce ainsi sur la base de la simple vraisemblance des faits, après une administration limitée des preuves, en se fondant sur les moyens de preuve immédiatement disponibles (arrêt du TF du 07.08.2020 [5A_157/2020] cons. 4.2). En outre, le juge des mesures protectrices ne doit pas procéder à un « mini-divorce » : il ne doit pas trancher, même sous l’angle de la vraisemblance, les questions de fond, objets du procès en divorce (arrêt du TF du 01.09.2016 [5A_170/2016] cons. 4.3.5 et les arrêts cités).

                        c) La révision est une voie de droit imparfaite, dès lors que l’examen de l’autorité ne porte que sur une correction de fait déterminée, sans revoir le litige dans son ensemble ; cependant, lorsque le fait nouveau bouleverse la situation qui fondait le premier jugement, par exemple s’il apparaît que le mari avait dissimulé un compte bancaire renfermant des biens d’acquêts considérables, le nouveau jugement – ou arrêt d’appel – à rendre exigera un nouveau calcul de la liquidation du régime matrimonial et la détermination des pensions pourrait aussi en être affectée (Sörensen, op. cit., n. 8 ad art. 328 CPC). Il ne s’agit donc pas, en procédure de révision, d’établir que la décision remise en cause était fausse, en fonction des éléments alors à disposition (cf. Sörensen, op. cit., n. 5 ad art. 328 CPC). En outre, la révision a pour but de rectifier une décision en raison de lacunes ou d'inexactitudes dont elle était affectée au moment où elle a été rendue, et non en raison d'événements postérieurs, ce qui exclut les moyens de preuve dont la date est postérieure (arrêt du TF du 10.08.2018 [5A_474/2018] cons. 5.1, déjà cité plus haut).

                        d) Dans le cas d’espèce, la correction de fait – faits nouveaux établis par des preuves nouvelles – ne concerne que la situation professionnelle de l’époux ; il faudra établir son revenu, ainsi que ses charges directement liées au nouvel emploi (frais de déplacement et de repas ; conséquences sur la charge fiscale) ; sur cette base, les contributions d’entretien devront, le cas échéant, être fixées à nouveau ; la question d’une éventuelle provisio ad litem, soulevée par l’épouse, sera examinée également, en fonction des éléments nouveaux à prendre en considération. Contrairement à ce que paraît croire le mari, il n’est pas question de refaire l’entier du procès, soit de revenir sur d’autres questions de fait et de droit tranchées dans l’arrêt du 5 mars 2020. Hors le cadre fixé ci‑dessus, l’argumentation de l’époux est ainsi sans pertinence et les preuves qu’il propose en relation avec celle-ci le sont tout autant, dans la mesure où elles ne sont pas simplement inadmissibles (cf. ci-après).

                        e) En fonction de ce qui précède, il peut être statué comme suit sur les preuves proposées par l’épouse (chiffres du bordereau) :

·       les preuves littérales 1 à 7, ainsi que 10 à 13, visent à démontrer que l’épouse a agi avec diligence et dans le délai pour la présentation des preuves nouvelles ; elles sont admises ;

·       les preuves littérales 8 (certificat de salaire du mari pour 2019) et 9 (fiches de salaire 2020 du mari) sont en rapport direct avec les faits nouveaux qu’il s’agit de prendre en considération ; elles sont admises, à l’exception de la fiche de salaire pour mars 2020, postérieure à l’arrêt de la Cour d’appel civile ;

·       les preuves littérales 14 et 22 sont des mémoires d’activité pour la procédure d’appel, qui sera pris en considération, le cas échéant, pour la fixation des dépens ;

·       les preuves littérales 15 à 17 sont sans rapport avec les faits qui doivent être examinés ; elles sont écartées ;

·       les pièces 18 à 21, produites avec la réplique, visent à réfuter des arguments nouveaux de l’intimé, avancés dans la réponse à l’appel (cf. Haldy, in : CR CPC, 2ème éd., n. 7a ad art. 53) ; ces pièces sont dès lors admissibles ;

·       il n’y a pas lieu d’inviter l’époux à déposer les pièces mentionnées dans les réquisitions de l’épouse sous lettres a (contrat de travail chez E.________ et règlements d’entreprise éventuels : le mari a déjà produit son contrat de travail, ce qui suffit), b (certificats ou fiches de salaire pour les derniers mois de 2018 : le mari a produit les pièces avec sa réponse), c (extraits de comptes bancaires et postaux : sans rapport avec les faits nouveaux à prendre en considération), d et e (déclarations fiscales 2018 et 2019 et taxation 2018 : revenus à prendre en compte déjà établis par d’autres pièces), f (résiliation du contrat chez D.________ Sàrl : sans pertinence) et g (attestation d’affiliation pour les allocations familiales à recevoir à fin mai 2020 par le mari : pièce postérieure à l’arrêt du 5 mars 2020).

                        f) Il est statué comme suit sur les preuves proposées par l’époux (chiffres du bordereau) :

·       les preuves littérales 1 (courriel du 19 septembre 2018), 15  (extrait d’un compte immeuble), 16 (contrat de crédit privé de 2018), 17 (contrat d’assurance-vie de 2011), 21 (extrait CCP du 14 mai 2020), 22 (échanges de SMS entre les parties) 23 (reconnaissance de dette du 22 septembre 2020), 25 (décompte de salaire de septembre 2020), 26 (attestation de E.________ du 5 novembre 2020), 26 (courrier d’une procureure du 6 octobre 2020) et 28 à 32 (correspondances entre mandataires entre le 2 octobre et le 3 novembre 2020) sont soit sans pertinence pour les faits à établir dans le cadre de la présente procédure, soit postérieures au 5 mars 2020, soit les deux ; elles sont écartées ;

·       les preuves littérales suivantes sont admises : 2 à 10 (correspondances échangées entre mandataires en rapport avec la nouvelle situation du mari), 11 (contrat de travail chez E.________), 12 (carte établissant les trajets du mari pour se rendre au travail), 13 (décomptes de salaire pour octobre 2018 à février 2020 ; les fiches de salaire pour mars à août 2020 sont par contre écartées, car relatives à la situation du mari, mais postérieures au 5 mars 2020), 18 (taxation rectificative 2018) ;

·       les pièces 14, 19, 20 et 24 ne sont pas des preuves, mais des allégués de partie ; ces allégués sont acceptés comme tels, sans préjudice de leur pertinence ;

·       les dossiers MP.2018.175 et CACIV.2019.57 sont édités ;

·       les autres réquisitions sont rejetées, dans la mesure où elles portent sur des pièces relatives à la situation financière de l’épouse, qui n’a pas à être revue dans le cadre de la présente procédure ;

·       l’audition des parties ne présente aucune utilité dans le cadre donné et il n’y a pas lieu d’y procéder.

                        g) Cela étant, il convient maintenant d’établir la situation de la famille, ceci dès le 1er octobre 2018 (la situation antérieure à cette date n’a pas à être revue, le motif de révision n’ayant pas existé auparavant) et d’en tirer les conséquences.

9.                       Revenus de l’époux

                        a) Dans son arrêt du 5 mars 2020, la Cour d’appel civile a retenu que l’époux réalisait un revenu locatif de 600 francs par mois. Il n’y a pas lieu d’y revenir, dans la mesure où une éventuelle variation ne constitue pas un motif de révision dans le cas d’espèce.

                        b) Le salaire mensuel net de l’époux chez E.________ a été, selon les justificatifs déposés, de 25'039.25 francs pour les trois derniers mois de 2018 (octobre : 7'543.45 francs ; novembre : 9'607.05 francs ; décembre : 7'888.75 francs ; selon les fiches de salaire). Le salaire net a été de 117'204 francs pour l’année 2019 (certificat de salaire). Pour les deux premiers mois de 2020, il a été de 18'862.80 francs (janvier : 8'730.95 francs ; février : 10'131.85 francs ; selon les fiches de salaire). Cela fait 161'106.05 francs pour la période considérée, soit dix-sept mois, et donc une moyenne de 9’476.80 francs par mois. Il n’y a pas lieu d’adapter ce montant en raison de variations du salaire mensuel, dues à des indemnités non constantes pour le travail de nuit et du week‑end : rien n’indique que ces indemnités seraient en baisse continue, comme le soutient l’époux en procédure de révision.

                        c) Si elle avait connu les éléments mentionnés ci-dessus, la Cour d’appel civile aurait retenu un revenu mensuel net de 10'076.80 francs (9’476.80 + 600 francs de revenu locatif), dès le 1er octobre 2018 (plutôt que 8’070 francs comme selon l’arrêt du 5 mars 2020). C’est ainsi ce montant de 10'076 francs qui sera pris en considération.

10.                    Charges liées à l’acquisition du revenu du mari

                        a) Les frais d’acquisition du revenu comprennent les frais de déplacement indispensables pour se rendre sur le lieu de l’activité professionnelle, en principe les frais de transports publics ; si en raison des horaires, de l’état de santé ou de la présence de plusieurs enfants à transporter, un véhicule automobile privé doit être utilisé, son coût est pris en considération, à l’exception de l’amortissement, en fonction du nombre de kilomètres parcourus et du nombre de jours travaillés par mois (selon les méthodes au tarif fiscal, ou au prix de l’essence à raison de 10 litres/100 km, auquel s’ajoute un montant pour l’entretien du véhicule entre 100 et 300 francs par mois, les frais de leasing ou l’amortissement de la voiture pouvant être pris en compte dans le calcul du minimum vital) (CPra Matrimonial-de Weck-Immelé, n. 104 ad art. 176 CC et les références citées ; cf. aussi Collaud, Le minimum vital élargi du droit de la famille, in RFJ 2005 p. 313 ss, 319).

                        b) Dans l’arrêt du 5 mars 2020, il a été retenu des frais de déplacement en voiture, pour se rendre au travail, de 114.25 francs par mois (13.6 km x 3 jours par semaine x 4 x 0.70 franc).

                        c) Pour le calcul des frais de déplacement mensuels dès le 1er octobre 2018, on retiendra ce qui suit. Au début, le mari vivait à W.________(NE) et le trajet jusqu’à U.________(VD) est d’environ 65 km ; il habite depuis le 1er décembre 2018 à V.________ et la distance entre son domicile et son lieu de travail est aussi d’environ 65 km (plus ou moins quelques centaines de mètres, selon le programme de calcul utilisé). Cela représente des trajets pour 2'600 km par mois (130 km x 5 jours par semaine x 4 ; compter 20 jours par mois en moyenne paraît adéquat, en fonction des vacances auxquelles le mari a droit ; l’arrêt du 5 mars 2020 utilisait la même méthode de calcul, à la seule différence que l’époux se déplaçait alors trois jours par semaine pour son travail). S’agissant de la méthode de calcul, on ne retiendra pas celle appliquée dans l’arrêt du 5 mars 2020, vu le nombre important de kilomètres effectués, mais plutôt celle prenant en compte le prix de l’essence, un montant forfaitaire pour l’entretien du véhicule et une part de l’amortissement. En comptant l’essence à 1.30 franc le litre, le coût direct s’élève à 338 francs (260 litres à 1.30 franc). Il convient d’y ajouter 200 francs pour les frais d’entretien et une part d’amortissement de 300 francs (une partie de l’amortissement doit être comptée pour l’usage privé). Le montant à retenir pour les frais de déplacement s’élève dès lors à 838 francs par mois.

                        d) Les dépenses pour les repas pris hors du domicile font partie des dépenses indispensables à l’exercice d’une profession et doivent, dans la mesure où elles ne sont pas prises en charge par l’employeur, être prises en considération dans l’examen de la situation financière. En principe, sur présentation des justificatifs y relatifs, un montant de 9 à 11 francs est retenu pour chaque repas principal (cf. les normes d’insaisissabilité édictées par l’Autorité inférieure de surveillance des offices des poursuites pour dettes et des faillites, sur la base de l’article 93 LP). Un tel montant, appliqué chez une personne qui doit s’acquitter du prix normal d’un repas au restaurant, permet de tenir compte du fait que ces frais sont déjà partiellement compris dans le montant mensuel de base en tant que frais d’alimentation (arrêt de la CMPEA du 10.07.2019 [CMPEA.2018.51] cons. 8d et les références citées).

                        e) L’arrêt du 5 mars 2020 retient, en l’absence de justificatifs, des frais de repas à l’extérieur de 108 francs par mois (9 x 3 x 4 ; 9 francs par repas, le solde étant compris dans le montant mensuel de base en tant que frais d’alimentation).

                        f) Les frais de repas peuvent ici être comptés selon les mêmes bases. En effet, s’il est vrai que le coût de la vie est un peu plus élevé à U.________, où le mari prend désormais ses repas de midi, que dans le canton de Neuchâtel, il faut tenir compte du fait que l’entreprise E.________, à U.________, dispose sans doute d’un restaurant d’entreprise proposant aux employés des repas à prix réduits. À ce stade et sous l’angle de la vraisemblance, retenir 9 francs par repas à l’extérieur, plutôt que les 11 francs suggérés par le mari – qui n’a déposé aucun justificatif –, paraît adéquat. On retiendra dès lors que les frais de repas représentent 180 francs par mois (5 x 4 x 9 francs par repas).

11.                             Charges globales du mari

                        a) Les charges du mari s’établissent comme suit, en reprenant, sauf pour les aspects touchés par la révision (cf. ci-dessus), les montants retenus dans l’arrêt du 5 mars 2020, sur lesquels il n’y a pas lieu de revenir :

·       Minimum vital :                 1'200 francs

·       Loyer :                              1'680 francs (700 francs jusqu’au 30 novembre 2018)

·       Place de parc :                 110 francs (dès le 1er décembre 2018 seulement)

·       Ass.-maladie (base) :       261 francs

·       Frais de déplacement :    838 francs

·       Frais de repas :                180 francs

·       Charges immeuble :         575 francs

·       Prévoyance liée :             400 francs

                        b) Les charges mensuelles à prendre en considération s’élèvent ainsi à 4'154 francs du 1er octobre au 30 novembre 2018, puis à 5'244 francs dès le 1er décembre 2018.

12.                             Disponible du mari, hors impôts

                        Compte tenu d’un revenu de 10'076 francs dès le 1er octobre 2018 et des charges pour les périodes respectives, il convient de retenir un disponible de 5’922 francs, pour la période du 1er octobre au 30 novembre 2018 (avant le déménagement de W.________ à V.________). Dès le 1er décembre 2018, le disponible est de 4’832 francs. Ces montants s’entendent hors impôts.

13.                             Revenus, charges et manco de l’épouse, hors impôts

                        a) Il n’y a pas lieu de procéder à un nouvel établissement des faits, ni à de nouveaux calculs en ce qui concerne la situation financière de l’épouse. En effet, aucun motif de révision de ces paramètres ne doit être pris en considération. Il convient dès lors de se référer aux chiffres retenus dans l’arrêt du 5 mars 2020, qui sont rappelés ci‑dessous.

                        b) Jusqu’au 31 août 2019 (recte : 30 septembre 2019), l’épouse réalisait un revenu d’activité indépendante de 441 francs par mois, plus 600 francs par mois de revenu locatif, soit en tout 1’041 francs par mois et 12'492 francs par an. Dès le 1er octobre 2019, elle doit se voir imputer un revenu hypothétique de 2'250 francs par mois (27'000 francs par an), auquel il faut ajouter le revenu locatif de 600 francs par mois (7'200 francs par an), ce qui donne un revenu mensuel total de 2'850 francs (34'200 francs par an).

                        c) Ses charges mensuelles s’élèvent à 3'124.50 francs (minimum vital : 1'350 francs ; assurance-maladie de base : 281.40 francs ; assurance complémentaire : 35.10 francs ; assurance ménage : 36 francs ; charges afférentes à l’immeuble : 575 francs ; frais de logement dans l’immeuble familial : 847 francs, après déduction de la participation de 15 % par enfant).

                        d) Cela conduit à retenir, en chiffres ronds, un manco de 2'080 francs jusqu’au 30 septembre 2019, puis de 275 francs dès le 1er octobre 2019.

14.                             Charges fiscales

                        La situation des conjoints étant globalement bénéficiaire, il convient d’évaluer le montant d’impôts dû par chacun d’eux, ceci dès le 1er octobre 2018 (la situation avant cette date n’ayant pas à être revue).

Époux

·       du 1er octobre au 30 novembre 2018 (pensions supputées à 4’000 francs) : revenu imposable de 62’900 francs (120’900 - 48'000 pour les pensions - 10'000 de déductions, vu les déplacements à U.________ pour le travail) ; impôts de 14'300 francs, soit 1’190 francs par mois

·       du 1er décembre 2018 au 30 septembre 2019  (pensions supputées à 3'500 francs, changement de domicile) : revenu imposable de 68’900 francs (120’900 – 42’000 pour les pensions - 10'000 de déductions) ; impôts de 15’900 francs, soit 1’325 francs par mois

·       dès le 1er octobre 2019 (pensions supputées à 3’000 francs) : revenu imposable de 74'900 francs (120’900 - 36'000 pour les pensions - 10'000 de déductions) ; impôts de 17’300 francs, soit 1’440 francs par mois

Épouse

·       du 1er octobre au 30 novembre 2018 (pensions supputées à 4'000 francs) : revenu imposable de 55’400 francs (12'400 + 48'000 pour les pensions - 5'000 de déductions) ; impôts de 6’700 francs, soit 560 francs par mois

·       du 1er décembre 2018 au 30 septembre 2019  (pensions supputées à 3’500 francs) : revenu imposable de 49’400 francs (12’400 + 42'000 pour les pensions - 5'000 de déductions) ; impôts de 5’300 francs, soit 440 francs par mois

·       dès le 1er octobre 2019 (pensions supputées à 3'000 francs) : revenu imposable de 65’200 francs (34’200 + 36'000 pour les pensions - 5'000 de déductions) ; impôts de 8’900 francs, soit 740 francs par mois.

15.                             Disponible/manco des époux, avec prise en compte de la charge fiscale

                        En fonction de ce qui précède, les chiffres suivants peuvent être retenus, pour le disponible/manco du mari et de l’épouse, après déduction de la charge fiscale :

Disponible de l’époux

·       4'732 francs du 1er octobre au 30 novembre 2018 (5'922 – 1’190)

·       3'507 francs du 1er décembre 2018 au 30 septembre 2019 (4’832 – 1’325)

·       3'392 francs dès le 1er octobre 2019 (4’832 – 1’440)

 

Manco de l’épouse

·       2'640 francs du 1er octobre au 30 novembre 2018 (2’080 + 560)

·       2'520 francs du 1er décembre 2018 au 30 septembre 2019 (2'080 + 440)

·       1'015 francs dès le 1er octobre 2019 (275 + 740)

16.                             Entretien convenable des enfants

                        a) Les montants retenus dans l’arrêt du 5 mars 2020 pour les charges mensuelles directes des enfants n’ont pas à être revus, car ne faisant pas l’objet de la révision. Ces charges doivent ainsi être retenues comme suit :

A.________

·       1092.30 francs (minimum vital : 600 francs ; part au loyer de la mère : 181.50 francs ; assurance-maladie de base : 98.20 francs ; assurance complémentaire : 62.60 francs ; frais divers : 150 francs)

B.________

·       892.30 francs jusqu’au 30 septembre 2019 (minimum vital : 400 francs ; part au loyer de la mère : 181.50 francs ; assurance-maladie de base : 98.20 francs ; assurance complémentaire : 62.60 francs ; frais divers : 150 francs)

·       1'092.30 francs dès le 1er octobre 2019 (minimum vital de 600 francs, reste inchangé).

                        b) Des charges directes, il convient de déduire les allocations familiales, qui s’élèvent à 300 francs dans le canton de Vaud, pour chaque enfant de moins de 16 ans. Ces allocations n’ont pas été versées avec les salaires jusqu’à fin février 2020 au moins, selon les fiches de salaire déposées. L’époux n’avait pas fait le nécessaire pour se les faire verser (des pièces qu’il a déposées, il ressort qu’il l’a fait ultérieurement). Il convient cependant d’en tenir compte, dans la mesure où les contributions d’entretien pour les enfants seront prévues allocations familiales en sus et où le père devra les verser, dans la mesure où il ne l’a pas déjà fait, même s’il a délibérément renoncé à les obtenir.

                        c) Il faut en outre ajouter, à titre des frais de prise en charge, la moitié du manco de la mère.

                        d) L’entretien convenable des enfants s’établit donc comme suit :

A.________

·       du 1er octobre au 30 novembre 2018 : 1'092 – 300 + 1’320 (2’640 : 2) : 2’110 francs en chiffres ronds

·       du 1er décembre 2018 au 30 septembre 2019 : 1'092 – 300 + 1’260 (2’520 : 2) =  2’050 francs en chiffres ronds

·       dès le 1er octobre 2019 : 1'092 – 300 + 508 (1’015 : 2) = 1’300 francs

B.________

·       du 1er octobre au 30 novembre 2018 : 892 – 300 + 1'320 (2'640 : 2) : 1’910 francs en chiffres ronds

·       du 1er décembre 2018 au 30 septembre 2019 : 892 – 300 + 1’260 (2'520 : 2) = 1’850 francs en chiffres ronds

·       dès le 1er octobre 2019 : 1'092 – 300 + 508 (1’015 : 2) = 1’300 francs

17.                             Contributions d’entretien

                        En fonction de ce qui précède, les contributions d’entretien peuvent être calculées de la manière suivante, pour les trois périodes à prendre en considération :

                        1er octobre au 30 novembre 2018

·       Disponible du père : 4'730 francs (arrondi)

·       Entretien convenable de A.________ : 2'110 francs

·       Entretien convenable de B.________ : 1'910 francs

                        Le disponible du père permet de couvrir l’entretien convenable des enfants, par le versement en faveur de chacune d’elles du montant de cet entretien convenable, allocations familiales en sus.

                        Le total des contributions pour les enfants étant de 4'020 francs, il reste à l’époux, après ces contributions, un disponible de 710 francs.

                        Une contribution d’entretien en faveur de l’épouse correspondant à la moitié de ce disponible, soit 355 francs, est due pour la période considérée (cf. arrêt du TF du 25.10.2019 [5A_329/2019] cons. 4.1 et les références citées).

                        1er décembre 2018 au 30 septembre 2019

·       Disponible du père : 3'510 francs (arrondi)

·       Entretien convenable de A.________ : 2'050 francs

·       Entretien convenable de B.________ : 1'850 francs

                        Le disponible du père n’étant pas suffisant pour couvrir l’entretien convenable des enfants, il sera entièrement affecté à cet entretien, le manco pour chacune des filles étant réparti par parts égales. La contribution d’entretien en faveur de A.________ sera de 1’855 francs (2'050 - 195) et celle en faveur de B.________ de 1’655 francs (1'850 - 195), allocations familiales en sus.

                        En vertu de la priorité de la couverture de l’entretien convenable des enfants, une contribution d’entretien en faveur de l’épouse est exclue.

                        Dès le 1er octobre 2019

·       Disponible du père : 3'390 francs (arrondi)

·       Entretien convenable de A.________ : 1'300 francs

·       Entretien convenable de B.________ : 1'300 francs

                        Le disponible du père permet de couvrir l’entretien convenable des enfants, par le versement en faveur de chacune d’elles de 1'300 francs par mois, allocations familiales en sus.

                        Il reste à l’époux, après paiement de ces contributions, 790 francs par mois de disponible.

                        Une contribution d’entretien en faveur de l’épouse correspondant à la moitié de ce disponible, soit 395 francs, est due pour la période considérée.

18.                             Vu ce qui précède, les chiffres 4, 5 et 6 du dispositif de la décision du tribunal civil, respectivement le chiffre 1 du dispositif de l’arrêt de la Cour d’appel civile du 5 mars 2020, relatifs à l’entretien convenable des enfants et aux contributions d’entretien, doivent être réformés, au sens des considérants qui précèdent. La répartition des frais et dépens opérée selon l’arrêt du 5 mars 2020 peut être maintenue.

19.                             Provisio ad litem

                        Comme dans l’arrêt du 5 mars 2020, il convient de constater que vu la situation de l’époux – dont le disponible ne suffit pas à couvrir l’entretien convenable de ses filles à certaines périodes et, aux autres, se trouve réduit à 355, respectivement 395 francs par mois après paiement des contributions d’entretien –, une provisio ad litem ne peut pas entrer en ligne de compte. L’augmentation de salaire du mari depuis le 1er octobre 2018, qui constitue le motif de révision, ne permet pas, au vu des chiffres ci-dessus, de considérer qu’il disposerait des moyens nécessaires pour verser une provision à son épouse. Il n’existe pas d’autre élément, susceptible d’être pris en considération dans le cadre de la révision, qui amènerait à une autre conclusion.

 

20.                             Assistance judiciaire pour l’épouse et indemnité d’avocate d’office

                        a) Ainsi qu’on l’a vu plus haut, la situation financière de l’épouse est déficitaire. La cause en révision avait des chances de succès. L’épouse doit dès lors être mise au bénéfice de l’assistance judiciaire totale pour la procédure de révision, assistance qu’elle a requise à titre subsidiaire. Me C.________ sera désignée en tant que mandataire d’office.

                        b) Me C.________ a déposé un mémoire d’honoraires faisant état de 25 heures et 20 minutes de travail effectué dans le cadre de la procédure en révision. Le nombre d’heures consacrées à la rédaction de la demande en révision et aux recherches juridiques totalise 11 heures d’activité. Cela semble assez raisonnable, vu les particularités juridiques d’une procédure de ce genre et les questions à examiner. Une activité de 5 heures et 30 minutes pour prendre connaissance de la réponse et la rédaction de la réplique spontanée dépasse ce qui était nécessaire, que l’on peut évaluer à 4 heures. Compter encore plus de 8 heures pour d’autres activités est excessif, d’autant plus que certaines de ces activités n’étaient pas en lien direct avec la présente procédure (certaines correspondances au Tribunal cantonal et au Tribunal fédéral). On peut compter, au mieux, 3 heures en plus. Ainsi, l’activité globale de la mandataire sera ramenée à 18 heures, au tarif de 180 francs de l’heure (art. 22 al. 1 let. a de la Loi sur l’assistance judiciaire [LAJ ; RSN 161.2]). Les honoraires s’élèvent donc à 3’240 francs, auxquels s’ajoutent des frais forfaitaires à raison de 5 % des honoraires (art. 24 LAJ), soit 162 francs, ainsi que la TVA à 7.7 %, soit 262 francs. Le total se monte ainsi à 3'664 francs.

21.                             a) Vu ce qui précède, il y a lieu d’admettre partiellement la demande de révision, au sens des considérants.

                        b) L’épouse obtient gain de cause sur le principe de la révision et de l’augmentation des contributions d’entretien, mais pas sur la question de la provisio ad litem, et les montants retenus pour les pensions sont inférieurs à ce qui était réclamé. Par ailleurs, il convient de tenir compte de l’attitude de l’époux qui, à l’audience du 26 septembre 2018, n’a pas mentionné qu’il allait dès les jours suivants occuper un nouvel emploi mieux rémunéré, alors que la bonne foi aurait commandé qu’il le fasse, puis a procédé, jusque et y compris devant la Cour d’appel civile, en faisant état des chiffres correspondant à son ancien salaire. Cela a rendu nécessaire la procédure en révision. Dans ces conditions, il paraît équitable de mettre l’ensemble des frais de cette procédure de révision – comprenant les frais judiciaires et les dépens, art. 95 CPC – à la charge de l’époux (art. 107 let. c CPC).

                        c) L’indemnité de dépens en faveur de l’épouse sera fixée à 5'500 francs.

Par ces motifs,
LA COUR D'APPEL CIVILE

1.     Admet partiellement la demande de révision et, en conséquence, réforme le chiffre 1 du dispositif de l’arrêt rendu le 5 mars 2020 par la Cour d’appel civile, avec pour conséquences la réforme des chiffres 4, 5, 6, 9 et 10 du dispositif de la décision rendue le 28 mars 2019 par le Tribunal civil du Littoral et du Val-de-Travers, comme suit :

«   4.   Arrête l’entretien convenable de A.________ à 2'100 francs du 1er janvier au 30 septembre 2018, à 2'110 francs du 1er octobre 2018 au 30 novembre 2018, à 2'050 francs du 1er décembre 2018 au 30 septembre 2019, et à 1'300 francs dès le 1er octobre 2019.

        5.   Arrête l’entretien convenable de B.________ à 1'900 francs du 1er janvier au 30 septembre 2018, à 1'910 francs du 1er octobre 2018 au 30 novembre 2018, à 1'850 francs du 1er décembre 2018 au 30 septembre 2019, puis à 1'300 francs dès le 1er octobre 2019.

6.   Condamne l’époux à verser à l’épouse, mensuellement, d’avance et allocations familiales en sus, une contribution d’entretien, pour A.________ de 2'060 francs et pour B.________ de 1'860 francs, du 1er janvier au 30 septembre 2018, puis de 2'100 francs pour A.________ et 1'910 francs pour B.________ du 1er octobre 2018 au 30 novembre 2018, puis de 1'855 francs pour A.________ et 1'655 francs pour B.________ du 1er décembre 2018 au 30 septembre 2019, puis de 1'300 francs pour A.________ et aussi 1'300 francs pour B.________ dès le 1er octobre 2019.

6bis.    Condamne l’époux à verser à l’épouse, mensuellement et d’avance, une contribution d’entretien de 355 francs du 1er octobre 2018 au 30 novembre 2018, ainsi que de 395 francs dès le 1er octobre 2019.

        9.   [néant]

     10.    [néant] ».

2.    Confirme pour le surplus l’arrêt rendu le 5 mars 2020 par la Cour d’appel civile.

3.    Arrête les frais judiciaires de la procédure de révision à 1'500 francs et les met à la charge de l’époux.

4.    Condamne l’époux à verser à l’épouse une indemnité de dépens de 5'500 francs pour la procédure de révision, dont 3'664 francs payables en mains de l’État.

5.    Accorde à l’épouse l’assistance judiciaire pour la procédure de révision et désigne Me C.________ en qualité d’avocate d’office.

6.    Fixe l’indemnité d’avocat d’office due à Me C.________ pour la procédure de révision à 3'664 francs, frais et TVA inclus.

 

Neuchâtel, le 4 décembre 2020

 

Art. 176 CC
Organisation de la vie séparée
 

1 À la requête d’un époux et si la suspension de la vie commune est fondée, le juge:1

1.2 fixe les contributions d’entretien à verser respectivement aux enfants et à l’époux;

2. prend les mesures en ce qui concerne le logement et le mobilier de ménage;

3. ordonne la séparation de biens si les circonstances le justifient.

2 La requête peut aussi être formée par un époux lorsque la vie commune se révèle impossible, notamment parce que son conjoint la refuse sans y être fondé.

3 Lorsqu’il y a des enfants mineurs, le juge ordonne les mesures nécessaires, d’après les dispositions sur les effets de la filiation.


1 Nouvelle teneur selon le ch. I de la LF du 20 mars 2015 (Entretien de l’enfant), en vigueur depuis le 1er janv. 2017 (RO 2015 4299; FF 2014 511).
2 Nouvelle teneur selon le ch. I de la LF du 20 mars 2015 (Entretien de l’enfant), en vigueur depuis le 1er janv. 2017 (RO 2015 4299; FF 2014 511).

Art. 328 CPC
Motifs de révision
 

1 Une partie peut demander la révision de la décision entrée en force au tribunal qui a statué en dernière instance:

a. lorsqu’elle découvre après coup des faits pertinents ou des moyens de preuve concluants qu’elle n’avait pu invoquer dans la procédure précédente, à l’exclusion des faits et moyens de preuve postérieurs à la décision;

b. lorsqu’une procédure pénale établit que la décision a été influencée au préjudice du requérant par un crime ou un délit, même si aucune condamnation n’est intervenue; si l’action pénale n’est pas possible, la preuve peut être administrée d’une autre manière;

c. lorsqu’elle fait valoir que le désistement d’action, l’acquiescement ou la transaction judiciaire n’est pas valable.

2 La révision pour violation de la convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH)1 peut être demandée aux conditions suivantes:

a. la Cour européenne des droits de l’homme a constaté, dans un arrêt définitif, une violation de la CEDH ou de ses protocoles;

b. une indemnité n’est pas de nature à remédier aux effets de la violation;

c. la révision est nécessaire pour remédier aux effets de la violation.


1 RS 0.101