A.                    De l’état de fait établi par le tribunal civil et non contesté en procédure de recours, on peut retenir ce qui suit :

                        a) Par contrat de bail à loyer commercial daté du 2 février 2000, X.________ a remis à bail à Y.________, pour les besoins de la crèche exploitée par celle-ci, une moitié d’étage d’un bâtiment situé rue [aaaa], à Z.________. Le loyer convenu était de 5'000 francs par mois. Le contrat prenait effet au 1er février 2000.

                        b) Suite à des retards de la locataire dans le paiement des loyers, la bailleresse lui a adressé des avis comminatoires portant respectivement sur les loyers de février et mars 2016, suivis d’un avis de résiliation pour le non-paiement du loyer de mars 2016 dans le délai fixé. La bailleresse a agi sans succès pour demander l’expulsion de la locataire. Le bail s’est poursuivi.

                        c) Avant et après la procédure d’expulsion susmentionnée, la locataire a fait part à la bailleresse de doléances quant à l’état des locaux. Le premier échange à ce sujet remonte à octobre 2014. Dans une lettre du 9 mars 2017 de sa mandataire à la gérance, la locataire évoquait des problèmes avec des poignées de portes, les sols en moquette, les peintures, l’électricité (néons), la cuisine, le lavage de fenêtres, les stores, les sanitaires et les WC ; la plupart des problèmes avaient pu être montrés à la gérance lors d’une récente visite des lieux ; la locataire disait qu’une réduction de loyer de 20 % se justifiait dès mars 2012 et elle fixait à la bailleresse un délai au 20 mars 2017 pour se déterminer et corriger les défauts, faute de quoi les loyers seraient consignés. Le 12 septembre 2017, la bailleresse a annoncé qu’elle remplacerait la cuisine jusqu’au 9 novembre 2017 et changerait les sols jusqu’au 30 avril 2018.

                        d) La locataire a consigné l’entier des loyers auprès d’une banque, depuis celui d’avril 2017.

B.                    a) Le 4 octobre 2017, Y.________ a déposé devant le tribunal civil une demande dirigée contre X.________ (société reprise ensuite par W.________, qui a poursuivi le procès). Elle concluait, en résumé, à la validation de la consignation des loyers (ch. 1 des conclusions), à la libération en sa faveur des loyers consignés (ch. 2), à ce que la bailleresse soit condamnée à la remise en état de la chose louée, s’agissant du changement de toutes les poignées de portes et du sol en moquette de tout le local, d’une nouvelle peinture complète, de la vérification et mise en conformité de l’électricité, du changement de la cuisine, du lavage des fenêtres, du changement des stores et de la vérification et mise en conformité des installations sanitaires, ceci dans un délai de 10 jours (ch. 3), à ce qu’elle soit autorisée à exécuter les travaux aux frais de la bailleresse si celle-ci ne s’exécutait pas (ch. 4), à ce que lui soit accordée une réduction du loyer brut de 45 % dès le 1er avril 2012 et jusqu’à l’élimination complète des défauts (ch. 5), et à ce que la bailleresse soit condamnée à lui restituer le trop-perçu, à savoir mensuellement 2'250 francs dès le 1er avril 2012, intérêts en sus (ch. 6), avec suite de frais et dépens (ch. 7).

                        b) Dans sa réponse du 19 février 2018, la défenderesse a conclu à ce que la demanderesse soit déboutée de toutes ses conclusions et à ce que les loyers soient libérés en sa faveur, sous suite de frais et dépens.

                        c) Le tribunal civil et les parties ont procédé à une visite des locaux, le 4 mai 2018. Au terme de cette visite, la défenderesse a notamment indiqué que les stores situés au sud de l’immeuble seraient changés jusqu’au 15 mai 2018, que les sols seraient refaits pendant les vacances d’été 2018, que le remplacement éventuel des fenêtres était conditionné au résultat des travaux à venir sur la ventilation de l’immeuble, qu’elle ferait nettoyer les fenêtres une fois par année jusqu’au remplacement éventuel de celles-ci, que les peintures murales ne seraient pas refaites avant une décision quant au changement ou non des fenêtres et qu’elle mandaterait un électricien pour déterminer si des défectuosités existaient dans l’installation électrique.

                        d) Par courriers des 11 septembre et 21 novembre 2018, la demanderesse a dressé un état des travaux réalisés par la défenderesse et, sans modifier ses conclusions initiales, déclaré compléter celles-ci en demandant que la bailleresse soit condamnée à remettre en état la porte d’entrée dans les 10 jours (ch. 8 des conclusions additionnelles), qu’il lui soit accordé une réduction du loyer brut de 10 % dès le 16 novembre 2018 et jusqu’à l’élimination totale du défaut en lien avec cette porte d’entrée (ch. 9) et que la bailleresse soit condamnée à lui restituer le trop-perçu en lien avec la porte d’entrée, à savoir 500 francs par mois dès le 16 novembre 2018, plus intérêts (ch. 10).

                        e) A l’audience du 10 janvier 2019, la défenderesse a conclu au rejet des conclusions additionnelles.

                        f) En plaidoiries finales, la mandataire de la demanderesse a intégralement confirmé ses conclusions 1 à 10 et celui de la défenderesse a confirmé les conclusions prises dans la réponse.

C.                    Par jugement du 30 avril 2020, le tribunal civil a condamné la défenderesse à procéder à des travaux – réparation pour le jeu constaté dans certaines serrures ; réfection des sols de la zone WC ; nouvelle peinture des locaux ; vérification des installations électriques par un électricien – dans un délai échéant à fin août 2020 (ch. 1 du dispositif), dit qu’à défaut d’exécution de ces travaux dans le délai imparti, la demanderesse serait autorisée à les faire exécuter aux frais de la défenderesse (ch. 2), accordé à la demanderesse une réduction de loyer de 8 % dès le 1er novembre 2014, puis de 18 % pour février 2018, puis de 22 % dès mars 2018, puis de 9 % dès le 1er août 2018, puis de 6 % dès le 1er novembre 2018, la dernière réduction s’appliquant jusqu’à exécution complète des travaux décrits plus haut (ch. 3), libéré les loyers consignés à hauteur de 37'150 francs en faveur de la demanderesse et 147'850 francs en faveur de la défenderesse (ch. 4), rejeté toute autre ou plus ample conclusion (ch. 5), arrêté les frais de la cause, avancés par la demanderesse, à 7'487 francs, mis ces frais à la charge des parties à raison d’une moitié chacune et condamné en conséquence la défenderesse à rembourser à la demanderesse la somme de 3'743.50 francs (ch. 6), et enfin compensé les dépens (ch. 7). Au sujet des portes, il a retenu que certaines poignées présentaient un jeu et qu’un cylindre manquait à une porte, défauts minimes auxquels la défenderesse devait remédier, mais qui ne justifiaient pas une réduction de loyer ; un cache masquait quelques cylindres, mais la demanderesse pouvait les enlever elle-même et il ne s’agissait donc pas d’un défaut. La défenderesse avait changé la plupart des sols en été 2018, mais il restait à refaire celui des WC, comme elle s’y était engagée ; une réduction de loyer se justifiait de ce chef, en deux paliers (1er novembre 2014 au 31 juillet 2018, puis dès le 1er août 2018). Les peintures étaient en fin de vie et devaient être refaites ; une réduction de loyer se justifiait, dès le 1er mars 2017, la demanderesse ayant adressé le 20 février 2017, à ce sujet, une réclamation à la défenderesse. On ignorait tout de la nature et de l’ampleur des soucis électriques allégués par la demanderesse, les preuves à leur sujet faisaient défaut et le bail mentionnait que les installations électriques étaient de la responsabilité de la locataire, ce qui ne se heurtait à aucune norme impérative, mais la défenderesse s’était engagée en cours de procédure à faire vérifier l’installation par un électricien, engagement auquel elle devait se tenir. En 2017, la défenderesse avait fait remplacer la cuisine, mais celle-ci n’était pas défectueuse auparavant et aucune réduction de loyer n’était due de ce chef. L’absence de lavage des fenêtres justifiait une réduction de loyer du 1er novembre 2014 au 31 octobre 2018, date à laquelle le lavage avait repris. Certains stores étaient bloqués et une réduction de loyer se justifiait à ce sujet, mais seulement pour la période du 1er février 2017 (soit dès que la locataire avait signalé le problème) au 31 juillet 2018 (quand les stores avaient été réparés). Les prétentions de la demanderesse en relation avec les sanitaires ne pouvaient pas être admises. Enfin, la demanderesse n’avait pas prouvé qu’un problème affecterait la porte d’entrée et ses prétentions additionnelles à ce sujet devaient être écartées. S’agissant de la répartition des frais judiciaires et dépens, le tribunal civil a considéré que la demanderesse obtenait gain de cause dans une assez large mesure sur la question des travaux destinés à supprimer les défauts. Ses prétentions financières étaient, en revanche, clairement excessives, autant en ce qui concernait le niveau de réduction mensuel que la durée de la réduction. Dans ces circonstances et tout bien pesé, il apparaissait équitable de partager les frais judiciaires par moitié et de compenser les dépens.

D.                    Le 18 mai 2020, Y.________ recourt contre le jugement susmentionné, en concluant à l’annulation des chiffres 6 et 7 de son dispositif et, principalement, à ce que les frais judiciaires soient mis pour 8/10 à la charge de l’intimée (5'989.60 francs) et 2/10 à sa propre charge (1'497.40 francs) et que l’intimée soit condamnée à lui verser une indemnité de dépens de 15'577.90 francs (8/10 de 19'742.40 francs), subsidiairement au renvoi de la cause en première instance, en tout état de cause avec suite de frais et dépens. La recourante invoque qu’il n’est pas possible de savoir si le premier juge a statué en se fondant sur l’article 106 ou 107 CPC, s’agissant de la répartition des frais judiciaires et de la compensation des dépens. L’annulation de la décision, sur ces points, se justifie pour ce motif déjà. Ensuite, la recourante soutient que le tribunal civil a fait preuve d’arbitraire en donnant plus de poids à la réduction du loyer, alors que les autres conclusions étaient plus importantes et qu’elle a obtenu gain de cause sur celles-ci. Sur les huit défauts que la recourante invoquait, cinq ont été admis par le tribunal civil et, pour les trois autres, la bailleresse a soit fait le changement voulu (cuisine), soit pris l’engagement de faire procéder aux vérifications nécessaires (électricité et sanitaires). Au jour du dépôt du recours, la bailleresse a changé tous les sols (sauf ceux des WC, pour lesquels une réduction du loyer subsiste), refait la peinture, revu l’électricité (même s’il subsiste des problèmes), changé la cuisine en novembre 2017, repris le lavage des fenêtres depuis l’audience de mai 2018, changé les stores présentant des défauts et examiné les sanitaires ; elle a ainsi engagé des frais importants et acquiescé aux conclusions correspondantes. Soit la recourante a obtenu gain de cause, soit la bailleresse a, de fait, procédé aux travaux demandés. L’article 106 CPC trouve ainsi application. Le montant des conclusions financières était imputable au comportement de la bailleresse. La recourante avait formulé celles-ci en se référant à des exemples donnés par la doctrine. La réduction de loyer de 45 % demandée n’était pas disproportionnée. Pour une certaine période, le tribunal civil est d’ailleurs arrivé à une réduction de 22 %. Il n’était pas non plus exagéré de demander une réduction du loyer dès avril 2012. Il est vrai que la recourante n’a pas obtenu entièrement gain de cause dans ses conclusions financières, mais ce type de conclusion est difficile à chiffrer, il est laissé à l’appréciation du juge et il dépend du comportement du bailleur. Cela ne doit pas remettre en question le résultat des autres conclusions de la locataire, qui lui a été totalement favorable. Une répartition des frais judiciaires par moitié est dès lors insoutenable, du point de vue de l’article 106 CPC comme de l’article 107 CPC.

E.                     Le premier juge a indiqué qu’il n’avait pas d’observations à formuler sur le recours.

F.                     Dans ses observations du 25 juin 2020, l’intimée conclut au rejet du recours, sous suite de frais et dépens. Elle rappelle les conclusions prises par la recourante en procédure de première instance et relève que celles-ci n’ont été allouées qu’à hauteur de 16, 20 ou 21 %, s’agissant des conclusions financières. Même si le jugement ne le constate pas, les travaux ont été terminés le 4 octobre 2019. L’intimée dépose une pièce.

G.                    Un double des observations de l’intimée a été transmis le 1er juillet 2020 à la recourante, qui n’a pas déposé de réplique spontanée.

H.                    La recourante a versé le 27 mai 2020 l’avance de frais qui lui était demandée pour la procédure de recours. Ensuite d’une lacune dans les transmissions à l’interne du greffe du Tribunal cantonal, une ordonnance a été rendue le 13 juillet 2020, qui fixait un délai péremptoire pour le versement de cette avance de frais. Cette ordonnance est évidemment sans objet.

C O N S I D E R A N T

1.                     Selon l'article 319 let. a CPC, le recours est notamment recevable contre les décisions finales, incidentes et provisionnelles de première instance qui ne peuvent faire l'objet d'un appel. La recourante s'en prend ici uniquement aux frais judiciaires et dépens fixés par le tribunal de première instance. Selon l'article 110 CPC, les décisions sur frais et dépens ne peuvent être attaquées que par un recours. Déposé dans les formes et délai légaux, le recours est ainsi recevable.

2.                     La pièce déposée par l’intimée avec ses observations du 25 juin 2020 ne figure pas au dossier de première instance. Elle est nouvelle et ainsi irrecevable en procédure de recours (art. 326 CPC). Il n’en sera dès lors pas tenu compte.

3.                     Il est vrai que, comme le soutient la recourante, le tribunal civil n’a pas indiqué s’il se fondait, pour la répartition des frais judiciaires et la compensation des dépens, sur l’article 106 ou 107 CPC. Il a cependant expliqué sommairement – ce qui suffit – les éléments qu’il a pris en considération. La recourante, assistée d’une mandataire professionnelle, a pu discuter ces éléments et exposer sa position par référence aux deux dispositions susmentionnées. L’absence de référence à l’une de ces dispositions n’a ainsi pas eu d’influence sur la possibilité de la recourante de faire valoir ses droits. Il n’y a pas lieu d’annuler le jugement entrepris pour le motif d’une motivation insuffisante.

4.                     a) Les frais comprennent les frais judiciaires et les dépens (art. 95 al. 1 CPC). Ils sont répartis entre les parties en application des articles 106 et 107 CPC.

                        b) La règle est que les frais sont mis à la charge de la partie succombante (art. 106 al. 1 CPC). Lorsqu’aucune des parties n’obtient entièrement gain de cause, ils sont répartis selon le sort de la cause (art. 106 al. 2 CPC). Pour déterminer quelle est la partie qui succombe, il faut tenir compte de l’ensemble des conclusions prises, qu’elles soient principales ou reconventionnelles, y compris des conclusions en rejet des prétentions adverses (Tappy, in : CR CPC, 2ème éd., n. 14 ad art. 106). Quand aucune partie n’obtient entièrement gain de cause, la répartition des frais doit se faire de manière proportionnelle à la mesure où chacune a succombé, soit en principe en comparant ce que chacune obtient par rapport à ses conclusions ; lorsque le procès porte sur des conclusions pécuniaires et non pécuniaires et que seulement certaines conclusions sont admises, le tribunal apprécie librement et peut, pour la répartition des frais, s’inspirer d’une clé simple (idem, op. cit., n. 33-34 ad art. 106). Le tribunal peut prendre en considération l’importance de chaque conclusion dans le litige (arrêt du TF du 20.07.2017 [5A_186/2017] cons. 4.1.2).

                        c) Selon l’article 107 al. 1 CPC, le tribunal peut, dans certains cas, s’écarter des règles générales et répartir les frais selon sa libre appréciation. Il résulte du texte clair de cette disposition qu’elle est de nature potestative ; le tribunal dispose d'un large pouvoir d'appréciation non seulement quant à la manière dont les frais seront répartis, mais également quant aux dérogations à la règle générale de l'article 106 CPC ; il statue dans ce cadre selon les règles du droit et de l’équité, au sens de l’article 4 CC (ATF 139 III 358 cons. 3 p. 360 ; arrêts du TF du 12.02.2014 [5A_816/2013] cons. 4.1 et du 05.04.2016 [5D_199/2015] cons. 4.3.1). L’article 107 CPC est donc une « Kann-Vorschrift », qui permet au juge de s’écarter du principe de répartition fondé sur le gain du procès et non de l’y contraindre ; même si l’une des hypothèses prévues à l’article 107 CPC est réalisée, rien n’empêche le juge d’en rester à la répartition prévue par l’article 106 CPC, si cela ne lui paraît ni inéquitable, ni inopportun à un autre titre (Tappy, op. cit., n. 4 ad art. 107). La répartition en équité au sens de l’article 107 al. 1 CPC relève du droit et peut être librement revue par les juridictions supérieures (idem, op. cit., n. 6 ad art. 107). La question est cependant controversée de savoir si, en fonction du large pouvoir d’appréciation que cette disposition confère au juge, la juridiction cantonale de recours peut substituer sans retenue sa propre appréciation à celle de l’autorité inférieure (idem et arrêt de la Cour suprême du canton de Berne du 19.05.2015 [ZK 15 147] cons. 2, avec diverses références ; l’arrêt du 19.05.2015 ne tranche pas la question : dans le cas d’espèce, un abus du pouvoir d’appréciation a été retenu).

                        d) Le premier des cas prévus par l’article 107 CPC est celui où le demandeur obtient gain de cause sur le principe de ses conclusions, mais non sur leur montant, celui-ci étant tributaire de l’appréciation du tribunal ou difficile à chiffrer (art. 107 al. 1 let. a CPC). Pour que la répartition des frais puisse intervenir selon la libre appréciation du tribunal, il faut que le demandeur obtienne gain de cause sur le principe de son action sans se voir allouer la totalité ou l’essentiel de ce qu’il réclamait, mais aussi qu’on n’ait pas pu attendre de lui qu’il limite d’emblée ses prétentions au montant auquel il avait droit, parce que celui-ci était difficile à déterminer ou dépendait d’une appréciation du tribunal (Tappy, op. cit., n. 9 ad art. 107). Par exemple, on peut considérer que les prétentions en responsabilité civile à la suite de lésions corporelles sont souvent difficiles à chiffrer et que celles concernant les indemnités équitables prévues pour la réparation du tort moral ou en droit du travail sont tributaires de l’appréciation du tribunal (idem, n. 10 ad art. 107). Il faut que l’équité fasse qu’il serait injuste de reprocher à la partie demanderesse d’avoir formulé des conclusions trop élevées (Rüegg, in : BSK ZPO, n. 4 ad art. 107).

                        e) Un autre cas dans lequel le juge peut s’écarter des règles générales et statuer selon sa libre appréciation est celui où des circonstances particulières rendent la répartition en fonction du sort de la cause inéquitable (art. 107 al. 1 let. f CPC). Le législateur a ainsi prévu une clause générale offrant au juge une marge d’appréciation pour statuer en fonction de considérations d’équité, quand dans le cas particulier la mise des frais à la charge de la partie succombante apparaîtrait comme injuste (ATF 139 III 33 cons. 4.2, qui se réfère à Rüegg, in : BSK ZPO, n. 1 ad art. 107). Le Tribunal fédéral a retenu que l’application de l’article 107 al. 1 let. f CPC peut être envisagée en présence d’une disparité économique importante des parties, par exemple quand un actionnaire doit agir contre une décision de l’assemblée générale d’une société anonyme, éventualité prévue à l’ancien article 706a al. 3 CO, ou quand une partie porte, du fait de son comportement, la responsabilité d’une charge inutile pour le tribunal, par exemple quand le défendeur obtient gain de cause en fonction d’une exception de compensation, mais a soulevé l’exception sur la base de nombreuses prétentions infondées, que le tribunal a dû examiner (ATF 139 III 33 cons. 4.2).

4.                     a) En l’espèce, la recourante demandait une réduction de loyer de 45 % dès le 1er avril 2012 et jusqu’à l’élimination complète des défauts (ch. 5 des conclusions), puis encore, en plus, une réduction de 10 % dès le 16 novembre 2018 et jusqu’à l’élimination totale d’un défaut en lien avec la porte d’entrée (ch. 9 des conclusions). Elle n’a pas obtenu de réduction du loyer pour la période allant du 1er avril 2012 au 31 octobre 2014. La réduction de loyer accordée est de 8 % dès le 1er novembre 2014, puis 18 % pour février 2018, puis 22 % dès mars 2018, puis 9 % dès le 1er août 2018, puis 6 % dès le 1er novembre 2018, la dernière réduction s’appliquant jusqu’à exécution complète des travaux décrits plus haut (ch. 3 du dispositif du jugement). Cela représente une réduction de loyer moyenne d’environ 5 %, sur toute la période pour laquelle la recourante demandait cette réduction (347 % de réductions cumulées, à diviser par 70 mois). Il n’a donc été fait droit qu’à environ 10 % des conclusions de la demanderesse et celle-ci a ainsi succombé sur 90 % de ses prétentions en réduction du loyer. Pour une certaine part, cela tient au fait qu’elle n’a pas réduit ses prétentions après que la défenderesse lui avait donné satisfaction sur certains postes, ainsi qu’au rejet de ses conclusions additionnelles.

                        b) Au jour du jugement de première instance, des loyers avaient été consignés par la recourante pour un montant total de 185'000 francs. Sur ce montant, le jugement entrepris libère 37'150 francs en faveur de la demanderesse et 147'850 francs en faveur de la défenderesse (ch. 4 du dispositif). La recourante a ainsi obtenu la restitution de 20 % des loyers qu’elle avait consignés, alors qu’elle concluait à une restitution intégrale (ch. 2 de ses conclusions).

                        c) Quant aux prétentions en relation avec des défauts allégués, la recourante a obtenu gain de cause sur la réparation de certaines poignées de porte qui présentaient un jeu et d’un cylindre manquant à une porte (défauts que le premier juge a, à juste titre, qualifiés de minimes), le changement des revêtements de sols, une nouvelle peinture des locaux, le lavage des fenêtres et le remplacement de certains stores. Le tribunal civil n’a par contre pas retenu l’existence de défauts pour des caches masquant quelques cylindres de portes, l’installation électrique (même si la défenderesse s’est engagée en cours de procédure à faire vérifier l’installation par un électricien, ce qui ne constituait évidemment pas un acquiescement), la cuisine (même si la défenderesse l’a fait remplacer en cours de procédure, à bien plaire), les sanitaires et la porte d’entrée. La recourante fait ainsi une interprétation erronée du résultat de la procédure sur ces questions, quand elle prétend avoir obtenu totalement gain de cause. Le dossier ne contient pas d’éléments qui permettraient de chiffrer le montant des travaux que la défenderesse était en droit d’exiger en raison de défauts de la chose louée, ainsi que la valeur de ceux – effectués ou non – que la demanderesse réclamait et qui ne pouvaient être justifiés par des défauts de cette chose. On peut cependant estimer que les premiers étaient plus importants que les seconds.

                        d) En fonction de ce qui précède, une répartition des frais en fonction du résultat de la procédure, au sens de l’article 106 al. 2 CPC, conduirait à mettre ceux-ci très majoritairement à la charge de la recourante, dans une proportion des ¾ au moins. Il faut cependant faire application de l’article 107 CPC. En effet, la recourante a obtenu gain de cause sur le principe de certaines de ses conclusions, mais non sur leur montant, qui était tributaire de l’appréciation du tribunal et n’était pas très facile à chiffrer, s’agissant de prétentions en réduction d’un loyer en raison de divers défauts allégués (art. 107 al. 1 let. a CPC), étant cependant relevé que rien n’aurait empêché la demanderesse de limiter d’emblée ses conclusions à la période durant laquelle une diminution de loyer pouvait être raisonnablement envisagée, ni de diminuer ses conclusions après que la défenderesse avait procédé à certains travaux qu’elle réclamait (et qu’en partie la défenderesse s’était déjà engagée à faire prochainement, avant même le dépôt de la demande), et/ou après qu’il était apparu, selon l’administration des preuves, que certaines de ses prétentions étaient injustifiées. Une répartition des frais en fonction du seul sort de la cause ne tiendrait en outre pas compte de la disparité économique apparente entre les parties, même si un bailleur n’est pas forcément beaucoup plus riche que son locataire (art. 107 al. 1 let. f CPC). Tout bien considéré, la répartition par moitié des frais judiciaires, opérée par le tribunal civil, apparaît comme équitable et même plutôt favorable à la recourante. Les dépens devaient aussi être répartis par moitié et rien n’indique que l’une des parties devrait assumer des honoraires plus élevés que l’autre (seule la demanderesse a déposé la note d’honoraires de sa mandataire). Il était ainsi justifié de compenser les dépens.

5.                     Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté. Les frais judiciaires de la procédure de recours doivent être mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 106 CPC). La recourante devra verser à l’intimée, au titre de dépens pour la procédure de recours, une indemnité qui peut être fixée en équité, à défaut de mémoire d’honoraires, à 600 francs (art. 95 et 105 al. 2 CPC, 64 al. 2 LTFrais).


 

Par ces motifs,
L'AUTORITé DE RECOURS EN MATIERE CIVILE

1.    Rejette le recours.

2.    Met les frais judiciaires de la procédure de recours, arrêtés à 600 francs, à la charge de la recourante, qui les a avancés.

3.    Condamne la recourante à verser à l’intimée, pour la procédure de recours, une indemnité de dépens de 600 francs.

 

Neuchâtel, le 4 août 2020

 

 

Art. 106 CPC
Règles générales de répartition
 

1 Les frais sont mis à la charge de la partie succombante. La partie succombante est le demandeur lorsque le tribunal n’entre pas en matière et en cas de désistement d’action; elle est le défendeur en cas d’acquiescement.

2 Lorsqu’aucune des parties n’obtient entièrement gain de cause, les frais sont répartis selon le sort de la cause.

3 Lorsque plusieurs personnes participent au procès en tant que parties principales ou accessoires, le tribunal détermine la part de chacune au frais du procès. Il peut les tenir pour solidairement responsables.

 

Art. 107 CPC
Répartition en équité
 

1 Le tribunal peut s’écarter des règles générales et répartir les frais selon sa libre appréciation dans les cas suivants:

a. le demandeur obtient gain de cause sur le principe de ses conclusions mais non sur leur montant, celui-ci étant tributaire de l’appréciation du tribunal ou difficile à chiffrer;

b. une partie a intenté le procès de bonne foi;

c. le litige relève du droit de la famille;

d. le litige relève d’un partenariat enregistré;

e. la procédure est devenue sans objet et la loi n’en dispose pas autrement;

f. des circonstances particulières rendent la répartition en fonction du sort de la cause inéquitable.

2 Les frais judiciaires qui ne sont pas imputables aux parties ni aux tiers peuvent être mis à la charge du canton si l’équité l’exige.