A.                               X.________ est chauffeur de bus employé par la compagnie A.________, entité qui met à la disposition de la population neuchâteloise des transports publics.

                        Le 19 septembre 2018, X.________ a été contrôlé par la Police neuchâteloise alors qu’il circulait au volant d’un bus des transports publics A.________. La police avait notamment constaté que l’intéressé conduisait son bus tout en ayant, devant lui, un téléphone portable allumé, ce qui lui donnait la possibilité de visionner un match de football (rapport de police du 23.09.2018 – dossier MP.2019.1000 ouvert contre X.________, qui a donné lieu à une ordonnance pénale du 4 février 2020 sanctionnant plusieurs infractions à la LCR, à laquelle l’intéressé a fait opposition). X.________ a admis la présence du téléphone portable mais a contesté qu’il était en train de regarder le match, se contentant, selon lui, d’en écouter les commentaires.

                        La procureure-assistante a adressé au mandataire de X.________, le 9 décembre 2019, différents courriers électroniques échangés au sein de l’entreprise A.________. Le mandataire a indiqué avoir constaté à ce moment-là que, le 20 septembre 2018, soit le lendemain du contrôle de son client, B.________, caporal au sein de la Police neuchâteloise, avait informé, téléphoniquement puis par courriel, l’employeur du chauffeur de bus que la veille, celui-ci « circulait au volant de son bus […], suite à une vitesse inadaptée et un manque d’attention, il a brûlé un feu rouge. Au moment où [la police] lui av[ait] fait la remarque, soit à [l]’arrêt qui se trouve en haut des Terreaux, [elle] av[ait] constaté qu’il avait son téléphone portable allumé posé sur le tableau de bord derrière le volant et qu’il regardait la TSR 2 qui diffusait le match. A noter que dans le bus, il devait y avoir une dizaine de personnes ».

                        Le mandataire de X.________ a demandé le 13 décembre 2019, dans le dossier de la cause MP.2019.1000, la récusation de B.________.

B.                               Le 24 janvier 2020, X.________ a dénoncé, respectivement porté plainte contre B.________, pour violation du secret de fonction (art. 320 CP) et abus d’autorité (art. 312 CP). Le plaignant exposait tout d’abord qu’il contestait l’infraction routière qu’il lui était reproché d’avoir commise le 19 septembre 2018, à savoir de ne pas avoir respecté la signalisation lumineuse en descendant la Boine, soit en passant au feu rouge, soutenant s’être engagé sur le carrefour du haut des Terreaux à une vitesse limitée, à un moment où le feu était encore vert. Dans ce contexte et vu la configuration des lieux ainsi que la longueur de son bus, il ne pouvait exclure qu’au moment où l’arrière de celui-ci était encore sur le carrefour, le feu soit devenu rouge pour les policiers en patrouille qui étaient arrêtés en haut de la rue des Terreaux. Le plaignant a par ailleurs admis avoir été, lors de cette manœuvre, en train d’écouter, sur son téléphone portable, un match de football mais a contesté l’avoir regardé. Au moment de consulter le dossier de la cause, X.________ avait constaté que, le lendemain de l’incident, soit le 20 septembre 2018, le caporal B.________ avait informé son employeur, par le biais de son ancien collègue C.________, suppléant qualité à A.________, des faits que la police disait avoir constatés. Selon X.________, ce comportement constituait une violation crasse du secret de fonction au sens de l’article 320 al. 1 CP et était au demeurant constitutif d’un abus d’autorité au sens de l’article 312 CP. En effet, « investi de la puissance publique en tant que policier, [B.________] a tenté, illicitement, de nuire au plaignant en informant l’employeur d’une soi-disant infraction, avant même que celle-ci ne soit instruite et jugée, en relavant que c’est avant l’établissement de son rapport qu’il a informé l’employeur du plaignant ». Le plaignant souligne en outre que, depuis le contrôle du 19 septembre 2018, il fait régulièrement l’objet de contrôles routiers et s’interroge s’ils ne sont pas en lien avec cette affaire.

C.                               Le 28 janvier 2020, le procureur général a invité B.________ à se déterminer sur la suite qu’il conviendrait de donner à la plainte de X.________, en le priant de joindre à ses observations, si elle existe, une directive relative aux informations qu’il aurait à donner dans ce contexte, pour le cas où, comme le plaignant l’affirme, il aurait informé l’employeur de ce dernier des faits qui lui étaient reprochés.

                        Le 30 janvier 2020, B.________ a fait suivre au procureur général sa prise de position du 20 janvier 2020 au sujet de sa récusation, sollicitée dans la procédure dirigée contre X.________ (cause MP.2019.1000), et a indiqué, d’une part, qu’il n’existait pas de directive concernant la transmission des informations et, d’autre part, qu’il s’était référé aux articles 93 al. 2 LPol et 25 al. 1 let. a de la Convention intercantonale relative à la protection des données et à la transparence dans les cantons du Jura et de Neuchâtel. L’annexe produite, soit le courrier précité du 20 janvier 2020 à la procureure-assistante, précisait qu’avant de faire part téléphoniquement à A.________ des infractions commises, son auteur, soit B.________ s’était « approché de [s]on secteur juridique, avec lequel [il est] parti de l’idée qu’une telle information à l’employeur était possible sur la base des art. 93 al. 2 LPol et 25 al. 1 let. a de la Convention relative à la protection des données et à la transparence dans les cantons du Jura et de Neuchâtel, et se justifiait pour des raisons de sécurité des voyageurs transportés dans les bus conduits par l’intéressé et dont l’entreprise A._________ la responsabilité. La pesée des intérêts en présence [leur] semblait clairement aller dans le sens d’une information à l’employeur afin de lui donner l’opportunité de prendre les mesures qui s’imposaient dans ces circonstances pour assurer la sécurité des voyageurs » (lettre de B.________ à la procureure assistante G.________ du 20.01.2020).

D.                               Le 31 janvier 2020, le procureur a renoncé à entrer en matière sur la plainte de X.________ du 24 janvier 2020. Il a retenu que les faits que le plaignant reprochait au caporal B.________ d’avoir commis étaient couverts par le devoir de fonction et que, à supposer – ce qui n’était pas l’avis du Ministère public – que les articles 93 al. 2 LPol et 25 al. 1 de la Convention intercantonale relative à la protection des données et à la transparence dans les cantons du Jura et de Neuchâtel ne justifiaient pas en eux-mêmes la manière de faire du policier, il y avait lieu de retenir une erreur sur l’illicéité, au sens de l’article 21 CP, puisque le caporal B.________ avait pris la peine de demander un avis autorisé avant d’agir. Il n’y avait en tout état de sa part, aucune volonté de nuire au plaignant, au sens de l’article 312 CP, ni, de manière plus générale, d’intention délictueuse.

E.                               Par arrêt du 9 mars 2020, l’Autorité de recours en matière pénale a admis partiellement le recours interjeté le 11 février 2020 par X.________ contre la décision précitée et annulé celle-ci. En substance, l’Autorité de céans a tout d’abord relevé l’absence de preuve formelle selon laquelle B.________ se serait adressé à son service juridique avant de communiquer à l’employeur de X.________ les faits constatés et contestés par ce dernier, le Ministère public ne pouvant pas retenir une erreur sur l’illicéité sans éclaircissement sur ce point. De plus, il ne ressortait pas du dossier qu’une autorisation du commandant de la Police neuchâteloise avait été obtenue ou même sollicitée, conformément à l’article 93 al. 2 LPol, pour la communication à un tiers. Dès lors, le Ministère public ne pouvait pas considérer que B.________ avait respecté son secret et ses devoirs de fonction. En outre, il apparaissait qu’aucun élément au dossier n’empêchait B.________ de laisser s’écouler le temps nécessaire pour obtenir l’aval du commandant de la police avant d’informer l’employeur de X.________. Il n’était ainsi pas d’emblée évident que des faits justificatifs extra-légaux pouvaient être retenus en faveur de B.________. Ces éléments devaient encore faire l’objet d’investigation. Par conséquent, les éléments pour une non-entrée en matière immédiate n’étaient pas réunis concernant la violation du secret de fonction. S’agissant de la violation de l’article 312 CP, relatif à l’abus d’autorité, l’Autorité de recours a considéré qu’au vu de l’intérêt public à la sécurité routière, la communication fait par B.________ n’avait pas pour but de nuire à X.________. Faute d’éléments tangibles de commission d’une infraction, c’était à bon droit que le Ministère public avait refusé d’entrer en matière sur ce point.

F.                               Suite à ce renvoi, le Ministère public a invité à D.________, responsable du service juridique de la police neuchâteloise, par courrier du 23 mars 2020, à répondre à une liste de questions, après s’être fait délier du secret de fonction si nécessaire, et en attirant son attention sur le fait que sa « déposition sera considérée comme un témoignage, avec les obligations qui s’attachent à ce sujet et qu[’il ] ne pens[ait] n’avoir pas besoin de [lui] rappeler ».

                        Par courrier du 30 mars 2020, D.________ a indiqué, en substance, se rappeler la visite du caporal B.________ dans son bureau pour parler de l’affaire en cause, bien que ce souvenir soit quelque peu flou ; qu’elle ne se souvenait plus de la date à laquelle il l’avait sollicitée mais qu’elle avait déduit des propos de ce dernier que les faits s’étaient déroulés peu de temps, soit juste quelques jours, avant ; qu’elle se souvenait par contre bien du sujet discuté, le caporal B.________ lui ayant demandé s’il était autorisé à en informer la compagnie A.________, au vu de la gravité de la situation ; que cette affaire lui avait rappelé une affaire similaire dont elle avait parlé avec sa collègue, E.________ ; qu’après relecture des dispositions légales, elle était arrivée à la conclusion qu’elles s’appliquaient au cas d’espèce et avait dit sur cette base au caporal B.________ qu’il pouvait informer l’employeur ; que selon elle, il s’agissait de permettre à l’employeur, qui a la responsabilité d’assurer la sécurité des passagers, de prendre les mesures nécessaires compte tenu de l’attitude irresponsable du chauffeur et du risque de récidive ; que la police neuchâteloise avait également la responsabilité d’assurer la sécurité publique et que, dans ce contexte, l’information à l’employeur était le moyen opportun pour y parvenir ; qu’elle considérait ces intérêts comme prépondérant par rapport à l’intérêt privé du chauffeur à la non divulgation de l’infraction commise ; qu’en autorisant le caporal B.________ à informer l’employeur, elle avait agi dans le cadre de ce qui était autorisé par la loi ; que l’échange qu’elle avait eu avec le caporal B.________ avait été purement oral, en présence de E.________ ; que le commandant de la police n’avait pas été informé du cas particulier en raison de l’application de la circulaire 1.101 relative au secret de fonction, laquelle prévoit en son chiffre 3.4 que « la présente circulaire fait office d’autorisation pour la transmission des informations à des services/autorités partenaires en vertu de l’article 93 LPol. En cas de doute, le secteur juridique de la PONE est compétent pour statuer » ; que le commandant avait édicté une modalité d’exécution de l’article 93 LPol dans cette circulaire, vu qu’il lui était impossible de traiter les nombreux cas de transmissions d’informations se présentant quotidiennement ; qu’au vu de cette circulaire, elle n’avait donc pas l’obligation de soumettre le cas d’espèce au commandant et que, même si celui-ci avait été sollicité, il se serait appuyé sur l’analyse et les conclusions du secteur juridique ; qu’au vu de la circulaire, elle n’avait pas informé le caporal B.________ que, selon la loi sur la police, la décision d’autoriser un policier à révéler des faits devait être prise par le commandant ; que le caporal B.________ travaillant au sein de l’entité police secours, son rapport de dénonciation pouvait prendre jusqu’à six semaines, selon le cours ordinaire des choses dans cette entité, avant d’être livré aux autorités compétentes ; qu’il lui apparaissait ainsi raisonnable et proportionnel d’informer A.________, afin que sa direction puisse prendre des éventuelles mesures urgentes en attendant celles des autorités. D.________ a joint à sa lettre la directive 1.101 relative au secret de fonction ainsi que l’autorisation du conseiller d’État à participer en qualité de témoin à la présente procédure.

                        Par courrier du 7 avril 2020, le Ministère public a transmis à X.________ une copie de l’échange de correspondance intervenu avec D.________ en lui impartissant un délai de 10 jours pour lui faire parvenir d’éventuelles questions complémentaires à poser à cette dernière. Il a précisé, qu’à défaut, il rendrait probablement une nouvelle ordonnance de non-entrée en matière.

                        Le 20 avril 2020, X.________ a manifesté sa surprise relative au fait que le Ministère public considérait que ce questionnaire écrit soit suffisant comme mesure d’instruction. En qualité de plaignant, il était en droit de participer aux actes d’instruction et l’audition de D.________ devait se faire en sa présence. Au surplus, il ne lui apparaissait pas que cette dernière pouvait être dispensée formellement d’être informée des conséquences d’un faux témoignage, même si elle était membre de la police. Il a ainsi requis l’audition de D.________ pour lui poser des questions complémentaires, de même que celle de B.________.

                        Par lettre du 28 avril 2020, le Ministère public a répondu qu’il lui avait transmis les réponses de D.________ en l’invitant à lui faire parvenir des questions complémentaires en raison de son droit de participer aux actes d’instruction. Le Ministère public a précisé qu’il avait décidé d’appliquer l’article 145 CPP qui lui permettait de demander un rapport écrit en lieu et place d’une audition. Cette manière de procéder étant usuelle avec la police qui avait l’habitude de rédiger des rapports écrits. Un délai de dix jours a été de nouveau imparti à X.________ pour déposer des questions complémentaires à D.________. Le Ministère public a encore indiqué que la remarque relative à la manière de rappeler à la cheffe du secteur juridique de la police les conséquences d’un faux témoignage relevait du formalisme excessif et que B.________ serait entendu prochainement.

                        Le 4 mai 2020, X.________ a, en substance, rappelé que le rapport écrit ne saurait permettre de contourner les dispositions fondamentales de procédure et qu’en fonction de son statut, la personne requise devait être informée de ses droits, faute de quoi la preuve serait inexploitable. Il a indiqué qu’il ne s’agissait donc pas de formalise excessif et que les témoins qui avaient émis un rapport écrit pouvaient être aussi entendus oralement. Il a estimé que, dans la mesure où B.________ sera entendu le 11 mai 2020, le nouveau délai imparti de dix jours, échéant le 9 mai 2020, pour déposer d’éventuelles questions écrites à D.________ violait son droit d’être entendu. Il se réservait ainsi le droit de requérir une audition contradictoire de D.________ après l’audition de B.________, cas échéant, une confrontation avec ce dernier.

                        Par courrier du 6 mai 2020, le Ministère public a exposé les raisons pour lesquelles la remarque relative à la manière de rappeler au témoin D.________ les conséquences relatives à un faux témoignage lui avaient paru relever d’un formalisme inutile. Il a également souligné que X.________ avait unilatéralement décidé de prolonger le délai imparti pour poser des questions supplémentaires au témoin et qu’il s’accommodait de cette manière de faire même si elle n’était pas conforme à la distribution des rôles prévue par le code de procédure pénale.

                        Le 11 mai 2020, B.________ a été entendu en qualité de prévenu par le procureur général. Il a notamment déclaré se rappeler avoir discuté avec X.________ de la question d’avertir son employeur. Il lui avait recommandé de l’informer en lui précisant qu’il le ferait également. X.________ avait répondu qu’il le ferait de suite. Il ne se souvenait pas d’avoir parlé d’un délai particulier. Le lendemain des faits, il était allé voir D.________ et E.________ afin de discuter s’il avait le droit d’avertir l’employeur de X.________. Après avoir consulté la loi, ces dernières lui avaient répondu qu’il pouvait le faire et ce même avant qu’un rapport soit rédigé. Il a rappelé que dans le cadre de police-secours, il pouvait s’écouler un certain temps entre la constatation d’une infraction et l’établissement d’un rapport. En l’espèce, le rapport avait été rédigé dans les deux ou trois jours car sa collègue gendarme effectuant un stage au sein de police-secours avait tenu à le faire. Il aurait normalement dû rédiger le rapport étant donné qu’il avait constaté l’infraction. Il a précisé qu’au moment des faits, X.________ ne les contestait pas et que si tel avait été le cas, il aurait été entendu le soir même et un procès-verbal aurait été établi. Il avait estimé devoir informer l’employeur vu qu’il s’agissait d’un chauffeur professionnel mais également d’un conducteur de transports publics et que la question d’un retrait de permis pouvait se poser. Le fait que le SCAN reçoive également le rapport de police ne paraissait pas suffisant comme mesure étant donné que ce service n’informe pas, selon lui, les employeurs dans de telles situations. Il apparaissait important que A.________ puisse suivre l’affaire et prendre les mesures qui lui sembleraient adéquates. B.________ a encore précisé que D.________ et E.________ ne lui avaient pas donné d’instructions sur la manière d’informer l’employeur de X.________. Il avait alors téléphoné à A.________ en demandant à ce que l’on lui passe le responsable des chauffeurs. Il avait ainsi été mis en contact avec C.________, un ancien collègue, dont il ignorait qu’il travaillait là. Il n’avait pas eu connaissance des réponses de D.________ au procureur général. Il a affirmé avoir pris conseil auprès du service juridique avant de téléphoner à A.________. Le courriel adressé à A.________ n’avait pas été annexé au rapport car c’était sa collègue qui avait envoyé le rapport et elle n’avait pas accès à sa boîte électronique.

                        Par lettre du 13 mai 2020, le Ministère public a informé X.________ de la prochaine clôture de l’instruction et lui a fixé un délai de dix jours pour proposer d’éventuelles preuves supplémentaires. Il a précisé qu’au stade actuel du dossier, il apparaissait que les indices d’un comportement contraire au droit de la part de B.________ étaient insuffisants pour justifier son renvoi devant un tribunal et envisageait ainsi le classement de la plainte.

                        Le 4 juin 2020, X.________ a allégué, en substance, que le Ministère public était toujours parti du principe que B.________ n’avait jamais violé son secret de fonction et que ce dossier avait été traité de manière dirigée. Il était désagréablement surpris de la manière dont cette procédure s’était déroulée depuis son opposition à l’ordonnance pénale fondée sur l’article 90 al. 1 LCR, soit une faute légère. Il a souligné que le témoin D.________, par le service juridique de la police, était en contact étroit avec B.________ et qu’elle avait également agi en qualité de mandataire puisqu’elle avait rédigé plusieurs prises de position pour ce dernier dans ce dossier. Au vu de cette proximité, leurs déclarations ne pouvaient pas être prises pour « argent comptant ». Il a également relevé que la directive relative au secret de fonction fournie par D.________ n’était pas en vigueur au moment des faits, celle-ci ayant été édictée le 21 février 2020. Il ne comprenait toujours pas pour quelles raisons, B.________ avait informé A.________ alors qu’une faute légère au sens de l’article 90 al. 1 LCR avait été retenue à son encontre. Au vu de cette faute, il s’interrogeait également sur la proportionnalité et la motivation de cette dénonciation, intervenue avec l’aval du service juridique. Finalement, il a requis l’audition de D.________.

                        Le 9 juin 2020, le Ministère public a répondu qu’il s’était déjà déterminé sur l’opportunité d’une audition de D.________ et n’avait pas de raison de revenir sur sa décision. Il a relevé que X.________ n’avait pas posé de questions supplémentaires dans le délai qu’il avait unilatéralement prolongé et que son dernier courrier soulevait diverses questions mais n’en posait pas formellement. Dès lors, il lui a été fixé un ultime délai de trois jours afin de poser des questions pouvant être transmises à D.________. Le Ministère public a précisé qu’il demanderait d’office des explications sur la date de la directive à laquelle D.________ s’était référée. Il a relevé qu’il n’était pas surpris par le fait que B.________ avait consulté le service juridique de la police, un tel service ayant précisément pour but de conseiller les employés. Il n’y avait donc pas lieu d’y voir une « collusion ». Il a également rappelé que le SCAN pouvait prendre des décisions en matière de retrait de permis de conduire même en l’absence de faute grave et qu’il ne partageait pas l’avis de la police sur la qualification de l’infraction puisqu’une instruction était ouverte en application de l’article 90 al. 2 LCR, soit une faute grave.

                        Par courrier du 12 juin 2020, X.________ a indiqué qu’il prenait note que le Ministère public ne voulait pas entendre D.________ dans le cadre d’une audience orale. Il a réitéré qu’il s’agissait d’une violation crasse de son droit d’être entendu. Un questionnaire écrit ne permettait pas de rebondir par de nouvelles questions à des réponses considérées comme imprécises ou insatisfaisantes. En outre la collaboration entre B.________ et D.________ n’excluait pas qu’ils puissent se concerter pour répondre aux nouvelles questions, ce qui avait déjà été le cas dans ce dossier. Il n’entendait pas poser des questions complémentaires par écrit.

                        Le 17 juin 2020, le Ministère public a interpelé D.________ notamment sur la directive 1.101 relative au secret de fonction pour savoir s’il existait une telle directive en vigueur au moment des faits.

                        Par courrier du 23 juin 2020, D.________ a déposé une copie de la directive 1.101 datée du 20 avril 2018, soit la version en vigueur au moment des faits.

                        Le 1er juillet 2020, le Ministère public envoyé à X.________ une copie de la réponse de D.________ et lui a imparti un délai de dix jours pour lui faire part d’éventuelles questions complémentaires ou d’observations, après quoi il statuerait. Il a précisé qu’il envisageait de rendre une nouvelle ordonnance de classement.

                        Le 7 juillet 2020, X.________ a réaffirmé qu’en renonçant à informer D.________ de ses droits et devoirs de témoin, son témoignage perdait toute valeur. Il a également relevé une nouvelle fois une violation de son droit d’être entendu par le fait qu’il ne pouvait pas interroger oralement le témoin. Au vu du dossier, il n’était selon lui pas possible d’affirmer que B.________ avait pris contact avec l’employeur, oralement et par courriel, après avoir pris contact avec le service juridique. Il a relevé des incohérences, ainsi que des contradictions entre les déclarations de B.________ et de D.________. Il en déduisait que c’était « bien postérieurement à l’information à l’employeur, pour les besoins de la cause, qu’il [était] affirmé que cette dénonciation a[vait] été faite sur la base d’une autorisation du service juridique de la PONE ». Il a encore requis la poursuite de la procédure.

G.                               Par ordonnance du 20 août 2020, le Ministère public a prononcé le classement de la procédure pénale ouverte pour déterminer si B.________ s’était rendu coupable de violation du secret de fonction. En substance, après avoir rappelé les avantages et les inconvénients des rapports écrits en lieu et place d’une audition, le procureur général a souligné que le risque que D.________, cheffe du service juridique de la police, cherche à tromper la justice était faible et qu’elle n’avait pas d’intérêt dans l’affaire. Il a également relevé que la contradiction soulevée par le plaignant, soit le temps qui avait séparé le contrôle du chauffeur et le rendez-vous entre l’agent et le service juridique, permettait au contraire de se convaincre qu’il n’y avait pas eu de concertation entre B.________ et le témoin. En outre, la situation sanitaire favorisait clairement un rapport écrit au lieu d’une audition, ce d’autant plus que ce mode de procéder était la règle lors de demandes de renseignements auprès de la police. Il a souligné que le plaignant n’avait pas souhaité poser des questions supplémentaires à D.________. X.________ faisait preuve de formalisme excessif lorsqu’il reprochait au Ministère public le fait de ne pas avoir informé le témoin des conséquences pénales du faux témoignage. En indiquant dans sa demande de renseignement « J’attire votre attention sur le fait que votre déposition sera considérée comme un témoignage, avec les obligations qui s’attachent à ce sujet et que je pense n’avoir pas besoin de vous rappeler », le Ministère public a considéré que D.________ pouvait se rendre compte du cadre dans lequel sa réponse allait être appréciée et qu’elle était, par ailleurs, de par sa formation et sa profession, au courant de ses obligations. Il n’y avait ainsi aucun élément permettant de douter de la véracité des faits rapportés par le témoin et les réponses n’auraient pas été différentes avec l’ajout des conséquences du faux témoignage. S’agissant des reproches faits à B.________ par le plaignant, le Ministère public a résumé la situation et a retenu que quel que soit le résultat de la procédure de renvoi devant le tribunal pour les faits reprochés à X.________, il apparaissait assez naturel que l’employeur de ce dernier soit informé des faits puisque l’infraction reprochée était susceptible d’avoir un impact sur le permis de conduire de l’intéressé, qui pourrait être tenté, en l’absence de communication officielle, de taire le fait et, par conséquent, de continuer à assumer un service public sans en avoir le droit. La communication à l’employeur avait été faite dans le respect de la circulaire 1.101 du commandant de la police et il importait peu que l’entretien avec le service juridique ait eu lieu avant ou après la communication litigieuse, puisque la circulaire était une base suffisante pour légitimer une telle communication, le recours au service juridique n’étant nécessaire qu’en cas de doute, c’est-à-dire à titre purement informatif. Le Ministère public ne voyait pas en quoi X.________ serait lésé étant donné que la correction la plus élémentaire lui commandait d’informer son employeur du contrôle dont il avait fait l’objet ; de toute manière l’employeur aurait été mis au courant de l’affaire puisque le Ministère public avait demandé à A.________ divers renseignements dont il pouvait inférer que tout ne s’était pas passé au mieux le 19 septembre 2018. Pour finir, le Ministère public a relevé que la présente procédure semblait relever davantage de l’esprit de chicane que de la défense d’intérêts légitimes.

H.                               X.________ interjette recours contre cette ordonnance en concluant, sous suite de frais et dépens, à ce que l’ordonnance querellée soit cassée et que le dossier soit retourné au Ministère public pour complément d’instruction, cas échéant, devant le Tribunal de siège pour jugement. En résumé, il allègue une violation du droit d’être entendu dans le sens qu’il n’existe aucun motif sérieux de le priver d’une audition « normale » (de D.________, que les rapports écrits doivent rester l’exception et qu’ils ne répondent pas aux exigences du droit de participer à la procédure. Il soutient qu’il n’y a pas de formalisme excessif à exiger du Ministère public qui entend un témoin de lui rappeler les conséquences du faux témoignage, même s’il fait partie de la police. Selon lui, le maintien du refus du Ministère public d’entendre D.________ alors qu’il y a une incohérence dans la chronologie des faits dans le dossier, a une incidence sur la réalisation des éléments constitutifs de la violation du secret de fonction. Il souligne l’illégalité de la directive 101, dans le sens qu’elle ne respecte pas le principe prévu de l’article 93 al. 2 LPol, selon lequel la transmission de données ne peut avoir lieu qu’avec l’autorisation du commandant de la police. Il se plaint également d’une appréciation arbitraire des faits.

                        Le Ministère public renonce à formuler des observations sur le recours tout en concluant à son rejet.

C O N S I D E R A N T

1.                                Interjeté dans les formes et délai légaux, le recours est recevable.

                        L'Autorité de recours en matière pénale jouit d'un plein pouvoir d'examen, en fait, en droit et en opportunité (art. 393 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par les conclusions de celles-ci, sauf lorsqu'elle statue sur une action civile (art. 391 CPP).

2.                                Le droit d'être entendu découlant de l'article 29 al. 2 Cst. féd. comprend notamment le droit pour le justiciable d'obtenir l'administration des preuves pertinentes et valablement offertes, de participer à l'administration des preuves essentielles et de se déterminer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Cette garantie n'empêche toutefois pas l'autorité de renoncer à procéder à des mesures d'instruction, lorsque les preuves administrées lui ont permis de forger sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (arrêt du TF du 17.09.2019 [6B_568/2019] cons. 2.1 et les références citées).

                        Le droit d'être entendu est une garantie de nature formelle, dont la violation entraîne en principe l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond. Selon la jurisprudence, sa violation peut cependant être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen, comme c’est le cas en l’espèce (art. 391 et 393 al. 2 CPP). Toutefois, une telle réparation doit rester l'exception et n'est admissible, en principe, que dans l'hypothèse d'une atteinte qui n'est pas particulièrement grave aux droits procéduraux de la partie lésée ; cela étant, une réparation de la violation du droit d'être entendu peut également se justifier, même en présence d'un vice grave, lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure, qui serait incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (arrêt du TF du 19.07.2017 [6B_1251/2016] cons. 3.1 et la référence citée).

3.                                Aux termes de l’article 145 CPP, l’autorité pénale peut, en lieu et place d’une audition ou en complément de celle-ci, inviter le comparant à lui présenter un rapport écrit sur ses constatations.

                        Cette disposition règle deux cas de figure. Une première possibilité consiste à remplacer l’audition par un rapport écrit du comparant ; il peut s’agir alors de l’obtention de renseignements à caractère technique (p. ex. auprès d’une banque, d’un réviseur, d’une autorité, d’un médecin, d’un avocat ou d’un notaire) ; il peut également s’avérer disproportionné d’effectuer des auditions – répétitives – de toutes les personnes concernées en cas d’infractions dites de masse, c’est-à-dire commises au détriment de nombreux lésés ; dans de tels cas, un questionnaire standard permet d’obtenir les renseignements nécessaires (Thormann in CR-CPP, 2e éd., n. 1 ad art. 145 et les réf. citées). La seconde possibilité consiste à faire compléter une audition déjà effectuée, du fait que des questions complémentaires sont survenues par la suite ou que la personne, lors de son audition, n’avait pas eu la possibilité de s’exprimer dans le détail (Thormann, op. cit., n. 2 ad art. 145).

                        Le législateur n’ayant pas défini le cercle des personnes pouvant être invitées à se déterminer par écrit, l’autorité peut donc non seulement s’adresser par écrit à un témoin ou à une personne appelée à donner des renseignements, mais aussi à un prévenu (Thormann, op. cit., n. 4 ad art. 145) ou à une partie plaignante.

                        Même si ce moyen de preuve peut remplacer l’audition, il ne saurait être utilisé pour contourner les obligations de l’autorité dans ce contexte. En application des règles de l’article 143 CPP par analogie, l’autorité qui s’adresse par écrit à une personne doit ainsi l’informer de ses droits et joindre à l’envoi les règles applicables en ce qui concerne le droit de refuser de témoigner. A défaut, la preuve est inexploitable. Toutefois, selon la doctrine, il n’est pas possible de rendre attentif un témoin à son obligation de répondre conformément à la vérité étant donné que l’article 307 CP ne réprime que le faux rapport écrit d’un expert (op. cit,. n. 6 ad art. 145). Cela étant, de l’avis de l’Autorité de céans, cette limite de l’article 307 CP ne dispense pas, lors d’une déposition écrite, de rendre le témoin attentif à ses obligations au sens de l’article 177 al. 1 CPP.

                        Il faut également tenir compte des droits des parties tels qu’ils ressortent de l’article 147 CPP. Elles ont le droit de prendre connaissance des réponses et doivent être en mesure de poser ou faire poser des questions complémentaires. Le rapport écrit ne saurait remplacer le droit à la confrontation. Dès lors, les parties peuvent requérir une audition contradictoire, même lorsqu’elles ont eu la possibilité de poser des questions par écrit (op. cit,. n. 8-9 ad art. 145).

4.                                Le recourant reproche au Ministère d’avoir violé son droit d’être entendu en ne donnant pas suite, sans motif légitime selon lui, à sa demande de procéder à l’audition orale de D.________.

                        Le Ministère public a considéré en l’occurrence que le risque que la cheffe du service juridique de la police cherche à tromper la justice était faible et qu’elle n’avait pas d’intérêt direct dans l’affaire. Il n’y avait aucun élément mettant en doute la véracité de ses réponses. La contradiction relevée par X.________, soit le temps qui avait séparé le contrôle du chauffeur et le rendez-vous entre l’agent de police et le service juridique, permettait au contraire de se convaincre qu’il n’y avait pas eu de concertation entre B.________ et le témoin. Le Ministère public a précisé que la situation sanitaire favorisait clairement ce mode de procéder et qu’il était au surplus la règle lors de renseignements requis de la police.

                        L’audition orale d’un témoin est généralement la règle. Toutefois, l’article 145 CPP offre la possibilité d’y déroger et de requérir en lieu et place un rapport écrit. Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée avec retenue et reste une exception, en particulier en ce qui concerne le prévenu (arrêt du TF du 22.12.2017 [6B_688/2014] cons. 6.3.1). Cela étant, en l’occurrence, la demande d’un rapport écrit pouvait se justifier, même en l’absence de constatations techniques et de délits de masse, par le fait qu’il s’agissait d’entendre un témoin et non pas un prévenu et qu’il n’était pas nécessaire pour l’autorité de constater l’impression qui se dégageait de cette personne. Le Ministère public a relevé à cet effet et à juste titre qu’il paraissait peu probable que ce témoin mente à la justice et qu’il n’y avait aucun élément permettant de douter de la véracité de ses déclarations, sachant que le témoin n’avait aucun intérêt dans la procédure. En outre, il se justifiait d’autant plus d’entendre ce témoin de cette manière en raison de la pandémie. En effet, la demande du Ministère public a été envoyée le 23 mars 2020, soit durant la phase de semi-confinement, lors de laquelle seules les audiences indispensables et urgentes ont pu avoir lieu et où les autorités, pénales notamment, ont utilisé les moyens offerts par le CPP pour faire avancer les procédures en dépit des circonstances, en particulier en privilégiant la procédure écrite là où elle était possible. La situation sanitaire liée à la Covid-19 ne permettait pas de reporter toutes les auditions à une date indéterminée et de laisser des dossiers en attente alors qu’ils pouvaient être traités. Cela aurait été disproportionné et contraire au devoir de célérité (art. 5 CPP). On relèvera également que le droit du recourant de participer à l’administration des preuves n’a pas été restreint. Le Ministère public lui a offert, à plusieurs reprises, l’occasion de poser des questions complémentaires, à laquelle il n’a pas donné suite. En outre, le recourant n’expose pas, dans son recours, les éléments dont il aurait pu se prévaloir lors d’une audition orale. Il n’indique pas non plus pour quelles raisons une telle audition serait plus appropriée qu’un rapport écrit dans le cas d’espèce. Le droit d’être entendu ne permet pas au recourant de choisir la manière dont il entend l’exercer. Ce droit peut être limité, dans la manière dont il est exercé, par le respect de règles de forme ou de procédure, comme par exemple, le respect d’un délai (arrêt du TF [6B_688/2014] précité, cons. 6.3.2). Ainsi, le principe de célérité peut justifier une limitation dans la manière de l’exercice du droit d’être entendu. Le recourant fait fausse route en alléguant une possible collusion entre le témoin et le prévenu, ce qui aurait empêché le recours à un rapport écrit. Le fait que le prévenu ait sollicité, même à plusieurs reprises, le service juridique de la police dans le cadre de ses fonctions ne permet pas d’en déduire un risque de collusion. Cela apparaît au contraire comme une utilisation normale d’un service ayant notamment pour but le conseil juridique des agents de police. Un risque de collusion ne saurait ainsi être démontré et le recours à une audition en lieu et place d’un rapport écrit ne se justifiait pas sur cette base.

                        Dès lors, recueillir un rapport écrit à la place d’une audition orale du témoin ne constitue pas une violation du droit d’être entendu. Si tel avait dû être le cas, l’Autorité de céans pourrait la réparer. Par appréciation anticipée de preuve, on devrait alors constater qu’une audition orale suite au rapport écrit ne serait pas à même d’apporter d’autres éléments pertinents permettant de déterminer avec précision à quel moment le service juridique de la police a été consulté. En effet, le témoin et le prévenu se sont déjà largement exprimés sur cette question. Le fait que le témoin ne se souvienne pas de la date exacte mais a déduit des propos du prévenu que les faits s’étaient déroulés peu de temps, soit juste quelques jours, avant apparaît crédible (tout l’enjeu pour le policier était d’écarter un danger pour la circulation routière, ce qui n’avait de réel sens que s’il agissait assez rapidement, sans justement attendre de pouvoir rédiger son rapport écrit) et ne démontre aucune concertation entre les deux protagonistes, au contraire. En effet, dans une telle hypothèse de collusion, les déclarations du témoin auraient été beaucoup plus précises. De plus, au vu de l’écoulement du temps depuis la transmission de l’information reprochée au A.________, soit un peu plus de deux ans maintenant, il semble peu probable que le témoin puisse être aujourd’hui plus précis. Par conséquent, une audition orale de D.________ serait inutile.

                        Le recourant voit encore une contradiction dans le fait que D.________ aurait déclaré que « c’est quelques jours après » que le prévenu l’aurait interrogée sur la proportionnalité de l’information à l’employeur, alors qu’il est établi que cette information est intervenue dans les heures suivant les infractions soi-disant constatées. On ne peut suivre le recourant dans cette argumentation. Il ressort du dossier que la police est intervenue le mercredi 19 septembre 2018 à 21h48 et que l’information litigieuse a été transmise par courriel le jeudi 20 septembre 2018 à 14h54. Ces faits ne sont pas contestés. B.________ a clairement déclaré avoir consulté D.________ avant d’informer A.________. Cette explication – au demeurant parfaitement logique – n’est contredite par aucun élément au dossier et on ne voit pas, près de deux ans après les faits, quel moyen d’investigation pourrait être mis en œuvre et amener à la conclusion que cela ne correspondait pas à la réalité. De plus, fort de l’aval sans réserve obtenu de la part de la cheffe du secteur juridique de la police, B.________ pouvait en tout état de cause se sentir en droit d’informer A.________, si bien qu’on peut exclure toute volonté délictuelle de sa part, soit l’intention, même sous l’angle du dol éventuel, de commettre une violation de son devoir de fonction.

5.                                Le recourant allègue qu’il n’y a pas de formalise excessif à exiger du Ministre public qui entend un témoin de lui rappeler les exigences du CPP, même s’il fait partie de la police, et précise qu’à défaut ce témoignage ne peut être considéré comme tel.

                        La demande de renseignements adressée par le Ministre public à D.________ indique expressément que sa déclaration « sera considérée comme un témoignage, avec les obligations qui s’attachent à ce sujet et que je pense n’avoir pas besoin de vous rappeler ». Il apparaît ainsi que D.________, juriste et cheffe du service juridique, a été dûment informée qu’elle était entendue en qualité de témoin. On doit également considérer que le Ministère public l’a rendue attentive à ses droits et obligations, certes de manière informelle mais cependant de manière bien réelle, étant donné qu’il a précisé qu’il pensait n’avoir pas besoin de les lui rappeler. En effet au vu de sa formation juridique, elle savait ou, à tout le moins, pouvait aisément retrouver les dispositions légales relatives aux droits et obligations d’un témoin afin de se les rappeler. Dès lors, on ne saurait considérer son témoignage comme inexploitable en l’absence de précision expresse sur les droits et obligations du témoin par la mention explicite des dispositions légales et de leur contenu, ce d’autant plus que c’est dans le but de protéger la personne auditionnée que celle-ci doit être rendue attentive à ses droits (Häring, Commentaire bâlois du CPP, n. 10 ad art. 145 CPP). Au demeurant, la production par D.________ des deux directives internes à la police neuchâteloise ne fait pas partie de son témoignage mais relève de la fourniture de renseignements administratifs, non soumise à aux obligations discutées.

6.                                Aux termes de l’article 319 CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a), lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b), lorsque des faits justificatifs empêchent de retenir une infraction contre le prévenu (let. c), lorsqu'il est établi que certaines conditions à l'ouverture de l'action pénale ne peuvent pas être remplies ou que des empêchements de procéder sont apparus (let. d) et lorsqu'on peut renoncer à toute poursuite ou à toute sanction en vertu de dispositions légales (let. e). Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage in dubio pro duriore. Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 cons. 4.2) et signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave (ATF 138 IV 86 cons. 4.1.2; 186 cons. 4.1; 137 IV 285 cons. 2.5).

7.                                a) L’article 320 ch. 1 CP prévoit que celui qui aura révélé un secret à lui confié en sa qualité de membre d’une autorité ou de fonctionnaire, ou dont il avait eu connaissance à raison de sa charge ou de son emploi, sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire. La révélation demeure punissable alors même que la charge ou l’emploi a pris fin. Le chiffre 2 de cette disposition prévoit que la révélation ne sera pas punissable si elle a été faite avec le consentement écrit de l’autorité supérieure. Sous le titre « Actes autorisés par la loi », l’article 14 CP prévoit que quiconque agit comme la loi l’ordonne ou l’autorise se comporte de manière licite, même si l’acte est punissable en vertu du présent code ou d’une autre loi. Sous le titre « Erreur sur l’illicéité », l’article 21 CP dispose que quiconque ne sait ou ne peut savoir au moment d’agir que son comportement est illicite n’agit pas de manière coupable. Le juge atténue la peine si l’erreur était évitable.

                        S’agissant des fonctionnaires de la Police neuchâteloise, le secret de fonction est régi par l’article 76 de la loi sur la police (LPol, RSN 561.1), dont l’alinéa 1er a le contenu suivant : « Les membres de la police sont tenus de garder le secret sur toutes les opérations auxquelles ils procèdent et sur les faits qui sont parvenus à leur connaissance dans l’exercice de leurs fonctions ».

                        La loi sur la police contient en outre un article 93 intitulé « Communication des données » et qui est rédigé comme suit :

1 La police neuchâteloise est habilitée à transférer des données de police à toute autorité de poursuite pénale fédérale, cantonale, communale ou étrangère pour autant qu'une base légale le prévoie ou que la communication soit nécessaire à l'accomplissement des tâches de police.

2 Elle ne peut communiquer des informations à un autre département de l'administration cantonale ou à des tiers justifiant d'un intérêt légitime, avec l'autorisation du commandant de la police neuchâteloise, que si une base légale le prévoit ou si l'accomplissement par le destinataire d'une tâche légale clairement définie l'exige.

                        Finalement, l’article 25 al. 1 de la Convention intercantonale relative à la protection des données et à la transparence dans les cantons du Jura et de Neuchâtel (RSN 150.30) prévoit que les entités ne sont en droit de communiquer des données, d’office ou sur requête, que s’il existe une base légale ou si l'accomplissement par le destinataire d'une tâche légale clairement définie l'exige (let. a) ; la personne concernée y a en l'espèce consenti ou a rendu ses données accessibles à tout un chacun et ne s'est pas opposée formellement à la communication au sens de l'article 36 (let. b) ; le destinataire rend vraisemblable que la personne concernée ne refuse son accord ou ne s’oppose à la communication que dans le but de l’empêcher de se prévaloir de prétentions juridiques ou de faire valoir d’autres intérêts légitimes ; la personne concernée sera auparavant invitée à se prononcer selon l'article 30 (let. c) ; les données sont contenues dans un document officiel auquel l'accès est demandé selon le chapitre IV, et que la communication est justifiée par un intérêt public prépondérant (let d).

8.                                Le recourant allègue que la circulaire 1.101 relative au secret de fonction est illégale. Il relève que cette circulaire, de rang inférieur à la loi, met à néant l’exigence de la nécessaire autorisation du commandant de la police. Selon lui, cette directive paralyse ainsi toute mise en œuvre d’une instruction pour violation du secret de fonction.

                        La circulaire en cause prévoit à son chiffre 3.4 : « Les collaborateurs de la PONE peuvent donner des renseignements à un département ou à un service de l’administration cantonale (ex : ORCT, SMIG) ou de toute autre administration publique (ex : Police des transports) justifiant d’un intérêt légitime, avec l’autorisation du commandant de la police neuchâteloise :

-        si une base légale le prévoit :

Ex : art. 11 de la loi sur l’exécution des peines privatives de liberté et des mesures pour les personnes adultes (LPMPA), permet à la police de donner, aux autorités d’application des peines, les informations nécessaires à l’exécution de leur mission.

-        ou si l’accomplissement d’une tâche clairement définie l’exige

                        La présente circulaire fait office d’autorisation pour la transmission des informations à des services/autorités partenaires en vertu de l’article 93 LPol. En cas de doute, le secteur juridique de la PONE est compétent pour statuer. »

                        On relèvera que l’article 93 LPol qui reprend l’ancien article 49e LPol, prévoit expressément que pour communiquer des informations à un autre département de l’administration cantonale ou à des tiers justifiant d’un intérêt légitime, l’autorisation du commandant de la police neuchâteloise est nécessaire. Le message relatif à l’article 49e aLPol mentionnait que le principe de la communication figurait dans une loi formelle dans la mesure où une telle communication pouvait constituer une atteinte importante à la personnalité des personnes concernées (rapport 12.035 du 25.06.2012 du Conseil d’État au Grand Conseil à l’appui d’un projet de loi portant modification de la loi sur la police neuchâteloise, p. 11). Dans ce contexte, il apparaît qu’en mentionnant expressément que l’autorisation du commandant de la police est nécessaire, le législateur a voulu confier à ce dernier la responsabilité de procéder à la pesée des intérêts nécessaire entre la protection de la personnalité et l’intérêt à la communication des informations. Dans ce cadre, il paraît très discutable que, par le biais d’une directive, le commandant de la police puisse simplement décider d’octroyer une sorte de blanc-seing à chaque agent pour la transmission des informations. Il ne fait aucun doute que le nombre de dossier hebdomadaire nécessitant une transmission d’information par la police à des tiers doit être important. Dès lors, une directive du commandant de la police prend – sur le principe – tout son sens, ce dernier ne pouvant pas personnellement examiner chaque situation dans le détail. Cela étant pour être compatible avec la loi qui soumet à l’accord du commandant de la police toute transmission d’information, une telle directive devrait spécifier clairement les situations dans lesquelles une communication par les agents est d’emblée autorisée et définir de manière très précise les personnes ou services destinataires de la communication, les autres cas devant alors être approuvés par le commandant de la police. En l’état, la circulaire 1.101 ne paraît pas immédiatement compatible avec la loi et les principes administratifs et ne constitue pas une concrétisation en tous points convaincante des dispositions légales applicables (voir arrêt du TF 2C_95/2011 du 11.10.2011 cons. 2.3 et 2C_103/2009 du 10.07.2009 cons. 2.2).

                        Peu importe cependant pour l’issue de la présente cause. Il est établi que B.________ s’est adressé au service juridique de la police, conformément à la directive certes discutable mais en vigueur au moment des faits. Suite au renseignement obtenu par ce service, B.________ pouvait se sentir légitimé à faire la communication reprochée. En effet, il n’avait pas à rechercher d’autres avis étant donné qu’il s’était conformé à la procédure décrite dans la directive et qu’il avait obtenu un avis de la part de la cheffe du service juridique, laquelle était légitimée à le lui donner. Dès lors, on ne saurait lui reprocher une intention délictuelle, pas plus qu’une négligence lors de la transmission de l’information litigieuse.

9.                                Dans un dernier grief, le recourant invoque une appréciation arbitraire des faits. En premier lieu, il relève une contradiction qui à ses yeux empêchait le classement de la procédure en vertu du principe in dubio pro duriore. B.________ a affirmé, dans son courrier du 30 janvier 2020 avec l’aide du service juridique, qu’il n’y avait aucune directive relative à la transmission de données alors que dans son témoignage D.________ indiquait l’existence d’une directive faisant office d’autorisation du commandant de la police. En l’occurrence, cette contradiction n’est pas pertinente car l’existence de cette directive ne saurait être remise en cause.

                        Le recourant allègue encore qu’il n’est pas compréhensible que le service juridique de la police ait donné son accord pour la transmission d’information, sans délai, à l’employeur sans qu’il en soit préalablement informé alors qu’il ne lui était reproché, à ce moment-là, qu’une faute légère au sens de l’article 90 al. 1 LCR. Il en déduit que le service juridique n’a pas été directement informé de la transmission à l’employeur mais que cette information a été donnée au service juridique lors de la demande de récusation de B.________, soit ultérieurement. On peine à suivre le raisonnement du recourant sur ce point. Le fait qu’au moment de l’infraction, seule une faute légère pouvait selon lui entrer en ligne de compte n’implique pas que la communication à l’employeur devait être différée ou ne pas avoir lieu. Si on pouvait imaginer une influence de la nature et de la gravité de l’infraction en lien avec les faits justificatifs extra-légaux, la question de la gravité de la faute commise du point de vue de la LCR n’est plus l’enjeu direct à partir du moment où, comme ici, la directive qui concrétise l’article 93 LPol existe et autorise la transmission de renseignements, notamment pour assurer la sécurité routière. Or ici, il s’agissait d’un chauffeur professionnel travaillant pour une compagnie de transport public à qui il était reproché de ne pas avoir respecté un feu rouge, un retrait de permis de conduire pouvant dès lors être envisagé.

10.                   Vu l’ensemble de ce qui précède, le recours doit être rejeté, aux frais de son auteur qui succombe (art. 428 al. 1 CPP) et n’a partant droit à aucune indemnité.

Par ces motifs,
l'Autorité de recours en matière pénale

1.    Rejette le recours.

2.    Arrête les frais de la procédure à 800 francs et les met à la charge de X.________.

3.    N’alloue aucune indemnité de dépens.

4.    Notifie le présent arrêt à X.________, par Me F.__________ à B.________, c/o Police cantonale, rue des Poudrières 14, à Neuchâtel et au Ministère public, à La Chaux-de-Fonds (MP.2020.506).

Neuchâtel, le 3 décembre 2020

Art. 320 CP
Violation du secret de fonction
 

1. Celui qui aura révélé un secret à lui confié en sa qualité de membre d’une autorité ou de fonctionnaire, ou dont il avait eu connaissance à raison de sa charge ou de son emploi, sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

La révélation demeure punissable alors même que la charge ou l’emploi a pris fin.

2. La révélation ne sera pas punissable si elle a été faite avec le consentement écrit de l’autorité supérieure.

Art. 319 CPP
Motifs de classement
 

1 Le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure:

a. lorsqu’aucun soupçon justifiant une mise en accusation n’est établi;

b. lorsque les éléments constitutifs d’une infraction ne sont pas réunis;

c. lorsque des faits justificatifs empêchent de retenir une infraction contre le prévenu;

d. lorsqu’il est établi que certaines conditions à l’ouverture de l’action pénale ne peuvent pas être remplies ou que des empêchements de procéder sont apparus;

e. lorsqu’on peut renoncer à toute poursuite ou à toute sanction en vertu de dispositions légales.

2 A titre exceptionnel, le ministère public peut également classer la procédure aux conditions suivantes:

a. l’intérêt d’une victime qui était âgée de moins de 18 ans à la date de commission de l’infraction l’exige impérieusement et le classement l’emporte manifestement sur l’intérêt de l’État à la poursuite pénale;

b. la victime ou, si elle n’est pas capable de discernement, son représentant légal a consenti au classement.