A.                               a) Le 24 février 2020, la Commission paritaire a requis auprès du tribunal civil la faillite de X.________ Sàrl, en produisant le commandement de payer no 2019******, notifié le 9 août 2019 à la débitrice pour la somme de 950 francs, plus frais, commandement de payer resté sans opposition, ainsi que la commination de faillite notifiée le 25 septembre 2019.

                        b) Les parties ont été citées par le tribunal civil à une audience fixée au 26 mars 2020 (citations envoyées le 26 février 2020). La débitrice était informée du fait que si elle justifiait du paiement, avant l’audience et auprès du tribunal, de la somme de 1'200.40 francs (plus frais d’encaissement en cas de paiement à l’Office des poursuites), la poursuite serait éteinte et la faillite ne serait pas prononcée.

                        c) Par lettre adressée aux parties le 18 mars 2020, en courrier A, le juge du tribunal civil a indiqué que l’audience était annulée au vu des conditions sanitaires actuelles, que le tribunal renonçait aux débats au sens de l’article 256 CPC et statuerait sur pièces, qu’un délai au 5 avril 2020 était fixé à la poursuivie pour déposer une réponse écrite et que les féries judiciaires ne s’appliquaient pas à la procédure.

                        d) X.________ Sàrl n’a pas déposé de réponse.

                        e) Par jugement du 22 avril 2020, le tribunal civil a prononcé la faillite de X.________ Sàrl et en a fixé l’ouverture au même jour à 14h00.

B.                               a) Le 4 mai 2020, X.________ Sàrl recourt contre le jugement de faillite, en concluant à l’octroi de l’effet suspensif et à l’annulation du jugement entrepris, sous suite de frais et dépens. Elle expose que son représentant n’imaginait pas, à réception de l’invitation à déposer une réponse, qu’une faillite pourrait être prononcée. L’article 168 LP, qui impose la tenue d’une audience de faillite, ne souffre aucune exception. L’audience permet au poursuivi de s’exprimer et, le plus souvent, de justifier d’un paiement de dernière minute. La formulation de l’avis d’annulation de l’audience ne mentionnait pas expressément la mise en faillite en l’absence de réaction de la recourante. De toute manière, la créance a été réglée, par le paiement auprès du Tribunal cantonal des 1'200.40 francs réclamés dans la poursuite.

C.                               Par ordonnance du 7 mai 2020, le président de l’Autorité de recours en matière civile a accordé l’effet suspensif au recours.

D.                               Le 8 mai 2020, la recourante a encore déposé des informations débiteur faisant état de poursuites pour 10'000 francs environ, en observant que le passif restait modeste.

E.                               Le 14 mai 2020, le juge du tribunal civil a déposé son dossier, sans formuler d’observations sur le recours, mais en concluant au rejet de celui-ci.

F.                               L’intimée n’a pas procédé.

C O N S I D É R A N T

1.                                L'appel n'étant pas recevable contre les décisions pour lesquelles le tribunal de la faillite est compétent en vertu de la LP (art. 309 litt. b ch. 7 CPC), un jugement de faillite est susceptible d'un recours (art. 319 litt. a CPC, 174 LP). Interjeté dans les formes et délai légaux (art. 321 CPC, 174 al. 1 LP), le recours est recevable.

2.                                Des novas sont admissibles en procédure de recours contre un jugement de faillite, mais l’article 174 al. 2 LP n’autorise pas le débiteur à produire des pièces et à faire valoir des moyens une fois échu le délai de recours de l'article 174 al. 1 LP ; la maxime inquisitoire n'oblige en outre pas le tribunal à étendre la procédure probatoire et à administrer tous les moyens de preuve envisageables (arrêt du TF du 24.11.2016 [5A_681/2016] cons. 3.1.3). Les premières pièces déposées par la recourante l’ont été dans le délai de recours. Elles sont admises. Les autres documents produits sont sans pertinence, de sorte qu’il n’est pas nécessaire de s’y attarder.

3.                                a) L’article 168 LP prévoit que le juge saisi d’une réquisition de faillite avise les parties des jour et heure de son audience au moins trois jours à l’avance. Elles peuvent s’y présenter ou s’y faire représenter.

                        b) Selon l’article 256 CPC, le tribunal peut renoncer aux débats et statuer sur pièces, à moins que la loi n’en dispose autrement.

                        c) Les débats sont imposés par la loi, au sens de l’article 256 CPC, dans différentes matières. La procédure de faillite en fait partie, l’article 168 CP imposant précisément la tenue d’une audience (cf. notamment Bohnet, in : CR CPC, 2ème éd., n. 5 ad art. 256). En d’autres termes, dans la procédure de faillite, l’article 168 LP consacre une exception à la possibilité offerte au juge par l’article 256 CPC et impose au juge de citer les parties à une audience (arrêt du TF 19.08.2014 [5A_403/2014] cons. 4.1).

                        d) Dès lors, le premier juge ne pouvait pas renoncer à tenir une audience en se fondant sur l’article 256 CPC, le jugement entrepris est contraire au droit, soit à l’article 168 LP, et il doit être annulé. Il est vrai que la situation sanitaire rendait et rend encore la tenue d’audiences plus compliquée qu’à l’ordinaire, mais cela ne permettait et ne permet pas d’y renoncer dans un cas où la loi l’exclut (l’ordonnance COVID 19 sur la justice et le droit procédural, du 16 avril 2020, ne prévoit d’ailleurs pas d’exception pour la période de la procédure). Si l’audience ne pouvait pas se tenir le 26 mars 2020 dans des conditions sanitaires acceptables, elle devait être renvoyée.

4.                                a) Il résulte de ce qui précède que le recours doit être admis. Le jugement entrepris sera annulé et la cause renvoyée au tribunal civil pour nouvelle décision. Le premier juge examinera, à titre préalable et en donnant aux parties l’occasion de se déterminer, si la procédure pourrait être classée, vu le paiement de la dette dans l’intervalle, sans audience et par une décision statuant aussi sur les frais et dépens.

                        b) Les frais judiciaires de la procédure de recours ne sont pas imputables aux parties ou à des tiers et l’équité exige qu’ils soient laissés à la charge du canton (art. 107 al. 2 CPC). Par contre, il n’y a pas lieu de mettre des dépens à la charge du canton : une telle éventualité ne peut se concevoir que quand le canton a le statut de partie adverse, ce qui est admis quand la procédure a pour objet un retard injustifié ou le refus de l’assistance judiciaire ; tel n’est pas le cas ici. De même, il ne se justifie pas de mettre une indemnité de dépens à la charge de l’intimée, celle-ci n’ayant pas procédé et donc pas conclu au rejet du recours (cf. Bohnet, CPC annoté, 2016, n. 7 ad art. 107).

Par ces motifs,
L'AUTORITé DE RECOURS EN MATIERE CIVILE

1.    Admet le recours.

2.    Annule le jugement de faillite rendu le 22 avril 2020 par le Tribunal civil des Montagnes et du Val-de-Ruz et renvoie la cause audit tribunal pour nouvelle décision, au sens des considérants.

3.    Laisse les frais judiciaires de la procédure de recours, arrêtés à 450 francs et avancés par la recourante, à la charge de l’État.

4.    Invite le greffe du Tribunal cantonal à restituer l’avance de frais à la recourante.

5.    Statue sans dépens.

Neuchâtel, le 3 juin 2020

Art. 168 LP
Audience de faillite
 

Le juge saisi d’une réquisition de faillite avise les parties des jour et heure de son audience au moins trois jours à l’avance. Elles peuvent s’y présenter ou s’y faire représenter.