A.                               a) X.________ a été employé en qualité de directeur de Y1________ SA, jusqu’en automne 2014. Cette société avait des liens avec Y2________ SA.

                        b) Avant l’automne 2014, X.________ et Y2________ SA avaient le projet d’aménager et exploiter en commun une décharge, à V.________, sur un terrain appartenant à la mère du premier nommé.

                        c) En novembre ou décembre 2014, X.________ et Y2________ SA, représentée par A.________ et B.________, ont signé une « CONVENTION et RECONNAISSANCE DE DETTE » (la date figurant à la fin du document est « Fait à Z.________, le _ novembre 2014 » ; il a été allégué que la signature était intervenue début décembre 2014). Dans son préambule, la convention mentionnait le fait que X.________ « était employé en qualité de directeur de Y1________ SA » (ch. 1), que « [s]ur divers chantiers de Y3________ SA, il a[vait] profité de sa position pour obtenir de sous-traitants des avantages indus, causant de ce fait un dommage à Y3________ SA » (ch. 2 ; X.________ avait obtenu de ces sous-traitants qu’ils lui versent certaines sommes en plus de ce qui était prévu par les contrats, apparemment pour soutenir un festival de musique organisé à W.________) et que « [a]fin d’éviter à X.________ une procédure potentiellement pénale, les parties pass[aient l’accord prévu par la convention] » (ch. 3). Selon l’article 1, X.________ s’engageait à verser à Y2________ SA la somme de 400'000 francs « si le projet de décharge à V.________, bien connu des parties, n’est pas en exploitation au 31.12.2016 ». Aux termes de l’article 2, le même déclarait n’avoir « commis aucun autre agissement préjudiciable » à Y2________ SA ou à une autre société du groupe, en particulier Y1________ SA. L’article 3 prévoyait que le montant mentionné à l’article 1 devait être versé par quatorze annuités de 27'000 francs au 15 décembre de chaque année, la première fois le 15 décembre 2017. D’après l’article 4, « [s]i l’une ou l’autre des échéances devait être impayée en toute (sic) ou partie, l’entier du montant devien[drait] immédiatement exigible, sans qu’une interpellation soit nécessaire », un intérêt moratoire à 5 % s’appliquant dès la date d’exigibilité. L’article 6 disait que moyennant bonne exécution de la convention, Y2________ SA reconnaissait n’avoir plus de prétention envers X.________ et s’engageait « à n’entamer aucune démarche civile ou pénale à l’encontre de X.________ ». La convention était stipulée confidentielle (art. 8).

                        d) En été 2017, Y2________ SA a changé de nom et est devenue Y3________ SA.

B.                               a) Sur réquisition de Y3________ SA, un commandement de payer no 2018xxxxxx a été notifié le 18 janvier 2018 à X.________ pour la somme de 400’000 francs, plus intérêts à 5 % dès le 15 décembre 2017. Comme cause de l’obligation, il mentionnait : « Selon convention et reconnaissance de dette ». Le poursuivi a fait opposition totale, le même 18 janvier 2018.

                        b) Le 9 février 2018, Y3________ SA a requis auprès du tribunal civil la mainlevée provisoire de l'opposition formée par le poursuivi, en se fondant sur la reconnaissance de dette. Par décision du 20 août 2018, le tribunal civil a rejeté la requête de mainlevée, pour le motif que la poursuivante n’avait pas allégué, ni établi que la condition suspensive de l’absence d’exploitation de la décharge au 31 décembre 2016 serait réalisée.

                        c) Le 19 septembre 2018, la poursuivante a déposé une nouvelle requête de mainlevée auprès du tribunal civil. Elle alléguait que la décharge n’avait jamais vu le jour et déposait des pièces à ce sujet.

                        d) Par décision du 25 janvier 2019, le tribunal civil a prononcé la mainlevée provisoire de l’opposition, à concurrence de 400'000 francs, plus intérêts à 5 % l’an dès le 15 décembre 2017, et mis les frais judiciaires et dépens à la charge du poursuivi. Il a considéré, en résumé, que la convention de novembre 2014 valait reconnaissance de dette, avec une condition suspensive, et qu’il y avait identité entre la poursuivante et le créancier désigné dans cette reconnaissance de dette. Le poursuivi ne prétendait pas que la décharge aurait été mise en exploitation avant la date indiquée dans la convention, ni que des démarches auraient été entreprises après une lettre du service de l’aménagement du territoire - déposée par la requérante - pour permettre une telle exploitation sur le terrain visé. La condition suspensive s’était donc réalisée. Il n’y avait pas de raison d’invalider la convention pour vice du consentement, le poursuivi n’ayant au surplus apparemment pas entrepris de démarches pour l’invalidation de cette convention, dans le délai d’un an après la signature (art. 31 CO).

                        e) Par arrêt du 25 mars 2019, l’Autorité de recours en matière civile a rejeté un recours déposé par X.________ contre la décision de mainlevée.

C.                               a) Dans l’intervalle, X.________ avait, le 14 février 2019, déposé devant le tribunal civil une demande en libération de dette et requête en conciliation, en concluant principalement à ce que la conciliation soit tentée concernant sa demande en libération de dette ainsi que ses prétentions additionnelles, subsidiairement à ce que la conciliation soit tentée sur ses prétentions additionnelles, à ce que Y3________ SA soit condamnée à lui payer 44'279.65 francs, « représentant 3 mois de salaire », et à ce qu’il soit constaté qu’il ne devait pas à Y3________ SA la somme de 400'000 francs plus intérêts, le tout avec suite de frais et dépens.

                        S’agissant du litige portant sur les 400'000 francs, il alléguait que la convention qu’il avait signée ne portait pas de date, ce qui n’avait pas été invoqué comme une informalité entachant sa validité, mais s’ajoutait aux arguments démontrant que la créance était inexistante. Selon le demandeur, il avait été soumis à des menaces graves et des pressions, pour obtenir la signature de la convention. Il avait travaillé pendant 23 ans pour l’entreprise Y1________ SA, qui était une entreprise de construction réalisant des ouvrages dans le cadre de contrats avec des clients, soit parfois en qualité de sous-traitant de Y2________ SA. Après la vente de l’entreprise, il avait fait savoir qu’il envisageait de la quitter. Il avait alors été convoqué pour une discussion et s’était trouvé confronté au patron, A.________, accompagné d’un autre administrateur, B.________, et du juriste de l’entreprise, C.________. Il lui avait été reproché d’avoir accepté, de la part de maîtres d’état et après la promesse d’adjudication de travaux, des dons pour un festival de musique à W.________, ce qui aurait causé un dommage à l’entreprise. Il avait expliqué que ce genre de procédé existait depuis de nombreuses années et était pratiqué par A.________ lui-même, notamment, à l’époque, au profit du club de football D.________, et que les procédures d’adjudication avaient été régulières. Tout cela n’avait causé aucun dommage à Y2________ SA, car les prix d’adjudication étaient corrects. Lors de la séance, le demandeur avait été invectivé et invité à constituer la liste des dons pour le festival de musique, qui auraient totalisé 220'000 francs. Il avait été menacé de plainte pénale s’il ne signait pas et on lui avait dit que sa carrière serait ruinée par des interventions. Il lui avait été demandé d’admettre devoir 100'000 francs d’indemnité pour tort moral à l’entreprise, mais A.________ avait exigé que l’indemnité globale soit arrêtée à 400'000 francs. Le recourant avait pris peur et signé la convention, lors d’une deuxième séance (après avoir « présigné » lors de la première). S’étant ensuite ressaisi, le demandeur, dans un premier temps, avait invoqué l’article 29 CO, mais c’était également de manière dolosive qu’il avait été amené à signer. S’il y avait une dette, ce serait envers Y1________ SA. La part correspondant à un tort moral n’existait ni en fait, ni en droit, en particulier en rapport avec la défenderesse. Le demandeur soutenait avoir été victime d’une tentative d’extorsion. Il ajoutait qu’en procédure de mainlevée, la défenderesse avait refusé de fournir le calcul des 400'000 francs.

                        Le demandeur faisait en outre état de prétentions additionnelles. À leur sujet, il alléguait avoir signé sous la menace et la contrainte la lettre par laquelle il donnait sa démission de l’entreprise, que sa démission était nulle, qu’aucune indemnité ne lui avait été versée malgré la durée particulièrement longue des rapports de travail, qu’il avait « donc une créance de 3 mois de salaire envers son employeur (article 334 al. 3 CO) », qu’aucune résiliation pour justes motifs ne lui avait été signifiée et qu’il fallait encore ajouter à la créance une part au treizième salaire. À titre subsidiaire, il invoquait la compensation, pour le cas où il serait reconnu que la défenderesse aurait une créance envers lui.

                        b) Le tribunal civil a transmis la demande à la défenderesse le 8 mai 2019 (après une suspension dans l’attente de l’arrêt de l’Autorité de recours en matière civile), en lui fixant un délai pour le dépôt de la réponse.

                        c) Dans sa réponse du 21 octobre 2019, la défenderesse a conclu, à titre préjudiciel, à ce que les conclusions additionnelles soient déclarées irrecevables, subsidiairement à leur rejet, puis à titre principal au rejet de l’action en libération de dette, à ce que le demandeur soit condamné à lui verser 400'000 francs, plus intérêts, et au prononcé de la mainlevée définitive de son opposition, sous suite de frais et dépens. La défenderesse relevait que l’action en libération de dette n’était pas soumise à un préalable de conciliation. Les prétentions additionnelles du demandeur relevaient du droit du travail ; un préalable de conciliation particulier était exigé dans cette matière ; l’action en libération de dette et la demande tendant au paiement d’un salaire ne relevaient pas de la même procédure et devaient au surplus être traitées par des juridictions différentes ; les conclusions relatives aux prétentions additionnelles auraient dû être adressées à la chambre de conciliation et elles étaient ainsi irrecevables devant le tribunal civil. Sur le fond, la défenderesse contestait l’essentiel des allégués du demandeur. Elle alléguait qu’il avait été découvert fortuitement, vers mi-octobre 2014, que le demandeur touchait des rétro-commissions sur des chantiers qu’il attribuait. A.________ avait alors convoqué un entretien, qui avait eu lieu le 22 octobre 2014, en présence de lui-même, du demandeur, de B.________ et de C.________. Le demandeur avait contesté les faits et la séance s’était poursuivie en sa présence et celle de C.________ seulement. Le juriste avait fait savoir au demandeur que l’entreprise renoncerait à des démarches pénales s’il exposait clairement ses agissements et s’engageait à indemniser l’entreprise. Le demandeur avait alors admis avoir perçu des rétro-commissions, pour 215'000 francs au total, en échange d’une favorisation du maître d’état concerné dans les processus d’attribution. À l’issue de la séance, le juriste avait indiqué au demandeur qu’il avait le choix entre un licenciement avec effet immédiat et une démission. Le demandeur avait choisi la seconde solution. Rien n‘avait été signé à cette occasion. Une nouvelle séance avait eu lieu le 27 octobre 2014, notamment pour convenir des modalités du remboursement du dommage. Avant la séance, le demandeur avait écrit qu’il n’arrivait pas à fixer un montant. Lors de la discussion, qui réunissait le demandeur, B.________ et C.________, il avait été dit au demandeur qu’il fallait ajouter au moins 100'000 francs aux 215'000 francs qu’il avait admis. Le montant effectif du dommage n’avait pas pu être déterminé au cours de cette séance. Le 4 novembre 2014, le demandeur avait sollicité une nouvelle rencontre. Celle-ci avait eu lieu le 5 novembre 2014, avec les mêmes personnes que le 27 octobre 2014. Le demandeur avait alors admis avoir touché des rétro-commissions pour un montant total d’environ 400'000 francs. Lors d’aucune des séances, il n’y avait eu de menaces ou d’injures contre le demandeur. La convention avait finalement été signée par le demandeur, en présence de C.________ seulement, lors d’une rencontre qui avait eu lieu au début du mois de décembre 2014. Par la suite, le demandeur avait été mis en demeure de payer les 400'000 francs. La défenderesse contestait tout vice du consentement. En relation avec les prétentions additionnelles, la défenderesse alléguait que le demandeur n’avait jamais été son employé, mais bien celui de Y1________ SA.

                        d) Par lettre du 6 février 2020, le demandeur a fait remarquer au tribunal civil qu’il n’avait pas encore été donné aucune suite à sa requête de conciliation. Il précisait qu’il ne faisait pas valoir de prétentions envers son employeur, mais une indemnité envers la défenderesse qui, sous la contrainte et la menace, l’avait obligé à signer une lettre de résiliation immédiate de son contrat de travail ; ces prétentions résultaient donc d’un acte illicite et pas d’une violation contractuelle du contrat de travail. L’action fondée sur ces prétentions nécessitait une tentative de conciliation préalable. Le demandeur indiquait que les conditions de recevabilité pour l’action tendant à l’adjudication des prétentions additionnelles n’étaient pas réalisées, faute de conciliation, de sorte que les actes de procédure liés à cette action devaient être annulés. En attendant, il fallait suspendre la procédure en libération de dette pour permettre que l’action en paiement soit introduite devant le juge du fond, en vue de sa jonction ultérieure avec l’action en libération de dette. Le demandeur maintenait ses prétentions additionnelles, mais se réservait de les retirer lorsque les conditions de recevabilité de son action auraient été établies et que la jonction des deux causes aurait pu être opérée.

                        e) Le même 6 février 2020, le demandeur a déposé sa réplique. Il modifiait ses conclusions, en ce sens qu’il concluait à ce qu’il soit constaté qu’il ne devait pas à la défenderesse la somme de 400'000 francs plus intérêts (ch. 1 des conclusions), que la même soit condamnée à lui verser 44'279.65 francs « représentant une indemnité correspondant à 3 mois de salaires perdus » (ch. 2), subsidiairement à ce qu’il soit pris acte qu’ « au cas où la prétention formulée au chiffre 2 est reprise dans une action portant sur le même objet, la conclusion no 2 devient caduque » (ch. 3), avec suite de frais judiciaires et dépens.

                        f) Le 5 mars 2020, la défenderesse a déposé des observations. Elle concluait à l’irrecevabilité des conclusions relatives aux prétentions additionnelles et demandait une décision du juge à ce sujet. Elle s’opposait en outre à la suspension de la procédure requise par le demandeur, en relevant que l’action en dommages-intérêts fondée sur un acte illicite se prescrivait par un an, que l’action avait été introduite plus de quatre ans après la lettre de résiliation du contrat de travail et que cette action était ainsi vouée à l’échec. Il n’y avait aucun lien entre l’action en libération de dette et les prétentions additionnelles, celles-ci étant au surplus prescrites.

                        g) Le demandeur a encore pris position, le 10 mars 2020, sur les observations de la défenderesse. L’absence de conciliation au sujet des prétentions additionnelles était une lacune qui devait être corrigée. Le demandeur invitait le juge à statuer sur la recevabilité de ces prétentions, en constatant qu’il appartenait au juge de la conciliation de statuer sur la requête de conciliation concernant ces prétentions. Par ailleurs, le demandeur disait qu’il n’y avait pas de contrat de travail entre lui-même et la défenderesse. La question de la prescription de l’action portant sur les prétentions additionnelles n’avait pas à être examinée par le juge actuellement saisi. Le demandeur maintenait sa requête de suspension.

D.                               Par décision du 29 avril 2020, dont la motivation – requise par la défenderesse – a été adressée aux parties le 16 juin 2020, le tribunal civil a rejeté la requête de suspension de la procédure, invité la défenderesse à déposer sa duplique dans les vingt jours dès l’entrée en force de la décision, arrêté les frais de justice à 500 francs et statué sans dépens. Il a retenu qu’aucun cas de suspension n’était réalisé. Si le demandeur avait pris des conclusions en lien avec une procédure de conciliation dans son mémoire introductif d’instance, il les avait abandonnées dans son mémoire de réplique. En procédant ainsi, il admettait qu’aucune autre procédure connexe n’était actuellement pendante. Ce constat suffisait pour rejeter la demande de suspension. Les frais de la décision devaient être mis à la charge du demandeur.

E.                               Le 26 juin 2020, X.________ recourt contre la décision susmentionnée. Il conclut à son annulation et, principalement, à la suspension de la procédure en libération de dette « pour permettre que l’action en paiement des prétentions additionnelles soit introduite devant le juge du fond, en vue de sa jonction ultérieure avec l’action en libération de dette », subsidiairement au renvoi de la cause en première instance, en tout état de cause à l’octroi de l’effet suspensif, avec suite de frais et dépens des deux instances. Il rappelle qu’il a invoqué à l’endroit de la défenderesse « des prétentions additionnelles liées à l’obligation qu’il lui (sic) a été imposée de donner son congé à l’entreprise tierce qui l’employait ». Le premier juge a ignoré les conclusions de la requête de conciliation. L’action liée aux deux prétentions invoquées - action en libération de dette et prétentions additionnelles - doit impérativement, au moins en ce qui concerne les prétentions additionnelles, être précédée d’une tentative de conciliation. Le premier juge n’a pas statué sur la requête de conciliation et n’a pas déclaré la prétention additionnelle irrecevable. La procédure est entachée d’irrégularités telles que, si elles ne sont pas immédiatement redressées, il en résultera pour les parties un préjudice irréparable. La jurisprudence prévoit que la procédure en libération de dette doit être suspendue jusqu’à droit connu dans la procédure en conciliation sur les prétentions additionnelles, en vue d’une jonction ultérieure des causes. S’il fallait aller jusqu’au bout de la procédure actuellement engagée pour que, in fine, un appel doive être interjeté qui aurait pour conséquence d’annuler toute la procédure, un préjudice considérable en découlerait. La suspension de la procédure devrait permettre au juge de la conciliation de réparer immédiatement le déni de justice en cours (notification de la demande à la défenderesse sans procéder préalablement à la conciliation) et, selon le résultat de la procédure de conciliation, permettre à la procédure en libération de reprendre rapidement son cours. Le premier juge est désormais récusable. Les prétentions additionnelles risquent de se prescrire, ce qui justifie également une suspension.

F.                               Par ordonnance du 3 juillet 2020, le président de l’Autorité de recours en matière civile a accordé l’effet suspensif au recours.

G.                               Le tribunal civil a transmis son dossier le 7 juillet 2020, sans formuler d’observations.

H.                               Dans ses observations du 13 juillet 2020, l’intimée conclut au rejet du recours, avec suite de frais et dépens. Elle rappelle que, dans sa réponse du 21 octobre 2019, elle excipait de l’irrecevabilité de la requête en conciliation. Il appartenait au tribunal d’examiner d’office si les conditions de recevabilité étaient remplies. Le recourant aurait dû introduire l’action en libération de dette, simultanément une requête en conciliation devant la bonne autorité, requérir une suspension de l’action puis demander la jonction des causes. Le recourant s’est empêtré dans ses propres contradictions. Le premier juge aurait dû y remédier, avec une déclaration d’irrecevabilité.

I.                                 Les observations ont été transmises le 21 juillet 2020 au recourant, qui n’a pas déposé de réplique spontanée.


 

C O N S I D E R A N T

1.                                a) Interjeté dans les formes et délai légaux, le recours est recevable à cet égard (art. 319-321 CPC).

                        b) L'article 319 CPC prévoit que le recours est recevable contre les décisions finales, incidentes et provisionnelles de première instance qui ne peuvent faire l'objet d'un appel (let. a), contre les autres décisions et ordonnances d'instruction de première instance dans les cas prévus par la loi (let. b ch. 1) ou lorsqu'elles peuvent causer un préjudice difficilement réparable (let. b ch. 2) et contre le retard injustifié du tribunal (let. c). L'article 126 al. 2 CPC prévoit que l'ordonnance de suspension – qui constitue une « autre décision … de première instance » (Jeandin, in : CR CPC, 2ème éd., n. 15 ad art. 319) - peut faire l'objet d'un recours. Cela signifie a contrario que la décision de refus de suspension ne peut faire que l’objet du recours de l’article 319 let. b ch. 2 CPC, le recourant devant démontrer le préjudice difficilement réparable de la décision de refus de suspension, hypothèse qui ne semble guère réaliste (idem, n. 9 ad art. 126).

                        c) La notion de préjudice difficilement réparable de l'article 319 let. b ch. 2 CPC vise les inconvénients de nature juridique, mais aussi toute incidence dommageable, y compris financière ou temporelle, pourvu qu'elle soit difficilement réparable ; l'instance supérieure doit se montrer exigeante, voire restrictive, avant que d'admettre que la condition du préjudice difficilement réparable est réalisée, sous peine d'ouvrir le recours contre toute décision ou ordonnance d'instruction, ce que le législateur a clairement exclu ; il s'agit de se prémunir contre le risque d'un prolongement sans fin du procès (Jeandin, op. cit., n. 22 et 22a ad art. 319, avec les références). Le dommage difficile à réparer dont le risque ouvre la voie au recours n’est pas nécessairement juridique, mais peut concerner un préjudice de fait (Sörensen, in : CPra Matrimonial, n. 22 ad art. 319 CPC). Un préjudice difficilement réparable existe notamment quand un désavantage subi par la partie ne peut pas être entièrement réparé par un jugement au fond qui lui serait favorable, ou quand sa situation est péjorée de manière significative par la décision litigieuse (Freiburghaus/Afheldt, in : ZPO Kommentar, 2ème édition, n. 14 ad art. 319 CPC ; Reich, in : Schweizerische Zivilprozessordnung (ZPO), n. 8 ad art. 319 CPC ; ATF 134 III 188 cons. 2.1 et c. 2.2).

                        d) En l’espèce, le recourant ne démontre pas en quoi la décision de refus de la suspension risquerait de lui causer un préjudice difficilement réparable. La complexité apparente de la procédure tient au fait qu’il a choisi de ne déposer, devant le tribunal civil, qu’un seul acte, intitulé « DEMANDE EN LIBERATION DE DETTE (art. 83 LP) et REQUÊTE DE CONCILIATION (art. 202 ss CPC) », contenant des conclusions en libération de dette mais aussi en paiement de prétentions additionnelles, qu’il laissait le soin au juge de déterminer s’il fallait un préalable de conciliation aussi pour l’action en libération de dette (ce qui n’est pas nécessaire, comme on le verra plus loin), que dans ses allégués il prétendait, en relation avec ses prétentions additionnelles, au paiement par la défenderesse d’une dette de salaire (ce qui rendait nécessaire un préalable de conciliation, devant la Chambre de conciliation spéciale prévue par l’art. 12 OJN et pas devant le juge du tribunal civil que le recourant saisissait), et qu’ensuite, dans sa réplique, il a modifié ses conclusions, retirant celles tendant à la conciliation préalable, tout en en se ravisant au sujet de ses prétentions additionnelles, qu’il fondait désormais sur un acte illicite (la tentative de conciliation relevant alors du juge du tribunal civil). Le premier juge est donc, désormais, saisi d’une action en libération de dette, doublée d’une action en paiement. Il devra statuer sur la recevabilité de l’action en paiement, sans doute en la niant du fait qu’elle n’a pas été précédée d’une procédure de conciliation (comme les parties en conviennent maintenant et ce qui résulte d’ailleurs assez clairement de la jurisprudence [arrêt du TF du 14.01.2013 [4A_413/2012] cons. 5 et 6] et de la doctrine [CPra Actions-Bohnet/Christinat, § 66, n. 6a] ; on notera au passage que, pour l’action en libération de dette, le préalable de conciliation n’est pas exigé : cf. Bohnet, in : CR CPC, 2ème éd., n. 19 ad art. 198). On ne voit pas en quoi la procédure en cours devrait être frappée de nullité, comme le soutient le recourant, puisque, notamment, le tribunal civil devait notifier la demande à l’intimée, ne serait-ce qu’en rapport avec l’action en libération de dette, que la réponse a été déposée et que le demandeur a répliqué, tout en invitant le juge à annuler les actes de procédure liés à l’action tendant à l’adjudication des prétentions additionnelles ; l’essentiel des actes de procédure effectués et de l’argumentation des parties concerne l’action en libération de dette ; qu’il ne soit ensuite simplement pas tenu compte, dans la procédure ouverte le 14 février 2019, de ce qui concerne l’action pour les prétentions additionnelles ne poserait apparemment aucun problème particulier. La continuation de la procédure, en relation avec l’action en libération de dette, ne risque pas de causer au recourant un préjudice difficilement réparable, puisque la défenderesse devra déposer une duplique et qu’il s’agira ensuite de statuer sur les preuves et d’administrer celles qui seront admises. Cela prendra forcément un peu de temps, que le tribunal civil et le recourant peuvent sans doute mettre à profit pour, respectivement, statuer sur la recevabilité de l’action en paiement du demandeur et agir de manière adéquate en ce qui concerne les prétentions additionnelles. Les causes pourront éventuellement être jointes à un stade ultérieur, pour autant qu’il existe entre elles une connexité suffisante (cela dépendra de ce que le recourant décidera, le cas échéant, de soutenir entre les deux versions contradictoires qu’il a successivement présentées au sujet du fondement de son action en paiement). À ce stade, rien ne permet de penser que le recourant risquerait de subir un préjudice difficilement réparable du fait du refus de la suspension de la procédure en cours devant le tribunal civil. Le recours est ainsi irrecevable.

2.                                a) Même recevable, le recours serait de toute manière mal fondé.

                        b) L’article 126 al. 1 CPC prévoit que le tribunal peut ordonner la suspension de la procédure si des motifs d'opportunité le commandent et que la procédure peut notamment être suspendue lorsque la décision dépend du sort d'un autre procès.

                        c) La suspension doit correspondre à un vrai besoin (FF 6841, Message relatif au CPC du 28 juin 2006, spéc. p. 6916 ; Haldy, in : CR CPC, 2ème éd., n. 5 ad art. 126). Il peut s’agir d’attendre la décision qui sera rendue dans un autre procès et qui peut avoir une influence déterminante sur la procédure pendante (idem, op. cit., n. 5 ad art. 126). Parmi les motifs d’opportunité, le principal est en effet d’éviter des décisions contradictoires sur un même litige, voire sur un aspect de ce litige (Hofmann/Lüscher, Le Code de procédure civile, 2ème édition, p. 52). Pour qu’une suspension se justifie, il n’est pas nécessaire que les deux actions soient identiques et opposent les mêmes parties ; il suffit qu’il existe entre elles un lien de connexité (Bornatico/Gschwend, in : Spühler/Tenchio/Infanger [éd.], Schweizerische Zivilprozessordnung, n. 11 ad art. 126 CPC). La suspension doit être compatible avec le principe constitutionnel de célérité, soit avec le droit constitutionnel d’obtenir un jugement dans un délai raisonnable (art. 29 al. 1 Cst.; arrêt du TF du 19.08.2019 [5D_127/2019] cons. 7.2 ; ATF 135 III 127 cons. 3.4, JdT 2011 Il 402 ; Haldy, op. cit., n. 6 ad art. 126). Elle ne doit être admise qu'exceptionnellement, en particulier lorsqu'il se justifie d'attendre la décision d'une autre autorité, ce qui permettrait de trancher une question décisive (arrêt du TF du 19.08.2019 [5D_127/2019] cons. 7.2). En cas de doute, le principe de célérité doit l’emporter sur les intérêts contraires (arrêts du TF du 16.09.2003 [4P.143/2003] cons. 2.2 et du 02.12.2015 [4A_409/2015] cons. 4 ; dans le même sens Staehelin, in : Sutter-Somm/Hasenböhler/Leuenberger [éd.], Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 3ème éd., Bâle 2016, n. 4 ad art. 126 CPC). L'examen de l'opportunité d'une suspension suppose cependant une certaine retenue et la prise en compte non seulement du droit de saisine et du principe de célérité, mais également du type de procédure en question (Bornatico/Gschwend, op. cit., n. 10 ad art. 126 CPC). Lorsqu'il s'agit d'attendre le résultat d'un autre procès, il suffit qu'il se justifie d'attendre la décision de l’autre autorité car elle permettrait de trancher une question décisive (arrêt du TF du 16.09.2003 [4P.143/2003] cons. 2.29), voire que l'on puisse attendre de cette issue qu'elle facilite de façon significative la procédure à suspendre (Staehelin, op. cit., n. 3 ad art. 126 CPC). En définitive, il y a lieu d'effectuer une pesée entre l'intérêt à l'avancement du procès et l'intérêt à une simplification de celui-ci (Staehelin, op. cit., n. 4 ad art. 126 CPC). Le juge dispose d’un pouvoir d’appréciation pour déterminer si la suspension se justifie ou non (arrêt du TF du 31.01.2013 [5A_773/2012] cons. 4.2.2).

                        d) Comme on l’a vu, la mainlevée de l’opposition a été prononcée le 25 janvier 2019 et confirmée le 25 mars 2019 par l’Autorité de recours en matière civile ; le recourant a ouvert le 14 février 2019 action devant le tribunal civil, en libération de dette et pour des prétentions additionnelles, en demandant à titre préalable au juge de procéder à une tentative de conciliation ; dans sa réplique du 6 février 2020, le recourant a cependant pris d’autres conclusions, renonçant à celles qui tendaient à la tentative de conciliation. Il ne soutient pas qu’il aurait maintenant agi devant la chambre de conciliation, en rapport avec ses prétentions additionnelles. Il n’est pas nécessaire d’examiner s’il devrait, pour cela, attendre une décision d’irrecevabilité à rendre par le tribunal civil au sujet de celles-ci. En effet, s’il est vrai que la suspension d’une procédure en libération de dette peut se justifier dans l’attente que l’action en paiement soit introduite devant le juge du fond pour des prétentions additionnelles (CPra Actions-Bohnet/Christinat, § 66, n. 6a), cela ne peut pas avoir pour effet de permettre à celui contre lequel une décision de mainlevée provisoire a été rendue de retarder indéfiniment le cours du procès en libération de dette, simplement en tardant à agir - ou en agissant mal - au sujet des prétentions additionnelles qu’il dit vouloir faire valoir. Une suspension ne peut ainsi se justifier que quand il agit de manière adéquate et sans tarder. Dans le cas d’espèce, le recourant n’a pas agi comme il aurait dû le faire, faisant valoir des prétentions additionnelles à géométrie variable (prétention contre l’employeur en paiement d’un salaire, remplacées par une prétention fondée sur un acte illicite quand l’intimée a fait remarquer qu’elle n’avait jamais été l’employeur du recourant ; les compétences sont différentes pour la tentative de conciliation) et se trompant dans son appréciation de la nécessité d’un préalable de conciliation pour l’action en libération de dette. Un tel comportement ne peut avoir pour effet d’empêcher l’action en libération de dette d’aller de l’avant, au mépris du principe de célérité. Une suspension ne se justifie pas, étant précisé que rien n’empêcherait le tribunal civil de joindre ensuite les causes, si le recourant maintenait ses prétentions additionnelles, s’il agissait de manière conforme au droit pour les faire valoir et si les deux procès relevaient de la compétence du même tribunal.

3.                                Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté, car irrecevable et au surplus mal fondé. Les frais judiciaires de la procédure de recours seront mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 106 CPC). Le recourant versera en outre à l’intimée, pour la procédure de recours, une indemnité de dépens qui peut être arrêtée à 700 francs, au vu du dossier, en l’absence de mémoire d’honoraires (art. 96 et 105 CPC, 64 al. 2 LTFrais).

Par ces motifs,
L'AUTORITé DE RECOURS EN MATIèRE CIVILE

1.    Rejette le recours.

2.    Met les frais judiciaires de la procédure de recours, arrêtés à 600 francs, à la charge du recourant, qui les a avancés.

3.    Condamne le recourant à verser à l’intimée, pour la procédure de recours, une indemnité de dépens de 700 francs.

Neuchâtel, le 12 août 2020

 

Art. 126 CPC
Suspension de la procédure
 

1 Le tribunal peut ordonner la suspension de la procédure si des motifs d’opportunité le commandent. La procédure peut notamment être suspendue lorsque la décision dépend du sort d’un autre procès.

2 L’ordonnance de suspension peut faire l’objet d’un recours.

 

Art. 319 CPC
Objet du recours
 

Le recours est recevable contre:

a. les décisions finales, incidentes et provisionnelles de première instance qui ne peuvent faire l’objet d’un appel;

b. les autres décisions et ordonnances d’instruction de première instance:

1. dans les cas prévus par la loi,

2. lorsqu’elles peuvent causer un préjudice difficilement réparable;

c. le retard injustifié du tribunal.