A.                              a) Par courriels des 10 et 13 avril 2018, la Gérance X.________ SA a signalé au Service de la sécurité urbaine de Z.________ un « [p]arcage abusif sur place privé (sic) n°7 », à « aaaa » sur l’article du cadastre « D[...] » de la part d’un véhicule de marque [MARQUE] blanc immatriculé NE [...], respectivement le 10 avril 2018 à 9h37 et le 13 avril 2018 à 9h23. Ces courriels sont générés automatiquement lorsque l’on remplit le formulaire intitulé « PARCAGE ABUSIF SUR TERRAIN PRIVÉ », disponible sur le site internet Z.________.

                        b) Les 16, 18, 20 et 24 avril 2018, X.________ a envoyé 8 courriels similaires pour « [p]arcage abusif » constaté respectivement les 14 avril 2018 à 10h00,15 avril 2018 à 9h45, 16 avril 2018 à 12h55, 18 avril 2018 à 9h11, 19 avril 2018 à 12h24, 20 avril 2018 à 13h50, 21 avril 2018 à 9h30 et 23 avril 2018 à 14h46.

                        c) Par courriels des 12, 13, 17, 19, 20, 24 et 25 avril 2018, le Service de la sécurité urbaine a transféré les différentes « plaintes » au Bureau des amendes d’ordre du Service de la justice.

B.                              a) Le 6 août 2018, le Service de la justice a rendu deux ordonnances pénales administratives à l’encontre de Y.________ pour les faits survenus le 10 avril 2018 et le 13 avril 2018, le condamnant à chaque fois à une amende de 100 francs et au paiement des frais à hauteur de 60 francs, pour violation de l’article 22 du Code pénal neuchâtelois (CPN, RSN 312.0), réprimant la violation d’une interdiction de passage.

                        Y.________ a formé opposition à l’encontre de ces ordonnances pénales administratives le 17 août 2018, en précisant contester avoir commis les infractions qui lui étaient reprochées et être victime d’une machination.

                        b) Le 20 août 2018, le Bureau des frais de justice a rendu huit ordonnances pénales administratives à l’encontre de Y.________ pour les faits survenus respectivement le 14 avril 2018, le 15 avril 2018, le 16 avril 2018, le 18 avril 2018, le 19 avril 2018, le 20 avril 2018, le 21 avril 2018 et le 23 avril 2018, le condamnant à chaque fois à une amende de 100 francs ainsi qu’au paiement des frais à hauteur de 60 francs, pour violation de l’article 22 CPN.

                        Y.________ a formé opposition à l’encontre de ces ordonnances pénales administratives le 31 août 2018, en précisant contester avoir commis les infractions qui lui étaient reprochées.

C.                              Le 29 août 2018, le Service de la justice a transmis l’opposition du 17 août 2018 et le dossier y relatif au Ministère public. Il en a fait de même le 6 septembre 2018 en rapport avec l’opposition du 31 août 2018.

D.                              a) Le 3 avril 2019, le Ministère public a imparti un délai à X.________ pour lui faire part de ses observations éventuelles et lui indiquer qui était locataire de la place de parc n° 7 en avril 2018 ; si Y.________ – ou un autre membre de sa famille – était locataire d’une autre place de parc dans ce garage en avril 2018, et le cas échéant laquelle ; si, un badge ou une clé était nécessaire pour accéder à ces places de parc privées ou si au contraire elles étaient librement accessibles.

                        b) Après qu’un rappel lui a été adressé le 30 avril 2019, X.________ a répondu, le 15 mai 2019, que Y.________ était locataire de la place de parc n° 7 jusqu’au 31 mars 2018 ; qu’il ne disposait donc plus de place de parc dès le 1er avril 2018, suite à la résiliation de son contrat de bail ; que la télécommande donnant accès au parking avait été réclamée à Y.________ le 4 avril 2018.

                        c) Invité par le Ministère public à se déterminer, Y.________ a répondu avoir restitué la télécommande donnant accès au parking le 4 avril 2018, si bien qu’il ne pouvait pas avoir continué de garer son véhicule dans ce parking au-delà de cette date. En annexe à sa prise de position, il déposait quatre lettres adressées par son avocat à X.________.

                        Dans la première, datée du 14 mai 2018, Y.________ exposait avoir restitué la télécommande d’accès au garage le 4 avril 2018, ne pas avoir pu garer son véhicule dans ce parking après cette date et être victime de malveillance en rapport avec « dix plaintes qui seraient justifiées par le fait qu’il a continué à parquer régulièrement son véhicule sur sa place durant le mois d’avril 2018 ». Il demandait à X.________ de lui indiquer, dans les dix cas, qui était la personne qui l’avait dénoncé.

                        La deuxième (datée du 13 juin 2018) et la troisième (datée du 6 juillet 2018) consistent des relances en vue d’obtenir une réponse de X.________.

                        De la quatrième, datée du 5 septembre 2018, il ressort que X.________ considère que Y.________ a menti à son avocat et que ce dernier estime pour sa part que les réponses données par X.________ sur l’identité de la personne ou des personnes l’ayant dénoncé « n’ont cessé de varier ».

                        d) Le 15 octobre 2019, le Ministère public a demandé à X.________ de lui fournir des informations supplémentaires, ainsi que « tout document utile à cette affaire (mise à ban, contrat de location de place de parc…) ». Après avoir reçu deux rappels, X.________ a répondu le 5 décembre 2019 qu’elle ne « remett[ait] malheureusement plus la main sur les pièces demandées » et n’avait pas d’autre choix que de demander au Ministère public de classer cette affaire.

                        e) Le 12 mai 2020, le Ministère public a prononcé le classement des ordonnances pénales administratives OPA[1], OPA[2], OPA[3], OPA[4], OPA [5], OPA[6], OPA[7] et OPA[8].

                        f) Le 18 mai 2020, Y.________ a conclu au classement de la procédure et à ce que X.________ soit condamnée à lui payer une indemnité au sens de l’article 432 al. 2 CPP et transmis au Ministère public un mémoire de frais et honoraires portant sur un total de 1'457.15 francs.

                        Le 19 mai 2020, Y.________ a demandé au Ministère public de faire le nécessaire pour que les ordonnances pénales administratives OPA [10] et OPA [9] soient également annulées.

                        g) Le 15 juillet 2020, le Ministère public a prononcé le classement des ordonnances pénales administratives OPA [9] et OPA [10], en précisant qu’il statuerait sur l’indemnité au sens des articles 429 et 432 al. 2 CPP dans une décision séparée.

                        h) Par ordonnance en matière d’indemnisation du 15 juillet 2020, le Ministère public a dit qu’il n’y avait pas lieu d’octroyer une indemnité fondée sur les articles 429 et 432 al. 2 CPP à Y.________. À l’appui de ce prononcé, il a retenu, en résumé, que l’avocat du prénommé n’avait été sollicité qu’une seule fois pour déposer des observations ; que ces observations auraient pu être formulées par le prévenu lui-même ;  que ses dépenses avaient donc été insignifiantes ; que l’assistance d’un mandataire professionnel n’était pas nécessaire ; que les conditions de l’article 432 al. 2 CPP n’étaient pas réunies, à mesure que les infractions n’étaient pas poursuivies sur plainte mais sur dénonciation et qu’aucune faute ne pouvait être retenue à l’encontre de X.________, du fait que la personne qui gérait le dossier ne travaillait plus au sein de ladite société et que son remplaçant n’avait pas été en mesure de fournir les pièces requises.

E.                               Y.________ recourt contre cette décision le 27 juillet 2020, en concluant principalement à son annulation et à ce que X.________ soit condamnée à lui verser une indemnité pour frais de défense « selon mémoire du 18 mai 2020 », subsidiairement à ce que cette indemnité soit mise à la charge de l’État, le tout avec suite de frais et dépens. En substance, il fait valoir que l’infraction de violation d’une mise à ban est réprimée par l’article 258 CPC et non par l’article 22 CPN ; que cette infraction se poursuit uniquement sur plainte ; que X.________ doit partant être considérée comme plaignante et non comme dénonciatrice ; que cette société a agi de manière téméraire ou par négligence grave ; que le Ministère public a considéré à tort que l’assistance d’un mandataire n’était pas nécessaire, du fait que des dénonciations abusives avaient eu lieu dans un contexte de harcèlement à son égard, qu’il était extrêmement difficile de communiquer avec X.________, qu’il est toujours difficile de démontrer que l’on est victime d’un harcèlement dans un tel dossier, que dès le moment où une autorité administrative est entrée en matière sur ces plaintes, alors même que les dénonciations étaient abusives, la nécessité de consulter un mandataire était renforcée et parfaitement raisonnable dans une telle situation, ce d’autant plus que le montant cumulé des amendes (1'600 francs) était élevé au regard des moyens financiers du recourant, que ces ordonnances avaient eu un impact important pour lui car il n’avait pas pu entamer sa procédure de naturalisation et que les frais de défense en question étaient loin d’être insignifiants.

F.                               Le Ministère public conclut au rejet du recours. Il s’en remet à l’appréciation de l’Autorité de céans sur la question de savoir si les mises à ban de droit cantonal doivent ou non céder le pas devant la mise à ban générale de l’article 258 CPC. S’agissant de l’application de l’article 432 al. 2 CPP, il maintient que X.________ n’a pas déposé plainte contre Y.________ et qu’aucun élément ne permet de retenir qu’elle ait agi avec témérité. Toujours selon le Ministère public,
Y.________ ne dépose aucun élément à même de prouver qu’il aurait été victime de personnes malveillantes. Enfin, l’intervention d’un avocat n’était pas nécessaire, au sens de l’article 429 al. 1 let. a CPP, notamment du fait que seules des contraventions étaient en cause, si bien que l’affaire ne présentait pas une importance suffisante.

G.                              Le 19 août 2020, le recourant fait valoir que l’article 258 CPC est seul applicable en l’espèce, si bien que X.________ est immanquablement plaignante, sans quoi l’ensemble de l’instruction ouverte à son encontre serait illégale, ce qui justifierait d’autant plus une indemnisation de ses frais de défense. Le comportement de X.________ doit être considéré comme téméraire, dans la mesure où l’explication selon laquelle le départ d’un collaborateur l’empêcherait de produire les moyens de preuve dont elle dispose n’est pas satisfaisante. De plus, les dénonciations ont été faites de mauvaise foi car les photos déposées à l’appui des dénonciations sont les mêmes. La somme des contraventions qui étaient en jeu – 1'600 francs – n’est pas négligeable pour une personne de condition modeste. La question de savoir si c’est l’article 22 CPN ou l’article 258 CPC qui s’applique est enfin une question juridique complexe, ce qui justifiait aussi l’intervention d’un avocat.

H.                              Le Ministère public a renoncé à dupliquer.

C O N S I D E R A N T

1.                                Interjeté dans les formes et délai légaux par une partie disposant d’un intérêt juridique (le recourant réclame 1'457.15 francs principalement à X.________ et subsidiairement à l’état), le recours est recevable.

2.                                Le recours portant exclusivement sur une conséquence économique accessoire de la décision entreprise, soit le refus d’accorder au prévenu une indemnité sur la base de l’article 432 CPP, subsidiairement de l’article 429 al. 1 let. a CPP, dont le montant litigieux n’excède pas 5'000 francs, l’article 395 let. b CPP prévoit que la direction de la procédure statue seule sur le recours. Cette disposition vise uniquement à alléger la tâche de l'autorité de recours (arrêt du TF du 18.04.2016 [6B_177/2016] cons. 4), en soustrayant les affaires « de peu d’importance » à l’examen du plenum de la juridiction (Sträuli in CR CPP, 2e éd., n. 2 ad art. 395 et les réf. citées). La pratique constante du Tribunal cantonal de la République et Canton de Neuchâtel consiste toutefois à faire trancher ces litiges également par trois juges, conformément à la règle ancrée à l’article 37 al. 1 (cum 34 let. c) de la loi d’organisation judiciaire neuchâteloise (OJN, RSN 161.1). Cette manière de procéder concrétise l’adage selon lequel « qui peut le plus peut le moins » ; elle a par ailleurs été validée par le Tribunal fédéral (arrêt du 18.04.2016 déjà cité, cons. 4).

L’autorité de recours en matière pénale jouit d’un plein pouvoir d’examen en fait, en droit et en opportunité (art. 393 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par les conclusions de celles-ci (art. 391 CPP).

3.                                a) Aux termes de l'article 429 al. 1 let. a CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure. L'indemnité couvre en particulier les honoraires d'avocat, à condition que le recours à celui-ci procède d'un exercice raisonnable des droits de procédure (arrêt du TF du 27.01.2020 [6B_1272/2019] cons. 3.1). Selon le Message du Conseil fédéral, l'état ne prend en charge les frais de défense que si l'assistance d'un avocat était nécessaire compte tenu de la complexité de l'affaire en fait ou en droit et que le volume de travail et donc les honoraires étaient ainsi justifiés (Message du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, FF 2006 1312, ch. 2.10.3.1). Il convient de s’en tenir aux deux conditions cumulatives mentionnées dans le message du Conseil fédéral, en ce sens que tant le concours du défenseur que le volume de son travail doivent s’avérer proportionnés (ATF 138 IV 197 cons. 2.3.4 [trad. JdT 2013 IV 184]).

                        b) Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l’intervention d’un avocat entrant dans « l’exercice raisonnable de ses droits de procédure » par le prévenu au sens de l’article 429, alinéa 1, lettre a CPP – qui concerne exclusivement l’intervention d’un avocat de choix et non celle d’un avocat d’office (ATF 139 IV 261 cons. 2.2.2 ; arrêts du TF du 22.11.2017 [6B_1049/2016] cons. 3.1.1 et 3.3 ; du 10.10.2016 [6B_1104/2015] cons. 2.2) – doit être interprétée de manière beaucoup plus large que celle de la nécessité de l’intervention d’un avocat « justifiée pour sauvegarder [l]es intérêts » du prévenu au sens de l’article 132, alinéa 1er, lettre b CPP – qui concerne les conditions de la défense d’office du prévenu (ATF 138 IV 197 cons. 2.3.3). Autrement dit, le concours d’un défenseur de choix peut constituer un exercice raisonnable des droits de procédure, même lorsqu’il n’apparaît pas d’emblée indispensable (idem).

                        c) De manière générale, le recours du prévenu à un avocat paraît objectivement justifié à tout le moins à partir d’une certaine gravité de l’accusation ; il ne faut en effet pas perdre de vue que l’article 429 al. 1 let. a CPP a pour objectif de protéger les intérêts d’une personne accusée à tort par l’État, qui se trouve mêlée contre sa volonté à une procédure pénale (si le prévenu a provoqué illicitement et fautivement l’ouverture de la procédure, l’indemnité peut être réduite ou refusée, malgré une innocence présumée, conformément à l’art. 430 al. 1 let. a CPP) ; en outre, le droit pénal matériel et le droit de procédure pénale sont complexes et représentent une charge et un défi importants, en particulier pour les personnes qui n’ont pas l’habitude de la procédure ; celui qui se défend seul se trouve ainsi défavorisé a priori ; cela vaut de manière générale, indépendamment de la gravité de l’accusation ; au moment de déterminer si le recours à un avocat revêt un caractère raisonnable, la durée de la procédure et ses effets sur les relations personnelles et professionnelles du prévenu doivent être pris en considération, à côté de la gravité de l’accusation et de la complexité du cas en fait et en droit (ATF 138 IV 197 cons. 2.3.5). 

                        Par rapport à un délit ou à un crime, ce n'est qu'exceptionnellement que l'assistance d'un avocat peut être considérée comme ne constituant pas un exercice raisonnable des droits de la défense ; cela pourrait par exemple être le cas lorsque la procédure fait immédiatement l'objet d'un classement après une première audition (arrêt du TF du 25.02.2016 [6B_403/2015] cons. 2.1 et les arrêts cités).

                        En cas de contravention, on ne peut pas partir du principe que le prévenu a en quelque sorte le devoir civique de supporter lui-même ses frais de défense (ATF 138 IV 197 cons. 2.3.5)

                        d) En ce qui concerne le caractère proportionné du volume de travail de l’avocat, ce dernier devra se limiter à un minimum, dans les cas juridiquement simples (ATF 138 IV 197 cons. 2.3.5).

4.                                En l’espèce, le recourant a été condamné, par le biais de dix ordonnances pénales administratives à des amendes pour 1'000 francs en tout et à des frais de procédure pour un total de 600 francs. Si les montants en jeu sont certes non négligeables, on ignore toutefois quelle est la situation économique du recourant (tout au plus ressort-il du dossier qu’il est détenteur d’un véhicule plutôt récent et luxueux), si bien que, contrairement à ce qu’il allègue, le montant en jeu ne saurait d’emblée être qualifié de considérable pour lui.

                         Le recourant ne peut pas davantage être suivi lorsqu’il fait valoir que la cause présentait une difficulté en droit, en rapport avec la question de savoir si c’était l’article 22 CPN ou l’article 258 CPC qui trouvait application. En effet, sur le fond, il était reproché au recourant d’avoir garé son véhicule sur la place privée n° 7 se trouvant dans un garage souterrain à [aaaa], en dates des 10, 13, 16, 18, 20 et 24 avril 2018, soit à des dates où il n’avait pas le droit de le faire, au motif que le bail qu’il avait signé relativement à la location de cette place était parvenu à échéance le 31 mars 2018. Or la ligne de défense de Y.________ était qu’il n’avait pas commis les faits qui lui étaient reprochés : il avait restitué à X.________ la télécommande donnant accès au garage en date du 4 avril 2018, si bien qu’il lui était matériellement impossible d’accéder à la place de parc litigieuse après cette date. À mesure que les faits reprochés au prévenu ne pouvaient être retenus, la question de savoir comment ils auraient dû être qualifiés juridiquement, pour l’hypothèse où ils auraient été avérés, n’est évidemment pas pertinente.

                        Si le recourant a allégué le 27 avril 2020 avoir l’intention de déposer une demande de naturalisation, les contraventions ne sont en principe pas inscrites au casier judiciaire (art. 9 let. d de l’ordonnance sur le casier judiciaire [RS 331]). Le candidat à la naturalisation a toutefois tout intérêt à ne pas être défavorablement connu des services de police, ce qui pourrait être le cas de celui qui accumule des amendes non-inscrites. Dans le cas d’espèce, la police n’a pas eu à intervenir, puisque les dénonciations ont été adressées au Bureau des amendes d’ordre du Service de la justice. La question de savoir si ce Bureau est consulté ou non dans les procédures de naturalisation peut être laissée ouverte, vu le considérant 5 ci-après.

5.                                L’Autorité de céans n’est pas liée par les motifs invoqués par les parties (art. 391 al. 1 let. a CPP). Bien que le recourant ne fasse pas valoir cet aspect, l’Autorité de céans relève qu’il ne ressort nullement du dossier que Y.________ aurait été entendu avant que ne soient rendues contre lui les dix ordonnances pénales administratives mentionnées plus haut. Or, dans un arrêt publié au recueil officiel et qui concernait, comme en l’espèce, une affaire ne présentant aucune difficulté en fait ni en droit et où seule une contravention était en jeu – le prévenu avait été condamné à une amende de 800 francs par voie d’ordonnance pénale pour insoumission à une décision de l’autorité (art. 292 CP), pour avoir ordonné à ses employés d’arracher plusieurs pieds de vigne alors qu’une ordonnance de mesures superprovisionnelles le lui l’interdisait –, le Tribunal fédéral a jugé que, bien que l’opposition du prévenu à une ordonnance pénale n’avait pas à être motivée et que la ligne de défense du prévenu consistait tout simplement à alléguer qu’il n'avait pas connaissance de ladite ordonnance au moment où il a ordonné l'arrachage des pieds de vigne, ce prévenu « a[vait] été contraint d'organiser sa défense en ayant été condamné sans avoir préalablement eu la possibilité de s'exprimer. Dans une telle configuration, le recours à un avocat apparaît raisonnable » (ATF 142 IV 45 cons. 2.2). Il faut déduire de cette jurisprudence qu’en matière de contraventions, le droit à une indemnisation au sens de l’article 429 al. 1 let. a CPP est ouvert de manière systématique au prévenu acquitté ou mis au bénéfice d’un classement, si ce prévenu a été condamné sans avoir eu préalablement l’occasion de s’exprimer. Dès lors qu’en l’occurrence, il n’existe aucun motif de refuser cette indemnité au recourant, au sens de l’article 430 CPP, le recours est bien fondé sur ce point.

6.                                Reste à déterminer si l’indemnité au sens de l’article 429 al. 1 let. a CPP (à la charge de l’État) doit ou non céder le pas à l’indemnité au sens de l’article 432 al. 2 CPP, réclamée par le recourant à titre principal à X.________.   

6.1                   L’indemnisation du prévenu incombe principalement à l’État. Une telle indemnisation intervient toutefois de façon subsidiaire, dans la mesure où une indemnisation par la partie plaignante est possible aux conditions de l’article 432 CPP. Cette limite est concrétisée par l’article 430 al. 1 let. b CPP, qui dispose que l’autorité pénale peut réduire ou refuser l’indemnité ou la réparation du tort moral lorsque la partie plaignante est astreinte à indemniser le prévenu. L'article 432 CPP représente à cet égard un correctif voulu par le législateur pour tenir compte des situations dans lesquelles la procédure est menée davantage dans l'intérêt de la partie plaignante ou lorsque celle-ci en a sciemment compliqué la mise en œuvre (arrêt du TF du 29.05.2019 [6B_476/2019] cons. 5.1 et les arrêts citée).

                        Aux termes de l’article 432 CPP, le prévenu qui obtient gain de cause peut demander à la partie plaignante une juste indemnité pour les dépenses occasionnées par les conclusions civiles (al. 1). Lorsque le prévenu obtient gain de cause sur la question de sa culpabilité et que l'infraction est poursuivie sur plainte, la partie plaignante ou le plaignant qui, ayant agi de manière téméraire ou par négligence grave, a entravé le bon déroulement de la procédure ou a rendu celle-ci plus difficile peut être tenu d'indemniser le prévenu pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (al. 2). Cette disposition constitue le pendant de l’article 427 al. 2 CPP, qui régit les conditions dans lesquelles les frais de procédure peuvent être mis à la charge de la partie plaignante ou du plaignant (ATF 138 IV 248 cons. 5.3). La jurisprudence concernant cette disposition est donc applicable par analogie à l’article 432 al. 2 CPP (ATF 138 IV 248 cons. 5.3 ; arrêt du TF du 18.07.2013 [6B_438/2013] cons. 3.1). Dans ce contexte, le plaignant doit être compris comme la personne qui a déposé une plainte et qui a renoncé à user des droits qui sont les siens au sens de l’article 120 CPP, par opposition à la partie plaignante qui dépose une plainte pénale et qui prend part à la procédure (ATF 138 IV 248).

                        Le dommage dont il est question à l'article 432 al. 2 CPP est le même que celui de l'article 429 al. 1 let. a CPP, aux termes duquel le prévenu acquitté totalement ou en partie ou qui bénéficie d'une ordonnance de classement – respectivement d’une non-entrée en matière – a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.

6.2                   En l’espèce, X.________ ne peut être qualifiée ni de plaignante, ni de partie plaignante au sens de l’article 432 al. 2 CPP, à mesure qu’on ne voit pas – et qu’elle n’a jamais exposé – en quoi elle pouvait être lésée par les infractions qu’elle a dénoncées. En effet, aux termes de l’article 258 al. 1 CPC – qui a le pas sur l’article 22 CPN, en vertu de l’article 335 al. 1 CP –, « [l]e titulaire d’un droit réel sur un immeuble peut exiger du tribunal qu’il interdise tout trouble de la possession et qu’une infraction soit, sur plainte, punie d’une amende de 2000 francs au plus. L’interdiction peut être temporaire ou de durée indéterminée ». La contravention prévue par cette disposition n’est ainsi poursuivie que sur plainte et seul le titulaire d’un droit réel sur l’immeuble est habilité à déposer plainte (Bohnet in CR CPC, 2e éd., n. 7-7b ad art. 258). Or rien au dossier n’indique que X.________ aurait été, au moment des faits, titulaire d’un droit réel sur la place de parc privée n° 7 se trouvant dans le garage souterrain à [aaaa] ; X.________ ne l’a d’ailleurs jamais prétendu, pas plus qu’elle n’a prétendu avoir dénoncé les infractions au nom et pour le compte d’un tiers déterminé. Le dossier ne permet au surplus pas d’identifier le propriétaire de la place litigieuse. 

7.                                a) Indépendamment des articles 427 et 432 CPP, l’article 420 CPP permet à la Confédération ou au canton d’intenter une action récursoire contre les personnes qui, intentionnellement ou par négligence grave, ont provoqué l’ouverture de la procédure (let. a), rendu la procédure notamment plus difficile (let. b) ou provoqué une décision annulée dans une procédure de révision (let. c). Cette norme consacre l’action récursoire de l’État contre les personnes qui lui ont causé, intentionnellement ou par négligence grave, des frais tels que frais de procédure ou indemnisation du préjudice et du tort moral subis par le prévenu ayant bénéficié d’un classement ou ayant été acquitté. Vu l’intérêt de la collectivité à ce que les particuliers contribuent également à dénoncer les agissements susceptibles d’être sanctionnés, l’État ne doit faire usage de l’action récursoire qu’avec retenue. Néanmoins, il paraît conforme au principe d’équité de faire supporter les frais de procédure à celui qui saisit l’autorité de poursuite pénale de manière infondée ou par malveillance. Une action récursoire entre en ligne de compte en cas de soupçons sans fondement, mais non lorsqu’une plainte est déposée de bonne foi. Selon la jurisprudence, le dénonciateur qui utilise le droit de dénoncer à des fins étrangères à celles pour lesquelles ce droit a été prévu agit par négligence grave (arrêt du TF du 05.09.2019 [6B_705/2019] cons. 4.1 et les arrêts cités ; arrêt de l’autorité de céans du 08.01.2020 précité, cons. 4c et les réf. citées).

                        b) En l’espèce, la procédure litigieuse a été initiée en raison des signalements adressés par X.________ SA au Service de la sécurité urbaine de la Ville de Neuchâtel. X.________ SA a ainsi agi comme dénonciatrice. À ce titre, elle est susceptible de faire l’objet d’une action récursoire, au sens de l’article 420 CPP.

                        Le recourant n’a toutefois pas la qualité pour se plaindre de ce que le Ministère public n’a pas appliqué l’article 420 CPP, qui tend uniquement à sauvegarder les intérêts de l’État. S’agissant de cette disposition, la décision querellée ne peut donc pas être réformée au préjudice de X.________ SA.

8.                                Le montant réclamé par le recourant se fonde sur la note d’honoraires finale du 18 mai 2020. Ce document ne mentionne toutefois pas le temps consacré en rapport avec chacune des activités, si bien qu’une estimation s’impose.

8.1                   Cette estimation se fonde sur les éléments suivants. Pour l’ensemble de l’affaire, on peut fixer à 90 minutes le temps total à consacrer à des entretiens avec le client et à la prise de connaissance du dossier. Pour la rédaction des deux oppositions, des courriers de relance des 13 mai 2019 et 27 avril 2020, des explications du 3 juin 2019 et des lettres des 18 et 19 mai 2020, un total de 75 minutes d’activité est admis, ainsi que des débours par 14.60 francs ressortant du dossier. Pour la rédaction des quatre lettres à X.________ SA et le temps consacré à un entretien téléphonique avec un collaborateur de cette société, 75 minutes d’activité sont admises, ainsi que des débours par 4 francs ressortant du dossier. L’établissement du mémoire d’honoraires relève du travail de secrétariat ; il est déjà indemnisé via le tarif horaire appliqué.   

8.2                   a) Aux termes de l’article 40 al. 2 de la loi cantonale sur la profession d'avocat ou d'avocate (LAv, RSN 165.10), les honoraires de l’avocat sont fixés en tenant compte du temps nécessaire à la cause, de sa nature, de son importance, de sa difficulté, de la valeur litigieuse, du résultat obtenu, ainsi que de la responsabilité encourue par l'avocat(e) et de la situation financière de la cliente ou du client. Cette disposition ne prévoit donc pas un tarif unique. Selon la jurisprudence rendue par l’Autorité de céans en application de l’article 429 al. 1 let. a CPP, le tarif usuel du barreau se situe dans le canton de Neuchâtel entre 250 et 300 francs par heure ; l’utilisation d’une fourchette plutôt que d’un tarif horaire fixe se justifie afin de tenir compte des particularités du cas concret, notamment de l’ampleur et de la difficulté de la cause, de sa nature, de son importance, ainsi que de la responsabilité encourue par le mandataire ; ces critères peuvent varier d’une affaire à l’autre, mais aussi d’une cour à l’autre, en fonction de la nature des causes qui lui sont soumises (arrêt de l'Autorité de céans du 20.06.2019 [ARMP.2019.54] cons. 4.1 et les arrêts cités). De tels montants sont conformes à ceux qu’admet la jurisprudence fédérale, laquelle précise que les frais de défense doivent « être raisonnables compte tenu de la complexité et de la difficulté de l'affaire » (ATF 142 IV 163).

                        b) En l’espèce, l’intervention de Me A.________ était de faible ampleur, dans une affaire ne comportant aucune difficulté en fait ou en droit et qui, comme déjà dit (v. supra cons. 4), ne nécessitait pas l’intervention d’un avocat. Il se justifie donc d’indemniser l’activité au tarif horaire de 250 francs, soit des honoraires d’environ 1'000 francs, auxquels il convient d’ajouter les débours (18.60 francs) et la TVA (78.50 francs). Le montant de l’indemnité peut ainsi être arrondi à 1'100 francs.

9.                                Vu l’ensemble de ce qui précède, les frais de la procédure de recours seront laissés à la charge de l’État (art. 423 et 428 al. 1 CPP ; art. 9 de la loi du 6 novembre 2019 fixant le tarif des frais, des émoluments de chancellerie et des dépens en matière civile, pénale et administrative [LTFrais, RSN 164.1], s’agissant des points sur lesquels le recourant succombe).

Pour les besoins de la procédure de recours, le recourant a droit à une indemnité couvrant les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure, laquelle sera fixée à 700 francs, en l’absence de mémoire d’honoraires (indemnisation d’environ 150 minutes d’activité au total, et débours par 6.30 francs).

Par ces motifs,
L'AuTORITE DE RECOURS EN MATIERE PENALE

1.    Admet le recours, annule l’ordonnance en matière d’indemnisation du 15 juillet 2020 et réforme comme suit son dispositif : « Octroie à Y.________ une indemnité de 1'100 francs, à la charge de l’État (art. 429 al. 1 let. a CPP) ».

2.    Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l’État.

3.    Alloue au recourant une indemnité de 700 francs, à la charge de l’État (art. 429 al. 1 let. a CPP), pour la procédure de recours.

4.    Notifie le présent arrêt à Y.________, par Me A.________, et au Ministère public, à La Chaux-de-Fonds (MP.2018.4416).

Neuchâtel, le 25 septembre 2020

Art. 429 CPP
Prétentions
 

1 Si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s’il bénéficie d’une ordonnance de classement, il a droit à:

a. une indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure;

b. une indemnité pour le dommage économique subi au titre de sa participation obligatoire à la procédure pénale;

c. une réparation du tort moral subi en raison d’une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté.

2 L’autorité pénale examine d’office les prétentions du prévenu. Elle peut enjoindre à celui-ci de les chiffrer et de les justifier.

Art. 432 CPP
Prétentions à l’égard de la partie plaignante et du plaignant
 

1 Le prévenu qui obtient gain de cause peut demander à la partie plaignante une juste indemnité pour les dépenses occasionnées par les conclusions civiles.

2 Lorsque le prévenu obtient gain de cause sur la question de sa culpabilité et que l’infraction est poursuivie sur plainte, la partie plaignante ou le plaignant qui, ayant agi de manière téméraire ou par négligence grave, a entravé le bon déroulement de la procédure ou a rendu celle-ci plus difficile peut être tenu d’indemniser le prévenu pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure.