A.                               Par demande du 17 juillet 2019 et après avoir obtenu une autorisation de procéder du 18 avril 2019, X.________ a ouvert action contre l’association Y.________. Elle a conclu, sous suite de frais et dépens, à ce que la nullité du testament de feue A.________ (décédée en janvier 2018 à Z.________), daté du 3 décembre 2015, soit prononcée, et à ce qu’il soit constaté qu’elle-même était héritière instituée de la succession de cette dernière, en vertu du testament du 4 août 2012.

À l’appui de sa demande, X.________ faisait en substance valoir que feue A.________, née en 1917, était veuve et n’avait pas d’enfants ; qu’elle ne laissait ainsi pas d’héritier réservataire ; que toutes deux avaient noué un lien d’amitié profond et étaient devenues très proches ; que feue A.________ avait décidé de l’instituer héritière universelle, par testament olographe du 4 août 2012, déposé auprès de Me B.________, notaire ; qu’en 2015, la santé de la testatrice s’était dégradée et que des signes de démence étaient apparus ; qu’une curatelle de représentation et de gestion du patrimoine avait alors été instaurée par décision de l’APEA le 20 août 2015 ; que dans le cadre de cette procédure, une expertise avait été demandée ; que les conclusions de l’expert sur la question principale de son mandat étaient très claires et ne variaient pas, en ce sens que A.________ avait besoin d’une curatelle de portée générale, faute de capacité de discernement suffisante ; que le 3 décembre 2015, Me C.________, notaire, avait instrumenté un testament authentique instituant héritière universelle de tous ses biens l’association Y.________, en lieu et place de X.________ ; que ce revirement était inexplicable ; qu’il apparaissait que feue A.________ n’avait plus la capacité de discernement nécessaire pour prendre de nouvelles dispositions pour cause de mort en décembre 2015 ; qu’en conséquence, le testament authentique précité devait être annulé.

B.                               Dans sa réponse du 20 septembre 2019, l’association Y.________ a conclu au rejet de la demande dans toutes ses conclusions, avec suite de frais et dépens. À son appui, elle relevait que la relation entre A.________ et X.________ s’était dégradée au fil des années ; que, déçue par les agissements de cette dernière et ayant perdu confiance en elle, A.________ avait décidé de révoquer les dispositions testamentaires qu’elle avait prises en faveur de X.________ ; que le 24 novembre 2015, un médecin avait attesté de la pleine capacité de discernement de A.________ ; que jusque peu avant sa mort, elle avait l’esprit clair, était dynamique, joviale et lisait beaucoup ; qu’elle s’était souvent confiée sur la détérioration de sa relation avec X.________, qui l’avait affectée ; que la révocation du testament du 4 août 2012 reflétait le résultat de ses réflexions à ce sujet ; que c’était ainsi en pleine conscience et de manière volontaire qu’elle avait décidé d’instituer l’association Y.________ comme héritière universelle.

C.                               Une première audience s’est tenue devant le Tribunal civil le 12 décembre 2019, lors de laquelle il a été décidé de transformer la procédure simplifiée telle qu’ouverte initialement en procédure ordinaire. Un débat sur preuves a également eu lieu. X.________ a été interrogée.

D.                               Une seconde audience s’est tenue devant le Tribunal civil le 25 août 2020, lors de laquelle il a été procédé à l’audition des témoins D.________ (témoin défenderesse) et E.________ (ancien curateur de A.________ ; témoin défenderesse).

E.                               Par jugement du même jour, le Tribunal civil a rejeté la demande, mis les frais de la cause, fixés à 6'621 francs, à charge de X.________ et alloué une indemnité de dépens d’un montant de 13'500 francs à l’association Y.________.

En substance, le Tribunal civil a retenu, dans son jugement motivé et expédié aux parties le 3 septembre 2020, que X.________ n’avait pas apporté la preuve d’une incapacité de discernement de A.________ lors de la passation du testament ; subsidiairement, qu’à supposer que la présomption de capacité de discernement aurait dû être renversée et l’incapacité présumée, les circonstances du cas d’espèce auraient suffi à établir avec une vraisemblance prépondérante que la testatrice avait agi dans un moment de lucidité et qu’elle était capable de discernement au moment de la signature du testament authentique. Les dispositions pour cause de mort prises étaient ainsi le reflet de sa volonté libre.

F.                               Le 2 octobre 2020, X.________ appelle de ce jugement en concluant à son annulation ; partant, à ce que la nullité du testament daté du 3 décembre 2015 soit prononcée et à ce qu’il soit constaté qu’elle est héritière instituée de la succession de feue A.________, avec suite de frais judiciaires et dépens des deux instances.

À l’appui de son appel, X.________ reproche au Tribunal civil de ne pas avoir retenu que l’état de feue A.________ s’était péjoré depuis mai 2015 ; de ne pas avoir tenu compte du fait que la relation nouée entre les précitées était très forte ; d’avoir passé sous silence le fait que le certificat médical du 24 novembre 2015 avait été établi sans réexamen de la testatrice et qu’il ne faisait qu’émettre une hypothèse concernant sa capacité de discernement ; d’avoir violé le droit en donnant du poids à ce certificat médical pour en déduire cette capacité ; enfin, d’avoir arbitrairement déduit que l’institution de l’association Y.________ comme héritière semblait logique, alors qu’au vu de la nature de la relation entre X.________ et feue A.________, ce n’était pas le cas.

G.                               Dans sa réponse du 9 novembre 2020, l’association Y.________ conclut au rejet de l’appel, avec suite de frais et dépens.

H.                               Par courrier du 12 novembre 2020, la juge instructeur de la Cour d’appel civile a informé les parties qu’un deuxième échange d’écritures ne paraissait pas nécessaire et qu’il serait statué sur pièces et sans débats.

C O N S I D E R A N T

1.                                Déposé dans les formes et délai prévus par la loi (art. 311 CPC), dans une cause dont la valeur litigieuse est supérieure aux 10'000 francs mentionnés à l’article 308 al. 2 CPC, l’appel est recevable.

2.                                a) L'appel peut être formé pour violation du droit ou pour constatation inexacte des faits (art. 310 CPC). La constatation inexacte peut tenir dans l’admission d’un fait non établi par le dossier, sans être notoire, dans la prise en compte d’indices insuffisants, mais aussi dans la mauvaise appréciation des preuves administrées (mutatis mutandis CPra Matrimonial – Sörensen, art. 310 CPC n. 14).

                        b) Pour disposer valablement par testament, il faut être capable de discernement (art. 467 CC), c'est-à-dire ne pas être privé de la faculté d'agir raisonnablement par suite, notamment, de maladie mentale ou de faiblesse d'esprit (art. 16 CC). Les dispositions pour cause de mort faites par une personne incapable de disposer au moment de l'acte peuvent être annulées (art. 519 al. 1 ch. 1 CC).

                        La capacité de discernement ne doit pas être appréciée abstraitement mais en rapport avec un acte déterminé, selon la difficulté et la portée de cet acte. On peut donc imaginer qu'une personne dont la capacité de discernement est généralement réduite puisse tout de même exercer certaines tâches quotidiennes et soit capable de discernement pour les actes qui s'y rapportent; pour des affaires plus complexes, en revanche, on pourra dénier sa capacité de discernement. Contrairement aux petits achats et aux affaires quotidiennes, la rédaction d'un testament compte parmi les actes les plus exigeants, surtout s'il s'agit de dispositions compliquées. Pour juger de la capacité de discernement, il ne faut cependant pas se demander si les dispositions prises sont sages, justifiées au vu des circonstances, ou simplement équitables; une disposition absurde peut tout au plus être tenue pour un indice d'un défaut de discernement (arrêt du TF du 17.03.2015 [5A_859/2014] cons. 4.1.1 et les références citées).  

                        La capacité de discernement est la règle en vertu de l'article 16 CC. En matière de capacité de disposer à cause de mort, la jurisprudence en a déduit que, s'agissant d'adultes, la capacité de discernement doit être présumée, car selon l'expérience générale de la vie, ils ont généralement le discernement; celui qui prétend que le disposant était incapable de disposer au moment de l'acte doit donc le prouver et, parce que la nature même des choses rend impossible la preuve absolue de l'état mental d'une personne décédée, le degré de la preuve requis est abaissé à la vraisemblance prépondérante. En revanche, lorsqu'une personne est atteinte de maladie mentale ou de faiblesse d'esprit, l'incapacité de discernement est présumée, car cette personne doit généralement être considérée, d'après l'expérience générale de la vie, comme étant selon une vraisemblance prépondérante, dépourvue, en principe, de discernement; c'est alors à celui qui se prévaut de la validité du testament d'établir que la personne concernée a accompli l'acte litigieux dans un moment de lucidité; la contre-preuve que celle-ci a agi dans un intervalle lucide étant difficile à rapporter, la jurisprudence facilite la preuve: il suffit de prouver que la personne concernée, malgré une incapacité générale de discernement au vu de son état de santé, était au moment déterminant capable de discernement avec une vraisemblance prépondérante (arrêt du TF du 16.01.2014, [5A_820/2013] cons. 6.1.1. et les références citées).  

                        Il ressort de la jurisprudence que toute atteinte à la santé mentale ne permet pas de présumer l'incapacité de discernement. Il faut que cette atteinte crée une dégradation durable et importante des facultés de l'esprit (cf. les exemples cités in arrêt du TF du 12.10.2012 [5A_191/2012] cons. 4.1.2). L'incapacité de discernement n'est présumée que dans le cas où le disposant se trouvait, au moment où il a accompli l'acte, dans un état durable de dégradation des facultés de l'esprit liée à la maladie ou à l'âge. Ainsi, en présence d'un diagnostic de « démence sénile » posé par plusieurs médecins, il y a lieu, selon l'expérience générale de la vie, de présumer l'incapacité de discernement (arrêt du TF du 12.04.2012 [5A_436/2011] cons. 5.6). En revanche, elle n'est pas présumée et doit être établie, selon la vraisemblance prépondérante, lorsque le disposant, dans un âge avancé, est impotent, atteint dans sa santé physique et temporairement confus ou souffre uniquement d'absences à la suite d'une attaque cérébrale ou encore est confronté à des trous de mémoire liés à l'âge (arrêt du TF du 25.03.2009 [5A_12/2009] cons. 2.2 et les références citées).

                        Les constatations relatives à l'état de santé mentale d'une personne, la nature et l'importance d'éventuels troubles de l'activité de l'esprit, le fait que la personne concernée pouvait se rendre compte des conséquences de ses actes et pouvait opposer sa propre volonté aux personnes cherchant à l'influencer, ainsi que l'état dans lequel une personne se trouvait lorsqu'elle a accompli un acte particulier relèvent de l'établissement des faits. En revanche, la conclusion que le juge en a tirée quant à l'application de l'une ou l'autre des présomptions de capacité ou d'incapacité de discernement, autrement dit, la subsomption, relève du droit. Il en va de même de la déduction d'un intervalle de lucidité, qui n'est rien d'autre qu'une récupération momentanée de capacité de discernement perdue (arrêt du TF du 13.09.2012 [5A_384/2012] cons. 4 et les références citées). 

3.                                a) L’appelante reproche tout d’abord au Tribunal civil de ne pas avoir retenu que l’état de la testatrice s’était péjoré depuis mai 2015. Cette affirmation est erronée. Au contraire, le Tribunal civil a précisément relevé que l’expert, qui s’était entretenu avec A.________ le 17 septembre 2015, préconisait l’instauration d’une curatelle de portée générale, notamment au motif que la précitée souffrait de « graves troubles mnésiques ». Cela étant, le Tribunal civil a jugé que ces troubles étaient contrebalancés par différents autres éléments, relevés par l’expert également (cf. jugement attaqué, p. 6, dernier paragraphe). Ce dernier a en particulier « indiqué que A.________ avait gardé ses capacités de compréhension et d’apprentissage […], qu’elle restait totalement capable de compter et qu’elle connaissait parfaitement la valeur de l’argent » (jugement, p. 6 in fine). Le Tribunal civil en outre a précisé que « des déficits de mémoire, même importants, et de modestes problèmes d’orientation ne paraissent pas propres à provoquer une incapacité d’agir raisonnablement » (jugement, p. 7 in initio). L’appelante n’explique pas en quoi cette conclusion ne serait pas correcte ou pertinente. Elle évoque certes le fait que le Tribunal civil n’a pas relevé, dans son argumentaire qu’elle-même avait déclaré avoir constaté une baisse des capacités intellectuelles de la testatrice depuis son entrée au home en mai 2015. Cet argument est cependant inconsistant, à mesure qu’il fait fi de ses autres déclarations faites devant les autorités pénales, reproduites du reste dans le jugement attaqué, en page 8 (c’est la Cour qui souligne), telles que : « A.________ a toute sa tête » (4 juillet 2016) et « Au niveau de la tête, elle allait bien, hormis une chute. Sur le plan intellectuel, elle est toujours au top. Je n’ai pas son niveau intellectuel. Je suis naïve et j’admire. Pour vous répondre, à l’époque où elle était à Nice, je n’ai pas constaté de baisse au niveau intellectuel, dans tous les cas jusqu’à son entrée en home. On arrivait par exemple à faire des Sudoku. Bref, elle avait un bon niveau » (30 novembre 2017). Rien ne permet de penser, au regard des déclarations précitées, que la capacité de discernement de la testatrice était problématique. Enfin, si cette dernière a certes fait des déclarations peut-être confuses devant l’Autorité de protection de l’enfant et de l’adulte, en juin 2015 – qui ne semblent toutefois pas laisser transparaître autre chose que les graves troubles mnésiques attestés par l’expert, possiblement exacerbés car elle se trouvait alors en situation de stress –, ces déclarations sont contrebalancées par celles des nombreuses personnes – dont les propos sont retranscrits dans le jugement attaqué – qui attestent toutes que A.________ était capable de discernement. Cela vaut d’autant plus que, si la jurisprudence rattache l’établissement d’un testament aux actes les plus exigeants de la vie, la clause ici en cause n’est nullement complexe. Au vu de ce qui précède, le grief de l’appelante doit en conséquence être rejeté.

b) L’appelante reproche également au Tribunal civil de ne pas avoir suffisamment tenu compte de l’intensité de la relation « mère-fille » qu’elle avait nouée avec la testatrice, ce qui avait amené le juge à conclure faussement au caractère logique de la modification d’héritier en faveur de Y.________. Même à supposer que le lien qui unissait la testatrice et l’appelante était intense et très particulier, il ne saurait occulter le fait que la première a fait part, à l’APEA, à l’expert et aux témoins F.________, G.________, D.________ et E.________, du fait qu’elle reprochait un certain nombre de choses à l’appelante (achat d’une voiture avec son argent, ce qu’elle a considéré comme une trahison ; déception suite à la « disparition » de l’appelante depuis son hospitalisation ; malaise au vu de la dépendance totale à son égard ; emprise importante de cette dernière). Or une relation d’amitié – comme toute relation d’ailleurs – peut évoluer en bien ou en mal, en fonction du comportement de l’un et de l’autre ou même d’aléas extérieurs, prévisibles ou non. C’est précisément ce qui s’est passé. Même à considérer que la relation qui unissait l’appelante et A.________ était, à un moment donné, aussi intense qu’une relation « mère-fille », les éléments qui précèdent démontrent que la défunte a ensuite été déçue par le comportement de l’appelante, si bien qu’elle n’envisageait plus de lui transmettre son héritage. Au vu du nombre de personnes auxquelles la testatrice s’est confiée à ce sujet, on peut retenir que la relation qui les unissait, au moment où elle a décidé d’instituer l’association Y.________ comme héritière universelle, n’était plus celle du passé. C’est ainsi à juste titre que le Tribunal civil a conclu au caractère logique de la modification d’héritière, en faveur de l’association Y.________, au motif que la relation qui unissait l’appelante et feue A.________ n’était plus celle d’autrefois. On notera encore que les reproches de cette dernière dirigés contre l’appelante n’étaient pas dénués de tout fondement. En effet, une procédure pénale a été ouverte à l’encontre de l’appelante le 4 juillet 2016 (POL.2018.316), laquelle a abouti à la condamnation – certes pas définitive – de l’appelante, en première instance, à une peine privative de liberté de 8 mois avec sursis pendant 2 ans, pour abus de confiance et vol (POL.2018.316, jugement du 18 septembre 2019), ce dont on peut retenir qu’indépendamment de la présomption d’innocence, les relations n’étaient pas aussi cristallines que ce qui est allégué. Du moins, un revirement de la testatrice dans un tel contexte – certes postérieur pour ce qui est de l’ouverture de la procédure pénale mais déjà existant pour ce qui est des faits reprochés – n’a rien d’étonnant ou insolite. Par surabondance et même si ces reproches devaient ne pas relever du droit pénal, voire être infondés, cela ne remettrait pas encore en cause la validité du testament du 3 décembre 2015. On sait en effet d’expérience qu’une personne parfaitement capable de discernement peut effectuer des actes qui n’ont pas de base logique mais qui pour autant ne sont pas sans valeur. À cet égard, n’étant précisément pas la mère de l’appelante, A.________ était parfaitement libre de tester et même de le faire, cas échéant, contre ce que l’appelante aurait trouvé logique. La liberté de tester comprend celle de modifier une attribution testamentaire (voir art. 509 ss CC), le disposant devant toutefois disposer de la capacité de discernement, ce qui était le cas ici. Au vu de ce qui précède, le grief de l’appelante sera en conséquence rejeté.

c) L’appelante reproche aussi au Tribunal civil d’avoir passé sous silence le fait que le médecin qui a établi le certificat médical du 24 novembre 2015 n’avait pas réexaminé sa patiente et que ce certificat ne faisait qu’émettre une hypothèse concernant sa capacité de discernement (« je pense que… »). Cette assertion est également erronée. Le Tribunal civil a indiqué, dans son jugement, que « [c]e certificat, établi par un praticien qui la suivait depuis son retour en Suisse en septembre 2013, constitue un indice supplémentaire en faveur de la capacité de discernement de la défunte lors de l’instrumentation de son testament » (jugement attaqué, p. 9). Le Tribunal civil se borne ainsi à considérer qu’il ne s’agit que d’un « indice supplémentaire », sans nier le fait que ce certificat a pu être établi sans avoir vu la patiente à cette fin. À cet égard, le Tribunal civil mentionne simplement que ce praticien suivait A.________ depuis son retour en Suisse en septembre 2013. Quant au fait que son auteur utilise le verbe « penser », on rappellera que ce dernier signifie notamment « considérer quelque chose comme vrai » et « avoir la conviction de quelque chose, le croire » (https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/penser/59270). Il ne veut ainsi pas nécessairement dire que celui qui l’utilise formule une hypothèse. Quoiqu’il en soit, même si on devait admettre que son auteur ne tenait la capacité de discernement de A.________ que pour probable, cela ne changerait pas la conclusion à laquelle le Tribunal civil est arrivé, soit de considérer qu’il s’agissait d’un indice supplémentaire plaidant en faveur de cette capacité. Au vu de ce qui précède, le grief de l’appelante doit être rejeté.

d) L’appelante considère encore que le Tribunal civil a violé le droit, en donnant du poids au certificat médical précité, pour en déduire la capacité de discernement de la testatrice. En réalité, ce grief a trait à l’appréciation des preuves. C’est en effet une mauvaise appréciation des preuves qui a, cas échéant, conduit le Tribunal civil à violer le droit. Quoi qu’il en soit, cette affirmation est erronée au motif que le Tribunal civil :

-        a exposé, de manière convaincante, pourquoi les « graves troubles mnésiques » et les « modestes problèmes d’orientation » retenus par l’expert – dont on rappellera qu’il ne s’est pas exprimé sur la capacité de tester de A.________ – ne paraissaient pas propres à provoquer chez elle une incapacité d’agir raisonnablement ;

-        s’est basé sur plusieurs témoignages affirmant tous que A.________ était capable de discernement – ce que l’appelante elle-même a également admis dans ses déclarations devant les autorités pénales (cf. supra cons. 2, let. b) ;

-        a relevé que le testament avait été rédigé en la forme authentique et en présence de deux témoins, lesquels avaient certifié que la testatrice leur avait paru capable de disposer pour cause de mort ;

-        a clairement exposé que le certificat médical litigieux ne constituait rien de plus qu’un « indice supplémentaire » en faveur de la capacité de discernement de la défunte. Il a ainsi donné à cette pièce le « poids » qu’il convenait de lui donner, soit qu’il ne s’agissait pas d’une preuve formelle mais d’une indication – comme les nombreux autres éléments cités ci-dessus – tendant à corroborer que A.________ avait les facultés nécessaires pour tester.

Au vu de ce qui précède, le grief de l’appelante doit être rejeté.

e) L’appelante considère enfin que le Tribunal civil a fait une déduction arbitraire, violant le droit, en retenant que le choix de la testatrice, d’instituer héritière Y.________, semblait logique. Ce grief relève en réalité de la constatation inexacte des faits. C’est en effet cette appréciation des faits qui a conduit, cas échéant, le Tribunal civil à violer le droit. L’appelante n’indique du reste pas, dans son mémoire, quelle serait la disposition légale qui aurait été violée par le Tribunal civil. Quoi qu’il en soit, dès lors que l’état de fait retenu par le Tribunal civil a été correctement établi (cf. ci-dessus) et qu’il en découle que A.________ n’était pas entravée dans sa capacité de discernement et restait donc libre de modifier son testament olographe, c’est à juste titre que le Tribunal civil a retenu que le choix de la défunte de modifier son testament en faveur de l’association Y.________ s’inscrivait dans la logique exprimée par cette dernière, depuis mai 2015. L’appelante l’admet du reste implicitement, puisqu’elle considère que le raisonnement du Tribunal civil n’est erroné qu’au regard de l’état de fait complété et, selon elle, correctement établi, exposé dans son mémoire. Or les griefs qu’elle invoquait à ce titre ont précisément été rejetés et l’état de fait n’est pas celui qu’elle avance pour appliquer le droit. Cela rend le reproche tiré de la prétendue absence de logique de la modification testamentaire infondé. L’audition du curateur de la testatrice permet du reste de se convaincre que son choix s’est porté sur l’intimée après avoir reçu les renseignements utiles.

4.                                Vu ce qui précède, l’appel doit être rejeté et le jugement attaqué confirmé. Les frais de la procédure d’appel doivent être mis à la charge de l’appelante, qui sera en outre condamnée à verser à l’intimée une indemnité de dépens de 1'500 francs (art. 95 al. 1 cum 106 al. 1 CPC).

Par ces motifs,
LA COUR D'APPEL CIVILE

1.       Rejette l’appel.

2.       Met à la charge de l’appelante les frais de la procédure d’appel, arrêtés à 4'500 francs, partiellement couverts par l’avance de frais de 3'000 francs déjà versée.

3.       Condamne l’appelante à verser à l’intimée une indemnité de dépens de 1'500 francs pour la procédure d’appel.

Neuchâtel, le 18 décembre 2020

Art. 167 CC
Discernement
 

Toute personne qui n’est pas privée de la faculté d’agir raisonnablement en raison de son jeune âge, de déficience mentale, de troubles psychiques, d’ivresse ou d’autres causes semblables est capable de discernement au sens de la présente loi.


7 Nouvelle teneur selon le ch. I 2 de la LF du 19 déc. 2008 (Protection de l’adulte, droit des personnes et droit de la filiation), en vigueur depuis le 1er janv. 2013 (RO 2011 725FF 2006 6635).

Art. 467 CC
Par testament
 

Toute personne capable de discernement et âgée de 18 ans révolus a la faculté de disposer de ses biens par testament, dans les limites et selon les formes établies par la loi.

Art. 519 CC
Incapacité de disposer, caractère illicite ou immoral de la disposition
 

1 Les dispositions pour cause de mort peuvent être annulées:

1. lorsqu’elles sont faites par une personne incapable de disposer au moment de l’acte;

2. lorsqu’elles ne sont pas l’expression d’une volonté libre;

3. lorsqu’elles sont illicites ou contraires aux mœurs, soit par elles-mêmes, soit par les conditions dont elles sont grevées.

2 L’action peut être intentée par tout héritier ou légataire intéressé.

Art. 310 CPC
Motifs
 
L’appel peut être formé pour:
a. violation du droit;
b. constatation inexacte des faits.