A.                               A.________, né en 1947, est décédé à Z.________ en 2018. Selon le certificat d’hérédité établi le 20 septembre 2018, la succession de A.________ se compose – après répudiation de celle-ci par sa fille B.______ et les deux enfants de cette dernière, C.________ et D.________ – de ses seuls héritiers testamentaires et légaux que sont Y.________, né en 1969, et X.________, née en 2002.

B.                               Selon l’autorisation de procéder délivrée le 23 mai 2019 par la Chambre de conciliation des Montagnes et du Val-de-Ruz, X.________ a introduit le 8 février 2019 contre Y.________ une « [r]equête de conciliation en vue d’un partage successoral », portant 15 conclusions, censée reprendre l’arrangement auquel X.________ et Y.________ étaient parvenus. La conciliation n’a pas abouti.

                        Le 9 juillet 2019, X.________ a saisi le tribunal civil d’une « demande en partage successoral », portant, hormis la première conclusion qui tendait à ce que la conciliation soit tentée, respectivement que l’accord des parties au partage de la succession soit constaté, sur les mêmes conclusions que celles reportées dans l’autorisation de procéder.

                        À l’appui de sa demande, X.________ exposait qu’elle-même et Y.________ étaient parvenus à un arrangement correspondant aux conclusions de la requête ; que toutefois, Y.________ ne donnait plus suite aux correspondances et que des créanciers de la succession réclamaient le paiement de leurs factures ; que les comptes bancaires présentaient un solde d’environ 105'000 francs ; que les parties avaient signé une procuration auprès de la Banque I.________ pour que le compte puisse être débité des montants nécessaires au paiement des factures ; que la banque exigeait toutefois des formalités supplémentaires, sous la forme du dépôt de la carte d’identité légalisée des héritiers ; qu’en raison « du silence subit » de Y.________, cette formalité n’avait pas pu être effectuée, ce qui retardait le paiement des créanciers de la succession ; que parmi les actifs de la succession figuraient l’entreprise du défunt (« raison individuelle reprise par Y.________ peu avant le décès »), deux véhicules (une Maserati et une Chrysler) et des avoirs bancaires pour un total de 105'983.31 francs au 5 avril 2018, de même qu’un bien immobilier sous la forme d’un appartement en PPE à Z.________ et « une éventuelle créance contre B.________ », pendant que les passifs comprenaient différents postes pour un total d’un peu plus de 230'000 francs (dette hypothécaire, différentes factures, un prêt de 50'000 francs, notamment).

C.                               Une première tentative de notifier à Y.________ la demande en partage ayant échoué, le tribunal civil a fait appel à la commune de W.________, qui a pu remettre le pli à l’intéressé le 27 septembre 2019. Le défendeur n’ayant pas réagi, le juge lui a fixé, par courrier du 21 octobre 2019, un ultime délai de 10 jours pour déposer une réponse, en l’avisant qu’à défaut, « le Tribunal pourra rendre une décision finale en se fondant sur les seuls faits allégués par le demandeur (art. 223 CPC), ces derniers étant réputés admis par la partie adverse ». La remise du pli recommandé contenant ce courrier ayant à nouveau échoué, le tribunal civil a une nouvelle fois fait appel à la commune de W.________, le 5 novembre 2019, qui a pu remettre le pli en question à Y.________ le 12 novembre 2019.

                        Le 19 novembre 2019, la demanderesse a demandé au premier juge de rendre une décision sur la base des allégués de la demande et d’adjuger ses conclusions, en précisant que, « dans un premier temps[,] Y.________ avait été totalement d’accord avec un projet de convention pratiquement identique aux conclusions de la demande avant qu’il ne se ravise de façon incompréhensible ».

D.                               Ayant appris la décision du 4 novembre 2019 de la procureure du parquet régional de La Chaux-de-Fonds, qui lui fixait un délai de 20 jours pour saisir les autorités civiles en lien avec le sort provisoire du véhicule Maserati qui figure parmi les actifs de la succession, X.________ a déposé, le 21 novembre 2019, une requête de mesures provisionnelles urgente tendant notamment à ce que soit ordonné, « à titre de mesures conservatoires et provisionnelles », le séquestre provisoire dudit véhicule, « jusqu’à droit connu sur son attribution définitive dans l’action en partage actuellement en cours ». Le juge du tribunal civil a fait droit à cette requête en ordonnant des mesures superprovisionnelles, le 22 novembre 2019, en particulier par le séquestre du véhicule concerné.

E.                               Le 28 novembre 2019, le juge du tribunal civil a convoqué les parties à une audience devant se tenir le 30 janvier 2020, pour « [d]ébats d’instruction, plaidoiries et év. jugement ». Cette convocation a pu être remise à Y.________, qui a retiré l’envoi recommandé. Il ne s’est cependant ni présenté ni fait représenter à dite audience, à laquelle E.________ a comparu pour X.________. Selon le procès-verbal de cette audience, après confirmation, respectivement précision des conclusions par le mandataire de la demanderesse, le juge a prononcé la clôture de l’administration des preuves et donné la parole audit mandataire pour sa plaidoirie, après quoi la clôture des débats a été ordonnée. L’audience a duré, en tout et pour tout, dix minutes.

                        Le 5 février 2020, le juge civil s’est adressé aux parties en les informant que les conséquences du défaut du défendeur lui « sembl[ai]ent devoir être traitées sur la base de l’art. 234 CPC ». Le juge énumérait ensuite quels éléments constitutifs de l’action en partage devaient être allégués par le demandeur, puisque la maxime des débats était applicable, le demandeur supportant l’absence de preuves. En se référant au bordereau de preuves littérales déposé à l’appui de la demande, il lui apparaissait qu’un certain nombre d’informations ne figuraient pas au dossier « ne serait-ce déjà que s’agissant des valeurs de la part de copropriété no [1] du cadastre de Z.________ ou de celle de l’entreprise F.________ ». Le juge impartissait à la demanderesse un délai de 20 jours pour lui indiquer « comment elle envisageait les choses ».

                        Le 11 février 2020, le mandataire de la demanderesse a indiqué au juge que les parties, étant dans l’incapacité de payer une expertise de la part de copropriété, étaient convenues d’une valeur « qui ne d[eva]it pas excéder de beaucoup la dette hypothécaire à reprendre » ; que « [d]e la même manière », en ce qui concernait l’entreprise du défunt, celle-ci avait déjà été reprise par Y.________ avant le décès ; qu’il n’était plus possible d’en expertiser la valeur, puisqu’elle avait déjà subi des changements ; que c’était pour cette raison que les parties étaient convenues que l’appartement serait attribué à la demanderesse et l’entreprise resterait à Y.________, « sans qu’il ne soit ni possible ni nécessaire de faire des expertises, d’ailleurs hors de portée des parties ». La demanderesse précisait avoir « réuni tous les éléments qu’elle pouvait et qui sembl[ai]ent constituer ensemble des actifs et passifs de la succession ».

F.                               Par jugement du 18 mai 2020, le tribunal civil a rejeté la demande du 9 juillet 2019 ; levé le séquestre civil ordonné sur le véhicule Maserati ; arrêté les frais judiciaires réduits à 2'900 francs, mis à l’entière charge de la demanderesse, sous réserve des règles sur l’assistance judiciaire dont elle bénéficie ; statué sans dépens, les honoraires du mandataire d’office étant traités par ordonnance séparée. En substance, après avoir rappelé le contenu de l’article 604 al. 1 CC relatif au partage de la succession, ainsi que la doctrine y relative, le premier juge a considéré que la demanderesse n’avait déposé aucune preuve de l’accord du défendeur s’agissant de ses conclusions, qu’elle présentait comme un arrangement entre parties. La demanderesse n’avait dès lors pas apporté la preuve de l’accord, ni sur le principe-même du partage de la succession, ni sur ses modalités. Il lui incombait dès lors d’alléguer l’absence de cause d’ajournement du partage et de prendre une conclusion visant à faire constater son droit au partage ou à ce que le juge l’ordonne, ce qu’elle n’avait pas fait. Par ailleurs, la demanderesse alléguait que le de cujus avait établi les dispositions pour cause de mort, à savoir un contrat de mariage du 20 août 1993 et une disposition olographe intitulée « promesse de vente » du 14 octobre 1994, sans déposer ces documents ni en énumérer le contenu ; qu’elle avait dressé une liste des actifs de la succession, dont la valeur n’était que partiellement établie ; que les pièces qu’elle avait déposées ne permettaient pas de déterminer la valeur de l’appartement en PPE, pas plus que de l’entreprise individuelle du défunt ou encore des deux voitures. Le tribunal concluait être « ainsi dans l’incapacité totale d’estimer globalement et dans le détail la valeur des éléments du patrimoine successoral, de fixer la part successorale de la demanderesse et partant d’arrêter les modalités de partage ». La demande devait donc être rejetée, entraînant la mise à disposition de la succession du véhicule séquestré.

G.                               Le 18 juin 2020, X.________ appelle du jugement précité en reprenant, sur le fond, les conclusions 2 à 10 et 14 de sa demande (en résumé : attribution à elle-même de la part de copropriété de l’immeuble no [1] du cadastre à Z.________, avec reprise de la dette hypothécaire ; attribution du véhicule Maserati à elle-même et Chrysler à Y.________ ; constat que l’entreprise du défunt a été reprise par Y.________ peu avant son décès et lui reste acquise avec les actifs et passifs, la succession étant définitivement déchargée de tout engagement qui y est lié ; reconnaissance d’un montant de 50'000 francs que la succession doit à E.________ en remboursement d’un prêt ; reconnaissance par la succession d’une dette de 3'500 francs envers la même et de 2'000 francs avancés à Y.________ ; prélèvement en faveur de Y.________ de 15'000 francs sur les avoirs bancaires de la succession après remboursement des autres dettes ; répartition du solde disponible à parts égales entre les deux héritiers). À titre subsidiaire (« Eventuellement »), l’appelante conclut au renvoi de la cause à l’instance inférieure pour nouveau jugement au sens des motifs, en tout état de cause à ce que les frais d’entreposage du véhicule Maserati soient mis à la charge de la succession, avec suite de frais et dépens de première et deuxième instances, sous réserve des règles relatives à l’assistance judicaire, que l’appelante sollicite par ailleurs. À titre de mesures provisionnelles, l’appelante sollicite le maintien sous séquestre provisoire du véhicule Maserati.

                        Après un rappel des faits qui reprend dans les grandes lignes ceux évoqués dans la demande du 9 juillet 2019, puis une description de la procédure de première instance, jusqu’au jugement querellé, l’appelante invoque une violation du « droit privé matériel » et une mauvaise appréciation des faits, à mesure que l’autorité inférieure a retenu « que l’appelante devait apporter la preuve de l’accord du défendeur et qu’elle n’a pas déposé les dispositions pour cause de mort du de cujus ni allégué suffisamment la valeur des actifs et passifs de la succession ». Elle invoque également un déni de justice sur ce dernier point : selon elle, le premier juge a violé l’article 29 al. 1 Cst. féd. en mettant « à charge d’une enfant mineure, plaidant au bénéfice de l’assistance judiciaire, la charge de prouver des allégués non contestés ». Elle reproche au juge civil de s’être « substitu[é] à l’intimé en contestant à sa place les montants attribués aux valeurs des actifs de la succession ». Or, en se fondant sur différentes dispositions du code de procédure civile, l’appelante considère que l’intimé ayant fait défaut durant la procédure de conciliation, puis n’ayant pas déposé une réponse et ne s’étant finalement pas présenté à l’audience du 30 janvier 2020, il n’a jamais contesté les faits tels qu’allégués par elle-même. Les allégués de sa demande du 9 juillet 2019 étaient dès lors censés être prouvés, faute de contestation. Elle réfute par ailleurs l’obligation qui lui aurait incombé d’alléguer l’absence de cause d’ajournement du partage successoral (temps inopportun ou droit d’un enfant conçu, notamment), à mesure qu’il ne lui « incombait pas […] d’alléguer l’absence de causes d’ajournement du partage puisqu’elle allègue principalement le contraire », en affirmant que la succession était en train de s’endetter et que le partage devait donc être effectué le plus rapidement possible. Du reste, le certificat d’hérédité ne mentionne aucun enfant à naître ; aucune cause d’ajournement légale indirecte n’existe (les délais pour répudier la succession ou pour requérir un inventaire sont échus). Des pourparlers ont eu lieu avec l’intimé, ce qui n’est pas contesté, si bien qu’il n’y a pas d’ajournement conventionnel. L’appelante dénonce le formalisme excessif du jugement de première instance, qui ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, en ce sens qu’il ressort clairement de ses conclusions qu’elle demande le partage de la succession. Retenir l’absence d’une conclusion tendant à ce partage relève du formalisme excessif. Par ailleurs, le certificat d’hérédité du 20 septembre 2018 permettait facilement de comprendre que les parties étaient les deux seuls héritiers légaux de feu A.________, avec qualité pour recueillir la succession conformément aux articles 560 ss CO. Il est arbitraire de remettre en cause cette qualité de l’appelante, même si elle n’a pas produit les dispositions pour cause de mort alléguées, celles-ci n’ayant aucune importance dans la présente procédure. Les parties s’étaient en outre entendues pour renoncer à faire expertiser des biens qui avaient entretemps changé de valeur (en particulier, l’entreprise individuelle déjà reprise par l’intimé) et étaient convenues des différents montants pour les actifs de la succession, tout spécialement pour considérer de valeur égale dans le partage, d’une part, l’appartement et l’entreprise et, d’autre part, les deux véhicules. La non-contestation par l’intimé de ses allégués « ne pouvait être considérée que comme un accord ».

H.                               Par ordonnance du 22 juin 2020, la Cour d’appel civile a notifié à Y.________ l’appel de X.________. L’intéressé n’ayant pas retiré le courrier recommandé qui lui était adressé, l’acte lui a été réadressé par courrier simple le 7 juillet 2020.

I.                                 Par ordonnance du 8 juillet 2020, la présidente de la Cour de céans a constaté, respectivement ordonné, à toutes fins utiles et à titre de mesures conservatoires et provisionnelles, le maintien du séquestre provisoire sur le véhicule Maserati. L’intimé a retiré le pli recommandé contenant cette ordonnance le 10 juillet 2020.

J.                                Par courrier aux parties du 3 septembre 2020, la juge instructeur de la cause a relevé que l’intimé n’avait pas déposé de réponse dans le délai de 30 jours qui lui avait été imparti et les a informés que l’affaire était gardée à juger sans deuxième échange d’écritures.

C O N S I D E R A N T

1.                                Interjeté dans les formes et délai légaux, l’appel est recevable. On relèvera que la valeur litigieuse dépasse à l’évidence 10'000 francs (et même 30'000 francs), à mesure que figurent parmi les actifs successoraux une part de copropriété à une PPE, une entreprise individuelle (dont on ignore cependant les passifs) et deux voitures d’une certaine valeur, en plus de liquidités de plus de 100'000 francs, pour des passifs annoncés d’un peu plus de 230'000 francs.

2.                                a) L’article 604 al. 1 CC prévoit que chaque héritier a le droit de demander en tout temps le partage de la succession, à moins qu’il ne soit conventionnellement ou légalement tenu de demeurer dans l’indivision. La communauté héréditaire ne constitue qu’une phase intermédiaire jusqu’au transfert du patrimoine successoral en mains propres de chaque héritier. En principe, les cohéritiers participent d’un commun accord aux modalités du partage (art. 607 ss CC). Mais il se peut qu’un héritier refuse d’y procéder ou que les cohéritiers ne puissent liquider la succession de manière consensuelle, avec pour conséquence que la communauté héréditaire se prolonge. C’est pourquoi l’article 604 al. 1 CC prescrit l’action en partage. Le partage est alors judiciaire et non plus amiable ou conventionnel. L’action a pour but de faire prononcer par l’autorité judicaire le partage lui-même, lorsque les héritiers ne s’accordent pas sur cette question (Spahr, in CR-CC, no 1 et 2 ad. art. 604). L’action en partage se distingue de l’action tendant au partage. L’objet de la seconde est de faire constater le droit au partage – c’est-à-dire l’absence de cause d’ajournement de celui-ci – et d’obtenir la coopération des défendeurs. Si l’action tendant au partage vise à faire trancher par le juge la question du principe du partage, l’action en partage a pour but de faire prononcer par l’autorité judiciaire le partage lui-même, lorsque les cohéritiers ne s’entendent pas sur les modalités de celui-ci. Les deux actions peuvent être cumulées en une seule procédure ; le demandeur réclame alors que le juge ordonne le partage, auquel les défendeurs s’opposent, et lui attribue sa part héréditaire. Dans le cadre d’une action en partage, l’autorité judiciaire doit, notamment, déterminer la masse à partager, fixer la part successorale de l’héritier demandeur et, le cas échéant, celle des défendeurs ; elle va arrêter les modalités du partage ; le jugement prononcé remplace le contrat de partage que les héritiers concluent normalement (Spahr, op cit., no 19 à 21 ad. art. 604). Dans la procédure de recours, le recourant présentera des conclusions précises et claires. Il ne peut simplement se contenter de demander qu’un nouveau partage ait lieu, mais il doit formuler les conclusions sur la manière dont le partage doit intervenir (Spahr, op cit., no 33 ad. art. 604). Selon l’article 604 al. 1 CC, tout héritier a le droit de demander en tout temps le partage. Il existe toutefois quelques causes qui permettent aux héritiers d’obtenir l’ajournement du partage. Toutefois, s’ils sont tous d’accord, les héritiers peuvent procéder au partage même s’il existe une cause d’ajournement. En cas de litige sur l’existence d’une telle cause, chaque héritier peut ouvrir action tendant au partage pour faire trancher cette question (Spahr, op cit., no 40 ad. art. 604 CC). Le demandeur doit prendre les conclusions les plus précises possibles, de manière que le juge soit en mesure de rendre un jugement de partage qui puisse être exécuté. Le droit de procédure ne peut toutefois pas exiger de l’héritier concerné la présentation d’un projet de partage détaillé : il ne saurait faire obstacle au droit au partage garanti par le Code civil. Des conclusions abstraites et générales, comme « le partage de la succession est ordonné », sont admissibles, en particulier si l’héritier demandeur n’est pas en mesure de prendre des conclusions plus précises, au motif notamment qu’il ne disposerait pas de toutes les informations nécessaires sur l’état de la succession. L’héritier concerné est libre de conclure, s’il le souhaite, à l’attribution de tel actif ou de tel passif successoral (Spahr, no 26 et 27 ad. art. 604). Se fondant sur deux jurisprudences citées par Spahr (ATF 101 II 41 et arrêt du TF du 12.02.2009 [5A_654/2008]), Bohnet (in : Actions civiles, vol. 1 : CC et LP, § 39, p. 529) énumère les « éléments constitutifs » qui doivent être allégués par le demandeur de l’action en partage, à mesure que la maxime des débats s’applique (art. 55 CPC), avec pour conséquence qu’il supporte l’absence de preuves les concernant (art. 8 CC). Parmi ces éléments constitutifs, cet auteur cite l’absence de causes d’ajournement au partage, alors que l’on relèvera que les jurisprudences fédérales citées n’y font pas référence, le Tribunal fédéral se limitant à exiger des allégués tendant à la détermination de la masse successorale, à la fixation des parts héréditaires et à l’ordre de partage (voir en particulier l’arrêt du TF de 2009 précité, cons. 6.2).

                        b) Au niveau procédural, l’action en partage est soumise à la procédure ordinaire lorsque la masse successorale dépasse 30'000 francs (art. 249 let. c ch. 3 et 243 al. 1 CPC a contrario). Comme indiqué ci-dessus, la maxime des débats s’applique. Cela implique que les parties allèguent les faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions et produisent les preuves qui s’y rapportent (art. 55 al. 1 CPC). Les dispositions prévoyant l’établissement des faits et l’administration des preuves d’office sont réservées (art. 55 al. 2 CPC). Selon l’article 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu’elle allègue pour en déduire son droit. Selon l’article 150 al. 1 CPC, la preuve a pour objet les faits pertinents et contestés. En cas de défaut de la partie supposée se déterminer sur une allégation, autrement dit de silence sur l’allégation en cause, il ressort de l’article 153 al. 2 CPC que celle-ci est censée être admise, mais qu’une administration de preuve peut être ordonnée d’office s’il y a des motifs sérieux de douter de sa véracité (Schweizer, in CR-CPC, no 14 ad. art. 150). 

3.                                En l’espèce, lorsqu’on reprend la « demande en partage successoral » du 9 juillet 2019, on constate que la demanderesse y a allégué le décès de A.________ le 5 avril 2018 ; la qualité d’héritiers légaux exclusifs de Y.________ et d’elle-même ; sa « qualité pour demander le partage de la succession » ; le fait pour le défunt d’avoir « établi des dispositions pour cause de mort, à savoir un contrat de mariage du 20 août 1993 et une disposition olographe intitulée « promesse de vente » du 14 octobre 1994 » ; la circonstance que les demanderesse et défendeur s’étaient « déjà réunis à plusieurs reprises et [étaie]nt arrivés à un arrangement qui correspond aux conclusions de la présente requête » ; que Y.________ ne donnait plus suite aux correspondances et que la mère de la demanderesse ne savait comment l’atteindre ; que les créanciers réclamaient le paiement de leurs factures ; que les formalités permettant ce paiement n’avaient pas pu être effectuées en raison du silence de Y.________ ; que les actifs de la succession se composaient d’actifs bancaires pour environ 106'000 francs, de deux véhicules, d’une entreprise et d’un bien immobilier, ainsi que d’une « éventuelle créance contre B.________ » à hauteur de 50'000 francs, alors que les passifs connus s’élevaient à environ 231'000 francs. Outre des attributions précises formalisées aux chiffres 2 à 10, les conclusions de la demande prévoient que soit déterminée la valeur de la succession « sur la base des preuves administrées ». À la demande se trouvaient jointes différentes preuves littérales, parmi lesquelles l’acte de naissance de X.________ ; le certificat d’hérédité ; des extraits de compte bancaire ; une attestation de la banque I.________ en lien avec la dette hypothécaire ; un décompte des assurances [aaa] et [bbb] ; un extrait des poursuites dont il résulte que toutes les poursuites intentées contre A.________ ont été réglées, hormis une d’entre elles à laquelle il a été fait opposition totale et une autre qui a conduit à une commination de faillite ; un contrat de prêt entre E.________ et A.________ du 16 mai 2003 portant sur 50'000 francs, ainsi que différentes factures.

                        Lorsque, comme en l’espèce, la procédure est soumise à la maxime des débats (et de disposition), le tribunal n’administre d’office les preuves d’un fait non contesté que lorsqu’il existe des motifs sérieux de douter de sa véracité. Un fait non contesté – par exemple parce que comme en l’espèce le défendeur est défaillant – est réputé admis, respectivement il n’a pas à faire l’objet d’une preuve, sous réserve de la situation de l’article 153 al. 2 CPC. Le considérant 8 du jugement querellé n’applique pas ces principes. En effet, lorsque le juge reproche à la demanderesse d’avoir allégué des dispositions pour cause de mort sans les produire, ni en énumérer le contenu, il s’attache à un fait non pertinent (qui n’est pas non plus à prouver – art. 150 al. 1 CPC). On ne voit en effet pas en quoi un contrat de mariage et une disposition portant sur une promesse de vente auraient ici une influence, à mesure qu’un certificat d’hérédité atteste que, nonobstant les dispositions pour cause de mort prises expressément en compte par la notaire, sont seuls héritiers « testamentaires et légaux » les deux parties à la procédure. Le cercle des héritiers était donc correctement allégué. S’agissant du contenu de la succession, la demande dresse une liste, certes succincte, mais a priori exhaustive, d’actifs et de passifs. Cette liste n’a pas été contestée par le défendeur, et pour cause puisqu’il a fait défaut, si bien que le fardeau de l’allégation et de la preuve est à ce titre respecté. À partir du moment où la demanderesse alléguait, sans être contredite par le défendeur, que les parties étaient arrivées à un arrangement correspondant aux conclusions de sa requête, et qui traitaient de l’entier des actifs et passifs en attribuant des lots, après déduction des dettes courantes et reprise de la dette hypothécaire, il n’était pas nécessaire de fixer une valeur pour chacun des actifs. En effet, dans le cadre d’une négociation entre parties, il n’est nullement exigé que chaque actif soit expertisé, ni même que les parties lui attribuent une valeur, l’équilibre global de leur accord ne pouvant être remis en cause dans le cadre d’une demande en partage que s’il y a contestation des actifs et passifs et de leur répartition. En l’espèce, rien de tout cela ne ressort du dossier puisque le défendeur ne s’est prononcé ni après la réponse ni lors de l’audience, pas plus qu’il n’a manifesté un quelconque intérêt pour la procédure au stade de l’appel. Le premier juge fait donc erreur lorsqu’il exige des preuves pour des faits non contestés, sans dire en quoi il douterait de leur véracité. Un éventuel doute apparaît du reste d’autant moins clairement que, si le défendeur et intimé avait considéré que le partage tel qu’il résulte des conclusions de la demande, et désormais de l’appel, lui était défavorable, il l’aurait contesté. Il est tout à fait usuel, dans le cadre d’un arrangement entre héritiers, d’attribuer des lots de nature différente et de considérer qu’ils ont une valeur, sinon identique, du moins similaire de sorte que là encore, faute de contestation, on doit considérer, que le défendeur était d’accord avec les modalités du partage. Il n’y a pas forcément recours à une expertise. S’agissant de l’obligation d’alléguer l’absence de cause d’ajournement du partage, elle n’existe que lorsque le principe du partage est contesté (lorsque les parties sont d’accord, elles peuvent procéder au partage même s’il existe une cause d’ajournement – CR-CC, Spahr, n. 40 ad art. 604 CC, précité), ce qui – encore une fois, en raison du défaut du défendeur et intimé – n’est pas le cas. S’agissant de la détermination de la quote-part à laquelle la demanderesse a droit, le fait pour elle d’avoir allégué que la communauté héréditaire se composait de Y.________ et d’elle-même et de prouver par le certificat d’hérédité que les héritiers le sont du fait du même degré de parenté (ligne descendante directe), sachant que le tribunal doit appliquer le droit d’office (art. 57 CPC), implique que la précision de la part successorale de chacun (soit une moitié de la masse successorale) n’avait pas à être explicitée plus précisément. Finalement, les conclusions portent sur l’attribution des actifs en lots et la reprise, respectivement la répartition des dettes, avec une précision qui rapproche les conclusions de la demande et de l’appel d’une véritable convention de partage. Lorsque la demande qui porte de telles conclusions est intitulée « demande en partage successoral », on doit considérer qu’exiger encore, en plus, une conclusion formelle sur le principe du partage relèverait du formalisme excessif. C’est bien plus dans l’hypothèse où les lots ne peuvent être déterminés – ce que la jurisprudence permet au stade de la première instance, mais non plus au stade du recours (voir Spahr, op. cit., n. 33 ad art. 604) – que la conclusion expresse sur le principe du partage a tout son sens, mais non lorsque, précisément, les lots sont d’ores et déjà demandés, ce qui inclut de facto de partager la succession.

                        C’est dire que le premier juge ne pouvait rejeter la demande du 9 juillet 2019 mais devait au contraire y donner suite, en allouant ses conclusions à la demanderesse. L’article 318 al. 1 let. b CPC permet à la Cour de céans de le faire directement. L’attribution du véhicule Maserati à l’appelante implique la levée du séquestre qui frappe encore ce véhicule.

4.                                Vu ce qui précède, l’appel est admis, le jugement du 18 mai 2020 est annulé et il sera statué au sens des considérants ci-dessus. Selon l’article 318 al. 3 CPC, si l’instance d’appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de première instance. Ceux-ci peuvent être fixés globalement avec les frais de deuxième instance. A mesure que l’intimé succombe, les frais seront mis à sa charge exclusive. L’intimé sera également condamné à verser à l’appelante une indemnité de dépens fixée pour les deux instances, sous réserve des règles sur l’assistance judiciaire. À mesure que l’appelante perçoit des dépens, la conclusion 13 (« Dire que les frais et honoraires de l’étude de Me G.________ sont à la charge de la succession ») est rejetée. On précisera encore que les frais d’entreposage du véhicule Maserati placé sous séquestre devront être acquittés avant le partage de la succession.

5.                     X.________ n’est pas encore majeure. Elle a déposé une requête d’assistance judiciaire et différentes pièces littérales à l’appui de celle-ci, dont il résulte qu’elle-même n’a pas de revenu, hormis une rente d’orphelin de 805 francs, que sa mère est en fin de droit de l’assurance chômage et que celle-ci vit de l’aide sociale. À l’évidence, le minimum vital de X.________ n’est pas couvert. Par ailleurs, si la succession porte sur des actifs bancaires d’environ 106'000 francs, après paiement des dettes (hors hypothèque) listées en page 6 de l’appel et exécution des différents points du partage, c’est un montant d’environ 22'000 francs qu’il resterait à partager entre les parties, soit une somme d’environ 11'000 francs à disposition de X.________. Ce montant est inférieur à la réserve de secours que l’assistance judiciaire autorise avant que la fortune de ceux qui la sollicitent doive être mise à contribution, les autres actifs n’étant au demeurant pas mobilisables à brève échéance.

Par ces motifs,
LA COUR D'APPEL CIVILE

I.         Admet l’appel et annule le jugement du 18 mai 2020.

II.         Statuant elle-même, la Cour d’appel civile ordonne le partage de la succession de feu A.________ entre les parties selon les modalités suivantes :

1.        Attribue à X.________ la propriété de l’immeuble qui forme la PPE no [1] du cadastre de Z.________ ;

2.        Dit que, sous réserve de l’accord de la banque créancière, la dette hypothécaire qui grève ledit immeuble auprès de la Banque I.________ et qui ascende à 168'059.55 francs, valeur au 05.04.18, est reprise par l’attributaire, X.________, valeur à la date du transfert immobilier au Registre foncier ;

3.        Dit que la propriété du véhicule automobile Maserati est attribuée à X.________ et la propriété du véhicule Chrysler à Y.________ ;

4.        Dit que l’entreprise F.________ dont la gestion a été reprise par Y.________, peu avant le décès de son père reste attribuée à ce dernier avec les actifs et les passifs, la succession étant définitivement déchargée de tout engagement lié à ladite entreprise ;

5.        Dit que la succession reconnaît devoir à E.________ le montant de 50'000 francs qui représente le prêt accordé par cette dernière à feu A.________ ;

6.        Dit que la succession se reconnaît débitrice envers E.________ du montant de 3'500 francs avancé par cette dernière pour la délivrance des certificats d’hérédité délivrés par Me H.________ et d’un montant de 2'000 francs correspondant à une avance faite à Y.________ ;

7.        Dit qu’il sera prélevé sur les comptes bancaires de la succession un montant de 15'000 francs à remettre à Y.________ après remboursement des autres dettes ;

8.        Dit qu’après remboursement des dettes de la succession et de l’accord de la banque avec la reprise de la dette hypothécaire par X.________ et après règlement des dettes de la succession ainsi que des frais et honoraires de l’étude de Me G.________, le solde disponible sera réparti à parts égales entre les deux héritiers ;

9.        Dit que les frais d’inscription du transfert au RF de l’immeuble formant la PPE [1] du cadastre de Z.________ sont à charge de l’attributaire, X.________ ;

10.     Dit que les frais d’entreposage du véhicule Maserati sont à la charge de la succession et à acquitter avant son partage.

III.         Octroie à X.________ l’assistance judiciaire pour la procédure d’appel.

IV.         Arrête les frais pour la procédure de première et deuxième instances à 5'000 francs et les met à la charge de Y.________.

V.         Condamne Y.________ à verser à X.________ une indemnité de dépens de 5'000 francs pour la première et la deuxième instances, sous réserve des règles relatives à l’assistance judiciaire dont il y a lieu de la faire bénéficier.

Neuchâtel, le 29 septembre 2020

 

  

Art. 604 CC
Action en partage
 

1 Chaque héritier a le droit de demander en tout temps le partage de la succession, à moins qu’il ne soit conventionnellement ou légalement tenu de demeurer dans l’indivision.

2 À la requête d’un héritier, le juge peut ordonner qu’il soit sursis provisoirement au partage de la succession ou de certains objets, si la valeur des biens devait être notablement diminuée par une liquidation immédiate.

3 Les cohéritiers d’un insolvable peuvent, aussitôt la succession ouverte, requérir des mesures conservatoires pour la sauvegarde de leurs droits.

 
Art. 150 CC
Objet de la preuve
 

1 La preuve a pour objet les faits pertinents et contestés.

2 La preuve peut également porter sur l’usage, les usages locaux et, dans les litiges patrimoniaux, le droit étranger.

 
Art. 153 CPC
Administration des preuves d’office
 

1 Le tribunal administre les preuves d’office lorsque les faits doivent être établis d’office.

2 Il peut les administrer d’office lorsqu’il existe des motifs sérieux de douter de la véracité d’un fait non contesté.