C O N S I D E R A N T

en droit

1.                            a) Conformément à l'article 445 alinéa 3 CC, applicable à la protection des mineurs par le renvoi de l'art. 314 CC, toute décision relative aux mesures provisionnelles peut faire l'objet d'un recours dans les dix jours à compter de sa notification. Le recours doit être dûment motivé et interjeté par écrit auprès du juge (al. 450 al. 3 CC). D'après l'article 43 OJN, la CMPEA connaît des recours contre les décisions rendues par l'APEA. Le recours peut être formé pour violation du droit, constatation fausse ou incomplète des faits pertinents et inopportunité de la décision (art. 450a al. 1 CC).

                        b) Le recours a été déposé dans les formes et délai légaux, par la mère des mineurs concernés, contre une décision de mesures provisionnelles rendue par la présidente de l’APEA. Il est recevable.

                        c) La CMPEA établit les faits d’office et elle peut rechercher et administrer les preuves nécessaires ; elle n’est pas liée par les conclusions des parties et applique le droit d’office (art. 446 CC, dont les principes et règles sont également applicables en procédure de recours : Steinauer/Fountoulakis, Droit des personnes physiques et de la protection de l’adulte, 2014, n. 1128 p. 504). Compte tenu du renvoi de l’article 450f CC aux règles du CPC, l’article 229 al. 3 CPC est applicable, de sorte que les faits et moyens de preuve nouveaux sont admis jusqu’aux délibérations. Cela vaut aussi en deuxième instance (Steck, Basler Kommentar, Zivilgesetzbuch I, art. 1-456 CC, 5ème éd., n. 7 ad art. 450a CC).

2.                            À titre préalable, on peut constater que si des mesures provisionnelles ont été prises par le président de la CMPEA durant la procédure de recours, qui modifiaient la situation par rapport à celle qui résultait de la décision entreprise, la dernière décision provisionnelle, rendue le 15 avril 2020, aboutit au résultat que les trois enfants sont placés au Foyer A.________, comme l’avait décidé la présidente de l’APEA dans sa décision du 7 février 2020. L’intérêt de la recourante à ce que soit revue la décision entreprise subsiste donc entièrement.

3.                            a) Selon l’article 310 al. 1 CC, lorsqu'elle ne peut éviter autrement que le développement de l'enfant ne soit compromis, l'autorité de protection de l'enfant retire l'enfant aux père et mère ou aux tiers chez qui il se trouve et le place de façon appropriée.

                        b) D’après la jurisprudence (arrêts du TF du 29.08.2019 [5A_293/2019] cons. 5.2.2 et du 19.06.2017 [5A_993/2016] cons. 4.2.2), cette mesure de protection a pour effet que le droit de garde passe des père et mère à l'autorité, qui détermine dès lors le lieu de résidence de l'enfant et, partant, choisit son encadrement. La cause du retrait doit résider dans le fait que le développement corporel, intellectuel ou moral de l'enfant n'est pas assez protégé ou encouragé dans le milieu de ses père et mère ou dans celui où ceux-ci l'ont placé. Les raisons de la mise en danger du développement importent peu : elles peuvent être liées au milieu dans lequel évolue l'enfant ou résider dans le comportement inadéquat de celui-ci, des parents ou d'autres personnes de l'entourage. Le fait que les parents soient ou non responsables de la mise en danger ne joue pas non plus de rôle. Il convient d'être restrictif dans l'appréciation des circonstances, un retrait n'étant envisageable que si d'autres mesures ont été vouées à l'échec ou apparaissent d'emblée insuffisantes. Une mesure de retrait du droit de déterminer le lieu de résidence de l'enfant n'est ainsi légitime que s'il n'est pas possible de prévenir le danger par les mesures moins incisives prévues aux articles 307 et 308 CC (principes de proportionnalité et de subsidiarité).

                        c) En l’espèce, le simple rappel, plus haut, des événements survenus dans la famille de X.________ depuis 2016 suffirait en soi à constater que le développement des enfants serait, en l’état, gravement mis en danger s’ils étaient laissés à la garde de leur mère. Le père connaît des problèmes psychiques importants, qui l’amènent à des comportements qui ne peuvent qu’être très perturbants pour les enfants. Depuis 2015 et encore quelques jours après la décision entreprise, il a commis des violences physiques sérieuses sur son épouse, ceci à de nombreuses reprises, déjà avant la naissance de leur premier enfant, puis en présence de celui-ci, puis encore en présence des deux aînés. Il recourt aussi à la violence verbale, avec encore un épisode très inquiétant le 25 février 2020, après la décision entreprise et alors qu’il se trouvait en détention (menaces de mort envers l’épouse et d’ailleurs aussi la curatrice, formulées en partie directement envers sa femme et aussi en parlant au téléphone avec l’éducateur de référence de la FADS, qui tentait de le calmer). Ces violences sont largement documentées par le dossier. Le père manifeste une certaine tendance à minimiser ces actes et leurs conséquences. Depuis des années, il consomme des stupéfiants, soit de la cocaïne, puis des méthamphétamines, et un suivi au CPTT ne suffit pas pour l’en empêcher. Ces drogues sont notoirement dangereuses et peuvent amener ceux qui les prennent à des comportements irrationnels, voire dangereux pour eux-mêmes et des tiers. Pendant longtemps, la mère n’a pas eu connaissance des consommations de son mari, mais a été exposée, de même que les enfants, à leurs conséquences. Les assurances que le père a données à diverses reprises quant à sa situation en matière de drogues se sont souvent révélées fausses. L’état psychique du prévenu l’amène à soupçonner – sans aucun doute à tort – qu’il est espionné, avec notamment des microphones qui seraient dissimulés chez lui, et à entendre des voix qui lui diraient que son épouse le trompe ou l’a trompé avec un voisin. Ces éléments, ajoutés à la violence coutumière du père envers sa femme et aux menaces qu’il a encore récemment proférées envers elle, amènent à retenir un risque sérieux de débordements en présence des enfants, s’ils se trouvaient avec leurs père et mère au domicile de cette dernière ou en tout autre lieu. Le dossier documente en outre très largement l’ambivalence de la mère, qui en périodes de crises et lorsqu’elle se trouve dans un milieu qui la protège, exprime sans doute sincèrement sa volonté de se séparer de son mari et ainsi d’assurer à ses enfants la protection qu’ils méritent, mais finit toujours par renouer les contacts avec son mari et à le voir dans des conditions qui mettent le développement des enfants en danger. Il est possible que, comme elle le prétend et contrairement aux éléments rapportés par la curatrice, elle n’ait en fait pas vu son mari après l’accouchement de leur troisième enfant, mais il n’en reste pas moins qu’elle a pris le risque, en se rendant dans l’appartement de Z.________ le 30 mars 2020, d’y rencontrer son mari (la recourante ne pouvait pas forcément compter sur le fait que son mari, avec qui elle n’aurait plus eu de contacts à cette époque, habitait en fait encore chez sa sœur, comme il l’avait dit à l’audience du 21 mars 2018). Dans un passé récent, la recourante a, alors qu’elle était placée en un lieu secret pour se protéger de son mari, révélé ce lieu à celui-ci, ce qui lui a donné l’occasion de venir sur place et de provoquer des esclandres. Elle s’est aussi rendue auprès de son mari, avec les enfants qu’elle avait alors, pendant des périodes où elle assurait vouloir une séparation définitive et où le père se trouvait dans une situation personnelle, en particulier du point de vue psychique et de la consommation de drogues dangereuses, qui finissait par aboutir à des violences. À l’heure actuelle, la situation est particulièrement inquiétante, au vu des événements survenus depuis que la décision entreprise a été rendue : alors que la mère assurait à l’audience du 7 février 2020, qu’il n’y avait pas eu de cris à la maison les derniers temps et qu’elle était prête à reprendre la vie commune avec son mari si une évaluation de celui-ci disait qu’il pouvait rentrer à la maison, et que le père disait qu’il n’y avait plus de violences au sein du couple, le mari adressait un appel téléphonique délirant à la police le 12 février 2020, violentait son épouse le lendemain et devait être hospitalisé d’office à la suite de ces faits, présentant alors un tableau clinique avec des « idées délirantes de jalousie et de persécution [et des] hallucinations auditives », sur un fond de consommation de méthamphétamine, une « décompensation psychotique, [avec] risque hétéro-agressif envers l’épouse du patient » étant alors diagnostiquée. Ces événements, survenus durant la procédure de recours, ne peuvent pas inciter à l’optimisme, ni amener au constat que la mère disposerait actuellement des ressources personnelles nécessaires pour se soustraire à l’emprise de son mari. Le risque est évident que si la mesure de placement des enfants était annulée, la mère ne tarde pas à accueillir à nouveau le père chez elle où à se rendre chez lui, avec les enfants, exposant ceux-ci, avec une probabilité non négligeable, à la survenance d’événements de nature à compromettre leur développement, au vu de l’état de leur père. Sur la base de l’enchaînement des événements depuis 2016, il faut comprendre que la mère, en raison de son isolement social lié à son déracinement, à sa mauvaise connaissance de la langue française, au comportement de son mari (à qui il est notamment arrivé régulièrement de l’enfermer chez elle) et au fait qu’elle ne fréquente apparemment que des membres de sa belle-famille (soit en particulier les sœurs de son mari), ainsi qu’en fonction de la pitié qu’elle ressent envers son mari, peine à couper avec lui des liens qui, en l’état actuel des choses, ne peuvent que lui être nuisibles, ainsi qu’aux enfants. Même si on peut donner acte à la recourante qu’elle s’est bien occupée de sa dernière-née jusqu’au placement intervenu le 14 avril 2020 et si rien au dossier ne permet de penser qu’elle aurait négligé ses autres enfants lorsqu’ils vivaient encore avec elle, le constat doit être fait que son ambivalence dans sa relation avec son mari et le comportement général de ce dernier exposent les trois enfants à des risques importants pour leur développement. Il résulte d’ailleurs du dossier que l’enfant B.________ souffre déjà de sérieux troubles de développement, en particulier en ce qui concerne le langage, troubles dont la recourante ne semble pas avoir vraiment conscience et dont on ne peut exclure en l’état qu’ils puissent avoir été causés, en partie au moins, par la confrontation de l’enfant à des actes de violence ou d’autres comportements irrationnels de son père. De nombreuses aides de diverses natures ont été apportées à la famille et à ses membres individuellement, durant les dernières années, par l’OPE, la curatrice, la Croix-Rouge, le CUP, le CNP, le CPTT, l’UF, la FADS, les foyers A.________ et C.________, la police et l’APEA (on en oublie peut-être). Ces aides n’ont pas suffi à offrir aux enfants, jusqu’ici, un cadre favorable à leur développement. Des placements mère-enfant n’ont pas non plus permis de stabiliser durablement la situation. On ne pourrait pas attendre des sœurs du père qu’elles protègent efficacement les enfants contre celui-ci. Comme l’a relevé la présidente de l’APEA, leur déléguer en quelque sorte une surveillance ne peut pas être adéquat. Il convient enfin de ne pas perdre de vue qu’il s’agit ici de statuer sur des mesures provisionnelles, qui supposent qu’il soit statué en urgence, sans forcément que les faits aient été définitivement établis et sans préjudice de la décision que l’APEA sera amenée à rendre prochainement. Dans cette perspective, le placement des enfants est en tout cas justifié à ce stade, en tant que seule solution permettant, à titre provisionnel, d’éviter d’exposer les enfants à des risques sérieux pour leur développement. Le recours doit dès lors être rejeté.

                        d) La recourante ne formule pas de critique spécifique contre la réglementation du droit de visite par la décision entreprise. Il n’y a pas lieu de revoir la question, sinon pour constater que les mesures prises paraissent opportunes, mais qu’un droit de visite plus large de la mère pourrait être envisagé quand la situation sanitaire dans la région le permettra.

                        e) Il appartiendra à l’APEA, dans le cadre de l’examen auquel elle devra procéder pour statuer sur le maintien ou non des mesures provisionnelles, de recueillir les éléments nécessaires pour l’établissement des faits (au vu notamment des objections de la recourante quant aux constats de la curatrice dans son dernier rapport), ainsi que d’obtenir, auprès des différents intervenants, les informations utiles sur l’évolution de la situation, en particulier en ce qui concerne l’état du père et les perspectives qui s’offriraient pour un retour des enfants auprès de leur mère, voire – mais cette perspective semble plus aléatoire et en tout cas plus lointaine – d’une réunion de la famille si tel devait être le souhait des parents.

4.                            Vu la nature de la cause, il sera statué sans frais. Le mandataire d’office de la recourante sera invité à déposer son mémoire d’activité, en vue de la fixation de son indemnité.

Par ces motifs,
la Cour des mesures de protection
de l'enfant et de l'adulte

1.    Rejette le recours.

2.    Invite à Me D.________ à déposer dans les 10 jours son relevé d’activité, en vue de la fixation de son indemnité d’avocat d’office.

3.    Statue sans frais.

Neuchâtel, le 29 avril 2020

Art. 3101CC
Retrait du droit de déterminer le lieu de résidence2
 

1 Lorsqu’elle ne peut éviter autrement que le développement de l’enfant ne soit compromis, l’autorité de protection de l’enfant retire l’enfant aux père et mère ou aux tiers chez qui il se trouve et le place de façon appropriée.

2 À la demande des père et mère ou de l’enfant, l’autorité de protection de l’enfant prend les mêmes mesures lorsque les rapports entre eux sont si gravement atteints que le maintien de l’enfant dans la communauté familiale est devenu insupportable et que, selon toute prévision, d’autres moyens seraient inefficaces.

3 Lorsqu’un enfant a vécu longtemps chez des parents nourriciers, l’autorité de protection de l’enfant peut interdire aux père et mère de le reprendre s’il existe une menace sérieuse que son développement soit ainsi compromis.


1 Nouvelle teneur selon le ch. I 1 de la LF du 25 juin 1976, en vigueur depuis le 1er janv. 1978 (RO 1977 237; FF 1974 II 1).
2 Nouvelle teneur selon le ch. I de la LF du 21 juin 2013 (Autorité parentale), en vigueur depuis le 1er juil. 2014 (RO 2014 357; FF 2011 8315).