A.                               A.________, née en 2018, est la fille de A.X.________ et B.X.________. Selon un rapport de l’OPE du 6 février 2019, B.X.________ souffre d’un retard mental léger, trouble diagnostiqué dans le cadre d’une procédure relative à l’assurance-invalidité. A.X.________ est également la mère de B.________, né en 2013 d’une précédente union.

B.                               Dès sa naissance, A.________ a rencontré de graves problèmes de santé (sans autre précision, il est fait référence au dossier APEA) qui ont conduit à son hospitalisation aux Hôpitaux Universitaires de Genève (ci-après : HUG), au Centre hospitalier universitaire vaudois (ci-après : CHUV), ainsi qu’à Hôpital neuchâtelois (ci-après : HNe).

C.                               Le 28 novembre 2018, un médecin adjoint du département de pédiatrie d’HNe a adressé un signalement à l’APEA concernant A.________. Un examen pratiqué dans cet établissement hospitalier, en date du 26 novembre 2018, avait révélé l'existence de fractures des côtes à plusieurs niveaux, ainsi que d’une fracture du poignet gauche. L’IRM effectuée le 27 novembre suivant sur l’ensemble du corps du nourrisson avait également révélé une « collection [cavité remplie d’un liquide corporel] sous la peau du dos à droite, ainsi qu’un signal compatible avec une irritation des muscles entourant la colonne vertébrale ».

D.                               a) Une enquête sociale urgente a été ordonnée le 29 novembre 2018 par l’APEA. Au terme de son investigation, l’Office de protection de l’enfant (ci-après : OPE) a délivré son rapport, le 5 décembre 2018, dans lequel il indiquait que, selon le corps médical, l’irritation des muscles entourant la colonne vertébrale pouvait avoir été provoquée par une compression assez violente. Il n’était pas possible d’exclure que ces lésions aient été causées par un tiers. En outre, une maladie osseuse, chez A.________, avait été exclue par un spécialiste du CHUV.

b) Par décision de mesures superprovisionnelles du 7 décembre 2018, le président de l'APEA a provisoirement retiré le droit de déterminer le lieu de résidence de A.________ à ses parents et ordonné son placement auprès d’HNe, puis de toute autre institution adaptée, au motif qu'il existait des soupçons de maltraitance à son égard.

c) Après avoir instruit ce dossier – notamment avoir auditionné les parents et recueilli des renseignements médicaux – l’APEA, dans sa décision de mesures provisionnelles du 25 janvier 2019, a restitué le droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant à A.X.________ et B.X.________, levé le placement et institué à titre provisoire en faveur de A.________ une curatelle de surveillance. L'APEA retenait que l’enfant avait été hospitalisée au CHUV entre le 13 et le 16 novembre 2018 et que l’IRM pratiquée durant cette période n’avait rien révélé de particulier. A.________ avait ensuite dû retourner en urgence au CHUV entre le 21 et le 23 novembre 2018. Dès cette date, la fillette avait de nouveau été prise en charge par ses parents. Selon cette chronologie, les lésions n’avaient pu être provoquées qu’entre le 16 et le 26 novembre 2018, période durant laquelle A.________ avait séjourné tant au CHUV qu’au domicile familial. Des interrogations sérieuses demeuraient quant à l’origine des lésions constatées sur le bébé, mais il n’y avait pas suffisamment d’éléments pour se convaincre que celles-ci étaient imputables à des maltraitances infligées par ses parents.

d) Le 30 janvier 2019, l’APEA a porté ces faits à la connaissance du ministère public, afin qu’il examine si l’ouverture d’une instruction pénale s’imposait et de procéder, cas échéant, aux actes d’enquête utiles. Le 12 février 2019, le ministère public a ouvert une instruction et mis en œuvre des investigations sur le plan médical.

e) Le 8 février 2019, l’OPE a informé l’APEA par e-mail que A.________ avait été une nouvelle fois présentée par son père à une consultation pédiatrique à HNe : elle souffrait d’un hématome de toute la paupière supérieure droite et d’un hématome à la tempe droite ainsi qu’à l’angle interne de l’œil. À cette même date, la médecin cheffe du département de pédiatrie dudit établissement hospitalier a écrit à l’APEA afin de signaler que l’enfant avait été amenée par son père le jour précédent parce qu’elle présentait un « hématome de l’œil gauche » (recte : droit) dont l’étiologie restait peu claire.

f) Suite à ce second signalement, l’APEA a rendu une nouvelle décision de mesures superprovisionnelles, le 8 février 2019, ordonnant notamment le placement de A.________ auprès du Foyer C.________ à Z.________ et retirant provisoirement aux parents le droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant, fixant le droit de visite de ceux-ci et instaurant une curatelle éducative.

g) L’APEA, après avoir laissé à A.X.________ et B.X.________ l’opportunité de se déterminer, a confirmé ce dispositif par décision de mesures provisionnelles du 22 février 2019. Elle retenait qu’il existait un risque que A.________ ne soit pas prise en charge de manière adéquate à domicile, notamment lorsqu’elle se trouvait sous la garde de son père. En effet, ses explications – selon lesquelles le fils aîné de sa compagne avait laissé la porte du domicile ouverte, permettant au chien du couple de s’enfuir et provoquant une glissade du père qui tenait l’enfant dans ses bras et était parti à la poursuite de l’animal – dénotaient, à tout le moins, une négligence inquiétante du père. B.X.________, qui tenait son nourrisson dans les bras, avait porté prioritairement son attention sur l’animal domestique, plutôt que sur le bien-être de sa fille. Il souffrait d’un retard mental léger et d’autres troubles laissant craindre qu’il n’était pas toujours apte à saisir les besoins de sa fille.

h) Dans le courant du mois de mars 2019, le département de pédiatrie d’HNE a informé l’APEA du fait qu’une mutation génétique avait été découverte chez A.________, sans qu’il ne soit possible d’établir un lien entre cette mutation et l’ensemble des symptômes et signes présentés par l’enfant.

i) Dans le cadre de la procédure pénale, le Centre Universitaire Romand de Médecine Légale (ci-après : CURML), le 28 mai 2019, a rendu le rapport d’expertise médico-légale concernant A.________. Selon les conclusions des experts « le tableau lésionnel traumatique, comprenant les fractures costales aiguës et l’infiltration des tissus mous du thorax bilatéralement ainsi que des muscles par-vertébraux, indique une maltraitance physique par un tiers […]. Cependant, ce tableau lésionnel s’inscrit possiblement dans un contexte pathologique complexe chez A.________, en présence d’une mutation génétique (PSMB8) considérée à l’origine du syndrome PRAAS, pathologie rarissime et connue pouvant entraîner une atteinte au niveau squelettique sous forme de contractures articulaires et de modification de la trame osseuse de type ostéoporose. Ce contexte pathologique complexe étant en cours d’investigation au moment de la rédaction du présent rapport, notamment en l’absence de résultat pour une éventuelle pathologie causant une fragilité osseuse, il ne nous est pas possible de nous prononcer quant à l’influence d’une éventuelle pathologie de base sur la survenance des fractures costales ».

j) Une audience s’est tenue devant l’APEA en date du 26 juin 2019, au cours de laquelle les parents ont été entendus. Une éventuelle levée du placement a été évoquée par l’OPE à l’issue de la procédure pénale. En définitive, les parties étaient d’accord d’attendre le rapport de l’OPE – portant sur le dispositif ambulatoire à envisager en cas de retour de A.________ au domicile parental –, de disposer d’un délai pour observation sur ce rapport et que l’APEA rende une nouvelle décision.

k) L’OPE a remis son rapport le 12 juillet 2019. Il préconisait de poursuivre le placement, en attendant l’issue de la procédure pénale, et détaillait les mesures d’accompagnement à envisager dans l’hypothèse du maintien du placement de l’enfant au Foyer C.________ et en cas de retour de l’enfant chez ses parents.

l) Les parents ont déposé leurs observations le 15 août 2019. Ils ont fait valoir que la procédure pénale n’avait à aucun moment permis de démontrer que les soupçons de maltraitance à leur endroit étaient fondés et qu’il convenait, par voie de conséquence, de lever le placement.

m) Le 9 octobre 2019, un courrier est parvenu à l’APEA. Il s’agissait d’une lettre d’une voisine de A.X.________ et de B.X.________, qui indiquait que B.________, le fils aîné de la prénommée, pourrait être l’objet d’une prise en charge déficiente de la part de sa mère, voire de maltraitances psychiques.

n) Ces nouveaux éléments ont conduit l’APEA, le 17 octobre 2019, à ordonner une enquête sociale urgente ainsi qu’à reporter à une date ultérieure la décision sur le sort de A.________.

o) L’APEA a complété son dossier, le 5 novembre 2019, en y intégrant des pièces du dossier pénal, en particulier deux compléments du rapport d’expertise du CURML datés des 25 juillet et 16 septembre 2019.

p) Dans leur complément d’expertise du 25 juillet 2019, les experts ont maintenu leurs précédentes conclusions, le tableau lésionnel, comprenant notamment les fractures costales aigües, était d’origine traumatique et indiquait une maltraitance physique par un tiers. Ils ajoutaient que « les investigations effectuées récemment par les médecins cliniciens du CHUV ont permis d’exclure l’éventualité d’une maladie métabolique et/ou fragilité osseuse ayant – ou pouvant avoir – un impact sur le tableau lésionnel traumatique ci-dessus ». Ils ont également confirmé que les lésions traumatiques avaient dû être provoquées peu avant la constatation des « craquements » décrits par la maman de A.________ après l’hospitalisation au CHUV.

q) Les conclusions du rapport complémentaire du 16 septembre 2019 sont les suivantes : « les différents éléments qui précèdent n’influent en rien nos conclusions en ce qui concerne le tableau lésionnel traumatique thoracique observé chez A.________ qui est évocateur d’une maltraitance physique par un tiers. Le fait que les constatations des « craquements », qui sont la conséquence directe des fractures costales, soient décrites sur le week-end du 24 et 25 novembre 2018 parle en faveur d’une survenue de l’événement dans cet intervalle ».

r) Dans un courrier du 1er novembre 2019, A.X.________ a donné, en détail, son point de vue sur le conflit de voisinage survenu dans son immeuble et qui expliquait, selon elle, le courrier parvenu à l’APEA au mois d’octobre précédent. Elle écartait les accusations de maltraitance portées à son encontre, en insistant sur la qualité de son éducation, comprenant notamment l’organisation de nombreuses activités avec son fils aîné B.________.

s) Par décision du 25 novembre 2019, l’APEA a notamment ordonné le placement de A.________ auprès du Foyer C.________ à Z.________, retiré aux parents le droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant et autorisé ceux-ci à entretenir des relations personnelles avec A.________, selon des modalités à définir par la curatrice. Dans ses considérants, l’autorité a retenu, en substance, que de fortes suspicions demeuraient que la fillette ait été, de manière régulière, victime d’actes de violence à l’origine des lésions constatées. Du point de vue chronologique, ces atteintes étaient toujours apparues à des périodes où l’enfant était prise en charge par ses parents, tant à la fin du mois de novembre 2018 qu’au mois de février 2019, ce qui permettait d’exclure des maltraitances ou des manipulations inappropriées du nourrisson en milieu hospitalier. Il était plausible que l’enfant soit exposée à des mauvais traitements dans son entourage direct. Le fait que les parents se montraient adéquats, lors des visites ou des week-ends que la fillette passait au domicile familial, n’était pas à lui seul suffisant pour prévenir tout geste déplacé à son encontre. Les parents – ou d’autres personnes de leur entourage immédiat – étaient en effet conscients que A.________ faisait l’objet d’une attention particulière lorsqu’elle réintégrait le foyer. Cette perspective était propre à contenir de nouvelles maltraitances. Les témoignages spontanés de familiers et de proches du couple parental, adressés à l’APEA, selon lesquels A.X.________ et B.X.________ se montraient aimants et adéquats en présence de leur fille, n’avaient pas une réelle valeur probante, puisqu’il était rare que des comportements violents soient commis au préjudice d’un nourrisson sous les yeux d’un tiers. Le courrier adressé par une voisine à l’APEA, au sujet de B.________, était un indice que les parents pouvaient parfois se trouver dépassés par leurs tâches éducatives. Les dangers auxquels était exposée A.________ étaient graves, puisque son intégrité physique était susceptible d’être menacée de façon sérieuse. Aucune solution moins incisive qu’un placement ne paraissait dès lors être en mesure d’apporter des garanties suffisantes quant à sa sécurité. Le fait que la personne à l’origine de la maltraitance n’avait pas été identifiée rendait difficile l’aménagement d’un dispositif permettant d’éviter de manière efficace de nouveaux épisodes de violence. Certains des traumatismes subis par le bébé pouvaient être associés au syndrome du « bébé secoué ». La récurrence d’un tel syndrome était plus fréquente chez les nourrissons souffrant de pathologies multiples dès la naissance, dont les pleurs pouvaient exaspérer l’adulte qui en avait la garde. Il convenait par conséquent de maintenir le placement et, afin de ne pas compromettre la mesure, de priver les parents de leur droit de déterminer le lieu de résidence de leur fille.

E.                               a) Le 23 décembre 2019, A.X.________ et B.X.________ recourent contre la décision du 25 novembre 2019 en concluant, à titre incident, à l’octroi de l’effet suspensif, principalement, à l’annulation de la décision attaquée, à la levée immédiate du placement, à la restitution du droit des parents de déterminer le lieu de résidence de A.________, à la levée de la curatelle d’appui éducatif aux relations personnelles, subsidiairement, à la levée progressive, avec suivi ambulatoire, du placement, à la restitution du droit des parents de déterminer le lieu de résidence de A.________, en tout état de cause avec suite de frais et dépens, sous réserve des dispositions en matière d’assistance judiciaire. Ils font valoir que l’origine des fractures des côtes chez A.________ demeure toujours inconnue, malgré la procédure pénale longue et poussée. Durant cette procédure pénale, les parents ont toujours été parties plaignantes et non prévenus. Il est donc choquant que l’APEA les considère comme les premiers suspects dans le cadre de la procédure menée devant elle. En outre, c’est à tort que cette autorité qualifie, dans son jugement, de lésions corporelles un « aspect de fractures métaphysaires distales du radius gauche » ainsi que « la présence d’un dépôt blanchâtre sur toute la gencive inférieure », puisque l’expertise écarte toute suspicion de maltraitance en lien avec ces constatations. L’accident du 7 février 2019, au cours duquel le père a glissé dans un escalier en tenant sa fille dans les bras, ne peut pas être considéré comme une maltraitance physique. Les explications du recourant à ce sujet n’ont jamais varié. Les experts ont eux-mêmes retenu que les lésions, situées toutes à droite, sont compatibles avec le mécanisme de la chute allégué par le père. Le jugement attaqué n’évoque pas du tout l’accord donné par la mère, dès sa première audition devant la police, à ce que les autorités de poursuite pénale puissent consulter l’ensemble des messages WhatsApp que les parents se sont échangés entre le 21 novembre 2018 et le 21 février 2019. Ces échanges démontrent que les parents n’ont rien à se reprocher. En particulier, l’événement du 7 février 2019 est expressément relaté dans les conversations téléphoniques des recourants. Il en résulte clairement que cet épisode était un malheureux accident. L’origine des autres lésions constatées sur A.________ n’ayant pu être déterminée, malgré les investigations menées par les autorités de poursuite pénale, et les échanges WhatsApp entre les recourants démontrant l’absence de toute maltraitance à l’égard de leur fille, il convient, en application du principe de proportionnalité, de lever le placement. Cette mesure, sur une longue durée, peut en effet entraîner des conséquences graves et irréversibles sur la relation parents-enfant. La première autorité a retenu à tort un syndrome du « bébé secoué », à mesure que le Dr F.________, médecin qui a procédé au premier signalement à l’APEA, l’a pour sa part rapidement écarté. En l’état, il ne peut être exclu que les lésions constatées chez A.________ aient été causées lors de sa prise en charge hospitalière. Ce n’est pas uniquement lors des visites au foyer, entourés du personnel soignant, que les parents se sont montrés adéquats à l’égard de leur fille. Au contraire, les recourants n’ont jamais failli dans l’accompagnement de leur nourrisson, en suivant les traitements, se rendant chez les spécialistes et prodiguant les soins rendus nécessaires par les problèmes de santé rencontré par A.________. L’adéquation des parents vis-à-vis de A.________, lors de ses séjours au domicile parental, a également été relevée. Lors de l’audience du 26 juin 2019, les discussions entre les parents, les représentants de l’OPE et l’APEA portaient sur les mesures ambulatoires pouvant être prises pour favoriser une levée progressive du placement. Des mesures moins coercitives que le placement étaient donc clairement envisagées. Or, contre toute attente, l’APEA a rendu une décision confirmant le placement, plus de quatre mois après ladite audience, malgré les nombreuses relances des parents, et alors qu’aucun fait nouveau n’était parvenu à la connaissance de l’autorité avant le courrier de dénonciation du 9 octobre 2019. Cette dénonciation résulte d’un litige de voisinage. La recourante a d’ailleurs déposé plainte pénale, le 4 décembre 2019, suite à ce courrier, pour calomnie et diffamation. Mais la première autorité a pris « pour argent comptant » les propos émanant de la voisine à l’origine de cette missive. Le premier juge a, par contre, écarté les lettres de soutien émanant de proches et de familiers des parents, en considérant qu’elles n’avaient pas de réelle valeur probante. Au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que le placement de A.________ ne se justifie plus et doit être levé, en introduisant, le cas échéant, un suivi ambulatoire.

b) Par ordonnance du 27 décembre 2019, le président de la Cour des mesures de protection de l’enfant et de l’adulte (ci-après : CMPEA) a rejeté la demande d’effet suspensif, eu égard à la situation prévalant antérieurement à la décision querellée.

c) Par courrier du 10 janvier 2020, l’APEA renonce à formuler des observations.

d) Le 16 janvier 2020, suite à la réquisition du président de la CMPEA, l’APEA a transmis le dossier relatif à B.________. Il ressort en particulier de ce dossier qu’un nouveau courrier est parvenu à l’APEA, le 10 décembre 2019, dans lequel un deuxième voisin du couple formé par A.X.________ et B.X.________ a fait part de ses craintes au sujet de la prise en charge du fils aîné de la prénommée.

e) Par décision du 24 janvier 2020, le président de la CMPEA a accordé l’assistance judiciaire aux recourants et désigné Me D.________ en qualité d’avocat d’office.

f) Dans leur courrier du 14 février 2020, les parents indiquent n’avoir pas d’observations supplémentaires à formuler. Ils précisent néanmoins que les visites et séjours de leur fille au domicile se déroulent toujours très bien et que A.________ a également passé plusieurs nuits à la maison. Ils regrettent également le comportement de leurs voisins d’immeuble, qui portent à leur encontre des accusations au contenu diffamatoire et calomnieux.

g) Les recourants ont encore déposé des observations, en date du 20 mars 2020. Ils allèguent que l’enfant réclame davantage son père. Ils indiquent également que le droit de visite a été élargi et que A.________ passe désormais deux nuits par semaine auprès d’eux. Le ministère public les a informés qu’il entendait clôturer l’instruction par la rédaction d’une ordonnance de classement. Il convient dès lors de leur restituer rapidement le droit de déterminer le lieu de résidence de leur fille.

h) Le 8 avril 2020, les parents ont transmis à la CMPEA la copie de l’ordonnance de classement rendue le 2 avril 2020 par le ministère public. Ils font valoir qu’en raison de la pandémie du COVID-19, ils sont séparés de leur fille et ne peuvent plus la voir depuis un mois.

i) Le 19 mai 2020, l’OPE a établi un rapport sur l’évolution de la situation, en décrivant quel avait été l’effet des mesures sanitaires due à l’épidémie de COVID-19 sur le droit aux relations personnelles des recourants sur leur fille et en annonçant un élargissement de leur droit de visite, chaque semaine, du mercredi au dimanche à leur domicile.

j) Le 10 juin 2020, les recourants ont transmis une copie d’une lettre du ministère public du 5 juin 2020, laquelle indiquait qu’il était envisagé de rendre une ordonnance pénale à l’encontre de E.________, qui était l’auteur de la lettre du 9 octobre 2019, dont il a été question avant et à qui il était reproché une dénonciation calomnieuse au sens de l’article 303 CP. Pour les recourants, cela signifiait que la lettre du 9 octobre 2019 était attentatoire à l’honneur et que les motifs pour lesquels l’APEA avait ordonné un placement de l’enfant plutôt qu’un suivi ambulatoire étaient insuffisants.

C O N S I D E R A N T

en droit

1.                                Interjeté dans le délai de 30 jours contre une décision de l’APEA, par des personnes ayant qualité pour recourir, le recours est recevable (art. 450 ss CC, auxquels renvoie l’article 314 CC).

2.                                La CMPEA revoit la présente cause, soumise aux maximes inquisitoire illimitée et d’office (art. 446 al. 1 et al. 3 applicable par le renvoi de l’article 314 al. 1 CC), avec un plein pouvoir d’examen (art. 450a al. 1 CC).

3.                                a) Aux termes de l’article 310 al. 1 CC, lorsqu'elle ne peut éviter autrement que le développement de l'enfant ne soit compromis, l'autorité de protection de l'enfant retire l'enfant aux père et mère et le place de façon appropriée. Cette mesure de protection a pour effet que le droit de déterminer le lieu de résidence passe des père et mère à l'autorité, qui choisit l'encadrement de l'enfant. La cause du retrait doit résider dans le fait que le développement corporel, intellectuel ou moral de l'enfant n'est pas assez protégé ou encouragé dans le milieu de ses père et mère. Les raisons de la mise en danger du développement importent peu : elles peuvent être liées au milieu dans lequel évolue l'enfant ou résider dans le comportement inadéquat de celui-ci, des parents ou d'autres personnes de l'entourage. Le fait que les parents soient ou non responsables de la mise en danger ne joue pas non plus de rôle. Il convient d'être restrictif dans l'appréciation des circonstances, un retrait n'étant envisageable que si d'autres mesures ont été vouées à l'échec ou apparaissent d'emblée insuffisantes (arrêts du TF du 29.08.2019 [5A_293/2019] cons. 5.2.2 ; du 19.06.2017 [5A_993/2016] cons. 4.2.2).

                       b) L'intérêt de l'enfant est la justification fondamentale de toutes les mesures des articles 307ss CC. Les mesures de protection de l'enfant sont en outre régies par les principes de proportionnalité et de subsidiarité, ce qui implique qu'elles doivent correspondre au degré du danger que court l'enfant en restreignant l'autorité parentale aussi peu que possible mais autant que nécessaire et n'intervenir que si les parents ne remédient pas eux-mêmes à la situation ou sont hors d'état de le faire ; elles doivent en outre compléter et non évincer les possibilités offertes par les parents eux-mêmes, selon le principe de complémentarité. Le respect du principe de proportionnalité suppose que la mesure soit conforme au principe de l'adéquation et, partant, propre à atteindre le but recherché. Une mesure telle que le retrait du droit de déterminer le lieu de résidence n'est ainsi légitime que s'il n'est pas possible de prévenir le danger par les mesures moins énergiques prévues aux articles 307 et 308 CC : en effet, le retrait du droit de garde aux parents constitue une atteinte grave au droit au respect de la vie familiale (art. 8 par. 1 CEDH) et les mesures qui permettent de maintenir la communauté familiale doivent être prioritaires (Meier, in CR CC I, 2010, n.14 ad art. 310). Dès lors qu'il s'agit d'une mesure servant à protéger l'enfant, il est sans pertinence que les parents n'aient pas commis de faute ; parmi tous les autres facteurs pertinents, le souhait de l'enfant doit être pris en considération (arrêts du TF du 18.03.2020 [5A_915/2019] cons. 6.2.2 ; du 19.06.2017 [5A_993/2016] cons. 4.2.2). Le principe de la proportionnalité ne doit toutefois pas inciter à l'inertie. Il n'est ainsi pas nécessaire que toutes les mesures « ambulatoires » aient été tentées en vain; il suffit que l'on puisse raisonnablement admettre, au regard de l'ensemble des circonstances, que ces mesures, même combinées entre elles, ne permettront pas d'éviter la mise en danger (Meier, op. cit., n. 14 ad art. 310).

c) Compte tenu de la gravité de la mesure, mais aussi du risque qu’un retrait inapproprié ferait courir à l’enfant lui-même, la décision devra en principe être précédée d’un rapport ou d’une expertise confiés à des professionnels (observation ambulatoire, placement de brève durée à l’essai, examen par un groupe interdisciplinaire spécialisé en protection de l’enfant, etc.). Les modifications apportées à la mesure, une fois celle-ci ordonnée, telles que le changement du lieu de placement ou la réintégration du droit de garde chez les père et mère, seront accompagnées des mêmes mesures d’instruction (Meier, op.cit., n.16 ad art. 310).

d) Les carences graves dans l'exercice du droit de garde qui sont susceptibles de justifier un retrait de ce droit, si d'autres mesures moins incisives ne permettent pas d'atteindre le but de protection poursuivi, sont notamment l'inaptitude ou la négligence grave dans l'éducation et la prise en charge, quelles qu'en soient les causes (maladie ou handicap physique, mental ou psychologique de l'enfant ou des père et mère, environnement social, situation économique, conditions de logement, parent seul et démuni, etc.), auxquelles ni les remèdes proposés par les institutions de protection de la jeunesse, ni les autres mesures de protection ne permettent de faire face (Meier, op. cit., n. 17 ad art. 310). Le caractère approprié du placement est une condition de validité de la mesure de protection.

e) Les critères à prendre en compte sont notamment l’âge de l’enfant, sa personnalité, ses besoins quant à son suivi éducatif (difficultés scolaires, intégration sociale, troubles du comportement) ou de manière générale quant à sa prise en charge (handicap physique ou psychique, troubles psychologiques), la stabilité et la continuité dans l’environnement de vie (dans la mesure du possible et pour autant que ce ne soit pas un élément de mise en danger pour l’enfant, le maintien de la scolarisation dans le même établissement), l’avis des père et mère de l’enfant – lesquels doivent être entendus – ainsi que les relations de proximité de l’enfant, lorsque celles-ci permettent d’assurer sa prise en charge par des personnes de confiance qu’il connaît déjà, sans risque d’influence néfaste des père et mère ni difficulté en cas de réintégration ultérieure dans la famille d’origine (Meier, op. cit., n. 22 ad art. 310). La mesure vise à protéger l’enfant, non à sanctionner les père et mère (arrêt du TF du 19.06.2017 [5A_993/2016] cons. 4.3).

4.                                a) Afin de mesurer le caractère approprié ou non du placement, il faut prendre en compte les différentes mesures prises par l’APEA et les circonstances qui l’ont conduite finalement à ordonner un placement. Les conclusions des praticiens et experts qui ont examiné l’enfant et qui se sont prononcés sur l’origine des lésions constatées sur A.________ doivent aussi être considérées, ainsi que l’avis des professionnels qui entourent l’enfant et ses parents depuis le premier signalement à l’APEA. Le contexte global dans lequel évolue la famille constitue aussi un élément d’appréciation.

b) En l’espèce, le placement de A.________ a été ordonné, une première fois, le 7 décembre 2018 à titre superprovisionnel, après la découverte, lors de l’hospitalisation de l’enfant le 26 novembre 2018, de multiples fractures aux côtes. Ce placement a été levé par décision de mesures provisionnelles du 25 janvier 2019, en raison des doutes sur l’origine des lésions constatées sur l’enfant. La levée de cette mesure a été assortie d’une curatelle de surveillance. Moins de deux semaines après, le 7 février 2019, A.________ a été amenée aux urgences par son père car elle présentait un hématome à l’œil et à la pommette droits.

c) Les experts amenés à se pencher sur le tableau lésionnel traumatique constaté chez l’enfant en novembre 2018 – comprenant les fractures costales et l’infiltration des tissus mous du thorax, ainsi que des muscles para-vertébraux – ont conclu à une maltraitance physique causée par un tiers. Dans leurs compléments d’expertise du 25 juillet 2019 et du 16 septembre 2019, les experts ont écarté l’existence d’une pathologie génétique chez A.________, qui aurait pu induire une fragilité osseuse et être à l’origine des lésions constatées. Ils ont maintenu leurs conclusions selon lesquelles les blessures de l’enfant étaient d’origine traumatique et dues au fait d’un tiers. Les experts ont retenu que les « craquements », décrits par la mère lorsqu’elle portait son enfant, le jour précédent l’hospitalisation du 26 novembre 2018, « parlaient en faveur » d’un événement traumatique survenu durant le week-end du 24 et 25 novembre.

d) Le rapport du CHUV du 7 décembre 2018, relatif à l’hospitalisation de A.________ entre le 21 et le 23 novembre précédent, relate notamment qu’à la sortie de l’hôpital, la fillette ne présentait pas de signes de détresse respiratoire et que son abdomen était souple et indolore.

e) Devant la police, la mère a dit que, dans la nuit du dimanche 25 au lundi 26 novembre 2018, sa fille « avait une respiration bizarre qui bloquait ». Le père a également indiqué devant les policiers que sa fille pleurait énormément la nuit du dimanche au lundi et qu’il avait entendu les « bruits d’eau provenant de la cage thoracique de A.________ » le dimanche soir avant de se coucher.

f) L’enquête pénale ouverte n’a pas permis de confirmer, au degré requis par le droit pénal, l’existence de soupçons de maltraitance à l’encontre de la fillette et a fait l’objet d’une ordonnance de classement le 2 avril 2020. Au terme de son instruction, le ministère public a cependant écarté l’hypothèse selon laquelle les fractures costales de A.________ auraient pu se produire pendant le séjour au CHUV du bébé entre le 21 et le 23 novembre 2018.

g) Sur la base du rapport du CHUV du 7 décembre 2018, qui indique sous la rubrique « status à la sortie » que, le 23 novembre 2018, le bébé ne présentait pas de signe de détresse respiratoire et que son abdomen était souple et indolore (ce qui impliquait une palpation proche de la région thoracique), on peut raisonnablement écarter l’hypothèse selon laquelle le bébé présentait déjà des fractures costales lors de l’examen de sortie. Dans la mesure où il est généralement admis que ce type de fractures provoquent, outre des douleurs intenses, des crépitations sous-cutanées et des difficultés respiratoires (ce que les parents ont eux-mêmes évoqué dans leurs dépositions), on n’imagine pas que cela aurait pu échapper au corps médical chargé de vérifier si l’état de santé de A.________ lui permettait de quitter l’hôpital. Par conséquent, tout comme le ministère public, dans son ordonnance de classement, et les experts du CURML, dans leurs rapports d’expertise, la Cour retient que les lésions, notamment les fractures costales, constatées le 26 novembre à HNe sont intervenues après le séjour hospitalier de A.________ au CHUV, lors du week-end du 24 au 25 novembre 2018, alors que l’enfant se trouvait sous la responsabilité de ses deux parents. Ce faisant, la CMPEA ne dit pas que les recourants seraient à l’origine des blessures constatées sur leur fille, mais elle ne peut pas non plus l’exclure.

h) Les secondes atteintes à l’intégrité physiques constatées sur la fillette en février 2019 – une tuméfaction avec hématome de la paupière droite ainsi qu’une tuméfaction de la pommette droite – sont survenues alors que A.________ se trouvait au domicile parental. Les médecins d’HNe qui ont constaté les lésions ne sont pas parvenus à mettre en évidence la cause de cette pathologie. Selon les experts du CURML, l’examen de l’enfant décrit par les cliniciens met en évidence des lésions consécutives à un traumatisme contondant. L’expertise retient que ces blessures sont compatibles avec le mécanisme de chute expliqué par le père (coup à la tête contre la rambarde de l’escalier), mais qu’il n’est pas possible d’exclure, vu le contexte, qu’elles soient la conséquence d’un épisode de « maltraitance physique ».

i) Durant les mesures de placement dont A.________ a fait l’objet, elle n’a plus présenté aucune atteinte à son intégrité physique.

j) S’agissant du comportement du couple parental depuis le placement de A.________, celui-ci se montre adéquat dans les soins de base à donner à l’enfant. Si le père semblait au départ réticent à l’aide qui était proposée, de l’avis des représentants de l’OPE, les parents se montrent désormais collaborants avec les acteurs sociaux qui entourent leur enfant et semblent accepter l’assistance et les conseils qui leur sont fournis.

k) Il ressort cependant du dossier que le père a manqué à son devoir élémentaire de surveillance. À deux reprises, il a laissé sa fille, âgée de quelques mois, sur la table à langer, en s’éloignant. Ce comportement a inquiété les employés d’HNe et du foyer C.________, qui en ont signalé l’inadéquation à l’égard d’un bébé. Selon l’ensemble des professionnels qui sont intervenus dans ce dossier et qui ont côtoyé de près les parents (OPE, Foyer C.________), il existe un risque que le père de A.________ ne parvienne pas toujours, en raison d’un retard mental léger, à comprendre les besoins de sa fille et à agir en conséquence.

l) Les deux courriers des voisins du couple parental qui ont été envoyés, le 9 octobre et le 10 décembre 2019 à l’APEA, ne concernent pas directement A.________ mais son frère aîné B.________. Ils se rapportent toutefois aux comportements jugés inadéquats de la mère à l’égard de ses enfants. Comme l’a retenu l’APEA, ces courriers ne constituent pas des preuves des manquements des parents, mais ils suggèrent que ces derniers rencontrent des difficultés dans l’exercice de leurs tâches parentales.  

m) Depuis le mois de novembre 2018, l’APEA est ainsi confrontée à des signes inquiétants, selon lesquels la sécurité de A.________ ne serait pas garantie, à mesure que la fillette a subi plusieurs lésions corporelles assez graves dans un intervalle de temps restreint. En particulier, les lésions aux côtes constatées lors de l’hospitalisation du 26 novembre 2018 (vingt fractures au total) sont alarmantes chez un nourrisson de quelques mois. À cela s’ajoute encore la suspicion d’une fracture au poignet gauche, qui, si elle n’a pas été associée au tableau lésionnel par les experts, n’a pas non plus été formellement exclue de ce tableau. L’enfant a été blessée à chaque fois à des moments où elle se trouvait sous la responsabilité de ses parents. Depuis la deuxième mesure de placement, il faut admettre qu’il n’a plus été constaté chez A.________ de nouvelles atteintes à son intégrité physique.

n) Le rappel des événements traumatiques de la courte existence de A.________, née le en juillet 2018 et donc âgée de bientôt deux ans – éventuellement une fracture du poignet à un moment indéterminé, multiples fractures des côtes à une date indéterminée entre les 23 et 26 novembre 2018 et choc à la tête avec hématome sur le visage et la tempe, du côté droit, le 7 février 2019 – est assez consternant et suffit en soi à retenir que, pour l’instant, l’intégrité physique de l’enfant serait gravement menacée si elle était laissée à la garde de ses parents. Selon les médecins légistes du CURML, l’enfant n’était pas blessée le 23 novembre 2018 à sa sortie du CHUV. Un événement grave s’est donc produit entre cette date et le 26 novembre 2018, alors que l’enfant était confié à la garde de ses parents. Toutefois, ni le père, ni la mère n’ont été en mesure d’expliquer de façon crédible ce qui s’était passé, ce qui est tout de même difficilement concevable. Pour le père, ces fractures seraient survenues au CHUV alors que A.________ était hospitalisée avec des adolescents qui partageaient sa chambre. Pour sa mère, ces fractures auraient été infligées à sa fille au CHUV, soit par l’équipe médicale lors d’une manipulation – massage cardiaque durant une opération – soit par les adolescents qui partageaient la chambre de sa fille. Aucune de ces explications ne convainc. Il ressort du constat des médecins légistes que l’événement traumatique survenu entre les 23 et 26 novembre 2018 était dû à un acte de maltraitance physique par un tiers et non à un acte médical (en cas de massage cardiaque, dont il n’y a aucune mention dans le dossier médical de l’enfant, les fractures auraient été d’un aspect différent. L’hypothèse que ces fractures aient été dues à une fragilité découlant d’une infirmité a aussi été éliminée. Les médecins légistes ont déterminé que l’événement traumatique à l’origine des fractures des côtes avait dû se produire peu avant les constatations des craquements décrits par la mère de l’enfant, le dimanche après-midi, soit le 25 novembre 2018, alors que l’enfant était chez ses parents.

o) A cela s’ajoute, qu’à deux reprises, le père de l’enfant a été surpris en train de s’éloigner dangereusement de la table à langer en laissant l’enfant sans surveillance, avec le risque qu’elle chute. Le 7 février 2019, alors que le père donnait le biberon à sa fille A.________, il s’est lancé dans une course poursuite avec le chien qui s’était enfui de l’appartement, alors qu’il tenait toujours l’enfant dans ses bras ; il a manqué de glisser dans les escaliers ; en rétablissant son équilibre, la tête de l’enfant a heurté un obstacle. Ces différents incidents montrent que le père ne dispose pas des compétences nécessaires – déficit d’attention l’empêchant de faire face à des situations de doubles tâches et retard mental léger – pour assumer seul la responsabilité de la prise en charge d’un enfant en bas âge. Bien que ces négligences soient documentées dans le dossier, la mère de l’enfant ne paraît pas s’en rendre compte ou refuse de les admettre, ce qui est tout aussi inquiétant. Si le placement était levé avec effet immédiat, la mère ne présenterait pas les garanties suffisantes pour suppléer aux carences du père de l’enfant.

p) Dans un tel contexte, les déclarations écrites des proches des parents ne suffisent pas pour que l’on retienne que l’enfant se trouve en sécurité auprès de ses parents.

q) Les échanges de SMS entre les père et mère en novembre 2017 sont également singuliers. Le 27 novembre 2018, entre 8h04 et 8h05, se référant aux investigations médicales en cours, le père a écrit : « J’ai trop peur putain » ; la mère a répondu : « Vrmt j’espère vrmt si elle a qqch de casser (sic) c’est pas notre faute » ; « Et pas pour une maladie » ; « Bon j’espère qu’elle a rien de casser ça c’est sur (sic) » « Mais bon » ; « J’ai appeler l’Hopital (sic) » ; « elle a passer une bonne nuit (sic)». En les lisant, on peut en effet se demander si les parents ne redoutaient pas principalement les potentielles conséquences pour eux des examens médicaux sur leur enfant.

r) Au vu de l’ensemble de ces circonstances, l’ordonnance de classement rendue par le ministère public ne constitue pas un fait nouveau particulièrement rassurant permettant de lever le placement de l’enfant, comme aurait pu l’être un jugement d’acquittement. L’ordonnance de classement du 3 avril 2020 ne dit pas cela. Elle confirme seulement que A.________ a subi des maltraitances physiques par une personne non identifiée et constate que les charges contre les parents sont insuffisantes pour leur mise en accusation, ce qui ne signifie pas qu’ils sont hors de tout soupçon et qu’une nouvelle procédure pénale ne pourrait plus être ouverte contre eux, si de nouveaux éléments à charge devaient être découverts.

s) La mesure de placement est donc encore justifiée à ce stade. Elle constitue la seule mesure adéquate pour éviter une nouvelle mise en danger de l’intégrité physique de l’enfant. En 2018, la levée de la première mesure de placement, assortie d’une assistance éducative, n’a en effet pas été suffisante pour qu’un cadre sécure soit garanti à l’enfant chez ses parents. La mesure de placement qui a été ordonnée ensuite est donc conforme au principe de proportionnalité. Les aides ambulatoires nombreuses envisagées par la curatrice montrent bien quel défi la levée du placement lancerait aux services d’aide à domicile et à l’OPE, s’il était question de trouver une alternative au placement. Il est donc prématuré d’ordonner une levée immédiate de cette mesure, même si les rapports des recourants avec leur fille sont de bonne qualité et si l’OPE recommande un élargissement progressif du droit de visite. À cet égard, l’APEA examinera, notamment en se fondant sur le rapport de l’OPE du 14 mai 2020, si le droit de visite des parents peut être élargi et quelles mesures ambulatoires devront être ordonnées pour venir en aide à cette famille. Ainsi, même si l’évolution familiale est aujourd’hui jugée positive, il apparaît prématuré de restituer aux recourants la garde de leur enfant. Enfin, l’élargissement progressif du droit de visite est une chose, la levée du placement en est une autre. Les recourants, dont la fille ne demeure chez eux que quelques jours par semaine, bénéficient actuellement de jours de repos durant lesquels ils ne doivent pas s’occuper de celle-ci. Quand il s’agira de lever le placement, ils devront faire face à cette charge sept jours sur sept, ce qui générera une plus grande charge émotionnelle et un plus grand risque d’erreur dans la prise en charge de l’enfant, Quoi qu’il en soit, le dossier ne contient pas d’élément qui indiquerait que les recourants seraient prêts à supporter les conséquences de la levée du placement avec effet immédiat. Ce n’est en tout cas pas ce que disent les derniers rapports de l’OPE. Le recours doit donc être rejeté.

5.                                a) L'article 308 al. 1 CC prévoit que, lorsque les circonstances l'exigent, l'autorité de protection de l’enfant nomme un curateur qui assiste les père et mère de ses conseils et de son appui dans la prise en charge de l'enfant.

b) Selon la jurisprudence (arrêts du TF du 02.03.2009 [5A_839/2008] cons. 4 et du 31.05.2011 [5A_840/2010] cons. 3.1, avec les références ; cf. aussi arrêt du TF du 12.05.2017 [5A_156/2016] cons. 4), l'institution d'une curatelle d’assistance éducative suppose d'abord, comme pour toute mesure protectrice, que le développement de l'enfant soit menacé, que ce danger ne puisse être prévenu par les père et mère eux-mêmes, ni par les mesures plus limitées de l'article 307 CC (principe de subsidiarité), et que l'intervention active d'un conseiller apparaisse appropriée pour atteindre ce but (principe de l'adéquation), mais elle ne présuppose pas le consentement des parents de l'enfant. La doctrine rappelle en outre que la curatelle éducative prend notamment tout son sens lorsque les titulaires de l’autorité parentale sont – momentanément – dépassés par la prise en charge d’un enfant, en raison de difficultés personnelles ou de problèmes médicaux et/ou éducatifs de l’enfant lui-même (Meier, in : CR CC I, n. 7 ad art. 308). Les conseils et l’appui que le curateur fournit aux parents peuvent prendre la forme de recommandations, voire de directives concernant l’éducation de l’enfant, mais une action directe du curateur est aussi possible (Meier/Stettler, Droit suisse de la filiation, 5ème édition, no 1264 p. 831).

c) En l’occurrence, les père et mère ont besoin d’être appuyés. Le père, dont les capacités parentales sont faibles, pourra ainsi recevoir des conseils et l’appui de la curatrice pour prendre en charge sa fille correctement ; quand l’enfant grandira, la curatrice pourra travailler au renforcement des capacités éducatives du père, pour qu’il s’adapte à l’évolution des besoins de l’enfant. La curatrice viendra aussi en aide à la mère pour lui rappeler quelles sont les difficultés du père de l’enfant et pour renforcer ses capacités à distinguer le bien de l’enfant en toute situation, même en cas de conflit avec ses propres intérêts. Elle devra aussi organiser l’exercice du droit de visite des père et mère, tant que l’enfant sera placée. L’institution d’une mesure de curatelle au sens de l’article 308 al. 1 et 2 CC échappe donc à toute critique. Le recours doit donc aussi être rejeté pour ce motif.

6.                                Il convient de réserver la possibilité d’un retour à moyen terme de l’enfant au domicile parental, sachant que les mesures de protection de l'enfant (art. 307 ss CC) peuvent être modifiées en tout temps en cas de changement des circonstances (art. 313 al. 1 CC; arrêt du TF du 03.09.2019 [5A_153/2019] cons. 4.4 ; ATF 120 II 384 cons. 4d).

7.                                Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté. Vu la nature de la cause, il sera statué sans frais. Il sera statué ultérieurement sur l’indemnité d’avocat d’office due au mandataire des recourants, sur la base de son résumé d’activités à présenter dans les 10 jours ou, à défaut, sur la base du dossier.

Par ces motifs,
la Cour des mesures de protection
de l'enfant et de l'adulte

1.    Rejette le recours.

2.    Statue sans frais.

3.    Dit qu’il sera statué ultérieurement sur l’indemnité d’avocat d’office de Me D.________.

Neuchâtel, le 29 juin 2020

 

Art. 3101CC
Retrait du droit de déterminer le lieu de résidence2
 

1 Lorsqu’elle ne peut éviter autrement que le développement de l’enfant ne soit compromis, l’autorité de protection de l’enfant retire l’enfant aux père et mère ou aux tiers chez qui il se trouve et le place de façon appropriée.

2 À la demande des père et mère ou de l’enfant, l’autorité de protection de l’enfant prend les mêmes mesures lorsque les rapports entre eux sont si gravement atteints que le maintien de l’enfant dans la communauté familiale est devenu insupportable et que, selon toute prévision, d’autres moyens seraient inefficaces.

3 Lorsqu’un enfant a vécu longtemps chez des parents nourriciers, l’autorité de protection de l’enfant peut interdire aux père et mère de le reprendre s’il existe une menace sérieuse que son développement soit ainsi compromis.


1 Nouvelle teneur selon le ch. I 1 de la LF du 25 juin 1976, en vigueur depuis le 1er janv. 1978 (RO 1977 237; FF 1974 II 1).
2 Nouvelle teneur selon le ch. I de la LF du 21 juin 2013 (Autorité parentale), en vigueur depuis le 1er juil. 2014 (RO 2014 357; FF 2011 8315).