Arrêt du Tribunal Fédéral

Arrêt du 19.01.2021 [5A_1005/2020]

 

 

 

 

 

 

A.                               Du 1er février 2010 au 28 juillet 2020, X.________ était inscrite au registre du commerce en tant que seule titulaire, avec signature individuelle, de la raison de commerce « A.________, X.________ », entreprise individuelle dont le but était l’exploitation d'une entreprise de développement, le consulting et l’exploitation dans les domaines de la gestion d'entreprise, du sourcing, de la traçabilité et du commerce éthique, des loisirs et des jeux, et des collections textiles. Elle est par ailleurs administratrice unique, avec droit de signature individuelle, de la société B.________ SA.

B.                               Le 19 juin 2020, à la requête de Y.________, X.________ s’est vue notifier une commination de faillite dans la poursuite no 2019085244 portant sur la somme de 75'436.65 francs, avec intérêts à 5% dès le 7 octobre 2019, plus 206.60 francs de frais de commandement de payer et de commination de faillite et 1'025 francs de frais de mainlevée.

C.                               a) Le 2 juillet 2020, faute de paiement, Y.________ a déposé une requête en faillite auprès du tribunal civil, en produisant notamment le commandement de payer, la décision de mainlevée provisoire de l’opposition et la commination de faillite.

b) Les parties ont été citées par le tribunal civil à une audience fixée le 10 août 2020. La débitrice était informée du fait que, si elle démontrait le paiement, avant l’audience et auprès du tribunal, de la somme de 80'002.85 francs (plus frais d’encaissement en cas de paiement à l’office des poursuites), la poursuite serait éteinte et la faillite ne serait pas prononcée. X.________ n’a effectué aucun paiement dans ce délai.

c) À l’audience du 10 août 2020, les représentants de chacune des parties ont convenu d’un bref report de l’audience de débats et les parties ont été convoquée pour une nouvelle audience fixée au 21 août 2020. Aucun paiement n’a été entrepris dans l’intervalle.

d) À l’audience du 21 août 2020, X.________, accompagné de son représentant, a indiqué ne pas être en mesure de régler sa dette sur le champ. Elle a déposé un lot de pièces et présenté une requête d’ajournement de faillite, respectivement de sursis concordataire, en sollicitant un délai pour la motiver. Le tribunal civil a rejeté la requête et prononcé la faillite de X.________, par jugement du même jour. Il en a fixé l’ouverture à 14h45.

D.                               Le 31 août 2020, X.________ a recouru contre le jugement de faillite du 21 août 2020. Elle a conclu à ce que l’effet suspensif lui soit accordé, à ce qu’un délai complémentaire lui soit octroyé pour déposer d’autres pièces à l’appui de son recours et à ce que le jugement de faillite soit annulé, sous suite de frais et dépens.

                        En substance, elle a fait valoir que le non-paiement de la facture ayant conduit à la faillite était dû à une manœuvre contestable de l’un de ses principaux créanciers, soit de C.________. Elle a expliqué avoir conclu, sous sa raison individuelle, plusieurs contrats de vente de marchandise avec C.________ pour un montant total de l’ordre de 416'315 francs, que son partenaire contractuel (C.________) avait reçu bonne livraison des marchandises et reconnu lui devoir la somme globale de 396'879.92 francs, comme le confirmait un avis de paiement du 28 février 2020, que C.________ ne lui avait toutefois pas versé le montant pourtant « conclu et reconnu » au motif qu’une procédure judiciaire avait été intentée par la société D.________ SA (et une personne physique tierce) à l’encontre de C.________, que, par cette procédure menée devant la Cour civile du Tribunal cantonal neuchâtelois (fondée notamment sur une violation de la LCD), la société D.________ SA tendait à s’opposer aux contrats conclus entre elle (la recourante) et C.________, que l’arrêt du 25 mai 2020 de la Cour civile (entre-temps entrée en force) avait mis fin au litige, la requête ayant été rejetée dans la mesure de sa recevabilité (CCIV.2020.1), que plus rien ne faisait obstacle au paiement par C.________ des montants reconnus dans son « avis de paiement » (ce d’autant plus que C.________ vendait la marchandise dans ses magasins), que, malgré tout, « pour des raisons obscures contestables », C.________ ne s’acquittait pas de ses dettes, mais qu’elle se bornait à formuler une proposition de règlement à hauteur de 150'000 francs pour solde de tout compte, que la recourante avait dès lors déposé une poursuite à l’encontre de C.________ et qu’une procédure en mainlevée provisoire de l’opposition était actuellement en cours auprès des autorités judiciaires zurichoises, que le paiement de la somme globale de 396'579.92 francs reconnue par C.________ lui aurait permis de payer la dette à l’origine de sa mise en faillite, de même que ses autres dettes; que le document « informations débiteur » du 31 août 2020, duquel il y avait lieu de retrancher 75'436.65 francs de la créance à l’origine de la faillite (étant donné qu’elle y figurait deux fois), permettait de constater que ses dettes seraient couvertes en cas d’encaissement de la créance globale contre C.________, à laquelle s’ajouteraient le recouvrement de ses créances à l’encontre de la société B.________ SA (faisant l’objet de reconnaissances de dettes à hauteur de 386'060 francs), que, par là, elle démontrait à satisfaction la vraisemblance de sa solvabilité, ses ennuis financiers n’étant que « très temporaires » et que, vu la brièveté du délai de recours et la « certaine complexité de la situation de fait », elle sollicitait la possibilité de déposer d’autres pièces en cours de procédure.

E.                               À la demande de l’Autorité de recours en matière civile (ci-après : ARMC), l’office des poursuites a déposé un extrait du registre des poursuites et des « informations débiteur ». Il en résulte notamment que de nombreuses poursuites ont été introduites contre la recourante depuis 2019, dont seulement une partie d’entre elles ont été réglées. Au 1er septembre 2020, six poursuites – dont celle de Y.________ qui fait l’objet de la présente procédure – se trouvaient au stade de la commination de faillite, pour 2’562.40 francs (E.________ SA), 75'436.65 francs (Y.________), 39'259.20 francs (Banque F.________ SA), 3'701.30 (G.________ AG), 1'761.40 francs (E.________ SA) et 577.40 francs (E.________ SA), soit au total 123'298.35 francs. Quatre autres poursuites faisaient l’objet de saisies, pour 2'056.20 francs (Caisse cantonale neuchâteloise de compensation), 15'081.95 francs (État et commune de Neuchâtel et communes concernées), 3'139.10 francs (Confédération suisse et État de Neuchâtel) et 182 francs (État de Neuchâtel). Il ressortait en outre des « informations débiteur » de X.________ un solde dû de 513'759.20 francs.

F.                               Par ordonnance du 2 septembre 2020, le président de l’ARMC a suspendu l’exécution du jugement de faillite, invité X.________ à verser, dans les dix jours, une avance de frais de 750 francs et à faire part de ses observations sur l’état des poursuites joint à l’ordonnance, invité Y.________ à faire part, dans les dix jours, de ses éventuelles observations, dit que l’inventaire établi par l’office des faillites avait valeur conservatoire et invité l’office a transmettre celui-là à l’ARMC.

G.                               Le 10 septembre 2020, Y.________ a fait parvenir des observations. En substance, il a relevé que le jugement de faillite était conforme à la loi, que le prétendu versement imminent de 396'579.92 francs, qui dépendait d’une procédure dont on ignorait l’issue, ne pouvait constituer un argument valable permettant de considérer que la solvabilité de la recourante n’était pas en cause, qu’elle n’avait ni payé, ni consigné auprès de l’ARMC la totalité du montant à l’origine de la faillite, que les renseignements figurant au dossier faisaient état de poursuites s’élevant à plus de 500'000 francs, que six poursuites avaient atteint le stade de la commination de faillite, que l’existence de pourparlers en cours visant à récupérer une créance n’était pas suffisante pour justifier la solvabilité d’un débiteur, que la reconnaissance de dettes de B.________ SA, signée par X.________ elle-même, et l’extrait de son compte d’exploitation, dépourvu de tout justificatif, ne répondaient pas à l’exigence de l’établissement par titre posée par l’article 174 al. 2 LP, que ces documents n’étaient pas suffisants pour respecter le degré de la preuve exigé par le droit fédéral, qu’en l’absence de paiement et de preuves tangibles de la solvabilité de la faillie, le recours de X.________ était manifestement mal fondé et devait être rejeté, sous suite de frais et dépens.

H.                               Le 14 septembre 2020, X.________ a fait parvenir à l’ARMC ses observations sur son état de poursuites au 1er septembre 2020. Elle a notamment fait valoir qu’elle avait été victime d’une escroquerie, que la dette à l’origine de la faillite était dès lors contestée, qu’une plainte pénale avait été adressée au Ministère public et que cette dette pourrait quoi qu’il en soit également être payée dès l’encaissement de la créance qu’elle avait contre C.________. Elle a communiqué diverses pièces, soit un document intitulé « Commentaires de X.________ sur ses poursuites, état au 14.09.2020 », une copie de sa plainte pénale du 8 septembre 2020, un courrier du 25 août 2020 par lequel l’« Obergericht des Kantons Zürich » indiquait à C.________ qu’un recours avait été déposé par X.________ contre une décision de mainlevée du 6 août 2020 dans une cause les opposant, deux exemplaires (non signés), l’un en version anglaise et l’autre en version turque, d’une convention (« agreement ») entre « A.________ » et « H.________ », ainsi qu’une « visualisation d’un paiement bvr » d’un versement de 929.70 francs en faveur de I.________ SA et d’un autre de 321.30 francs au crédit de l’office des poursuites avec, pour ce dernier, la communication « solde poursuite no xxxxxxxxxx».

I.                                 Le 16 septembre 2020, conformément à l’ordonnance du 2 septembre 2020, l’office des faillites a déposé un inventaire de faillite. Celui-ci fait état d’actifs pour 413'443.52 francs, dont 1'616 francs d’objets de stricte nécessité, 15'000 francs étant propriété de tiers et 396'827.52 francs de papiers-valeurs, créances et droits divers, desquels 396'579.90 correspondent à la créance de X.________ vis-à-vis de C.________.

J.                                Le 23 septembre 2020, Y.________ a communiqué des observations. Il a notamment indiqué que X.________ ne justifiait toujours pas du paiement de la dette, ni de sa solvabilité, qu’elle tentait de justifier la non-exigibilité du montant réclamé en poursuite par le dépôt, le 8 septembre 2020, d’une plainte pénale « aussi lamentable qu’infondée », qu’il était pour le moins singulier qu’elle n’allègue l’existence de tels arguments qu’une fois la faillite prononcée et qu’il avait reçu un message de X.________ du 21 août 2020 dont l’attitude est bien loin de celle décrite dans sa plainte.

K.                               Le 25 septembre 2020, X.________ a fait parvenir ses propres observations, reprenant en substance la teneur de son mémoire de recours.

L.                               Le 2 octobre 2020, Y.________ s’est prononcé sur ces dernières observations en constatant notamment qu’aucun document ne venait étayer la prise de position de X.________. Il a attiré l’attention sur le fait que cette dernière avait constitué une nouvelle société à responsabilité limitée le 15 septembre 2020, soit « A.________ Sàrl » et, en joignant l’extrait du registre du commerce, l’acte constitutif de la société ainsi que ses statuts, il a fait part de son vif étonnement, en soulignant que X.________ n’arrivait pas à régler ses dettes mais qu’elle avait pourtant libéré un montant de 20'000 francs en espèces.

M.                              Le 13 octobre 2020, Y.________ a fait parvenir à l’ARMC une copie d’une convention conclue par les parties en indiquant que celles-ci étaient parvenues à un accord et que, conformément à celui-ci, il retirait sa requête en faillite du 2 juillet 2020 ainsi que le commandement de payer et la commination de faillite intervenus dans la poursuite no 2019085244, selon un courrier qu’il avait adressé à l’office des poursuites. La convention dispose notamment que X.________ reconnaît devoir 80'002.85 francs à Y.________ (art. 1), que ce dernier retire sa demande de faillite ainsi que la poursuite à l’origine de la mise en faillite (art. 2) et que les frais de justice resteraient à charge de X.________ et que les parties conserveraient leurs frais d’avocat (art. 6). X.________ a également fait parvenir une copie de ces documents à l’ARMC le 16 octobre 2020.

N.                               Le 21 octobre 2020, le président de l’ARMC a ordonné le classement de la procédure. Par ordonnance du 22 octobre 2020, il a toutefois annulé l’ordonnance du 21 octobre 2020, en signalant que la convention conclue entre les parties tendait à permettre à X.________ d’obtenir l’annulation du jugement de faillite et qu’il y avait lieu de se prononcer sur le fond à cet égard.

C O N S I D E R A N T

1.                                L'appel n'étant pas recevable contre les décisions pour lesquelles le tribunal de la faillite est compétent en vertu de la LP (article 309 let. b ch. 7 CPC), un jugement de faillite est susceptible d'un recours (articles 319 let. a CPC, 174 LP). Interjeté dans les formes et délai légaux (articles 321 CPC, 174 al. 1 LP), le recours est recevable.

2.                                Dans le cadre du recours de l'article 174 LP, les parties peuvent faire valoir des faits nouveaux, lorsque ceux-ci se sont produits avant le jugement de première instance (art. 174 al. 1, 2ème phrase, LP). Cette disposition spéciale de la loi, au sens de l'article 326 al. 2 CPC, vise les faits nouveaux improprement dits (faux nova ou pseudo-nova), à savoir ceux qui existaient déjà au moment de l'ouverture de la faillite et dont le premier juge n'a pas eu connaissance pour quelque raison que ce soit ; ces faits peuvent être invoqués sans restriction et prouvés par pièces, pour autant qu'ils le soient dans le délai de recours. Aux termes de l'article 174 al. 2 LP, le failli peut aussi invoquer de vrais nova, à savoir les faits, intervenus après l'ouverture de la faillite en première instance ; selon la jurisprudence, ces vrais nova doivent également être produits avant l'expiration du délai de recours (arrêt du TF du 17.05.2019 [5A_243/2019, cons. 3.1 et ATF 139 III 491 cons. 4.4 ainsi que les références citées).

                        Les pièces déposées par la recourante l’ont été en partie après l’expiration du délai de recours, échéant en l’espèce le 7 septembre 2020. Toutefois, elles ont été produites dans les différents délais fixés à la recourante pour faire parvenir des observations, de sorte que, conformément à la jurisprudence de l’ARMC, elles seront admises et qu’il sera tenu compte des moyens correspondants (arrêts du 3 décembre 2019 [ARMC.2019.94] cons. 2 ; du 23 juillet 2019 [ARMC.2019.70] cons. 2 ; cf. toutefois l’arrêt relativement récent, non publié, du TF du 16.02.2018 [5A_1009/2017] cons. 2.1).

3.                                Le jugement entrepris est conforme à la loi. Le tribunal civil devait en effet prononcer la faillite du recourant en application de l'article 171 LP, car lorsqu'il a rendu sa décision, il n'existait pas de circonstance permettant de rejeter la requête.

4.                                On relèvera, à titre liminaire, que l’entreprise individuelle (exploitée par la recourante conformément à l’art. 36 ORC) n’a été inscrite au registre du commerce que jusqu’au 28 juillet 2020, soit avant le prononcé de la faillite du 21 août 2020. Cela n’est toutefois pas déterminant en l’espèce puisque, en vertu de l’article 40 al. 1 ORC, le titulaire de l’entreprise individuelle demeure sujet à la poursuite par voie de faillite durant les six mois qui suivent la publication de sa radiation dans la Feuille officielle suisse du commerce (arrêt du TF du 08.07.2014 [4A_23/2014] cons. 2.1.2 et les références citées). La recourante, qui ne discute pas cette question, ne prétend pas non plus que la constitution de la nouvelle société « A.________ Sàrl » aurait une quelconque incidence sur l’application de l’article 40 al. 1 ORC à son (ancienne) entreprise individuelle. Il n’y a pas lieu de s’y arrêter.

5.                                En vertu de l'article 174 al. 2 LP, l'autorité de recours peut annuler le jugement de faillite lorsque le débiteur (première condition) rend vraisemblable sa solvabilité et (seconde condition) qu'il établit par titre que la dette, intérêts et frais compris, a été payée (ch. 1), que la totalité du montant à rembourser a été déposée auprès de l'autorité judiciaire supérieure à l'intention du créancier (ch. 2) ou que ce dernier a retiré sa réquisition de faillite (ch. 3). Ainsi, le débiteur ne doit pas uniquement prouver le paiement de la dette à l'origine de la faillite ou le retrait de la réquisition de faillite, mais en outre rendre vraisemblable sa solvabilité ; il s’agit là de conditions cumulatives (arrêt du TF du 30.09.2020 [5A_615/2020] cons. 3.1).

6.                                La recourante a fourni des explications détaillées pour tenter de démontrer sa solvabilité, au moins au degré de la vraisemblance. Elle insiste sur le fait que ses ennuis financiers ne sont que « très temporaires ». Vu la brièveté du délai de recours et la « certaine complexité de la situation de fait », elle a sollicité la possibilité de déposer d’autres pièces en cours de procédure, qui ont été jugées recevables (cf. supra cons. 2).

                        S’agissant de la solvabilité de la recourante (première condition), il ressort de la pièce « informations débiteur » (état au 1er septembre 2020) que le « solde dû » par la recourante s’élève à 513'759.20 francs. De ce montant, il convient toutefois de déduire les sommes de 80'541.10 francs (Y.________ ayant retiré sa requête de faillite, ainsi que la poursuite à l’origine de celle-ci, portant sur la créance correspondante) et de 79'243 francs (créance de Y.________ comptabilisée une seconde fois dans le même document). Le montant en résultant (soit 353'975.10 francs) est couvert par la créance (396'579 fr.92 francs) que la recourante allègue détenir à l’encontre de C.________. La vraisemblance de cette créance repose sur les contrats conclus le 28 janvier 2020 entre C.________ et la recourante (par le biais de sa raison individuelle), le bon de livraison du 3 février 2020 (avec accusé de réception signé par C.________ le 14 février 2020), l’ « avis de paiement » de C.________ (soit un document dans lequel C.________ reconnaît les montants dus) daté du 28 février 2020 et le fait que la procédure judiciaire menée contre C.________, invoquée par celle-ci pour suspendre le paiement, est aujourd’hui close. S’il semble que la solvabilité de la recourante ne peut ainsi être déniée d’emblée, il reste toutefois difficile de déterminer le délai dans lequel le montant pourra être récupéré et, le cas échéant, si, dans l’attente du recouvrement, la recourante pourra faire face aux prétentions d’autres créanciers déjà exigibles. Se pose également la question de savoir si le solde dont elle bénéficiera (après paiement des dettes en souffrance) sera suffisant pour continuer ses activités.

                        Il n’y a toutefois pas lieu d’examiner de manière plus approfondie cette question, ainsi que le détail de l’argumentation de la recourante à cet égard, puisqu’il apparaît que, malgré les efforts consentis par celle-ci pour établir sa solvabilité (au degré de la vraisemblance), le recours doit être rejeté, la première condition fixée par l’art. 174 al. 2 LP n’étant pas remplie, comme on va maintenant le voir.

7.                                a) On peut d’emblée relever à cet égard que, même si la recourante a sollicité de pouvoir déposer des pièces « en cours de procédure » (de façon à pouvoir démontrer la réalisation des conditions de l’art. 174 al. 2 LP) et qu’elle est finalement parvenue à trouver un accord avec l’intimé (communiqué à l’ARMC le 13 octobre 2020), elle ne démontre pas, ni même ne prétend, avoir, dans le délai de dix jours à compter de la notification du jugement de première instance (arrêt de l’ARMC du 09.03.2015 [ARMC.2014.86] cons. 3b), établi par titre que la dette ayant conduit à sa faillite (intérêts et frais compris) aurait été payée (art. 174 al. 2 ch. 1 LP) ou que, dans le même délai, le créancier concerné aurait retiré sa réquisition de faillite (art. 174 al. 2 ch. 3 LP). Elle ne soutient pas non plus avoir – toujours dans le même délai et, par précaution, dans l’attente d’une éventuelle transaction ultérieure prévoyant le retrait de la réquisition de faillite – déposé la totalité du montant à rembourser auprès de l'autorité judiciaire supérieure à l'intention du créancier (art. 174 al. 2 ch. 2 LP). Ce n’est finalement que le 12 octobre 2020 que les parties ont conclu une convention et que l’intimé a adressé un courrier le 13 octobre 2020 à l’office des poursuites pour retirer sa poursuite, alors que le délai de recours courrait jusqu’au 7 septembre 2020.

                        b) Si l’ARMC peut tolérer que certaines pièces soient produites dans le délai fixé à la partie recourante pour faire parvenir des observations, elle considère qu’une extension de ce délai, pour permettre à la partie recourante d’établir la réalisation de la seconde condition de l’art. 174 al. 2 (ch. 1-3) LP, ne se justifie que de manière très restrictive. Elle l’admet en particulier lorsque le retard, de quelques jours, est dû à un blocage de compte et que le recourant n’a pas à en subir le préjudice (arrêt de l’ARMC du 05.09.2017 [ARMC.2017.49] cons. 4 et du 28.09.2018 [ARMC.2018.65] cons. 5) ou quand seule une petite partie du montant (différence due au calcul des intérêts) n’est pas versée dans le délai de recours (arrêt de l’ARMC du 08.05.2018 [ARMC.2018.21] cons. 6a ; du 24.07.2018 [ARMC.2018.49] cons. 5 ; du 8 mars 2018 [ARMC.2018.8] cons. 4b).

                        Le cas d’espèce ne peut être comparé aux situations exceptionnelles qui viennent d’être évoquées, qui justifient, selon la jurisprudence de l’ARMC, une (légère) extension du délai. Si le caractère exceptionnel de cette extension peut, à première vue, paraître sévère, il ne fait que refléter la jurisprudence fédérale. Selon une partie de la doctrine, il semblerait même que les exceptions rappelées ici, pourtant admises dans la pratique de certains cantons, sont aujourd’hui exclues par l’art. 174 al. 2 LP, qui règle exhaustivement les trois cas dans lesquels la faillite peut être annulée (Gilliéron, Commentaire LP, n. 49 ad art. 174 LP).

                        En conséquence, la seconde condition de l’art. 174 al. 2 LP n’est pas remplie et le jugement de faillite ne peut être annulé par l’ARMC.

8.                                Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. L’effet suspensif ayant été accordé, il conviendra de fixer la date de l’ouverture de la faillite. Les frais de la procédure de recours, arrêtés à 300 francs et avancés par la recourante, seront mis à la charge de cette dernière, conformément à la convention conclue par les parties, selon laquelle il n’y a pas non plus lieu à l’octroi de dépens (art. 109 al. 1 CPC).

Par ces motifs,
L'AUTORITé DE RECOURS EN MATIERE CIVILE

1.    Rejette le recours.

2.    Fixe l’ouverture de la faillite de X.________ au 6 novembre 2020, à 12h00.

3.    Mets les frais de la procédure de recours, arrêtés à 300 francs et avancés par la recourante, à la charge de celle-ci.

4.    Dit qu’il n’y a pas lieu à l’octroi de dépens.

Neuchâtel, le 6 novembre 2020

 

 
Art. 1741LP
Recours
 

1 La décision du juge de la faillite peut, dans les dix jours, faire l’objet d’un recours au sens du CPC2. Les parties peuvent faire valoir des faits nouveaux lorsque ceux-ci se sont produits avant le jugement de première instance.

2 L’autorité de recours peut annuler l’ouverture de la faillite lorsque le débiteur rend vraisemblable sa solvabilité et qu’il établit par titre que l’une des conditions suivantes est remplie:

1. la dette, intérêts et frais compris, a été payée;

2. la totalité du montant à rembourser a été déposée auprès de l’autorité judiciaire supérieure à l’intention du créancier;

3. le créancier a retiré sa réquisition de faillite.

3 Si l’autorité de recours accorde l’effet suspensif, elle ordonne simultanément les mesures provisionnelles propres à préserver les intérêts des créanciers.


1 Nouvelle teneur selon le ch. I de la LF du 21 juin 2013, en vigueur depuis le 1er janv. 2014 (RO 2013 4111; FF 2010 5871).
2 RS 272