Arrêt du Tribunal Fédéral

Arrêt du 30.09.2020 [5D_235/2020]

 

 

 

A.                               L’Etat de Vaud a fait notifier le 17 janvier 2020 à X.________, rue [aaaa] 6, à Z.________, un commandement de payer de 1'210 francs, plus frais d’établissement du commandement de payer par 73.30 francs, dans la poursuite no 202000[….] de l’Office des poursuites du canton de Neuchâtel. La cause de la créance était des frais de justice résultant d’un arrêt du 28 juin 2019. Le commandement de payer mentionne qu’il y a été formé opposition totale le 27 janvier 2020, soit en temps utile.

B.                               Par acte du 6 mars 2020, posté le 11 mars 2020, l’Etat de Vaud a requis la mainlevée d’opposition auprès du Tribunal régional du Littoral et du Val-de-Travers. La requête a été transmise au débiteur le 30 mars 2020, avec un délai de 10 jours pour déposer une réponse écrite. La juge précisait qu’elle ne citerait pas les parties à une audience et statuerait sur pièces, sauf décision ultérieure de sa part.

C.                               Dans sa réponse du 31 mars 2020, le poursuivi a fait valoir qu’il ne disposait d’aucuns revenus car ceux-ci étaient « injustement séquestrés depuis de nombreuses années par le Tribunal cantonal du canton de Vaud ». Il était donc indigent, ce qui ne lui donnait pas d’autre choix que de faire opposition au commandement de payer. Il concluait au rejet de la requête du 6 mars 2020.

D.                               Par décision du 23 avril 2020, le tribunal civil a prononcé la mainlevée définitive de l’opposition et mis les frais de justice, arrêtés à 200 francs, à la charge du poursuivi. En substance, la juge a considéré que le créancier avait produit un arrêt définitif et exécutoire condamnant le poursuivi aux frais par 1'210 francs, que ce dernier, séjournant dans une maison de détention – A.________), à Z.________ (NE) – ne constituant en soi pas un domicile, n’avait pas contesté le for de la poursuite à réception du commandement de payer, de sorte que le tribunal civil était compétent, et que la situation financière du poursuivi n’entrerait en ligne de compte qu’ultérieurement dans la procédure de poursuite.

E.                               X.________ recourt contre la décision du 23 avril 2020, dont il demande en substance l’annulation. Invoquant la violation des articles 23 al. 1 CC et 29 al. 2 Cst. féd., il fait valoir que le tribunal civil n’a pas pris en compte un courrier du 27 janvier 2020 qu’il a adressé au préposé de l’Office des poursuites pour faire opposition au commandement de payer, lequel courrier renvoyait à un courrier du 7 octobre 2019 dans lequel le recourant informait le pr.osé neuchâtelois qu’il ne résidait pas dans le canton de Neuchâtel, mais dans le canton de Vaud.

F.                               L’Etat de Vaud n’a pas procédé.

C O N S I D E R A N T

1.                                Le recours a été interjeté dans les formes et délai légaux (art. 319-321 CPC).

2.                                Selon l’article 326 CPC, les conclusions, allégations et preuves nouvelles sont irrecevables en procédure de recours, sous réserve des dispositions non réalisées en l’espèce. Cela signifie concrètement que l’Autorité de recours en matière civile doit statuer sur la base du dossier tel qu’il était au moment où le tribunal a rendu sa décision. Dès lors, il ne peut être tenu compte des pièces jointes au recours invoquées à titre de preuves (courriers des 27 janvier 2020 et 7 octobre 2019), qui ne figurent pas dans le dossier de première instance, pas plus que des allégués de fait tirés de ces dernières pièces.

3.                                Selon l’article 84 LP, le juge du for de la poursuite statue sur les requêtes en mainlevée. Dès réception de la requête, il donne au débiteur l’occasion de répondre verbalement ou par écrit, puis notifie sa décision dans les 5 jours. La procédure sommaire est applicable (art. 251 let. a CPC).

4.                                En l’espèce, le recourant a été mis en mesure de faire valoir ses arguments relatifs à la requête de mainlevée, conformément aux dispositions applicables. Il n’a pas soulevé de moyen en relation avec le for de la poursuite ou de la mainlevée.

5.                                Le rôle du juge dans la procédure de mainlevée, soumise à la maxime des débats (art. 255 let.a CPC a contrario), est restreint : il ne statue en principe que sur les conditions énumérées aux articles 80 à 82 LP, soit, pour la mainlevée définitive, sur le caractère exécutoire du titre, et sur les objections du débiteur au sens de l’article 81 al. 1 LP (Abbet/Veuillet, La mainlevée de l’opposition, no 103 ad art. 84 LP ; Schmidt, Commentaire romand, no 12 ad art. 84 LP).

                        Le juge de la mainlevée doit toutefois examiner d’office les conditions de recevabilité, telles que le for (Schmidt, op. cit., no 16 ad art. 84 LP ; Abbet/Veuillet, op. cit. no 105 ad art 84 LP).

                        Comme déjà mentionné, le tribunal compétent est celui du for de la poursuite (art. 84 al. 1 LP et 46 CPC a contrario), c’est à dire celui du lieu où se trouve l’office des poursuites qui a notifié le commandement de payer. Le for de la poursuite est arrêté lors de l’introduction de la poursuite. C’est par la plainte à l’autorité de surveillance LP dirigée contre la notification du commandement de payer que le poursuivi peut se prévaloir du non-respect des règles de for des articles 46 ss LP ; l’objection d’incompétence ratione loci non soulevée à temps contre la notification du commandement de payer ne peut plus être invoquée dans la procédure de mainlevée introduite au même lieu (Abbet/Veuillet, op. cit. no 8 et 9 ad art. 84 LP ; Gilliéron, Poursuites pour dettes, faillites et concordat, p. 180).

6.                                En l’espèce, les documents soumis à l’appréciation du premier juge ne lui permettaient pas de considérer qu’une plainte avait été formée selon les délai et formes utiles contre le for de la poursuite, à réception du commandement de payer. Le tribunal civil a dès lors retenu, conformément au droit, que le for de la mainlevée devait correspondre au for de la poursuite et qu’il n’avait pas à se saisir d’office du moyen pris de l’irrégularité éventuelle du for de la poursuite, cette question relevant exclusivement de l’autorité de surveillance.

7.                                Le recours doit ainsi être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, aux frais de son auteur. Il n’y a pas lieu à allocation de dépens.

Par ces motifs,
L'AUTORITé DE RECOURS EN MATIERE CIVILE

1.    Rejette le recours dans la mesure où il est recevable.

2.    Met les frais judiciaires de la procédure de recours, arrêtés à 450 francs, à la charge du recourant.

Neuchâtel, le 12 août 2020

Art. 46 LP
For ordinaire de la poursuite
 

1 Le for de la poursuite est au domicile du débiteur.

2 Les personnes morales et sociétés inscrites au registre du commerce sont poursuivies à leur siège social, les personnes morales non inscrites, au siège principal de leur administration.1

3 Chacun des indivis peut, en raison des dettes d’une indivision qui n’a pas de représentant, être poursuivi dans le lieu où ils exploitent l’indivision en commun.2

4 La communauté des propriétaires par étages est poursuivie au lieu de situation de l’immeuble.3


1 Nouvelle teneur selon le ch. I de la LF du 16 déc. 1994, en vigueur depuis le 1er janv. 1997 (RO 1995 1227; FF 1991 III 1).
2 Introduit par l’art. 58 tit. fin. CC, en vigueur depuis le 1er janv. 1912 (RO 24 245 tit. fin. art. 60; FF 1904 IV 1, 1907 VI 402).
3 Introduit par le ch. I de la LF du 16 déc. 1994, en vigueur depuis le 1er janv. 1997 (RO 1995 1227; FF 1991 III 1).

Art. 48 LP
Fors spéciaux de la poursuite
For du lieu de séjour
 

Le débiteur qui n’a pas de domicile fixe peut être poursuivi au lieu où il se trouve.