A.                            Le 18 septembre 2019, X.________ a fait notifier à Y.________ un commandement de payer, les sommes de 630'813 francs avec intérêts à 10 % dès le 14 décembre 2018, de 56'830 francs avec intérêts à 5 % dès le 1er mars 2019 et de 203.30 francs de frais d’établissement du commandement de payer dans la poursuite no 2019081[aaa] de l’Office des poursuites du canton de Neuchâtel. Le titre de la créance ou cause de l’obligation indiqué était : « contrat de prêt du 14 décembre 2018 – échéance au 1er mars 2019 – Euro 555'000.- aux taux de change de CHF 1,1366 au 1er mars 2019, intérêts de 10 % conventionnel dès le 14 décembre 2018. Clause pénale du contrat de prêt du 14 décembre 2018 – Euro 50'000.00 au 1er mars 2019 taux de change au 1er mars Fr. 1,1366 ». Le poursuivi a formé opposition totale.

B.                            Le 18 novembre 2019, la poursuivante a déposé une requête de mainlevée définitive de l’opposition auprès du Tribunal régional des Montagnes et du Val-de-Ruz. La requête a été transmise d’office au Tribunal régional du Littoral et du Val-de-Travers, et attribuée ensuite au site de Neuchâtel. A l’appui, la requérante faisait valoir en substance qu’elle avait conclu le 14 décembre 2018 un contrat de prêt à durée limitée, à savoir jusqu’au 1er mars 2019, avec la société A.________ ; que le contrat de prêt avait été rédigé par le conseil genevois de la société A.________ ; que selon ledit contrat, la poursuivante mettait à disposition de la société A.________ la somme de 550'000 euros à titre de prêt ; que le versement du prêt devait se faire par deux virements, l’un sur une banque à Z.________ par 305'000 euros, l’autre sur la banque [bbbbb] par 250'000 euros ; que ces versements devaient être impérativement exécutés le jour de la signature du contrat ; que le prêt portait intérêts à 10 % l’an à compter du versement effectif du montant du prêt, payable au plus tard à l’échéance fixée au 1er mars 2019 ; que le contrat prévoyait encore qu’en cas de retard dans le remboursement du capital et/ou des intérêts y relatifs, soit le 1er mars 2019, A.________ devrait immédiatement s’acquitter d’un montant forfaitaire de 50'000 euros en faveur de la poursuivante, à titre de clause pénale ; que, par intervention au contrat de prêt, Y.________ s’était porté fort personnellement au sens de l’article 111 CO du remboursement du prêt, des intérêts y relatifs et, cas échéant, du montant de la clause pénale, pour le cas où la société A.________ ne s’exécuterait pas dans le délai imparti ; que Y.________ avait spécialement été rendu attentif par son conseil genevois aux implications et conséquences juridiques d’un porte-fort au sens des articles 111 et suivants CO (sic) ; qu’en particulier, le poursuivi avait reconnu que cet engagement personnel était un porte-fort et non pas un cautionnement ; que, concomitamment à la signature du contrat de prêt, Y.________ avait signé un titre d’exécution directe par devant notaire le 14 décembre 2018 ; que ce titre authentique exécutoire prévoyait que Y.________ acceptait l’exécution directe, au sens des articles 347 et suivants CPC, des prestations convenues dans le contrat de prêt signé le même jour entre la société A.________ et la poursuivante ; qu’ainsi, en sa qualité de porte-fort de la société A.________, le poursuivi reconnaissait devoir rembourser à la poursuivante le prêt de 555'000 euros et les intérêts y relatifs et s’acquitter en outre de la clause pénale de 50'000 euros pour le cas où la société A.________ ne rembourserait pas intégralement jusqu’au 1er mars 2019 la somme prêtée par la société poursuivante ainsi que les intérêts de 10 % par année, calculés à partir du 14 décembre 2018 ; que le poursuivi avait expressément été avisé du caractère exécutoire de l’acte au sens de l’article 347 CPC, impliquant notamment pour la société poursuivante la possibilité de faire valoir ledit acte comme titre de mainlevée définitive au sens des articles 80 et 81 LP aux fins d’obtenir le remboursement du prêt et des intérêts ainsi que le versement de la clause pénale ; que la poursuivante avait exécuté sa prestation en versant le 14 décembre avant midi les sommes de 305'000 et de 250'000 euros ; que la somme de 305'000 euros avait été refusée par la banque à Z.________ le 21 décembre 2018, de sorte que le conseil genevois de A.________ avait informé la poursuivante de la situation et sollicité que le montant de 305'000 euros soit versé sur le compte Postfinance du poursuivi ; que cela avait été effectué le 21 décembre 2018 ; qu’en février 2019, A.________ avait fait savoir qu’elle ne pourrait s’exécuter au 1er mars 2019 ; que la poursuivante avait dès lors adressé au poursuivi, le 27 février 2019, une facture lui permettant de s’acquitter de 566'708.20 euros, dans le délai prévu contractuellement, correspondant au remboursement du prêt et des intérêts (sans la clause pénale) ; qu’aucun remboursement n’était intervenu le 1er mars 2019 ; que le poursuivi, en sa qualité de porte-fort, était dès cette date débiteur du remboursement du prêt, du paiement de la clause pénale et des intérêts. La poursuivante produisait notamment, outre le commandement de payer, le contrat de prêt et le titre authentique du 14 décembre 2018, les copies des ordres de paiement du 14 décembre 2018, l’ordre de transfert du 21 décembre 2018 et divers échanges de courriels et factures.

C.                            Le tribunal civil a tenu audience le 20 janvier 2020. La poursuivante a confirmé sa requête du 18 novembre 2019. Le poursuivi a conclu au rejet de celle-ci, sous suite de frais et dépens, sans déposer de pièces.

                        Le poursuivi a fait en substance valoir qu’il n’avait pas souscrit à une promesse de porte-fort au sens de l’article 111 CO, mais à un cautionnement selon les articles 492 et suivants CO ; qu’en cas de cautionnement, un titre authentique exécutoire n’était pas possible ; que le titre produit ne mentionnait pas la cause juridique de la prestation (soit le cautionnement) ; qu’il ne pouvait dès lors être exécuté comme une décision ; qu’il ne respectait pas la condition posée par l’article 347 let. b CPC ; que, n’étant pas juriste, le poursuivi n’avait pas compris la distinction entre cautionnement et porte-fort à la signature de l’acte ; que, par sa signature, il avait voulu consolider le prêt de la société basée à l’étranger à Z.________ ; que son engagement n’était qu’accessoire par rapport à l’engagement principal contracté par la société ; que le fait qu’il se soit engagé à payer exactement le montant que la société devait rembourser était un indice supplémentaire en faveur du cautionnement ; que les règles de forme relatives au cautionnement n’étaient pas réalisées ; que l’épouse du poursuivi n’avait pas donné son accord écrit à l’engagement de cautionnement ; que la requête de mainlevée définitive ne pouvait qu’être rejetée ; que, sous l’angle du prononcé d’une mainlevée provisoire, elle devrait également être rejetée, son engagement étant radicalement nul.

                        Selon la décision attaquée, la requérante a fait valoir que le requis avait des intérêts dans la société A.________ et qu’il avait reçu toutes les explications nécessaires pour distinguer cautionnement et porte-fort, si bien qu’il était de mauvaise foi.

                        Le procès-verbal d’audience mentionne que le poursuivi a indiqué que le prêt serait remboursé prochainement, que l’argent se trouvait à l’étranger et qu’il convenait de suspendre la procédure, requête à laquelle la poursuivante s’est opposée et qui a été implicitement rejetée par le tribunal civil.

D.                            Par décision du 23 mars 2020, notifiée le 21 avril 2020, le tribunal civil a prononcé la mainlevée définitive de l’opposition, mis les frais de justice à la charge du poursuivi (1'000 francs) et condamné celui-ci à verser une indemnité de dépens (1'000 francs) à la poursuivante. Le premier juge a écarté l’argument tiré de la nature juridique réelle de l’engagement du poursuivi, estimant qu’à supposer que le juge de la mainlevée ait la compétence de qualifier juridiquement un acte prima facie sur la base des preuves soumises, il apparaissait, sur la base du dossier, que le requis ne s’était pas obligé en faveur de A.________, mais envers la requérante. Le tribunal a considéré que le titre produit revêtait un caractère exécutoire au sens de l’article 347 CPC et que, en particulier, l’acte authentique mentionnait la cause juridique de la prestation, soit le contrat de prêt du 14 décembre 2018, contenant les mentions permettant de déterminer avec précision le fondement de l’obligation visée par la clause d’exécution.

E.                            Par acte du 4 mai 2020, le débiteur recourt contre la décision de mainlevée, dont il demande l’annulation, sous suite de frais et dépens.

                        Le recourant fait valoir qu’il a allégué et prouvé, lors de l’audience du 20 janvier 2020 et en se fondant sur les titres produits par la poursuivante, que son engagement du 14 décembre 2018 est nul, car il s’agit d’un cautionnement dont les règles impératives légales n’ont pas été respectées ; que, partant, le titre authentique exécutoire du 14 décembre 2018, ne reposant pas sur un engagement valable, est également nul ; que la clause concernant le porte-fort, insérée dans le contrat de prêt du 14 décembre 2018, relative à sa soi-disant connaissance de la notion juridique et des conséquences du porte-fort et de la différence avec le cautionnement, n’est pas conforme à la jurisprudence en la matière et ne peut pas lui être imposée ; qu’en effet, il est ingénieur civil et pas juriste ; qu’il est dès lors inexpérimenté et aurait dû bénéficier de la jurisprudence ; qu’il a passé un engagement accessoire qui dépend uniquement et exclusivement du contrat de prêt et qui garantit son exécution ; qu’il ne doit rembourser le prêt que dans la mesure où l’emprunteur, débiteur principal, ne s’est pas acquitté de sa dette dans le délai fixé ; qu’en cas de remboursement partiel par le débiteur principal, seul le solde est dû par le recourant ; qu’au demeurant, la réquisition de poursuite et le commandement de payer indiquent comme cause de l’obligation ou titre de la créance uniquement le contrat de prêt du 14 décembre 2018, sans la moindre mention ou allusion à un soi-disant porte-fort ; que la soi-disant promesse de porte-fort ne détermine nullement en elle-même et de façon détaillée la prestation garantie, mais que la prestation du garant est déterminée intégralement par le contrat de prêt ; qu’au moment où la garantie a été donnée, le 14 décembre 2018, il n’était alors nullement question que le débiteur principal ne puisse probablement pas s’exécuter ; qu’en cas de doute, il faut retenir le cautionnement ; que lorsque la caution est une personne physique, la déclaration de cautionnement doit revêtir la forme authentique ; que le consentement écrit de son conjoint est nécessaire ; que dès lors l’engagement qu’il a pris le 14 décembre 2018 constitue en fait un cautionnement nul, faute de revêtir la forme authentique et faute d’avoir obtenu l’engagement du conjoint du recourant ; que, par ailleurs, l’article 347 let. b CPC  a été violé ; que l’acte authentique exécutoire, se fondant sur un engagement contractuel nul et indiquant une cause juridique fausse, ne répond pas aux exigences de l’article 347 CPC ; que, selon la doctrine, un titre authentique exécutoire est exclu dans certaines matières énumérées à l’article 348 CPC et devrait l’être également en matière de cautionnement ; qu’enfin, la lecture de l’acte authentique exécutoire du 14 décembre 2018 montre que, si le notaire a attiré l’attention du recourant sur son caractère de titre de mainlevée définitive et la privation du droit de déposer une action en libération de dette, aucune information, ni réserve ou mise en garde, n’a été faite au sujet de la question de la qualification juridique du cautionnement.

F.                            Par ordonnance du 6 mai 2020, l’exécution de la décision attaquée a été suspendue.

G.                           Dans ses observations du 18 mai 2020, la poursuivante conclut au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée.

C O N S I D E R A N T

1.                            Déposé dans les formes et délai légaux, le recours est recevable (art. 319-321 CPC). La réponse de l’intimée est également recevable (art. 322 al. 2 CPC).

                        Dans la procédure de recours, les conclusions, allégations et preuves nouvelles sont en principe irrecevables (art. 326 CPC). En l’espèce, le recourant dépose en annexe à son recours deux copies de procurations et la décision attaquée. La décision attaquée fait partie du dossier de la cause. La procuration concernant les pouvoirs du mandataire du recourant dans la procédure de première instance aussi. Quant à la procuration concernant la procédure de seconde instance, elle doit être admise.

2.                            Dans le cadre du recours des articles 319 et suivants CPC, la juridiction de deuxième instance ne revoit les faits que sous l’angle de l’arbitraire (art. 320 let. b CPC ; Jeandin, in CR CPC, 2ème éd., no 5 ad art. 320 CPC avec les références). L’appréciation des preuves est arbitraire si le juge n’a manifestement pas compris le sens et la portée d’un moyen de preuve, s’il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d’une preuve propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a effectué des déductions insoutenables (arrêt du TF du 24.02.2020 [5A_450/2019] cons. 2.2.). Il ne suffit pas qu’une autre solution paraisse concevable, voire préférable, pour que la décision soit censurée ; il faut qu’elle se révèle arbitraire, non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 144 III 145 cons. 2). En revanche, l’autorité de recours revoit le droit librement.

3.                            a) Selon l’article 80 al. 1 LP, le créancier qui est au bénéfice d’un jugement exécutoire ou d’un titre y assimilé peut requérir du juge la mainlevée définitive de l’opposition. Un titre authentique exécutoire au sens des articles 347 à 352 CPC vaut titre de mainlevée définitive (art. 80 al. 2 let. a bis LP ; art. 349 CPC). Selon l’article 81 al. 1 LP, lorsque la poursuite est fondée sur un jugement exécutoire rendu par un tribunal ou une autorité administrative suisse, le juge ordonne la mainlevée définitive de l’opposition, à moins que l’opposant ne prouve par titre que la dette a été éteinte, ou qu’il a obtenu un sursis, postérieurement au jugement, ou qu’il ne se prévale de la prescription. Le titre authentique exécutoire n’est pas doté de la même efficacité qu’une décision judiciaire : sur le plan matériel, le débiteur n’est notamment pas limité dans ses exceptions (art. 81 al. 2 LP). Le débiteur peut tout d’abord se prévaloir des moyens énumérés à l’article 81 al. 1 LP (extinction, sursis, prescription), même si ceux-ci se sont produits avant le prononcé du titre. Le débiteur peut se prévaloir en outre d’autres objections, notamment d’un vice de la volonté, d’un vice de forme dans l’instrumentation de l’acte, de l’absence de mention de la cause juridique de la prestation (art. 347 let. b CPC), du fait que la prestation ne peut faire l’objet d’un titre authentique exécutoire (art. 348 CPC) ou du caractère excessif d’une peine conventionnelle. Le degré de la preuve libératoire est toutefois plus exigeant : la partie obligée ne peut se contenter de montrer la vraisemblance de ses exceptions ou objections ; elle doit pouvoir les prouver immédiatement (Message du Conseil fédéral, FF 2006, 6841, p. 6996). Les moyens de preuve sont principalement des titres (dans l’acception large de l’article 177 CPC), mais également des renseignements écrits (art. 190 CPC), voire des témoins pour autant que ceux-ci soient amenés à l’audience par le poursuivi (art. 170 al. 2 CPC). Le débiteur peut aussi opposer les moyens de défense relatifs à l’instance de mainlevée. Il doit être en mesure d’apporter la preuve immédiate du moyen (Abbet/Veuillet, La mainlevée de l’opposition, no 32 ss ad art. 81 LP ; Stoffel/Chabloz, Voies d’exécution, 3ème éd., p. 125 ss).

                        b) Si la mainlevée définitive est prononcée sur la base d’un titre authentique exécutoire, le débiteur peut tout de même agir pour faire constater l’inexistence, l’extinction ou la suspension de la prestation (art. 352 CPC) ; il dispose pour cela de l’action en annulation ou suspension de la poursuite ou de l’action en répétition de l’indu au sens des articles 85a et 86 LP (Abbet/Veuillet, op. cit. no 34 ad art. 81 LP ; Stoffel/Chabloz, op. cit., p. 127). Lorsque la mainlevée définitive requise sur la base d’un titre authentique exécutoire est refusée, le créancier conserve la possibilité d’agir par la voie de l’action en reconnaissance de dette selon l’article 79 LP, car la force de chose jugée fait défaut au titre et la procédure de mainlevée n’a pas pour objet de statuer sur le bien-fondé de la prétention (mêmes auteurs, ibidem et les références ; sur la nature de la procédure de mainlevée en général, arrêt du TF du 25.02.2019 [5A_648/2018] cons. 3.2.1 ; ATF 136 III 586 cons. 2.3 avec les arrêts cités).

4.                            a) Comme l’a rappelé récemment le Tribunal fédéral (arrêt du TF du 18.05.2020 [4A_450/2019] cons. 4.2), celui qui se porte fort promet au bénéficiaire le fait d’un tiers et s’engage à lui payer des dommages-intérêts si ce tiers ne s’exécute pas (art. 111 CO). Il assume une obligation indépendante qui peut exister même si le tiers n’est pas débiteur du bénéficiaire ou si son obligation est nulle ou invalidée (ATF 125 III 305 cons. 2 et les références). Sauf convention contraire, la garantie est exigible dès que la prestation du tiers n’est pas effectuée au moment convenu. Le bénéficiaire de la promesse n’est pas tenu de mettre le tiers en demeure, ni de le rechercher (ATF 131 III 606 cons. 4.2.2).

                        b) Le cautionnement est le contrat par lequel une personne s’engage envers le créancier à garantir le paiement de la dette contractée par un tiers, le débiteur principal (art. 492 al. 1 CO ; arrêt du TF du 26.05.2020 [4A_24/2020] cons. 4.2). Il présuppose l’existence d’un autre engagement (celui qui doit être garanti). Il constitue une adjonction à cet engagement et en dépend nécessairement pour son existence et son objet ; de nature accessoire, il garantit la solvabilité du débiteur ou l’exécution du contrat (ATF 129 III 702 cons. 2.2 , 113 II 434 cons. 2a, 111 II 276 cons. 2b).

                        c) Le critère de distinction entre le cautionnement et la promesse de porte-fort est l’accessorité (ATF 113 II 434, cons. 2b et les références, ATF 125 III 305 cons. 2a ; arrêt du TF du 26.05.2020 [4A_24/2020] cons. 4.2.1). En vertu de l’accessorité, la sûreté suit le sort de la dette principale ; il en est le complément. En conséquence, le débiteur accessoire peut opposer au créancier les exceptions du débiteur principal. Sûreté accessoire, le cautionnement garantit la solvabilité du débiteur ou l’exécution d’un contrat. Engagement autonome, la promesse de porte-fort garantit la prestation comme telle, soit un résultat déterminé, indépendamment de l’obligation d’un tiers.

                        d) Les contrats de sûreté sont très fréquents en pratique. Plusieurs institutions juridiques permettent d’atteindre le même but économique, à savoir le renforcement de la position du créancier. Alors que la promesse de porte-fort, qui obéit aux règles ordinaires sur la conclusion des contrats, n’est soumise à aucune forme particulière, la validité du cautionnement est subordonnée au respect d’une forme spéciale (art. 493 CO ; si la caution est une personne physique et que le cautionnement dépasse la somme de 2'000 francs, la forme authentique est nécessaire (art. 493 al. 2 CO ; en outre, si la personne est mariée, le consentement écrit de son conjoint est nécessaire (art. 494 al. 1 CO)). Les règles de forme prévues par la loi ont pour but de protéger la partie qui s’oblige. Elles devraient d’une part empêcher la conclusion irréfléchie de cautionnements et, d’autre part, rendre la caution au moins consciente du contenu de l’engagement pris (ATF 129 III 702 cons. 2.2). Le principe de la protection entre en ligne de compte pour la qualification d’une convention de garantie (ATF 113 II 424 cons. 2b). Le législateur était conscient, lors de la révision du droit du cautionnement du 10 décembre 1941, qu’il était possible d’éluder les prescriptions de forme par exemple en remettant une déclaration de porte-fort. Il s’est toutefois clairement résolu à admettre plusieurs titres de garantie sans étendre le champ d’application des règles de forme propres au cautionnement. La doctrine et la jurisprudence en ont déduit que les parties peuvent décider de leur plein gré si la sûreté qu’elles entendent créer revêtira la forme d’un cautionnement ou d’un porte-fort (ATF 129 III 702 cons. 2.3 ; arrêt du TF du 26.04.2007 [4C.24/2007] cons. 5).

5.                            Pour qualifier le contrat (cautionnement ou promesse de porte-fort), il faut l’interpréter.

                        Le juge doit recourir en premier lieu à l’interprétation dite subjective, c’est-à-dire rechercher la réelle et commune intention des parties, le cas échéant sur la base d’indices, sans s’arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la véritable nature de la convention (art. 18 al. 1 CO ; ATF 133 III 675 cons. 3.3 ; 132 III 268 cons. 2.3.3). Ce n’est que si le juge ne parvient pas à déterminer cette volonté réelle des parties – parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes – ou s’il constate qu’une partie n’a pas compris la volonté exprimée par l’autre à l’époque de la conclusion du contrat (ATF 131 III 281 cons. 3.1) – ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu’elle l’affirme en procédure, mais doit résulter de l’administration des preuves (arrêt du TF du 26.09.2008 [5A_198/2008] cons. 4.1) – qu’il doit recourir à l’interprétation objective, à savoir rechercher le sens que chacune des parties pouvait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l’autre, en tenant compte des termes utilisés ainsi que du contexte et de l’ensemble des circonstances dans lesquelles elles ont été émises.

                        Même s’il est apparemment clair, le sens d’un texte souscrit par les parties n’est pas forcément déterminant, de sorte que l’interprétation purement littérale est prohibée (art. 18 al. 1 CO). Lorsque la teneur d’une clause contractuelle paraît limpide à première vue, il peut résulter d’autres éléments du contrat, du but poursuivi par les parties ou d’autres circonstances que le texte de cette clause ne restitue pas exactement le sens de l’accord conclu. Il n’y a cependant pas lieu de s’écarter du sens littéral du texte adopté par les cocontractants lorsqu’il n’y a aucune raison sérieuse de penser que celui-ci ne correspond pas à leur volonté (ATF 135 III 295 cons. 5.2 et les références). Une interprétation stricte selon la lettre s’impose également lorsque les parties sont expérimentées en affaires et familières des termes techniques utilisés (ATF 131 III 606, 129 III 703 cons. 2.4). Le Tribunal fédéral a, en particulier jugé – dans la jurisprudence que le recourant invoque en l’espèce – que la règle protectrice de l’article 493 CO serait trop facilement éludée s’il suffisait d’insérer le mot « porte-fort » dans la formule soumise à la signature de la caution, alors que cette dernière en ignore souvent le sens. Une interprétation littérale stricte ne se justifie qu’à l’égard de personnes qui sont rompues à l’usage de ces termes, par exemple les instituts bancaires suisses (ATF 125 III 305 cons. 2b). Doivent être considérées comme versées dans les affaires les sociétés qui s’occupent dans leur pratique quotidienne d’actes d’intercession, tels que les groupes d’entreprises actifs sur le plan international ou les instituts bancaires suisses. Les particuliers qui traitent souvent des affaires couplées avec des actes d’intercession, en tant qu’administrateur ou directeur, doivent admettre que les termes choisis leur soient personnellement opposés. Le Tribunal fédéral a tenu pour rompu aux affaires un homme d’affaires qui présidait le conseil d’administration d’une société active dans le conseil et l’obtention de fonds pour sa clientèle et qui avait déclaré vouloir se porter garant « personnellement, cumulativement à côté de » la société. De même les personnes qui jouissent d’une formation juridique acquise en Suisse doivent se laisser opposer le sens objectif que les termes utilisés ont en droit, en particulier si une interprétation contraire conduit à l’invalidité du contrat. Cette règle s’applique également à celui qui s’est fait conseiller lors de la conclusion du contrat par une telle personne, s’il est établi que celle-ci l’a éclairé sur la signification des notions employées. En revanche, on ne saurait tenir un particulier pour rompu aux affaires du seul fait qu’il est inscrit au registre du commerce et possède la signature individuelle pour une petite entreprise qui n’a pas affaire à des actes d’intercession dans son activité quotidienne (ATF 129 III 702 cons. 2.4.2). En présence de cocontractants inexpérimentés, on ne peut pas, en vertu de la théorie de la confiance, déterminer d’emblée leur intention en se fondant sur le texte clair de leur accord. S’ils veulent réellement opter pour une reprise cumulative de dette ou un porte-fort au lieu d’un cautionnement, ce qu’ils sont libres de faire, ils ne peuvent se contenter, pour manifester clairement leur volonté à ce sujet, de recourir simplement à des expressions juridiques précises propres aux spécialistes tels que « porte-fort » en citant éventuellement des dispositions correspondantes de la loi. Pour protéger la partie inexpérimentée qui s’oblige, il est nécessaire dans de tels cas d’exposer dans le contrat même, de manière clairement compréhensible pour elle, et non par des formules, qu’elle se rend compte de la portée de l’engagement pris et d’indiquer les raisons pour lesquelles elle a renoncé à choisir la forme juridique du cautionnement (ATF 129 III 702 cons. 2.4.3).

6.                            Pour juger si un engagement a un caractère accessoire ou non, la jurisprudence a développé des critères devant permettre de définir la volonté réelle ou hypothétique des parties, précisant qu’il faut toujours examiner toutes les circonstances, apprécier l’engagement dans son ensemble et rechercher plusieurs indices (arrêt du TF du 16.04.2019 [5A_15/2018] cons. 4 ; CR CO I, 2ème éd., Tevini, no 22 ss ad art. 111 CO et les références). Si l’interprétation ne conduit pas à un résultat clair, diverses présomptions sont admises en jurisprudence. La présomption est plutôt en faveur du cautionnement lorsqu’il convient de protéger le promettant conformément au but de ces règles et lorsque le promettant est une personne physique. En revanche, les promesses émises dans un cadre commercial international sont présumées indépendantes (Tevini, op. cit., no 22 ad art. 111 CO).

7.                            En l’espèce, à la suite du contrat écrit de prêt liant la société A.________ et X.________, Y.________ a signé la clause suivante :

« Intervient au présent Contrat Y.________, qui se porte-fort personnellement au sens de l’article 111 du Code des Obligations du remboursement du prêt, les intérêts y relatifs et (cas échéant) du montant de la clause pénale à savoir EUR 50'000.--, selon les termes du présent Contrat en cas d’inexécution par la société A.________.

Y.________ déclare parfaitement connaitre les implications et conséquences juridiques d’un porte-fort au sens de l’article 111 du Code des Obligations Suisse et avoir pour cela sollicité les conseils juridiques nécessaires. En particulier, Y.________ reconnaît que l’engagement personnel pris ci-dessus est un porte-fort au sens de l’article 111 du Code des Obligations et non pas un cautionnement au sens des articles 492 et suivants du Code des obligations Suisse ».

                        Le même jour, conformément à l’article 6 du contrat de prêt, Y.________ a comparu devant un notaire à Genève et déclaré accepter l’exécution directe, au sens des article 347 et suivants CPC, des prestations convenues dans le contrat de prêt signé le 14 décembre 2018 « dans lequel Y.________ intervient en tant que porte-fort au sens des articles 111 et suivants du Code des Obligations Suisse (CO).

« Y.________ reconnaît dès lors devoir les prestations qui suivent :

Si la société A.________ ne rembourse pas intégralement d’ici au premier mars deux mille dix-neuf (01.03.2019) la somme de CINQ CENT CINQUANTE-CINQ MILLE (555'000.-) EUROS prêtée par la société X.________ ainsi que les intérêts de dix pour cent (10%) par année calculés à partir de ce jour (14.12.2018) jusqu’au premier mars deux mille dix-neuf (01.03.2019), Y.________ sera personnellement tenu, en sa qualité de porte-fort, de rembourser à la société X.________ ledit prêt et les intérêts y relatifs et de s’acquitter en outre d’une clause pénale de CINQUANTE MILLE (50'000.-) EUROS, sous déduction des montants qui auraient été versés par la société X.________, à titre de remboursement du prêt, de paiement des intérêts et de la clause pénale.

Le notaire soussigné attire expressément l’attention du comparant sur le fait que le caractère exécutoire du présent acte, au sens de l’article 347 CPC, implique notamment pour la société X.________, aux fins d’obtenir le remboursement du prêt et des intérêts ainsi que le versement de la clause pénale, la possibilité de faire valoir le présent acte comme titre de mainlevée définitive au sens des articles 80 et 81 de la Loi fédérale suisse sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP), avec pour conséquence notamment de priver Y.________ de son action en libération de dette. »

                        On se trouve en présence de textes clairs. L’on doit donc s’y tenir si l’on peut admettre que l’obligé a compris le sens des termes utilisés et en particulier si le texte a été négocié entre parties égales. Le débiteur a signé une clause selon laquelle il avait sollicité les conseils juridiques nécessaires, il comprenait parfaitement leur implication et les conséquences juridiques d’un porte-fort et il n’entendait pas s’engager par un cautionnement. L’explication de la différence entre le cautionnement et le porte-fort ne figure pas dans l’engagement écrit qu’il a paraphé. La procédure ne renseigne pas sur les raisons pour lesquelles les parties ont opté pour un porte-fort plutôt qu’un cautionnement. Le débiteur a allégué qu’il disposait d’une formation d’ingénieur civil, ce qui n’est pas contesté. Il n’a pas apporté d’autres éléments prouvant son inexpérience en affaires.

                        Constitue un indice plutôt en faveur d’un cautionnement le fait que, dans le titre exécutoire passé devant notaire et signé par le débiteur, celui-ci reconnaît devoir rembourser le prêt et les intérêts y relatifs ainsi que s’acquitter de la clause pénale, mais sous déduction des montants qui auraient été versés par la société A.________ à la société X.________.

                        Constitue en revanche un indice plutôt en faveur d’un engagement indépendant le fait que la promesse se rapporte à un contrat international et le fait que le titre authentique exécutoire mentionne que le recourant sera « personnellement tenu ».

                        Constitue un critère, parfois qualifié de non déterminant (arrêt du TF du 18.05.2020 [4A_450/2019] cons. 4.2.2), parfois considéré comme un indice important (arrêt du TF du 26.05.2020 [4A_24/2020] cons. 4.2), le fait que le promettant agit en général dans son intérêt propre. Les titres déposés devant le tribunal de première instance ne renseignent pas à ce sujet. La poursuivante a allégué que le recourant avait des intérêts dans A.________, mais cela n’est pas établi (ni même contesté). On constate toutefois que le débiteur, lorsque la banque à Z.________ qui devait recevoir une partie du montant du prêt le 14 décembre 2018 l’a refusé, a accepté que le transfert se fasse sur son compte postal suisse selon les instructions données par A.________. Cela laisse penser que le recourant avait un certain intérêt à ce que l’opération de prêt vienne à terme, voire des intérêts dans la société précitée.

                        En définitive, on retient que, s’il est constant que le débiteur ne dispose pas d’une formation juridique, sa qualité d’ingénieur civil devait lui permettre de saisir le sens de la clause par laquelle il a assuré avoir sollicité les conseils juridiques nécessaires pour comprendre les implications et les conséquences d’un porte-fort, et la distinction avec un cautionnement, quand bien même celles-ci ne sont pas exprimées dans l’engagement écrit qu’il a pris. L’importance des montants en jeu et le caractère international de l’affaire devaient l’amener à une attention particulière, ce d’autant qu’une partie de l’opération de garantie nécessitait le passage chez un notaire (acte authentique exécutoire). Le débiteur n’a pas allégué et prouvé qu’il avait agi à titre gratuit pour garantir l’engagement de parents ou d’amis intimes (cf. ATF 129 III 702). Il n’a pas amené d’éléments permettant de retenir que la garantie qu’il a promise n’avait pas l’objectif d’atteindre le but social de l’emprunteuse, ni qu’il n’avait pas d’intérêts à l’affaire ou à la société dont la dette était garantie (même arrêt). Dans ces conditions, on retiendra qu’on est bien en présence d’une promesse de porte-fort au sens de l’article 111 CO, valable en la forme.

8.                            La conclusion qui précède prive d’objet le moyen tiré de la violation de l’article 347 lettre b CPC.

9.                            Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. Le recourant supportera les frais de justice. Il versera à l’intimée une indemnité à titre de dépens. En l’absence de mémoire, cette indemnité sera fixée sur la base du dossier (art. 105 al. 2 CPCP, 64 LTFrais). Une indemnité de 1'000 francs paraît équitable, en fonction de la réponse de l’intimée, limitée à l’essentiel.

Par ces motifs,
L'AUTORITé DE RECOURS EN MATIERE CIVILE

1.    Rejette le recours.

2.    Met les frais de la procédure, arrêtés à 750 francs, à la charge du recourant, qui les a avancés.

3.    Condamne le recourant à verser à l’intimée une indemnité de 1'000 francs à titre de dépens.

Neuchâtel, le 20 août 2020

 

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Art. 111 CO
Porte-fort
 

Celui qui promet à autrui le fait d’un tiers, est tenu à des dommages-intérêts pour cause d’inexécution de la part de ce tiers.

 
Art. 402 CO
Obligations du mandant
 

1 Le mandant doit rembourser au mandataire, en principal et intérêts, les avances et frais que celui-ci a faits pour l’exécution régulière du mandat, et le libérer des obligations par lui contractées.

2 Il doit aussi l’indemniser du dommage causé par l’exécution du mandat, s’il ne prouve que ce dommage est survenu sans sa faute.

 
Art. 347 CO
Caractère exécutoire
 

Les titres authentiques relatifs à des prestations de toute nature peuvent être exécutés comme des décisions aux conditions suivantes:

a. la partie qui s’oblige a expressément déclaré dans le titre qu’elle reconnaissait l’exécution directe de la prestation;

b. la cause juridique de la prestation est mentionnée dans le titre;

c. la prestation due est:

1. suffisamment déterminée dans le titre,

2. reconnue dans le titre par la partie qui s’oblige,

3. exigible.

 
Art. 801LP
Par la mainlevée définitive
Titre de mainlevée
 

1 Le créancier qui est au bénéfice d’un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l’opposition.

2 Sont assimilées à des jugements:

1.  les transactions ou reconnaissances passées en justice;

1bis.2 les titres authentiques exécutoires au sens des art. 347 à 352 CPC3;

2.4 les décisions des autorités administratives suisses;

3.5 ...

4.6 les décisions définitives concernant les frais de contrôle rendues par les organes de contrôle en vertu de l’art. 16, al. 1, de la loi du 17 juin 2005 sur le travail au noir7;

5.8 dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée: les décomptes d’impôt et les notifications d’estimation entrés en force par la prescription du droit de taxation, ainsi que les notifications d’estimation entrées en force par la reconnaissance écrite par l’assujetti.


1 Nouvelle teneur selon le ch. I de la LF du 16 déc. 1994, en vigueur depuis le 1er janv. 1997 (RO 1995 1227; FF 1991 III 1).
2 Introduit par l’annexe 1 ch. II 17 du CPC du 19 déc. 2008, en vigueur depuis le 1er janv. 2011 (RO 2010 1739; FF 2006 6841).
3 RS 272
4 Nouvelle teneur selon l’annexe 1 ch. II 17 du CPC du 19 déc. 2008, en vigueur depuis le 1er janv. 2011 (RO 2010 1739; FF 2006 6841).
5 Abrogé par l’annexe 1 ch. II 17 du CPC du 19 déc. 2008, avec effet au 1er janv. 2011 (RO 2010 1739; FF 2006 6841).
6 Introduit par l’annexe ch. 3 de la LF du 17 juin 2005 sur le travail au noir, en vigueur depuis le 1er janv. 2008 (RO 2007 359; FF 2002 3371).
7 RS 822.41
8 Introduit par l’annexe ch. 2 de la LF du 30 sept. 2016, en vigueur depuis le 1er janv. 2018 (RO 2017 3575; FF 2015 2467).